
Étude des Injections de Lixiviats dans les Massifs de Déchets
Informations sur le document
Auteur | Rémi Clément |
instructor/editor | Marc Descloitres, Ingénieur de Recherche, IRD, LTHE, Grenoble |
school/university | Université de Grenoble |
subject/major | Océan-Atmosphère-Hydrologie |
Type de document | Thèse |
city where the document was published | Grenoble |
Langue | French |
Format | |
Taille | 17.79 MB |
- Géophysique
- Hydrologie
- Gestion des déchets
Résumé
I.Gestion des Lixiviats dans les Décharges Bio réacteurs Optimisation de la Biodégradation des Déchets
Cette étude se concentre sur l'optimisation de la gestion des lixiviats dans les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) fonctionnant en bio-réacteurs. L'objectif principal est d'améliorer l'efficacité de la biodégradation des déchets en contrôlant précisément la teneur en eau. La problématique des lixiviats, liquides riches en matières organiques et produits par la dégradation des déchets, est centrale. Le contrôle des volumes injectés est crucial pour maintenir une humidité optimale et limiter le niveau piézométrique à 50 cm, respectant ainsi la réglementation. Des outils de caractérisation et de simulation des injections de lixiviats sont nécessaires pour une gestion efficace.
1. Nécessité d une Biodégradation Rapide et Homogène des Déchets
Les exploitants d'Installations de Stockage de Déchets Non Dangereux (ISDND) font face à la nécessité d'assurer une biodégradation rapide et homogène des déchets afin d'éviter de prolonger la coûteuse phase de post-exploitation. Pour y parvenir, l'injection de lixiviats, issus de la biodégradation, dans la masse de déchets est essentielle. Un contrôle précis des volumes injectés est requis pour maintenir une humidité optimale, favorisant ainsi la biodégradation tout en respectant la réglementation (niveau piézométrique inférieur à 50 cm). Cette gestion exige des outils performants de caractérisation et de simulation des injections de lixiviats pour aider les industriels à maîtriser ce processus complexe. L'objectif est une optimisation de la gestion des déchets et une réduction des coûts liés à la post-exploitation, un aspect crucial pour la viabilité économique des installations. Une mauvaise gestion, comme observée avant les années 90 en France (7800 décharges et 25000 dépôts sauvages en 1999 selon l'OPECST), souligne l'importance de ces avancées technologiques et de la recherche d'une meilleure gestion des 13 millions de tonnes de déchets provenant des ordures ménagères traitées chaque année dans les ISDND, sans compter les Déchets Industriels Banals (DIB).
2. La Problématique des Lixiviats et le Principe du Bio réacteur
La formation de lixiviats, sous l'effet de la pluie et de la fermentation naturelle des déchets, pose un problème majeur. Ces liquides, riches en matières organiques et en éléments métalliques et chimiques, ne peuvent être rejetés directement dans l'environnement. Des réseaux de drainage sont donc mis en place pour collecter et traiter ces lixiviats. Le contrôle des volumes de lixiviats dans les casiers est crucial pour maintenir une bonne humidité dans les déchets, optimiser leur dégradation, et rester en-dessous du seuil réglementaire de 50 cm de niveau piézométrique. Pour améliorer la biodégradation et réduire la production de lixiviats, le concept de bioréacteur a été développé. Contrairement aux casiers traditionnels, le bioréacteur possède une couverture totalement étanche, permettant l'injection contrôlée des lixiviats collectés à la base du casier vers le sommet, introduisant ainsi l'eau et les micro-organismes nécessaires à une dégradation optimisée. Ce processus innovant permet de réguler la teneur en eau et de diminuer significativement le volume de lixiviats à traiter, un atout majeur pour la gestion et le coût de fonctionnement des ISDND. L'étude vise à modéliser la circulation des lixiviats dans un bioréacteur à l'échelle industrielle, une étape essentielle pour une gestion efficace et durable de ces installations.
3. Difficultés de Dimensionnement des Systèmes d Injection et Approche Hydrogéophysique
Le dimensionnement des systèmes d'injection de lixiviats dans les déchets reste un défi important. La répartition des volumes injectés est difficile à obtenir sans recourir à de multiples forages coûteux. Pour pallier ces limitations, une approche hydrogéophysique est privilégiée, combinant des techniques géophysiques éprouvées avec une simulation hydrodynamique. La simulation hydrodynamique, bien que complexe, surtout à l'échelle industrielle, est cruciale pour comprendre et prédire la circulation des lixiviats. Des modèles fiables nécessitent de nombreux paramètres et conditions initiales précises. L'étude s'appuie sur une collaboration ayant permis la réalisation de mesures géophysiques sur un site expérimental dans le Nord de la France (casier fermé depuis 2002, partiellement saturé par les lixiviats nécessitant un pompage bimestriel) et sur un autre site similaire dans la Drôme (âge des déchets, production de biogaz, date de fermeture). Les résultats obtenus sur ces sites serviront à calibrer et valider les modèles de simulation hydrodynamique. L'objectif est donc de créer des modèles prédictifs qui permettent de concevoir des systèmes d'injection efficaces et optimisés, réduisant ainsi les coûts de gestion à long terme des sites d'enfouissement.
