
Complications de la corticothérapie systémique en médecine interne
Informations sur le document
Auteur | Zineb Bennis Kanar |
École | Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech |
Spécialité | Médecine |
Lieu | Marrakech |
Type de document | Thèse |
Langue | French |
Format | |
Taille | 5.68 MB |
- Corticothérapie
- Médecine interne
- Complications médicales
Résumé
I.Effets secondaires de la corticothérapie à long terme
Cette étude rétrospective, menée de janvier 2006 à juin 2009 au CHU Mohamed VI, examine les effets secondaires de la corticothérapie systémique prolongée chez des patients traités pendant au moins trois mois avec des doses ≥ 7,5 mg d'équivalent prednisone. Les résultats mettent en lumière la fréquence et la gravité de diverses complications, soulignant le besoin d'une meilleure compréhension et d'une gestion améliorée des effets indésirables des corticoïdes. L'étude identifie plusieurs domaines clés, dont l'impact sur le métabolisme (hyperlipidémie, diabète cortico-induit, hypertension), les effets osseux et musculaires (ostéoporose cortisonique, myopathie), les troubles ophtalmologiques (glaucome, CSC), les problèmes psychiatriques (troubles de l'humeur, psychotiques), les infections opportunistes (risque accru d'infections bactériennes, virales et fongiques comme la tuberculose), et l'insuffisance surrénalienne. Des données spécifiques sur la prévalence de chaque complication sont présentées, mais des études prospectives à plus grande échelle sont nécessaires pour affiner ces résultats et mieux établir les stratégies préventives et thérapeutiques.
1. Aspects Métaboliques et Cardiovasculaires
L'étude souligne les effets métaboliques délétères de la corticothérapie prolongée, notamment le risque accru de diabète cortico-induit, d'hypertension artérielle et d'hyperlipidémie. Si l'augmentation des triglycérides n'est pas systématiquement significative, une augmentation du taux de HDL cholestérol est observée, ce qui pourrait avoir un impact positif sur le système cardiovasculaire. Cependant, l'étude, de par son caractère rétrospectif, n'a permis de confirmer l'hyperlipidémie que chez un faible pourcentage de patients (2,8%). Ce constat met en lumière la nécessité de mener des études prospectives plus complètes pour mieux cerner la relation entre la dose et la durée du traitement corticoïde, et la survenue de complications cardiovasculaires comme l'athérosclérose et l'infarctus du myocarde. Des études cas-témoins réalisées en Californie ont, par exemple, estimé à 1,37 le risque relatif de développer un infarctus du myocarde chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et traités par corticoïdes, après ajustement des autres facteurs de risque cardiovasculaires. Le manque d'études de cohorte prospective avec un contrôle des facteurs confondants limite notre compréhension de l'incidence réelle de ces maladies cardiovasculaires chez les patients traités par rapport à la population générale.
2. Complications Osseuses et Musculaires
L'ostéoporose cortisonique, complication majeure et fréquente de la corticothérapie prolongée, est largement abordée. Le risque relatif de fracture de l'extrémité supérieure du fémur est estimé à 1,6 et de 2,6 pour les fractures vertébrales. La perte osseuse est dose-dépendante et liée à la durée du traitement, il n'existe pas de dose seuil en dessous de laquelle la perte osseuse serait absente. Même des doses inférieures à 5mg/j de prednisone peuvent être associées à une perte osseuse, et une thérapie alternée ne suffit pas à protéger l'os. En parallèle, la myopathie cortisonique est décrite, un déficit musculaire potentiellement amplifié par une dysfonction mitochondriale, conduisant à une production accrue d'acide lactique. L'étude souligne la difficulté de différencier les effets des corticoïdes de ceux de la maladie de base ou des médicaments concomitants. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est présentée comme la méthode de choix pour la caractérisation de la pathologie musculaire, révélant une infiltration graisseuse bilatérale et symétrique, notamment au niveau de la ceinture pelvienne.
