
Étude rétrospective sur la méningite bactérienne chez l'adulte
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Langue | French |
Format | |
Taille | 1.15 MB |
- méningite bactérienne
- épidémiologie
- soins intensifs
Résumé
I.Diagnostic de la Méningite Bactérienne
Le diagnostic des méningites bactériennes, notamment la méningite à pneumocoque et la méningite à méningocoque, repose principalement sur la ponction lombaire (PL) et l'analyse du liquide céphalorachidien (LCR). L'examen du LCR inclut le compte de cellules (cellulorachie), le dosage des protéines (protéinorachie), et le taux de glucose (glycorachie), avec une attention particulière au rapport glycorachie/glycémie. Les hémocultures sont également utiles, bien que leur sensibilité diminue avec un traitement antibiotique précoce. La TDM cérébrale est souvent réalisée pour évaluer la présence d'une HTIC (hypertension intracrânienne) et exclure des contre-indications à la PL. Des signes cliniques comme la raideur de nuque, la fièvre, et les troubles de la conscience sont importants pour le diagnostic initial.
1. La Ponction Lombaire et l Analyse du LCR
L'élément central du diagnostic de méningite bactérienne est la ponction lombaire (PL), permettant l'analyse du liquide céphalorachidien (LCR). Cette analyse se concentre sur plusieurs paramètres clés: le compte des globules blancs (cellulorachie), la concentration protéique (protéinorachie), et le taux de glucose (glycorachie). Le rapport glycorachie/glycémie est particulièrement pertinent. Des valeurs anormales de ces paramètres, combinées à des signes cliniques, permettent d'orienter fortement le diagnostic vers une méningite bactérienne. Même en l'absence de confirmation microbiologique, un faisceau d'arguments épidémiologiques et clinico-biologiques peut suffire à étayer le diagnostic, comme illustré par l'inclusion de cas de méningites suspectées d'origine tuberculeuse dans l'étude, où le diagnostic a été redressé après observation d'une résistance aux antibiotiques usuels, une réévaluation de l'histoire de la maladie et les résultats de la PL. L'étude mentionne également des cas avec des LCR atypiques, soulignant la complexité diagnostique et la nécessité d'une interprétation clinique fine des résultats.
2. Le Rôle de l Imagerie Cérébrale TDM
L'imagerie cérébrale, principalement par TDM, joue un rôle complémentaire essentiel dans le diagnostic des méningites bactériennes. Elle permet de détecter des complications potentiellement graves telles qu'une hypertension intracrânienne (HTIC), qui peut constituer une contre-indication à la PL ou influencer la stratégie thérapeutique. Dans l'étude, une TDM cérébrale a été effectuée pour tous les patients, révélant des anomalies dans 70% des cas. Ces anomalies ne constituaient pas systématiquement une contre-indication à la PL, mais leur présence influence l'interprétation clinique. L'étude compare également les résultats de sa pratique à ceux d'études menées au CHU de Bordeaux, soulignant des différences dans l'utilisation de la TDM notamment devant des tableaux cliniques typiques non compliqués (48% et 49% dans les études bordelaises versus 86,67% dans l'étude de Marrakech). La TDM est également cruciale pour identifier des complications comme des abcès cérébraux nécessitant une prise en charge neurochirurgicale; dans cette étude, 5 cas sur le total ont présenté un abcès cérébral. L'utilisation de la TDM avant la PL est recommandée en cas de signes d'engagement cérébral, tels que mydriase unilatérale, instabilités respiratoires ou cardiaques, hoquet, et rigidité des mouvements.
3. L intérêt des Hémocultures
Les hémocultures sont un outil diagnostique important pour identifier le germe responsable de la méningite bactérienne, surtout lorsqu'elles sont réalisées avant l'instauration d'une antibiothérapie. Plusieurs études (Bryant et al., Van de Beek et al., Bronska et al.) montrent que le nombre d'hémocultures positives diminue significativement si un traitement antibiotique est commencé précocement. L'étude de Marrakech rapporte cependant un faible recours aux hémocultures, avec une seule hémoculture réalisée (et négative) contrairement aux pratiques rapportées dans d'autres études. Ceci souligne une différence notable de pratique, possiblement liée à la gravité des cas pris en charge en réanimation et à l'urgence d'instaurer une antibiothérapie probabiliste. Dans les cas de contre-indication à la PL ou de situation d'urgence nécessitant une antibiothérapie immédiate (par exemple, purpura fulminans, indisponibilité d'une gestion hospitalière rapide), les hémocultures sont d'autant plus importantes pour guider la prescription antibiotique.