II.Caractérisation Hydrogéophysique des Déchets ERT et RMN
L'approche adoptée combine des méthodes hydrogéophysiques, notamment la tomographie de résistivité électrique (ERT) et la résonance magnétique des protons (RMN), avec une simulation hydrodynamique (logiciel HYDRUS-2D). L'ERT permet de caractériser la structure et les propriétés hydrodynamiques du milieu, tandis que la RMN fournit des informations sur la conductivité hydraulique à saturation. L'intégration de ces données géophysiques dans la simulation hydrodynamique permet d'établir un modèle conceptuel de la circulation des lixiviats, démontrant l'hétérogénéité du milieu des déchets. Des développements méthodologiques ont été entrepris pour améliorer l'inversion des données ERT, notamment pour les suivis temporels et l'application de la RMN à des milieux hétérogènes.
1. Utilisation de la Tomographie de Résistivité Électrique ERT
L'étude utilise la tomographie de résistivité électrique (ERT) pour caractériser la structure et les propriétés hydrodynamiques du milieu des déchets. L'ERT exploite la relation entre la résistivité électrique du sol, la teneur en eau, la conductivité de l'eau et la température, paramètres importants pour l'exploitant d'une ISDND. Son principal atout est sa capacité à spatialiser la distribution des résistivités électriques en 2D et 3D. Les progrès de l'informatique permettent des acquisitions à haute cadence, cruciales pour étudier les infiltrations rapides. Cependant, la méthode présente des limites, notamment les effets d'infiltration superficielle qui peuvent créer des artefacts d'inversion en profondeur. Des artefacts de variation de la résistivité électrique, observés dans la littérature lors de suivis temporels, sont également pris en compte. L'étude approfondit ces limitations pour proposer des solutions de mesures et d'inversion afin d'améliorer la précision de l'imagerie géophysique et limiter l'impact des artefacts, améliorant ainsi l'interprétation hydrodynamique. L'ERT est couramment utilisée dans les études des déchets pour comprendre la circulation des lixiviats, comme le montrent les travaux de divers auteurs (Grellier et al., 2008; Guérin et al., 2004; Marcoux, 2008; Moreau et al., 2003).
2. Intégration de la Résonance Magnétique des Protons RMP
La méthode de Résonance Magnétique des Protons (RMP) est également employée pour obtenir des informations sur les gammes de conductivité hydraulique dans le massif de déchets. Cependant, l'hétérogénéité des déchets représente un défi majeur pour l'utilisation de la RMP, affectant la connaissance de la distribution de la teneur en eau à saturation. La RMP fournit classiquement une distribution 1D de la teneur en eau, alors qu'une représentation spatialisée en 2D serait plus appropriée pour les déchets. Pour remédier à cette limitation, un code d'inversion 2D, développé au LTHE, est testé sur un milieu de géométrie simple avant application aux déchets. Les résultats de ces mesures de teneur en eau en 2D sont comparés à d'autres méthodes géophysiques afin de valider le code d'inversion. Malgré son potentiel pour fournir des données utiles à la modélisation hydrodynamique (conductivité hydraulique à saturation et porosité), la RMP n'a jamais été testée sur les déchets en raison de leur caractère magnétique, comme démontré par Cossu (2005). L'utilisation de l'écho de spin pourrait permettre de surmonter cette limitation et apporter des informations uniques sur les propriétés du milieu, inaccessibles par d'autres méthodes.
3. Combinaison des Résultats Géophysiques et Simulation Hydrodynamique
La troisième étape de la recherche consiste en la combinaison des résultats géophysiques (ERT et RMP) avec une simulation hydrodynamique réalisée à l'aide du logiciel HYDRUS-2D. Cette intégration permet d'établir un modèle conceptuel des circulations des lixiviats dans les déchets. Les résultats de la simulation montrent clairement que les déchets ne peuvent en aucun cas être assimilés à un milieu poreux homogène à l'échelle du site industriel. Le milieu s'apparente plutôt à une matrice poreuse de faible conductivité hydraulique, traversée par des drains à très forte conductivité. Cette approche, combinant les données géophysiques et la simulation numérique, permet une compréhension plus réaliste et précise des processus de transport hydrique au sein des déchets, information essentielle pour optimiser les techniques d'injection des lixiviats et améliorer la biodégradation des déchets. Cette modélisation permet d'éviter une approche simplifiée qui pourrait mener à des interprétations erronées et à des systèmes d'injection inefficaces.