3. Troubles Ophtalmologiques
Le document mentionne le glaucome cortico-induit et la cataracte corticostéroïdienne (CSC) comme complications ophtalmologiques significatives. Le glaucome cortico-induit est décrit comme insidieux, se manifestant tardivement par une baisse irrécupérable de l'acuité visuelle. Un dépistage régulier du tonus oculaire et des examens du fond d'œil sont donc essentiels chez les patients sous corticothérapie. La CSC, connue depuis 1866, a été formellement liée à l'utilisation des corticoïdes dès 1966. Le lien entre corticoïdes et CSC est maintenant bien établi, quel que soit le mode d'administration (intra-articulaire, épidurale, inhalée, intranasale, topique cutanée). Une production excessive de corticoïdes endogènes (maladie de Cushing, grossesse, stress) peut également induire cette complication. Les enfants et adolescents sont considérés comme un groupe à risque, en particulier avec des doses élevées, mais la survenue de la CSC reste imprévisible, même à faibles doses.
4. Effets Psychiatrique
Les effets psychiatriques des corticoïdes sont abordés, soulignant leur imprévisibilité et leur apparition même à faibles doses. Une méta-analyse a estimé la prévalence des troubles psychiatriques cortico-induits, confirmant l'importance de la dose : une prévalence de 1,3% pour des doses inférieures à 40mg/j de prednisolone contre 18,4% pour des doses supérieures à 80mg/j. Dans cette étude, une incidence de 18% de troubles psychiatriques a été notée. La récurrence des troubles semble liée à des facteurs psychosociaux et non à la corticothérapie. L'étude évoque un possible lien entre la physiopathologie des troubles bipolaires et les troubles de l'humeur cortico-induits, certains individus étant potentiellement prédisposés génétiquement. Des effets à long terme sur le volume de l'hippocampe et une potentielle implication dans la maladie d'Alzheimer sont mentionnés. L'étude souligne que le délai d'apparition de ces effets secondaires a été très court, dès les premières consultations de contrôle, en moyenne deux semaines après le début du traitement.
5. Risque Infectieux
L'immunosuppression induite par les corticoïdes augmente significativement le risque d'infections, affectant aussi bien l'immunité humorale que cellulaire. Le risque infectieux est amplifié par la dose cumulée et la dose journalière de corticoïdes. Une méta-analyse a montré un risque relatif d'infection d'environ 1,6 chez les patients sous corticothérapie. Des infections bactériennes (pneumonies, infections à germes intracellulaires, tuberculose), virales (herpès simplex, zona, CMV) et fongiques (aspergillose, cryptococcose, pneumocystose) sont décrites. Le risque de tuberculose varie selon les études géographiques et semble plus lié à la dose qu'au statut tuberculeux initial. Une dose d'au moins 15 mg d'équivalent prednisone pendant plus d'un mois peut inhiber les réactions tuberculiniques cutanées, soulignant l'importance de la prophylaxie. La complexité du diagnostic réside dans la modification ou la diminution de la symptomatologie clinique due à l'effet des corticoïdes sur l'inflammation, pouvant masquer des infections.
6. Insuffisance Surrénalienne et Autres Complications
L'insuffisance surrénalienne cortico-induite, une complication classique et la principale cause d'insuffisance surrénalienne secondaire, est décrite. Aux doses thérapeutiques, les corticoïdes exogènes inhibent l'axe hypothalamo-hypophysaire, entraînant une atrophie du cortex surrénalien. La récupération de la fonction surrénalienne est variable, dépendant de facteurs individuels. Des études montrent une grande variabilité des délais de rétablissement, allant de quelques semaines à plusieurs mois après l'arrêt du traitement, selon l'âge et le type de corticoïde utilisé. Des lipomatoses cortico-induites, hypertrophie localisée du tissu adipeux, sont mentionnées comme un effet secondaire récent, parfois asymptomatique, mais pouvant engendrer des syndromes compressifs selon leur localisation. Enfin, le sarcome de Kaposi, lié à une immunodépression et à l'activation du virus HHV8, est mentionné comme une complication possible, surtout chez les patients traités à long terme par corticoïdes, avec une prévalence plus faible que chez les patients transplantés.
II.Impact métabolique et cardiovasculaire
La corticothérapie prolongée est associée à des perturbations métaboliques significatives, augmentant le risque de diabète cortico-induit, d'hypertension et d'hyperlipidémie. Bien que l'augmentation des triglycérides ne soit pas toujours significative, une augmentation du HDL est observée, ce qui pourrait avoir un effet bénéfique sur le système cardiovasculaire. L'étude a confirmé une faible prévalence de l'hyperlipidémie (2,8%), mais cela peut être dû au caractère rétrospectif de l'étude. L'impact à long terme sur le risque d'athérosclérose et d'infarctus du myocarde est un sujet majeur de préoccupation, nécessitant des études prospectives plus approfondies pour déterminer le lien précis entre les doses de corticoïdes, la durée du traitement et la survenue de complications cardiovasculaires.
