Enquête sur la prise en charge de l'impétigo chez l'enfant par les médecins généralistes

Enquête sur la prise en charge de l'impétigo chez l'enfant par les médecins généralistes

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Langue French
Format | PDF
Taille 2.59 MB
  • Impétigo
  • Médecine générale
  • Formation médicale

Résumé

I.Épidémiologie de l Impétigo chez l Enfant

Cette étude descriptive et transversale, menée en 2009 auprès de 126 médecins généralistes (taux de participation de 96,1%) dans une région non précisée, explore l'épidémiologie de l'impétigo chez les enfants. Les résultats montrent que l'impétigo touche majoritairement les enfants d'âge scolaire (48% des médecins), avec un pic estival (63,4%), et une prévalence plus élevée en milieu rural (63,4%) et chez les enfants de bas niveau socio-économique (60,3%). La forme croûteuse est la plus fréquente (79,4%). Ces données corroborent la littérature existante sur l'impétigo pédiatrique. L'étude souligne également une divergence entre la perception des médecins quant au germe responsable (Streptococcus beta-hémolytique du groupe A étant plus souvent cité que le Staphylococcus aureus), et les données scientifiques actuelles.

1. Âge des enfants touchés par l impétigo

L'étude révèle que l'impétigo affecte principalement les enfants d'âge préscolaire et scolaire. Près de la moitié des médecins interrogés (48%) ont rapporté que les enfants âgés de 5 à 10 ans étaient les plus fréquemment touchés. Cependant, il est précisé qu'aucun âge n'est épargné, l'impétigo pouvant également survenir chez les nouveau-nés et les nourrissons en raison de la fragilité de leur peau et de l'immaturité de leurs défenses cutanées. Des données comparatives provenant de la Guyane Française (âge moyen de 6 ans), du Burkina Faso (nourrissons de 1 à 30 mois majoritairement touchés), et du Royaume-Uni (incidence de 2,8% chez les moins de 4 ans et 1,6% chez les 5-15 ans) sont mentionnées pour illustrer la variabilité de la prévalence selon les contextes géographiques. Chez les adultes et les enfants plus âgés, l'impétigo est moins fréquent en tant qu'infection primitive ; il survient le plus souvent comme une surinfection de dermatoses prurigineuses.

2. Saisonnalité de l impétigo

Plusieurs études antérieures ont mis en évidence une variation saisonnière de l'incidence de l'impétigo, avec un pic durant les mois les plus chauds et humides de l'année. Une étude sur huit ans (1996-2003) a signalé un pic entre août et septembre. Au Burkina Faso, une augmentation significative est observée en été, corrélée à la période la plus chaude et humide. L'influence de l'humidité est également soulignée par une autre étude rapportant une réduction de 40% de l'impétigo dans les climats secs. Les résultats de l'enquête menée concordent avec ces observations, 63,4% des médecins généralistes ayant constaté une augmentation des cas d'impétigo pendant l'été, ce qui pourrait s'expliquer par une plus grande exposition aux piqûres d'insectes, aux microtraumatismes, et à une augmentation des contacts entre enfants durant les vacances.

3. Milieu de vie et niveau socio économique

L'impétigo semble se développer plus fréquemment en milieu rural qu'en milieu urbain. Plusieurs facteurs contribuent à cette différence, notamment les mauvaises conditions d'hygiène, la promiscuité, un niveau socio-économique plus bas, et un accès limité aux soins en milieu rural. Ces conditions favorisent l'apparition, le développement et la propagation des infections cutanées. De plus, il est mentionné que le contact avec les animaux (SA bovis et canis) en milieu rural pourrait expliquer une fréquence plus élevée de l'infection dans ce contexte. Dans l'enquête menée, 63,4% des médecins ont observé une prévalence supérieure de l'impétigo chez les enfants de milieu rural, et 60,3% ont noté une association avec un faible niveau socio-économique.

II.Aspects Cliniques de l Impétigo

L'étude aborde les aspects cliniques de l'impétigo, distinguant notamment les formes bulleuse et croûteuse (ou non bulleuse). Bien que le diagnostic clinique soit généralement facile, la diversité des présentations est mentionnée. L'étude note une prévalence plus faible de l'impétigo bulleux que ce qui pourrait être attendu, ce qui est potentiellement lié à un nombre limité de nourrissons dans les consultations des médecins généralistes.

