Analyse des constructions 'faire partie de' et 'être une partie de' en français

Analyse des constructions 'faire partie de' et 'être une partie de' en français

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Langue French
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  • relation partie-tout
  • constructions linguistiques
  • sémantique

Résumé

I.Contraintes Distributionnelles de Faire partie de et Être une partie de

Cette étude contrastive analyse les contraintes distributionnelles des locutions françaises faire partie de et être une partie de, explorant la relation partie-tout. L'analyse se concentre sur deux contraintes principales: la pluralité de NP1 (le complément) et le caractère dépendant de NP0 (le sujet). L'étude révèle que faire partie de privilégie les compléments NP1 pluriels (pluralité) ou collectifs, tandis que être une partie de les exclut majoritairement. Ce contraste influence la nature de NP0, révélant une différence entre des éléments dépendants et autonomes. L'étude utilise des outils de corpus comme Unitex pour analyser la fréquence des occurrences et identifier les collocates distinctifs de chaque construction. L'analyse porte sur des exemples concrets incluant des noms collectifs, des noms taxonomiques et des expressions idiomatiques illustrant la méronymie.

1. Pluralité de NP1 et la question de la pluralité

Cette section explore la première contrainte distributionnelle majeure : la pluralité du complément (NP1). L'étude observe une différence significative de fréquence entre les deux constructions. Les compléments pluriels sont fréquents après « faire partie de », mais presque inexistants après « être une partie de ». Des exemples comme « tige : partie des plantes vasculaires » illustrent une lecture distributive possible avec « être une partie de », mais impossible avec « faire partie de ». L'analyse s'appuie sur des recherches quantitatives effectuées sur trois corpus, dont le TLFi (Trésor de la Langue Française informatisé), révélant un déséquilibre significatif dans la fréquence d'occurrence de certains noms après « faire partie de » par rapport à « être une partie de ». L'analyse se penche sur les noms collectifs animés et inanimés, constatant l’impossibilité d’utiliser des compléments pluriels ou collectifs avec « être une partie de ». La possibilité d'exprimer l'appartenance à une catégorie est également examinée, mettant en lumière que les noms taxonomiques sont des collocates distinctifs de « faire partie de ». Cette différence de distribution confirme l'hypothèse d'une contrainte liée à la pluralité de NP1, en lien avec les travaux de Tversky (1990) et Winston et al. (1987) sur les relations membre-catégorie et membre-ensemble.

2. Relation de dépendance entre NP0 et NP1 Homogénéité et Hétérogénéité

La nature plurielle de NP1 influence indirectement NP0 en introduisant une opposition : homogénéité/hétérogénéité. Les pluriels, les noms collectifs et les catégories désignent une pluralité d'individus similaires. L’hypothèse est que NP1 présente une structure interne homogène dans « NP0 faire partie de NP1 » et une structure hétérogène dans « NP0 être une partie de NP1 ». Cette idée s'appuie sur les observations de Kleiber (1997) concernant la réticence de certains noms comptables à structure interne homogène (mer, forêt, etc.) à apparaître après « être une partie de ». Des exemples comme « hypolimnion : partie inférieure d'un lac » illustrent le respect du caractère homogène dans « être une partie de ». L’étude examine aussi les noms de mesure, initialement considérés comme homogènes, mais dont l’utilisation avec « faire partie de » remet en question l’opposition homogénéité/hétérogénéité. L'analyse des noms collectifs de masse (lingerie, argenterie, etc.) confirmant que « faire partie de » accepte à la fois les NP1 homogènes et hétérogènes, contrairement à « être une partie de ». En conclusion de cette section, le caractère homogène ou hétérogène de N1 n'est pas un critère discriminant entre les deux constructions.

3. Relation de dépendance entre NP0 et NP1 Séparabilité et Dépendance

Cette section explore la notion de séparabilité entre NP0 et NP1 pour expliquer les différences distributionnelles. Une hypothèse est formulée selon laquelle, dans « NP0 faire partie de NP1 », NP0 est séparable de NP1, ce qui n'est pas le cas avec « être une partie de NP1 ». Cependant, la caractéristique de la séparabilité, telle que définie par Winston et al. (1987), ne permet pas d'expliquer pleinement les distributions observées. L’étude examine ensuite la distinction de Lyons (1977) entre méronymies contingentes (porte-maison) et nécessaires (minute-heure). La nécessité entre N0 et N1 est basée sur une relation a priori. L’étude utilise le terme général « dépendant-autonome ». La construction « NP0 faire partie de NP1 » résiste aux N0 dépendants, comme le montrent des exemples avec des unités de mesure. La construction « NP0 être une partie de NP1 » reflète des relations conventionnelles, préconstruites et analytiques, notamment lorsqu'elle est utilisée dans un contexte de définition lexicale. Des auteurs comme Kleiber (1981, 1999, 2001) établissent une distinction entre substantifs catégorématiques (autonomie référentielle) et syncatégorématiques (dépendance ontologique), ce qui nuance la notion de dépendance entre NP0 et NP1.

II.Effets de Coercion et Variations de Profilage

L'étude montre que le choix entre faire partie de et être une partie de entraîne des effets de coercion sémantique. Certains noms, comme maison ou composition, adoptent une interprétation différente selon la construction utilisée. Par exemple, dans faire partie de, maison peut prendre une valeur collective, tandis que dans être une partie de, elle désigne un bâtiment. Ces variations sont liées à des différences de profilage cognitif, où la construction choisie met en lumière certains aspects de la relation partie-tout, influençant le degré d'autonomie de NP0. L'analyse explore des expressions idiomatiques comme « faire partie des meubles » et « être une partie de l'iceberg », démontrant comment les propriétés sémantiques des deux structures façonnent leur usage.