1. Perturbations lipidiques et hyperglycémie
La corticothérapie prolongée induit des modifications métaboliques, notamment des perturbations lipidiques et une altération de l’équilibre glycémique. L’étude note que l’augmentation du taux de triglycérides n’est pas systématiquement significative, tandis que le taux de HDL-cholestérol augmente davantage que celui du LDL-cholestérol (+67% et +17% respectivement à 3 mois de traitement), ce qui pourrait présenter un effet protecteur sur le système cardiovasculaire. Néanmoins, une hyperlipidémie a été confirmée chez seulement 2,8% des patients de cette étude rétrospective, ce qui pourrait être lié au caractère non systématique des bilans lipidiques effectués durant le suivi (uniquement 9 patients sur 72 ont bénéficié d'un bilan complet). L'impact de la corticothérapie sur l’équilibre glycémique chez les patients diabétiques pré-existants est également discuté. L'étude souligne l'absence de données sur l'indice de masse corporelle (IMC) initial, empêchant l'analyse de la corrélation entre l'IMC et le développement d'un diabète cortico-induit. Plus largement, il existe un manque crucial de données issues d'études prospectives et multicentriques, prenant en compte les facteurs confondants, afin d'évaluer précisément l'incidence du diabète cortico-induit et des autres désordres métaboliques liés à un traitement à long terme.
2. Risque cardiovasculaire accru
La corticothérapie prolongée est reconnue comme facteur de risque indépendant et additionnel d’athérosclérose, notamment chez les patients atteints de connectivites. Elle favorise le diabète, l’hypertension artérielle (HTA) et les perturbations lipidiques, en particulier l'hypercholestérolémie, augmentant ainsi le risque d'événements cardiovasculaires. Des études cas-témoins, réalisées en Californie, ont démontré un risque relatif de 1,37 pour le développement d'un infarctus du myocarde chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) sous corticoïdes, même après ajustement pour d'autres facteurs de risque cardiovasculaires et la sévérité de la maladie. Cependant, le manque d'études de cohorte prospective à grande échelle, comparant l'incidence des maladies cardiovasculaires athéromateuses chez les patients traités par rapport à la population générale appariée par âge et sexe, représente une importante lacune. De plus, la plupart des études se sont focalisées sur l'observation échographique de plaques d'athérome carotidiennes infracliniques, ne permettant pas l'évaluation de facteurs de risque majeurs d'infarctus du myocarde tels que la présence d'un anticoagulant lupique, considéré comme facteur principal de risque d'infarctus dans le lupus.
III.Complications osseuses et musculaires
L'ostéoporose cortisonique est une complication fréquente et grave de la corticothérapie à long terme, avec un risque accru de fractures vertébrales et du fémur. La perte osseuse est corrélée à la dose et à la durée du traitement, sans seuil de dose minimum identifié. La myopathie cortisonique, caractérisée par une atrophie musculaire, est également un effet secondaire notable. Des mécanismes impliquant la dysfonction mitochondriale sont suggérés. Il est parfois difficile de distinguer les effets des corticoïdes de ceux de la maladie sous-jacente ou d'autres médicaments associés. L'IRM est l'outil d'imagerie privilégié pour le diagnostic.
1. Ostéoporose Cortisonique
L'ostéoporose cortisonique est identifiée comme une complication majeure de la corticothérapie prolongée. Son incidence est élevée, et elle peut être grave, avec un risque relatif de fracture de l'extrémité supérieure du fémur estimé à 1,6 et de 2,6 pour les fractures vertébrales. La perte osseuse est directement liée à la dose cumulée de corticoïdes et à la durée du traitement. Il n'y a pas de dose seuil clairement définie, des doses quotidiennes inférieures à 5 mg/j de prednisone pouvant déjà induire une perte osseuse. Une corticothérapie à dose quotidienne supérieure ou égale à 7,5 mg/j de prednisone pendant plus de 3 mois est classiquement associée à une perte osseuse significative et à un risque relatif de fracture vertébrale de 5,2. Une thérapie alternée ne protège pas l'os. Depuis les années 1980, la recherche s'est penchée sur l'impact des glucocorticoïdes sur le tissu osseux, confirmant l'ostéoporose cortisonique comme première cause d'ostéoporose secondaire, compte tenu de la large prescription de corticoïdes. Les stratégies de prévention et de traitement font appel aux bisphosphonates, dont l’efficacité a été démontrée par de nombreux essais cliniques randomisés et contrôlés. L’AFFSAPS, par exemple, préconise une évaluation du risque de fracture, des mesures générales pour le diminuer, et l'éventuelle prescription de bisphosphonates.
