
Caractérisation et Estimation des Flux de Pollution Anthropique dans les Cours d'Eau
Informations sur le document
Langue | French |
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Taille | 13.92 MB |
- Pollution des cours d'eau
- Génie des procédés
- Environnement
Résumé
I.Impact des activités anthropiques sur la qualité de l eau des rivières
Ce document étudie l'impact des activités humaines sur la qualité de l'eau de plusieurs rivières du Nord-Est de la France, notamment la Moselle, ses affluents (Madon, Meurthe, Fensch, Vologne) et leurs bassins versants. L'étude se concentre sur les sources de pollution (polluants tels que les nitrates, phosphates, métaux lourds, matière organique dissoute (DOM), carbone organique dissous (DOC), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et azurants optiques) et leur impact sur les écosystèmes aquatiques. Les facteurs étudiés incluent le ruissellement agricole, les rejets industriels et domestiques, l'urbanisation, et les changements d'occupation des sols. La recherche utilise des méthodes d'analyse classiques et des techniques optiques avancées telles que la spectroscopie UV-Vis et la spectroscopie de fluorescence, incluant les matrices d'excitation-émission (EEM) et la fluorescence synchrone (SF50), pour caractériser la matière organique dissoute (DOM) et identifier les sources de pollution.
1. Sources de pollution et leurs impacts
L'étude identifie plusieurs sources de pollution impactant la qualité de l'eau des rivières. Les rejets d'effluents industriels et domestiques, mal ou non traités, constituent des sources ponctuelles de contamination. La pollution diffuse provient du ruissellement sur les sols imperméabilisés et de l'érosion des sols agricoles, entraînant le transport de pesticides et d'engrais vers les masses d'eau. L'utilisation de produits chimiques en agriculture et les changements d'affectation des terres (déforestation, urbanisation) accentuent également la dégradation de la qualité de l'eau. Ces activités anthropiques modifient les caractéristiques des écosystèmes aquatiques, tant en termes de quantité que de qualité et de morphologie. Le suivi d'un seul paramètre est souvent insuffisant pour déterminer l'origine précise de la pollution, plusieurs paramètres doivent être étudiés simultanément afin de comprendre le comportement des polluants dans le cours d'eau. Des polluants spécifiques comme les nitrates et phosphates (issus de l'agriculture), les métaux lourds (issus de l'industrie) et la matière organique (d'origine diverse) sont analysés pour mieux cerner l'impact des activités humaines. Les méthodes optiques, comme la spectroscopie UV-visible et la fluorescence, aident à comprendre la composition de la fraction dissoute de la matière organique et à la relier à la qualité de l'eau et aux pressions anthropiques.
2. Influence de la géologie et de l occupation des sols
La géologie du substratum influence l'écoulement de l'eau, un substratum imperméable favorisant des crues plus rapides et violentes qu'un substratum perméable. L'occupation des sols joue un rôle crucial : la végétation retient une partie de l'eau, limitant le ruissellement, tandis que les surfaces imperméabilisées augmentent le volume d'écoulement et réduisent le temps de concentration. L'étude souligne l'importance de la lithologie (nature de la roche mère) et de la structure tectonique du substratum dans la dynamique des eaux de surface et souterraines. La perméabilité des sols influence la recharge des nappes et le débit de base des cours d'eau, particulièrement en période de sécheresse. Les précipitations et l'évapotranspiration constituent des facteurs hydrologiques clés. L'eau d'interception par la végétation est soustraite à l'écoulement de surface. L'évapotranspiration, combinant évaporation et transpiration, influence le bilan hydrique du bassin versant. Le pH, indicateur de l'acidité ou de l'alcalinité de l'eau, est un paramètre important, influencé par les effluents industriels et les dépôts atmosphériques. Des variations de pH peuvent signaler des rejets spécifiques, et les variations journalières peuvent être liées à l'activité photosynthétique et respiratoire des algues dans les eaux eutrophes.