II.Facteurs Pronostiques et Mortalité
L'étude rétrospective menée au CHU Mohamed VI de Marrakech (janvier 2003 - avril 2009) sur 30 patients adultes atteints de méningites bactériennes communautaires (MBC) a révélé un taux de mortalité élevé (66,67%). Plusieurs facteurs pronostiques ont été identifiés: l'insuffisance rénale (P=0,048), la méningo-encéphalite (P=0,013), le recours aux amines vasopressives (P=0,010), et l'intubation ventilation assistée (IVA) (P=0,025). D'autres facteurs, comme l'âge, le score de Glasgow, et la présence de thrombopénie ou d'une coagulopathie de consommation, ont été étudiés, mais sans corrélation significative avec la mortalité dans cette série particulière. Des facteurs comme le délai entre l'apparition des symptômes et le début du traitement antibiotique ont aussi une influence significative sur le pronostic. Le délai moyen entre les premiers symptômes et l'admission était de 138 heures, ce qui souligne le retard dans la prise en charge.
1. Taux de Mortalité et Etude à Marrakech
Une étude rétrospective menée au CHU Mohamed VI de Marrakech entre janvier 2003 et avril 2009 a analysé 30 cas de méningites bactériennes communautaires (MBC) chez des adultes. L’étude a révélé un taux de mortalité globalement élevé de 66,67%, avec 50% des décès attribués à un choc septique et 30% à une mort cérébrale due à un engagement cérébral. L'âge moyen des patients était de 34,96 ± 14,21 ans, et 70% présentaient une immunodépression ou un facteur de risque associé. Un score de Glasgow inférieur ou égal à 8 a été observé chez 63,4% des patients. Les valeurs moyennes des paramètres du LCR étaient : cellulorachie à 12427 ± 5585,16, protéinorachie à 2,43 ± 2,31, et un rapport glycorachie/glycémie à 0,29 ± 0,096. Un germe a été identifié dans seulement 23,3% des cas (20% S. pneumoniae, 3,3% N. meningitidis). Le délai moyen entre les premiers symptômes et l'admission était de 13h16min, et celui entre l'admission et l'antibiothérapie probabiliste de 138h. L'intubation ventilation assistée (IVA) était nécessaire pour 76,67% des patients, et les amines vasopressives pour 30%. Une corticothérapie à base de prednisolone a été administrée à 20% des patients.
2. Facteurs Pronostiques Identifiés
L'analyse comparative entre les patients décédés et les survivants a mis en évidence une corrélation statistique significative entre la mortalité et certains facteurs. L'insuffisance rénale (P=0,048), la méningo-encéphalite (P=0,013), le recours aux amines vasopressives (P=0,010), et l'IVA (P=0,025) se sont avérés être des facteurs pronostiques indépendants de mortalité dans cette analyse bivariée. Il est important de noter que les délais de prise en charge, l'âge, et un bas score de Glasgow n'ont pas montré d'association significative avec la mortalité dans cette étude spécifique. La petite taille de l'échantillon limite la portée de l'analyse statistique et l'identification d'autres facteurs pronostiques potentiels. L'étude souligne également l'importance d'optimiser les délais de prise en charge et de prévenir les complications pour améliorer le pronostic des méningites bactériennes graves chez l'adulte.
3. Analyse de Paramètres Sériques et Autres Facteurs
L'étude a également exploré différents paramètres sériques et d'autres facteurs en relation avec la mortalité. La leucocytose, bien que faisant partie du calcul des scores APACHE II et IGS II (utilisés dans d'autres études pour prédire la mortalité), n'a pas montré d'association significative dans cette série (P=0,85). De même, la thrombopénie n'a pas été significativement associée à la mortalité (P=0,18), contrairement aux résultats observés dans d'autres études en réanimation. L'absence de purpura dans la série et l'évaluation limitée de ce paramètre dans la littérature rendent difficile une analyse de son impact pronostique. Concernant la glycorrachie, les résultats de cette étude concordent avec ceux d'autres travaux, ne montrant pas de corrélation avec la mortalité, contrairement à des études réalisées à Rabat et à Prague qui ont rapporté une association significative avec une glycorrachie basse. L'étude souligne l'importance de la relation entre la réaction inflammatoire et la coagulation, mentionnant des travaux suggérant un lien entre la CIVD aiguë et un mauvais pronostic.