2. Myopathie Cortisonique
La myopathie cortisonique, caractérisée par une atrophie musculaire, est une autre complication fréquente. Un mécanisme encore controversé, impliquant une dysfonction de la chaîne énergétique mitochondriale et une diminution des capacités oxydatives, est évoqué. Ceci se traduit par une production accrue d'acide lactique et un déficit clinique. Une étude de 2002, appuyée par des biopsies musculaires, soutient cette hypothèse. Cependant, il est crucial de différencier les effets des corticoïdes de ceux de la maladie sous-jacente et des médicaments associés. Les corticoïdes induisent une myopathie symétrique et indolore, sans signes neurologiques périphériques ou centraux, avec des enzymes musculaires et des électrolytes plasmatiques normaux. La récupération est progressive après réduction de la posologie ou changement de traitement. L’électromyogramme peut montrer un syndrome myogène non spécifique et l’examen histologique une atrophie des fibres de type II, sans nécrose ni régénération. L’IRM a remplacé le scanner pour la caractérisation de la myopathie cortisonique, mettant en évidence une infiltration graisseuse bilatérale et symétrique.
3. Ostéonécrose Aseptique
L'ostéonécrose aseptique (ONA) est mentionnée comme une complication osseuse non traumatique, touchant environ un tiers des patients traités à long terme par corticothérapie systémique. Des doses élevées de corticoïdes (supérieures à 0,5 mg/kg/j d'équivalent prednisone) sont incriminées, mais même des traitements courts à forte dose peuvent provoquer une ONA. Les sujets âgés constituent une population à risque, le risque relatif de développer un glaucome étant de 1,4 chez les patients corticotraités âgés. Des cas anecdotiques ont été rapportés après application massive de corticoïdes par voie percutanée. L'étude souligne l'absence de symptômes dans certains cas d'ONA, notamment chez les patients lupiques ou les patients ayant subi une greffe rénale. Le texte insiste sur le caractère insidieux du glaucome cortico-induit, souvent diagnostiqué tardivement, lorsqu'une baisse irrécupérable de l'acuité visuelle se manifeste. Un dépistage régulier est donc primordial par la mesure du tonus oculaire et l'examen du fond d'œil.
IV.Effets psychiatriques
Les effets psychiatriques des corticoïdes sont imprévisibles, pouvant survenir même à faibles doses. Une prévalence de 18% de troubles psychiatriques a été observée dans cette étude, en accord avec les données de la littérature, et plus particulièrement dans les études où les doses de corticothérapie sont élevées. Le sexe féminin pourrait constituer un facteur de risque. Des troubles bipolaires et des symptômes psychotiques sont décrits. Le lien entre les troubles psychiatriques, la dose de corticoïdes et les facteurs psychosociaux est complexe et nécessite des recherches supplémentaires.
1. Imprévisibilité et Prévalence des Troubles
L'étude met en lumière l'imprévisibilité des effets psychiatriques des corticoïdes, pouvant survenir même à faibles doses ou après une seule administration. Une méta-analyse citée, incluant 955 et 2555 patients, confirme cette imprévisibilité, indiquant que la présence de troubles psychiatriques antérieurs ne prédit pas leur survenue sous corticoïdes. Le sexe féminin semble être un léger facteur de risque. Dans cette étude rétrospective, l'incidence des troubles psychiatriques (tous types confondus) a été de 18%, une valeur s'inscrivant dans la fourchette des prévalences identifiées par la méta-analyse citée. Cette prévalence est proche de celle observée dans des études utilisant des doses élevées de corticoïdes, ce qui était également le cas dans cette étude. Le délai d'apparition est court, les patients rapportant ces effets dès la première consultation de contrôle (en moyenne deux semaines après le début du traitement). L'étude souligne le manque de données précises sur l'épidémiologie et la physiopathologie des troubles psychiatriques liés aux corticoïdes, ainsi que l’absence de recommandations consensuelles pour leur prise en charge et leur prévention.