3. Caractérisation du carbone organique et de la matière organique dissoute MOD
Les eaux de rivière contiennent du carbone organique, provenant de sources naturelles (sols, décomposition de plantes) et anthropiques (rejets industriels et domestiques). Différentes formes de carbone existent (minérales, organiques, volatiles), et le carbone organique total (COT) est souvent préféré à la demande chimique en oxygène (DCO) pour caractériser la pollution. La matière organique dissoute (MOD) est un mélange complexe étudié par fluorescence. Les fluorophores de la MOD, principalement les protéines et les substances humiques (humiques et fulviques), sont caractérisés par leurs longueurs d'onde d'excitation et d'émission. La fluorescence de type protéine est liée aux acides aminés (tryptophane, tyrosine, phénylalanine) et peut indiquer une activité bactérienne ou des rejets directs d'effluents. La fluorescence de la matière organique dissoute (MOD) est affectée par la présence de métaux tels que l'aluminium et le cuivre. Les matrices d'excitation-émission (MEE) fournissent des cartes de fluorescence, caractérisant plusieurs composés fluorescents dans un mélange. La fluorescence synchrone, avec un décalage de longueur d'onde constant (Δλ), offre des spectres plus précis et faciles à interpréter, permettant d'identifier des pics caractéristiques de différentes substances (humiques, fulviques, protéiques).
4. Autres polluants et paramètres
Les nitrates (N-NO3-), issus des eaux usées et des engrais agricoles, sont des polluants importants. Des concentrations élevées indiquent une pollution par les déchets ou le ruissellement agricole. L'OMS recommande une limite maximale de 50 mg/L dans l'eau potable. L'azote organique, présent sous forme dissoute (NOD) et particulaire (NOP), provient des rejets d'élevage, industriels et des eaux usées. Une partie de l'azote organique est détectable par fluorescence (tryptophane, tyrosine). Les métaux, présents naturellement, peuvent s'accumuler dans les organismes. Des concentrations élevées, liées à l'exploitation minière ou l'industrie, ont des conséquences négatives. La composition ionique de l'eau est influencée par la géologie locale et les activités humaines. Le magnésium, sodium et potassium sont relativement stables, tandis que le calcium, les sulfates et le carbone minéral peuvent être affectés par l'activité biologique. L'étude souligne l'importance de surveiller la qualité de l'eau pour les métaux, en considérant également les concentrations dans les sédiments.
II.Méthodes d analyse et caractérisation de la matière organique dissoute DOM
L'analyse de la qualité de l'eau repose sur des mesures physico-chimiques (pH, conductivité, DOC, concentration en nitrates, ammoniac), couplées à des analyses spectrales. La spectroscopie UV-Vis permet d'évaluer la concentration en matière organique et l'absorbance à différentes longueurs d'onde (254 nm, 280 nm). La fluorescence, notamment la fluorescence synchrone (SF50) et les matrices d'excitation-émission (EEM), est utilisée pour caractériser la composition de la DOM, en distinguant les fractions humiques, fulviques et protéiques, et ainsi identifier l'origine (anthropique ou naturelle) de la pollution. L'étude explore des indicateurs comme le SUVA254 et le ratio E2/E3 pour caractériser la DOM.
1. Spectroscopie UV Vis pour l analyse de la Matière Organique Dissoute MOD
La spectroscopie UV-Vis est une méthode utilisée pour caractériser la matière organique dissoute (MOD) dans les échantillons d'eau. Bien que les échantillons aquatiques n'exhibent pas toujours des bandes d'absorption très bien définies, l'absorbance à différentes longueurs d'onde (254 nm, 280 nm, 375 nm) fournit des informations précieuses. Des indices globaux, basés sur le rapport d'absorbances à différentes longueurs d'onde, permettent d'estimer l'aromaticité ou le poids moléculaire de la MOD. Cependant, il est important de noter que les spectres UV-Vis sont également sensibles aux espèces non organiques. La région autour de 225 nm est notamment corrélée à l'absorption de la lumière par les nitrates. L'étude utilise l'absorbance à 254 nm (A254) comme indicateur de la concentration en matière organique et calcule le SUVA254 (Specific UV Absorbance) pour évaluer le caractère aromatique de la MOD. De plus, le ratio E2/E3 (rapport d'absorption à 250 nm et 365 nm) est utilisé pour suivre les changements dans la taille relative des molécules de MOD. Une augmentation de la taille moléculaire entraîne une diminution du ratio E2/E3 en raison d'une absorption plus forte de la lumière par les composés de poids moléculaire élevé à des longueurs d'onde plus longues.