4. Délai de Prise en Charge et Pronostic
Le délai entre l'apparition des premiers symptômes et le début du traitement antibiotique est un facteur crucial influençant le pronostic. L'étude a constaté un délai moyen plus long chez les patients décédés (158,4 ± 141,96 heures entre les premiers symptômes et l'admission, contre 97,20 ± 72,98 heures pour les survivants). Le délai entre l'admission et le début de l'antibiothérapie probabiliste était également plus long chez les patients décédés (15 ± 9 heures contre 9,8 ± 8,67 heures). Ce retard est en partie lié au processus de diagnostic en milieu hospitalier, avec un passage par des médecins juniors avant l'avis du spécialiste, et la fréquence de tableaux cliniques atypiques. Des comparaisons avec d'autres études, indiquant des délais beaucoup plus courts pour l'initiation de l'antibiothérapie, mettent en évidence les points à améliorer pour optimiser la prise en charge de ces patients. L'antibiothérapie pré-hospitalière est discutée, avec une mise en garde sur les risques associés, notamment pour les cas de méningococcémie sévère.
III.Traitement des Méningites Bactériennes
Le traitement des méningites bactériennes requiert une antibiothérapie rapide. L’administration précoce d’antibiotiques (ATB), tels que les bêta-lactamines, est cruciale. La corticothérapie adjuvante, avec des corticoïdes comme la dexamethasone ou la prednisolone, peut être bénéfique pour réduire l'inflammation et l'œdème cérébral, mais son utilisation reste controversée. Le traitement de la méningite tuberculeuse implique un traitement multi-médicamenteux avec des antituberculeux comme la rifampicine, l'isoniazide, et le pyrazinamide. La gestion du choc septique nécessite un traitement symptomatique agressif, incluant un remplissage vasculaire et des amines vasopressives pour maintenir une pression artérielle adéquate. Le traitement doit être adapté à l'agent pathogène identifié et à sa sensibilité aux antibiotiques.
1. Antibiothérapie et Traitement d Urgence
Le traitement des méningites bactériennes repose avant tout sur l'administration rapide d'antibiotiques (ATB). L'antibiothérapie probabiliste, c'est-à-dire initiée avant l'identification du germe, est souvent nécessaire en raison de la gravité potentielle de la maladie et de la nécessité d'agir rapidement. Le document souligne l'importance de la rapidité d'instauration du traitement, le délai entre l'admission et le début de l'antibiothérapie étant un facteur pronostique majeur. Dans l'étude, ce délai était significativement plus long chez les patients décédés. L'étude de Marrakech met en évidence un délai moyen significativement plus long entre l'admission et le début du traitement antibiotique (138 heures) par rapport à d'autres études, soulignant un besoin d'amélioration dans la prise en charge précoce. Des situations comme le purpura fulminans nécessitent une initiation immédiate du traitement antibiotique avant même la réalisation d'une ponction lombaire (PL) et nécessitent la réalisation d'hémocultures. Le clinicien et le personnel de microbiologie doivent veiller à la justesse des doses, des modes d'administration, et comparer la concentration des ATB dans le LCR à la CMI des germes.
2. Corticothérapie Adjuvante
La corticothérapie adjuvante, utilisant des corticoïdes comme la dexamethasone ou la prednisolone, est une approche discutée dans le traitement des méningites bactériennes. Son objectif principal est de réduire l'inflammation et l'œdème cérébral causés par la réaction inflammatoire au niveau de l'espace sous-arachnoïdien. L'étude de Marrakech note une utilisation de corticothérapie dans 20% des cas, sans association significative avec la mortalité dans cette cohorte. Des études expérimentales montrent que la réponse inflammatoire à l'infection bactérienne peut être délétère malgré une antibiothérapie efficace, la corticothérapie agissant sur la production du TNF-α et d'IL-1. Cependant, la littérature présente des résultats contradictoires quant à l'efficacité de la corticothérapie, avec une utilisation controversée notamment en raison du risque de masquer l'agent infectieux et d'interférer avec la pénétration des antibiotiques dans le LCR, ainsi que des effets indésirables possibles (hémorragies digestives par exemple). Son utilisation est déconseillée chez les patients immunodéprimés ou déjà sous antibiothérapie parentérale.