III.Surveillance des Injections de Lixiviats par Tomographie de Résistivité Électrique ERT Minimisation des Artefacts
Une partie importante de la recherche porte sur la minimisation des artefacts lors de l'utilisation de l'ERT en mode temps-lapse pour suivre les injections de lixiviats. Des simulations numériques ont montré que les dispositifs d'électrodes classiques (Wenner-Schlumberger et dipôle-dipôle) peuvent générer des artefacts d'augmentation de résistivité. L'utilisation de dispositifs asymétriques (pôle-dipôle), combinée à des paramètres d'inversion optimisés, permet de réduire significativement ces artefacts et d'obtenir des images ERT plus fiables de la géométrie de l'infiltration des lixiviats. L'étude a inclus des expérimentations sur le terrain et des analyses de suivi temporel de la résistivité.
1. Artefacts d imagerie ERT lors du suivi temporel d infiltration
L'étude se concentre sur les artefacts apparaissant lors de l'utilisation de la tomographie de résistivité électrique (ERT) en mode temps-lapse pour suivre l'infiltration de lixiviats. Plusieurs auteurs ont signalé des artefacts lors de phénomènes d'infiltration, notamment des augmentations apparentes de résistivité en profondeur lorsque des paramètres d'inversion classiques sont utilisés (Descloitres et al., 2003). L'objectif est d'identifier et de minimiser ces artefacts pour obtenir une représentation plus fidèle de la géométrie du panache de lixiviats. Des simulations numériques 2D simulant une expérience d'infiltration sont réalisées pour analyser l'impact des paramètres d'inversion et des dispositifs d'électrodes. Des dispositifs symétriques (Wenner-Schlumberger et dipôle-dipôle), couramment utilisés, sont étudiés et comparés, montrant la présence d'artefacts. L'étude souligne l'importance de choisir les paramètres d'inversion appropriés pour obtenir des résultats fiables et éviter les interprétations erronées, ce qui est crucial pour l'optimisation de la gestion des lixiviats dans les sites industriels. L'analyse des résultats met en évidence l'impact des paramètres d'inversion et des types de dispositifs d'électrodes sur la qualité de l'imagerie ERT, un point essentiel pour une interprétation hydrodynamique précise.
2. Optimisation des paramètres d acquisition et d inversion ERT
L'étude explore différentes solutions pour limiter ou supprimer les artefacts observés lors du suivi temporel de la résistivité électrique. L'utilisation de dispositifs asymétriques (pôle-dipôle avec des jeux de données directes et inverses) se révèle prometteuse pour réduire significativement les artefacts. En complément, l'option "minimum length" pour l'inversion du second pas de temps est efficace pour réduire considérablement les artefacts avec les dispositifs dipôle-dipôle et Wenner-Schlumberger. Pour les infiltrations superficielles, le découplage des cellules de calcul proches de la surface (option "Decoupling line") est préconisé, en tenant compte du front d'infiltration et des pluies éventuelles entre les acquisitions. Cette approche exige l'acquisition de données avec de petits espacements d'électrodes, complexifiant les acquisitions de terrain. Concernant les infiltrations 3D, le dispositif "star array" permet d'obtenir de meilleurs résultats, surtout lors d'injections ponctuelles, même sans injection entre les lignes. Ce dispositif est particulièrement adapté quand le point de départ de l'injection est connu. Pour les infiltrations 3D plus complexes, il est conseillé d'utiliser une géométrie d'électrodes en étoile au lieu des lignes parallèles classiques, pour une meilleure couverture du terrain.
3. Validation des méthodes par expérimentation et modélisation
Pour valider les résultats des simulations numériques, des expérimentations sur le terrain ont été menées, en utilisant des configurations d'électrodes et des paramètres d'inversion optimisés. Des essais d'infiltration dans une fosse de sable limoneux, avec des dispositifs d'injection en micro-tranchée et sous un infiltromètre à disque (pour des géométries d'infiltration 2D et 3D), permettent de reproduire et de tester les conditions d'infiltration facilement. L'homogénéité du milieu poreux et la possibilité d'implanter des capteurs in situ offrent un meilleur contrôle de la validité des interprétations géophysiques. L'inversion des données de résistivité apparentes, avec des paramètres d'inversion par défaut ("standard"), permet d'obtenir une distribution initiale des résistivités. La comparaison du modèle de résistivité interprété avec le modèle de résistivité vraie initiale sert à valider la méthodologie. L'étude souligne l'importance d'une validation rigoureuse des méthodes d'acquisition et d'inversion pour obtenir des données fiables et interprétables, essentielles pour une compréhension approfondie des processus d'infiltration de lixiviats et pour l'optimisation de la gestion des décharges.