2. Spectroscopie de Fluorescence EEM et Fluorescence Synchrone
La spectroscopie de fluorescence, une méthode rapide et respectueuse de l'environnement, est employée pour caractériser la MOD. Deux techniques principales sont utilisées : les matrices d'excitation-émission (EEM) et la fluorescence synchrone. Les EEM (trois dimensions) permettent de caractériser plusieurs composés fluorescents dans un mélange complexe. L'acquisition de ce type de graphe se fait via une série de spectres d'émission à différentes longueurs d'onde d'excitation. L'intensité de fluorescence est ensuite représentée en fonction des longueurs d'onde d'excitation et d'émission. La fluorescence synchrone (deux dimensions), où une différence constante de longueur d'onde (Δλ) est maintenue entre l'excitation et l'émission, fournit des spectres plus définis et plus faciles à interpréter. L'étude utilise principalement la fluorescence synchrone avec un décalage de 50 nm (SF50). Les spectres SF50 présentent généralement deux pics principaux : un lié à la fluorescence de type protéine (λex ≈ 290 nm) et l'autre à la fluorescence de type humique (λex ≈ 360 nm). La fluorescence de type protéine est souvent corrélée à la présence de résidus de tryptophane, pouvant servir d'indicateur de contamination fécale.
III.Cas d études Rivières du Nord Est de la France
Plusieurs rivières sont étudiées : la Moselle et ses affluents. Le bassin versant du Madon (1032 km²), fortement agricole, est analysé pour comprendre l'influence des activités agricoles sur la qualité de l'eau. La Meurthe, affectée par la pollution urbaine et industrielle de l'agglomération nancéienne (y compris l'impact de l'industrie du sel et des rejets industriels), est étudiée pour évaluer les pressions anthropiques. La Fensch, fortement impactée par l'activité industrielle passée et présente, sert à évaluer l'efficacité des travaux de restauration. Enfin, la Vologne est utilisée pour valider une méthode de détection des azurants optiques. Des données historiques sur les débits et la qualité de l'eau sont utilisées, notamment celles de la base de données HYDRO.
1. Le Madon une rivière agricole sous pression
Le bassin versant du Madon (1032 km²), situé au sud de Nancy, est principalement agricole, avec des cultures de colza, blé, orge et maïs. Sa géologie présente une forte dichotomie : une partie supérieure avec des formations marno-calcaires imperméables, propices à des réponses hydrologiques brutales, et une partie médiane et avale plus perméable. L'occupation des sols est marquée par une forte proportion de terres agricoles (50.4%), tandis que les zones artificialisées représentent 5.8%. L'étude du Madon vise à évaluer l'impact des activités agricoles sur la qualité de l'eau, en analysant notamment l'évolution de paramètres tels que le DOC, l'absorbance à 254 nm, le SUVA254 et le ratio E2/E3. Des campagnes de prélèvement ont été menées à plusieurs reprises (au moins quatre), permettant d'analyser les variations saisonnières et spatiales des polluants. Les résultats montrent des variations significatives du SUVA254 et de l'indice E2/E3 le long du cours d'eau, indiquant une modification de la composition de la matrice organique selon les campagnes et les saisons. Les pics de DOC et d'absorbance sont observés à Escles.
2. La Meurthe à Nancy pressions urbaines et industrielles
La Meurthe, affluent principal de la Moselle, traverse l'agglomération nancéienne et reçoit une pollution urbaine (traitée et non traitée) ainsi que des polluants en provenance de l'amont. Un projet du GEMCEA, impliquant la Communauté Urbaine du Grand Nancy, a mené des campagnes de prélèvement entre 2010 et 2012 pour étudier la pollution de la Meurthe. Des paramètres comme la conductivité, le pH, le carbone organique dissous et l'azote ammoniacal ont été mesurés, ainsi que des spectres de fluorescence synchrone (Δλ = 50 nm). Les résultats indiquent un mélange de pollutions anthropiques et industrielles, la fluorescence de composés de type tryptophane (λex ≈ 285 nm), liée à la présence d'urine, étant mise en évidence. Une augmentation significative de l'azote ammoniacal (4.7 mg/L) a été observée, attribuée à des rejets industriels en amont. L'étude souligne la corrélation entre l'intensité de fluorescence (tryptophane), l'azote ammoniacal et le carbone organique dissous dans un ruisseau périurbain pollué. L'analyse de la Meurthe met en lumière l'influence significative de la présence d'une importante couche de sel triasique en amont de Nancy, liée à l'ancienne activité minière et au procédé Solvay.