1. Effets de Coercion Sémantique

Cette section examine les effets de coercion sémantique résultant du choix entre les constructions « faire partie de » et « être une partie de ». L'étude montre que certains noms polysemiques, c'est-à-dire ayant plusieurs sens, modifient leur signification selon la construction utilisée. L'exemple de maison est particulièrement pertinent. Dans la construction « NP0 être une partie de NP1 », maison, employée comme complément, prend principalement le sens de « bâtiment », comme dans « la nef est une partie d'une église ». En revanche, dans « NP0 faire partie de NP1 », maison acquiert une valeur collective, représentant l'ensemble des personnes et des choses incluses dans la maison, comme dans « faire partie de sa maison ». De la même manière, le nom composition, selon le contexte, désigne soit un tout musical cohérent (avec « être une partie de »), soit une collection d'éléments distincts (avec « faire partie de »). L’analyse met en évidence comment la construction choisie contraint le sens des noms, provoquant une modification sémantique liée à leur polysemie. D'autres exemples, comme espace et corps, illustrent cette capacité des constructions à induire des effets de coercion sémantique, modifiant l'interprétation du nom en fonction de la structure syntaxique.

2. Variations de Profilage et Aspects Cognitifs

Au-delà des effets de coercion, la différence entre les deux constructions affecte le profilage cognitif de la relation partie-tout. L'étude explore comment le choix d'une construction sur l'autre met en avant différents aspects de cette relation. L'exemple de la relation chapitre-livre est crucial : « ce chapitre est une partie du livre » présente le chapitre comme une partie dépendante d'un tout indivisible, tandis que « ce chapitre fait partie du livre » suggère une plus grande autonomie du chapitre au sein d'un ensemble plus hétérogène, voire une collection. La différence ne réside pas dans un changement de sens du nom « chapitre » mais dans l'accent mis sur sa dépendance ou son autonomie. Ce phénomène de profilage est analysé selon le cadre de la grammaire cognitive (Langacker, 1987, 1991, 2008), qui souligne que les deux phrases partagent une base conceptuelle commune mais que leur profil linguistique met en lumière des aspects différents. D’autres exemples, comme la relation sous-discipline-discipline (neurologie-médecine) ou l’utilisation des unités de mesure, confirment ce phénomène de variation de profilage. La construction choisie influence donc la perception de la relation partie-tout, selon une perspective cognitive et non pas uniquement lexicale ou syntaxique. La flexibilité des deux constructions permet au locuteur de conceptualiser la même relation de différentes manières, soulignant l’importance de la construction en tant que profil linguistique, même pour des concepts apparemment stables.

III.Dépendance et Autonomie Au delà de la Relation a Priori

Contrairement à de nombreuses recherches qui privilégient une approche basée sur une relation partie-tout a priori, cette étude se concentre sur les contraintes distributionnelles des constructions. L'analyse montre que le caractère dépendant ou autonome de NP0 est relatif au choix de la construction plutôt qu'à une propriété inhérente à la relation partie-tout. L'étude remet en question l'idée d'une relation a priori unique pour ces deux locutions, démontrant la flexibilité sémantique de faire partie de et être une partie de et la manière dont elles profilent différemment la relation partie-tout. Des exemples comme la relation chapitre-livre illustrent cette relativité. L'étude conclut que l'approche centrée sur les contraintes distributionnelles offre une perspective plus précise sur le fonctionnement de ces constructions, en évitant les questions non-répondables sur la séparabilité intrinsèque des éléments.

1. Critique des Approches Basées sur une Relation a Priori

Cette section critique les approches traditionnelles de la relation partie-tout, qui privilégient une relation a priori supposée sous-tendre les constructions « faire partie de » et « être une partie de ». L'étude souligne que cette approche pose des difficultés pour expliquer les différences distributionnelles observées entre les deux constructions. La question principale posée est : les deux constructions expriment-elles la même relation a priori, ou des relations différentes ? Si elles expriment la même relation, comment expliquer les contraintes distributionnelles ? Si elles expriment des relations différentes, s'agit-il toujours de relations partie-tout ? L'étude propose une approche alternative, en se concentrant sur les contraintes distributionnelles des structures elles-mêmes, plutôt que sur une relation abstraite présumée. En se focalisant sur les expressions linguistiques et leurs contraintes, l'analyse abandonne la recherche d'une relation a priori unique, considérée comme trop restrictive et difficile à définir de manière univoque. Cette nouvelle perspective permet de mieux comprendre les spécificités de chaque construction, sans imposer une hypothèse de départ sur la nature de la relation partie-tout elle-même.

2. Relativité de la Dépendance et de l Autonomie

En se concentrant sur les structures linguistiques, l'étude remet en question le caractère a priori de la dépendance ou de l'autonomie de NP0 par rapport à NP1. L'exemple de la relation chapitre-livre illustre ce point. Bien que les dictionnaires définissent un chapitre comme une partie d'un livre, la relation peut être exprimée indifféremment par « ce chapitre est une partie du livre » ou « ce chapitre fait partie du livre ». Le choix de la construction influence donc la perception de la dépendance du chapitre par rapport au livre. La première construction met l'accent sur la dépendance du chapitre, tandis que la deuxième souligne son autonomie au sein d'un ensemble plus large. De la même manière, l'exemple du soldat Desperrin (« le canonnier Desperrin est la millionième partie de l'armée française ») montre qu'un élément autonome (Desperrin) peut être intégré à une structure qui met normalement en lumière une relation membre-collection. Le caractère dépendant ou autonome de la partie s'avère ainsi relatif au choix de la construction linguistique et non à la nature intrinsèque de la relation. La conclusion est que l’approche distributionnelle permet de mieux saisir la flexibilité sémantique des constructions, en évitant de postuler une relation préétablie et intangible.