1. Impétigo Croûteux Non Bulleux

La forme croûteuse de l’impétigo est décrite comme la plus fréquente et la plus typique chez les enfants de moins de 10 ans. Elle se caractérise par une lésion initiale vésiculo-bulleuse, parfois entourée d’une auréole inflammatoire, qui se rompt rapidement pour former une croûte jaunâtre, dite mélicérique. La coexistence de lésions à différents stades de développement est observée chez le même enfant. Des adénopathies régionales sont présentes dans 90% des cas. Sur le plan fonctionnel, les lésions sont peu douloureuses mais peuvent être prurigineuses. Une hyperleucocytose peut être observée dans 50% des cas, l’impétigo étant habituellement apyrétique. L'enquête a révélé que cette forme croûteuse était la plus fréquente selon la majorité des médecins interrogés (79,4%).

2. Impétigo Bulleux

L’impétigo bulleux, anciennement appelé « pemphigus épidémique », se distingue par une bulle de 1 à 2 cm de diamètre, parfois plus grande, contenant du pus. Contrairement à la forme croûteuse, il n’y a généralement pas d’auréole inflammatoire. Les bulles persistent pendant deux à trois jours avant de laisser place à des érosions étendues. L’adénite régionale est rare, et il n’y a habituellement pas de signes généraux. Des formes bulleuses extensives peuvent entraîner des décollements cutanés importants, avec un signe de Nikolsky positif. La fragilité de la peau des nouveau-nés et des nourrissons prédispose à cette forme d’impétigo. Cependant, l’enquête a montré que seulement 14,3% des médecins ont rapporté avoir observé cette forme, ce qui pourrait être expliqué par le faible nombre de nourrissons dans leurs consultations.

3. Localisation des Lésions

La localisation des lésions d’impétigo est ubiquitaire, mais peut varier selon le germe en cause. L’impétigo staphylococcique débute souvent en périorificiel (bouche, nez) et se propage ensuite sur le visage et les extrémités par auto-inoculation. L’impétigo streptococcique, quant à lui, se localise préférentiellement sur les parties découvertes, les régions traumatisées, et sur des lésions préexistantes. Cette variabilité de la localisation selon l’origine bactérienne de l’impétigo est une caractéristique importante pour le diagnostic différentiel et la prise en charge appropriée. La description précise de la localisation des lésions est donc cruciale pour une meilleure compréhension de la pathologie.

III.Traitement de l Impétigo Pratiques Médicales et Recommandations

L'étude examine les pratiques thérapeutiques des médecins généralistes concernant l'impétigo. Elle relève un recours moins fréquent qu'attendu aux antibiotiques locaux (34,1% des médecins), contrairement aux recommandations internationales. L'utilisation d'antibiotiques oraux est également analysée, avec une préférence pour la pénicilline M et l'amoxicilline-acide clavulanique, bien que leur prescription soit moins fréquente que prévu. L'étude met en lumière des divergences entre les pratiques des médecins et les recommandations basées sur des études scientifiques concernant l'utilisation de l'acide fucidique, de la mupirocine, et de la clindamycine, ainsi que la prise en compte du niveau de résistance aux antibiotiques (érythromycine). L'utilisation d'antiseptiques cutanés et les mesures d'hygiène sont également abordées. L'éviction scolaire est mentionnée comme mesure de prévention des épidémies.

1. Antibiothérapie Locale

L'étude explore l'utilisation d'antibiotiques locaux dans le traitement de l'impétigo. Parmi les médecins ayant prescrit un traitement local, 45,4% recommandaient l'acide fucidique (3 applications par jour) et 52,6% la chlortétracycline (3 applications par jour). Cependant, globalement, seulement 34,1% des médecins interrogés utilisaient un antibiotique local, un taux inférieur à celui observé aux Pays-Bas (64% en 2001). Des études antérieures ont démontré la supériorité de l'acide fucidique par rapport à un placebo, ainsi que par rapport à l'association néomycine-bacitracine, en termes d'efficacité clinique et bactériologique. L'efficacité de la mupirocine dans le traitement de l'impétigo localisé est également mentionnée, avec un taux de succès clinique de 85% dans une étude comparée à un placebo. L'arrivée de la rétapamuline sur le marché est signalée comme une nouvelle option thérapeutique. L'utilisation de la chlortétracycline, bien qu'autorisée, est de plus en plus limitée, malgré son utilisation par 44,2% des médecins interrogés. L'érythromycine, quant à elle, est peu utilisée en raison de la forte résistance du Staphylococcus aureus.