2. Types de Troubles et Facteurs de Risque
Les troubles psychiatriques induits par les corticoïdes sont variés. Les études mentionnées décrivent des troubles de l'humeur, souvent sous une forme subaiguë (2 à 12 semaines), fréquemment associés à des symptômes psychotiques (délire, hallucinations) dans 40% des cas. Des troubles bipolaires sont observés, avec une récurrence chez les patients plus jeunes, mais sans répétition d'épisodes dépressifs. La dose de prednisolone administrée est un facteur de risque important, la prévalence augmentant avec la dose. Une étude a rapporté 1,3% de troubles psychiatriques pour moins de 40mg/j de prednisolone contre 18,4% pour plus de 80mg/j. La récurrence des troubles est souvent liée à des facteurs psychosociaux. Une hypothèse suggère un lien entre la physiopathologie du trouble bipolaire et les troubles de l'humeur cortico-induits, les corticoïdes modifiant le cerveau et augmentant la sensibilité au stress psychosocial chez les personnes prédisposées génétiquement. À long terme, une réduction du volume de l’hippocampe est mentionnée, potentiellement liée à une hypersécrétion de glutamate intracérébral.
3. Effets à Long Terme et Implications
L'impact à long terme des corticoïdes sur les fonctions cognitives est soulevé, avec la possibilité d'une réduction du volume de l'hippocampe. Certaines études vont jusqu'à suggérer un lien avec la maladie d'Alzheimer. Cette action délétère serait liée à une hypersécrétion de glutamate intracérébral. Des molécules comme la lamotrigine, réduisant le taux de glutamate, pourraient offrir une protection cérébrale. Bien que l'action des glucocorticoïdes soit sélective, effaçant principalement les émotions négatives, ce qui suggère une possible utilisation dans le traitement du stress post-traumatique, les effets à long terme restent préoccupants. L’étude actuelle rapporte une incidence de troubles psychiatriques de l’ordre de 18%, une valeur cohérente avec d’autres travaux, notamment ceux utilisant des doses élevées de corticoïdes, ce qui est le cas dans cette étude. Le délai d’apparition rapide de ces effets (deux semaines en moyenne) est également souligné.
V.Risque infectieux
La corticothérapie entraîne une immunosuppression, augmentant le risque d'infections bactériennes, virales et fongiques, incluant la tuberculose. La prévalence de la tuberculose varie grandement selon les études géographiques. La dose cumulée de corticoïdes influence le risque infectieux. Des infections à CMV, HSV, VZV sont possibles ainsi que des réactivations d'infections latentes. Le risque infectieux est majoré par l'association à d'autres immunosuppresseurs ou pathologies sous-jacentes. Une surveillance étroite est essentielle.
1. Immunosuppression et Risque Infectieux Général
La corticothérapie, en raison de son effet immunosuppresseur, augmente considérablement le risque d'infections. Cette immunosuppression affecte à la fois l'immunité humorale et cellulaire, rendant les patients vulnérables aux germes banaux et opportunistes. Une méta-analyse citée montre une augmentation statistiquement significative du risque infectieux, avec un risque relatif d'environ 1,6 (12,7 infections pour 100 patients traités contre 8 dans le groupe placebo). La dose journalière de corticoïdes est corrélée au risque, mais la nature des infections n'est pas toujours précisée dans les données disponibles. La dose cumulée joue également un rôle significatif, un risque relatif de 2 étant observé pour des doses cumulées de 700 mg d'équivalent prednisone ou plus. Des limites méthodologiques de cette méta-analyse sont soulignées, notamment l'absence d'informations sur le sexe, l'âge des patients et la nature précise des infections, rendant difficile l'établissement d'une relation précise entre le type d'infection et la dose de corticothérapie. L’étude souligne que des doses supérieures à 10mg/jour et une dose cumulée de 700mg ne peuvent être considérées comme des seuils de sécurité car les études excluant les patients multi-pathologies ou sous traitements associés sont biaisées.