IV.Modélisation 3D de la Circulation des Lixiviats Détermination du Volume Affecté par l Injection
L'étude inclut une modélisation 3D de l'injection de lixiviats afin de déterminer avec précision le volume de déchets affecté par le processus d'injection. L'ERT 3D temps-lapse a été utilisée, et la méthodologie d'inversion et les dispositifs d'électrodes ont été optimisés grâce à une modélisation numérique simulant un scénario d'injection 3D. Les images ERT ont été comparées aux volumes injectés pour évaluer la sensibilité de l'ERT temps-lapse à la délimitation de la migration du panache. Des analyses ont mis en évidence un effet de diffusion numérique lors de l'inversion, nécessitant une détermination précise de l'iso-contour de variation de résistivité pour une interprétation hydrodynamique correcte.
1. Modélisation 3D de l injection de lixiviats une approche par ERT temps lapse
Cette partie de l'étude se concentre sur l'utilisation de la tomographie de résistivité électrique tridimensionnelle (ERT 3D) en mode temps-lapse pour suivre l'injection de lixiviats dans une décharge fonctionnant en bioréacteur. Le but principal est de délimiter précisément le volume de déchets affecté par l'injection et de comprendre l'hydrodynamique de la recirculation des lixiviats, un processus crucial pour optimiser la biodégradation des déchets. La modélisation 3D permet de prendre en compte l'hétérogénéité et l'anisotropie du milieu poreux des déchets, contrairement aux approches 1D ou 2D. Des simulations numériques 3D simulant un scénario d'injection de lixiviats ont été réalisées pour optimiser la méthodologie d'inversion et les dispositifs d'électrodes utilisés. Une configuration en étoile ("star array") s'avère particulièrement efficace pour minimiser les artefacts et obtenir une image plus précise de l'infiltration des lixiviats. L'ERT 3D temps-lapse est ensuite appliquée à l'échelle du terrain lors d'une injection expérimentale. L'analyse des données permet d'évaluer la sensibilité de la méthode pour délimiter la migration du panache de lixiviats et améliorer la compréhension des processus hydrodynamiques à l'échelle du site industriel. La prédiction de la migration dynamique du lixiviat à cette échelle est complexe.
2. Analyse des données d inversion temps lapse et modélisation synthétique
L'analyse des données d'inversion temps-lapse repose sur une modélisation synthétique pour déterminer l'iso-contour de variation de résistivité qui décrit le mieux le volume d'un objet connu. Le principal défi est de délimiter précisément le volume de déchets affectés par l'injection. La résistivité électrique diminue généralement avec l'augmentation de la teneur en eau des déchets. Cependant, l'ERT étant une méthode indirecte, un processus d'inversion est nécessaire, introduisant un effet de diffusion numérique (lisse les variations de résistivité). La modélisation synthétique permet d'évaluer l'erreur associée aux calculs volumétriques obtenus par ERT 3D temps-lapse. En utilisant un modèle synthétique proche de la procédure d'inversion utilisée pour les données de terrain, l'étude a permis de déterminer que l'erreur sur les calculs volumiques pouvait atteindre ±15%, même dans des cas simples. L'analyse se base sur le pourcentage de variation de résistivité calculée (PCRV) et le rapport entre le volume du panache calculé et le volume réel (ARVD). Le choix de l'iso-contour optimal est crucial pour une interprétation hydrodynamique précise, et cette étude permet de quantifier l'incertitude liée à cette approche.
3. Expérimentation sur le terrain et interprétation des résultats
Une expérimentation sur le terrain a été conduite pour valider la méthodologie 3D. Le dispositif expérimental comprenait une couche de sol sableux superficielle (1 à 1,5 mètre d'épaisseur, résistivité entre 65 et 100 Ω.m) et une couche de déchets (9 à 13 mètres d'épaisseur, résistivité entre 18 et 22 Ω.m). Le dispositif d'acquisition ERT 3D comportait un réseau d'électrodes en étoile (168 électrodes en acier inoxydable, dispositif "star array"), conçu à partir de la modélisation synthétique. L'injection de lixiviats a été suivie sur plusieurs heures (3 et 17 heures). Après 3 heures, le panache d'infiltration était approximativement sphérique et symétrique (épaisseur 2 à 3 m, extension horizontale 3,5 m). Entre 3 et 17 heures, l'épaisseur du panache atteignait 4 m avec une extension horizontale de 5 à 6 m, le flux vertical étant ralenti entre 2 et 3 m sous le point d'injection. L'effet de lissage observé en modélisation pourrait expliquer la lente augmentation de l'épaisseur du panache. La comparaison des images ERT avec les volumes injectés a permis d'évaluer la sensibilité de la méthode et de mieux comprendre la migration des lixiviats dans un milieu hétérogène. La comparaison avec les données d'une sonde à neutrons (Clement et al., 2009a) a également été effectuée.