2. Antibiothérapie Orale

L'antibiothérapie orale est considérée comme essentielle pour accélérer la guérison, prévenir les récidives et la contamination. Le choix de l'antibiotique doit tenir compte de la sensibilité et de la résistance des germes impliqués (Staphylococcus aureus et Streptococcus beta-hémolytique du groupe A). La pénicilline M et l'amoxicilline-acide clavulanique sont recommandées en première intention, avec un taux de succès clinique supérieur à 90% et un faible taux de résistance bactérienne actuel. Cependant, l'enquête révèle une utilisation moindre de ces molécules par les médecins (47,6% pour la pénicilline M et 16% pour l'amoxicilline-acide clavulanique en première intention). Les macrolides (érythromycine, claritromycine, azithromycine) sont présentés comme une alternative en cas d'allergie aux bêta-lactamines, bien que la résistance de Staphylococcus aureus et Streptococcus beta-hémolytique du groupe A à l'érythromycine soit en augmentation. Seulement 16% des médecins de l'enquête ont proposé des macrolides en deuxième intention.

3. Antiseptiques Cutanés et Hygiène

L'utilisation d'antiseptiques cutanés reste controversée. Bien qu'ils possèdent une activité antimicrobienne rapide, leur efficacité dans le traitement de l'impétigo n'est pas prouvée. Une étude mentionne la supériorité d'un savonnage à l'hexachlorophène par rapport à un simple savonnage, mais le taux de guérison reste insuffisant. Le lavage régulier à l'eau et au savon est recommandé comme procédure essentielle avant tout traitement, accompagné d'une hygiène rigoureuse (lavage fréquent des mains, coupe et brossage des ongles, port de vêtements amples et en coton). Ces mesures contribuent à réduire la contagiosité.

4. Eviction Scolaire

L'impétigo est considéré comme une maladie transmissible justifiant une éviction scolaire pour prévenir la propagation dans les collectivités d'enfants. En France, la procédure recommandée implique que le personnel scolaire prévienne le médecin de l'école en cas de suspicion, ce dernier pouvant décider d'un écartement jusqu'à la présentation d'un certificat médical attestant du traitement. L'étude n'a pas relevé de différence significative concernant les caractéristiques cliniques et épidémiologiques de l'impétigo dans la région étudiée. Cependant, une divergence notable est observée sur le plan bactériologique, une majorité des médecins considérant le Streptococcus beta-hémolytique du groupe A comme le germe le plus fréquemment impliqué, contrairement aux données actuelles qui privilégient le Staphylococcus aureus. L'écart entre les pratiques des médecins et les recommandations thérapeutiques est souligné.

IV.Conclusion et Recommandations

L'étude conclut à la nécessité d'un suivi épidémiologique régulier des bactéries impliquées dans l'impétigo (Staphylococcus aureus et Streptococcus beta-hémolytique du groupe A) et de leur résistance aux antibiotiques. Une optimisation de la formation médicale continue est préconisée pour aligner les pratiques des médecins généralistes sur les recommandations thérapeutiques actuelles concernant le traitement de l'impétigo, notamment en ce qui concerne l'utilisation raisonnée des antibiotiques (oraux et locaux) et la prévention des épidémies.

1. Écart entre les pratiques et les recommandations

L'étude met en lumière un décalage significatif entre les pratiques thérapeutiques des médecins généralistes interrogés et les recommandations internationales concernant le traitement de l'impétigo. L'utilisation d'antibiotiques locaux est moins fréquente que souhaitable, contrairement aux recommandations du BNF et du guide belge, et aux pratiques observées aux Pays-Bas. De même, la prescription des antibiotiques oraux de première intention (pénicilline M et amoxicilline-acide clavulanique) est inférieure aux taux attendus, malgré leur efficacité prouvée. Cette divergence souligne la nécessité d'une mise à jour des connaissances et des pratiques des médecins en matière de traitement de l'impétigo, pour une prise en charge plus efficiente et en adéquation avec les données scientifiques actuelles. La faible prescription d'antibiotiques locaux, comme l'acide fucidique et la mupirocine, malgré leur efficacité démontrée, est particulièrement préoccupante.

2. Besoin d un suivi épidémiologique et de formation continue

La conclusion insiste sur l'importance d'un suivi épidémiologique régulier des deux bactéries principales impliquées dans l'impétigo (Staphylococcus aureus et Streptococcus beta-hémolytique du groupe A), ainsi que de leur niveau de résistance aux antibiotiques. Ce suivi permettra d'adapter les stratégies thérapeutiques pour maintenir une efficacité optimale tout en limitant le développement de résistances. Parallèlement, l'étude recommande une optimisation de la formation médicale continue pour les médecins généralistes. Il est crucial de les tenir informés des dernières recommandations thérapeutiques et de promouvoir l'adoption de bonnes pratiques médicales. Des initiatives telles que des tables rondes et des conférences pourraient favoriser le partage de connaissances et l'harmonisation des pratiques afin d'améliorer la prise en charge de l'impétigo.