2. Infections Spécifiques et Aspects Cliniques
Le texte détaille les types d'infections fréquemment observés chez les patients sous corticoïdes, notamment les infections bactériennes (pneumonies à staphylocoque aureus, Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, infections à germes intracellulaires comme Listeria monocytogenes et Legionella pneumophila, et tuberculose), et les infections virales (pouvant prendre des formes sévères). Les infections à virus herpès (HSV, VZV, CMV, EBV) et la réactivation de virus latents (hépatite B et C) sont également mentionnées. La complexité du diagnostic est accentuée par l'effet des corticoïdes sur les médiateurs de l'inflammation, pouvant modifier ou atténuer la symptomatologie clinique. Des exemples sont donnés, comme le CMV pouvant se présenter sous plusieurs aspects cliniques (infiltrat ou cavités pulmonaires, péricardite aiguë, hémorragie gastro-intestinale, rétinopathie) et même simuler une maladie de Crohn ou une poussée lupique. Les sujets âgés sont plus exposés. Une étude à Tokyo suggère un risque plus élevé d’infection à CMV chez les patients recevant des bolus de corticoïdes associés au cyclophosphamide. L’étude souligne aussi le risque de varicelle grave chez les patients n’ayant jamais été infectés ou commençant une corticothérapie pendant la phase d’incubation, et les zonas souvent étendus et sévères.
3. Tuberculose et Autres Infections Opportunistes
La tuberculose est abordée spécifiquement, son incidence variant considérablement selon les études géographiques (5% à Singapour, 7,8% sur 46 mois en Corée, 6% en Inde, aucun cas sur 6 ans en Grèce, et un nombre limité de cas en France). L'étude coréenne suggère que l'incidence de la tuberculose dépend plus de la dose journalière et cumulée de corticoïdes que du statut tuberculeux initial. Une dose ≥ 15 mg d'équivalent prednisone pendant plus d'un mois est considérée comme facteur de risque par l'American Thoracic Society. Le document mentionne l'effet inhibiteur des doses supérieures ou égales à 15 mg d’équivalent prednisone sur les réactions tuberculiniques. La discussion aborde ensuite d’autres infections opportunistes: L’aspergillose, dont le risque est multiplié par 6 chez les patients recevant des doses élevées de corticoïdes (0,5-1mg/kg/j) comparativement à des doses plus faibles (0,25mg/kg/j). Des données d'autopsies au Brésil montrent que 15% des décès chez les patients atteints de LES étaient dus à des infections aspergillaires. Concernant la cryptococcose, une dose faible de corticoïdes (<0,5mg/kg/j) est associée à un risque plus élevé d’infection, tandis que des doses élevées après le diagnostic augmentent la mortalité. Enfin, la pneumocystose (PCP) est mentionnée, avec un risque très élevé au-delà de 16mg/j pendant 8 semaines, notamment chez les patients atteints de granulomatose de Wegener.
VI.Insuffisance surrénalienne et autres complications
L'insuffisance surrénalienne cortico-induite est une complication fréquente, résultant de l'inhibition de l'axe hypothalamo-hypophysaire. Le délai de récupération de la fonction surrénalienne est variable selon les individus. Les lipomatoses cortico-induites sont un effet secondaire moins fréquent mais pouvant entraîner des syndromes compressifs. Le sarcome de Kaposi, bien que rare, a été rapporté chez les patients sous corticothérapie à long terme.
1. Insuffisance Surrénalienne Cortico induite
L'insuffisance surrénalienne cortico-induite est un effet secondaire classique et reconnu comme la principale cause d'insuffisance surrénalienne secondaire. Elle résulte de l'inhibition de l'axe hypothalamo-hypophysaire par les corticoïdes exogènes à doses thérapeutiques, entraînant une baisse significative du taux d'ACTH et une atrophie corticosurrénale. Il s'agit d'une insuffisance corticotrope qui, dans la majorité des cas, se corrige spontanément et progressivement à l'arrêt de la corticothérapie. Cependant, la durée de la récupération est variable selon les études et les individus. Une étude prospective sur 9 patients ayant reçu une corticothérapie pendant 14 jours a montré une inhibition de l'axe hypothalamo-hypophysaire chez 89% des patients. Chez les enfants traités pour une leucémie lymphoblastique aiguë, 46% présentaient une insuffisance surrénalienne deux semaines après l'arrêt de la corticothérapie, tandis que 13% conservaient une fonction surrénalienne perturbée après 20 semaines. Le document souligne le manque d'études sur les adultes atteints de maladies systémiques, rendant difficile l'estimation de la prévalence et du délai médian de rétablissement de la fonction surrénalienne chez cette population.