3. La Fensch suivi de la restauration d une rivière industrielle
La Fensch, petit affluent de la Moselle, est fortement impactée par les activités industrielles passées et présentes, ce qui justifie des travaux de restauration. Des campagnes de prélèvement permettent de suivre l'évolution de la qualité de l'eau et l'efficacité des actions de restauration. Outre les analyses classiques, des méthodes optiques (spectrométrie UV-visible et fluorescence synchrone) sont utilisées pour caractériser la matière organique dissoute. Le bassin versant de la Fensch présente un fort taux d'imperméabilisation (environ 25%), lié à une forte urbanisation et industrialisation, notamment entre Knutange et Florange. Le cours d'eau a été fortement modifié par les interventions humaines. L’objectif est de vérifier si les spectres de fluorescence synchrone et la spectroscopie UV-visible permettent une évaluation rapide de la qualité de l'eau dans un contexte fortement industrialisé, notamment en ce qui concerne la présence potentielle de HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) mise en évidence par la fluorescence synchrone.
4. La Vologne détection d azurants optiques
L'étude de la Vologne porte sur la détection d'azurants optiques présents dans les cours d'eau contaminés par des eaux grises (eaux de lavage) et des rejets de papeteries et usines textiles. Une méthode basée sur la photodégradation et la diminution de l'intensité de fluorescence synchrone à λex = 360 nm après irradiation UV est développée et validée sur quatre azurants optiques commerciaux. Des échantillons d'eau sont prélevés le long de la Vologne (27 échantillons le 8 mars 2011) et analysés en laboratoire. L'étude mentionne d'autres méthodes de détection des azurants optiques : l'utilisation de tampons de coton pour adsorption, la chromatographie liquide haute performance (CLHP) et la mesure fluorométrique. Ces méthodes sont comparées quant à leur coût, leur simplicité d'utilisation, leur sensibilité et leur capacité de quantification. La Vologne, affluent de la Moselle, prend sa source près du col de Schlucht à 1360 mètres d'altitude.
IV.Modélisation et flux de pollution
Une méthode est développée pour estimer les flux journaliers de pollution sur le Madon, même en absence de données de débit continues à toutes les stations. Cette méthode intègre des données géographiques (SIG) et les données de débit disponibles sur le site Hydro. L'objectif est de localiser les rejets de nutriments et d'identifier les zones d'élimination des nutriments, à la fois en termes de concentration et de flux.
1. Estimation des flux de pollution sur le Madon
Une méthode originale est développée pour calculer les flux journaliers moyens de pollution le long du Madon, un affluent rural de la Moselle, lorsque les données de débit ne sont pas disponibles à toutes les stations d'échantillonnage. Cette méthode innovante s'appuie sur des données géographiques des sous-bassins traitées par un système d'information géographique (SIG) et sur les données de débit provenant des stations de mesure (accessibles sur le site Hydro) disponibles pour un nombre restreint de stations. L'application de cette méthode au Madon permet de localiser les rejets de nutriments et d'identifier les zones contribuant à l'élimination de ces nutriments, non seulement en termes de concentration mais aussi de flux, ce qui est crucial pour une gestion efficace de la qualité de l'eau. L'objectif est de mieux comprendre la dynamique des polluants dans un contexte rural, où des effluents domestiques plus ou moins bien traités peuvent être présents.
2. Modélisation de la génération de pollution dans le bassin versant de la Moselle
L'étude vise à comprendre le fonctionnement du bassin versant de la Moselle en termes de génération de pollution et à le modéliser à l'aide d'une approche de type Riversthraler. Ce type de modélisation a déjà été appliqué à plusieurs rivières, y compris la Seine, la rivière Rouge (Vietnam) et la Moselle. Cependant, dans le cas de la Moselle, la modélisation précédente reposait sur une base de données limitée. Pour améliorer la représentativité du modèle, un échantillonnage spatial plus dense est nécessaire. La mesure simultanée des paramètres de pollution et du débit permet de différencier les sources ponctuelles et non ponctuelles de pollution. L'augmentation du DOC (Carbone Organique Dissous) en aval est attribuée à la décomposition de la matière organique, au ruissellement et aux rejets d'eaux usées. Des variations saisonnières du DOC sont observées, corrélées à la température et au débit de la rivière. Des débits plus importants entraînent des concentrations plus élevées de DOC.