2. Lipomatoses Cortico induites et Sarcome de Kaposi
Les lipomatoses cortico-induites sont décrites comme un effet secondaire récent, caractérisé par une hypertrophie localisée du tissu adipeux due à la prise prolongée de corticoïdes. Les manifestations cliniques sont variables en fonction de la localisation de l'hypertrophie. Si souvent asymptomatiques, certaines localisations (rétro-orbitaire, médiastinale, épidurale) peuvent causer des syndromes compressifs. Le sarcome de Kaposi, un néoplasme lié à l'activation du virus HHV8 et à l'immunodépression, est également mentionné. Des cas iatrogènes ont été initialement rapportés chez des transplantés rénaux sous traitement immunosuppresseur, mais des cas de plus en plus fréquents apparaissent chez les patients atteints de maladies systémiques traités par corticoïdes à long terme. La régression des symptômes à l'arrêt du traitement suggère un lien de causalité, mais la faible prévalence chez ces patients par rapport aux transplantés rénaux indique l'implication probable d'autres facteurs, notamment génétiques.
VII.Surveillance et prévention
Une surveillance rigoureuse des patients sous corticothérapie est indispensable pour détecter et gérer les effets secondaires. La prévention de l'ostéoporose cortisonique nécessite une évaluation du risque, des mesures générales et, souvent, une thérapie aux bisphosphonates. Des recommandations consensuelles concernant la prévention des autres effets secondaires restent limitées. La recherche se poursuit pour développer de nouveaux corticoïdes moins toxiques.
1. Surveillance de la Corticothérapie
Compte tenu de la gravité des maladies traitées par corticothérapie et des risques potentiels liés à ce traitement, une surveillance adéquate des patients est impérative. L'absence de surveillance constitue une faute médicale grave. La fréquence du suivi dépend de la sévérité des symptômes de la maladie initiale et de la tolérance du patient aux corticoïdes. Le document insiste sur l'importance d'un suivi régulier, adapté à chaque patient, pour une bonne corticothérapie. Des études prospectives plus larges et ciblées sont nécessaires pour affiner les recommandations. Cependant, des lignes directrices basées sur le bon sens et les connaissances scientifiques actuelles sont proposées dans le document. Le texte souligne également que la recherche se poursuit pour le développement de nouvelles molécules ayant la même puissance que les corticoïdes actuels mais sans leurs effets secondaires néfastes, même si ces molécules sont actuellement au stade préclinique.
2. Prévention de l Ostéoporose Cortisonique
L'ostéoporose cortisonique étant une complication précoce et fréquente, des mesures préventives efficaces sont essentielles dès le début de la corticothérapie. L'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFFSAPS) propose une stratégie préventive à trois axes : évaluation du risque de fracture, mesures générales pour réduire ce risque, et discussion d'une éventuelle thérapie aux bisphosphonates. La poursuite de la corticothérapie, notamment en cas d'augmentation ou de fluctuation importante des doses, justifie une répétition de la densitométrie un an plus tard. L'efficacité des bisphosphonates dans la prévention et le traitement de l'ostéoporose cortico-induite est bien établie, confirmée par de nombreux essais cliniques randomisés et contrôlés. Ces agents anti-ostéoclastiques sont considérés comme médicaments de première ligne. L’American College of Rheumatology (ACR) recommande une utilisation systématique des bisphosphonates lorsque la dose seuil de 5 mg/j d'équivalent prednisone est dépassée chez les femmes en âge de procréer sous contraception efficace et de façon curative chez les patients déjà traités par des doses supérieures à 5mg/j d'équivalent prednisone et un T score inférieur à –1, indépendamment de l'âge et du sexe. L'étude met en avant la variabilité interindividuelle de la réponse à la corticothérapie, ce qui rend difficile l'élaboration de recommandations consensuelles.
3. Manque de Recommandations Consensuelles
Malgré une littérature abondante sur les effets secondaires des corticoïdes, le document souligne le manque de recommandations consensuelles basées sur des travaux multicentriques à grande échelle et de longue durée. Ces travaux sont nécessaires pour évaluer efficacement les différents moyens de diminuer ou de prévenir les effets secondaires. L’étude conclut en insistant sur le fait que de nombreuses complications, bien que connues, restent mal cernées sur les plans épidémiologique, physiopathologique et thérapeutique, avec un réel déficit de stratégies préventives et de recommandations consensuelles efficaces. Les corticoïdes, bien que constituant une avancée majeure en thérapeutique, comportent une longue liste d'effets secondaires qui ne cesse de s'allonger. Cette étude, donc, vise à améliorer la connaissance de ces effets indésirables pour mieux les gérer.