3. Traitement du Choc Septique et Autres Traitements
Le choc septique, complication potentiellement mortelle des méningites bactériennes, nécessite une prise en charge spécifique et énergique. Le document met en avant l'importance d'un remplissage vasculaire précoce pour maintenir une pression artérielle adéquate (PAM > 90 mmHg et PPC > 70 mmHg) et l'utilisation d'agents ionotropiques et d'amines vasopressives. L'administration de corticoïdes doit être à faible dose, sauf en cas d'insuffisance surrénale. L'étude de Marrakech a constaté que 30% des patients ont nécessité des amines vasopressives, ce qui était corrélé à une augmentation de la mortalité. Dans 16 cas un traitement anti-convulsivant a été administré, un chiffre proche des données de la littérature. L'étude mentionne également le traitement de la méningite tuberculeuse qui diffère de celui des méningites bactériennes communes, nécessitant une polythérapie antituberculeuse (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide, et potentiellement streptomycine et ethambutol), administrée pendant au moins 12 mois selon les consensus.
IV.Complications et Surveillance
Les complications des méningites bactériennes peuvent être neurologiques (œdème cérébral, hydrocéphalie, abcès cérébral) ou extra-neurologiques. La surveillance post-traitement est essentielle pour détecter les complications neurologiques à court et long terme. Des examens de suivi sont recommandés pour évaluer des séquelles cognitives ou des troubles psychiatriques tels que la dépression. La prévention par la vaccination contre les méningocoques (sérogroupes A, C, Y, W135) et le pneumocoque est importante.
1. Complications Neurologiques
Les méningites bactériennes peuvent entraîner diverses complications neurologiques impactant significativement le pronostic. Parmi celles-ci, le document mentionne l’œdème cérébral, l’hydrocéphalie, l’infarctus cérébral (artériel ou veineux hémorragique), l’empyème, l’abcès cérébral, l’encéphalite pré-suppurative, l’embolie septique, et la thrombose des veines corticales ou des sinus dure-mériens. Ces complications cérébrales sont les plus fréquentes, l'hypertension intracrânienne (HTIC) étant une complication commune. L'hydrocéphalie, en particulier, est identifiée comme une cause majeure de mortalité et de morbidité, notamment dans le cas de la méningite tuberculeuse, comme le soulignent plusieurs études citées (Misra et al., Mathew et al., Katrak et al., Lu et al.). L’œdème cérébral et l'hydrocéphalie contribuent à l'augmentation de la pression intracrânienne (PIC), augmentant le risque d'engagement cérébral, une cause directe de mortalité. La gestion de la PIC n'est pas systématique, le diagnostic reposant souvent sur le tableau clinique et l'imagerie cérébrale, ce qui peut retarder la prise en charge de ces complications.
2. Surveillance Post Traitement
Une surveillance rigoureuse est essentielle après le traitement des méningites bactériennes, afin de détecter précocement d'éventuelles complications et de suivre l’évolution du patient. Le document recommande une surveillance quotidienne (examen clinique, glycémie, diurèse, natrémie, fièvre, tension artérielle) et une surveillance à long terme après la sortie de l'hôpital (deux semaines puis un mois). Ce suivi est crucial pour dépister les complications neurologiques, notamment les séquelles cognitives et les troubles psychiatriques comme la dépression. L'étude de Marrakech mentionne un suivi de contrôle par TDM dans 53,3% des cas, permettant de détecter des complications comme des abcès cérébraux, dispensant de la réalisation d'une PL de contrôle et nécessitant une prise en charge neurochirurgicale. L'amélioration du LCR après traitement est un paramètre observé mais qui n'a pas été étudié dans les autres études citées. Pour les jeunes adultes, une consultation avec un immunologiste est recommandée en cas de méningite récurrente.
3. Vaccination Préventive
La prévention des méningites bactériennes, notamment les méningites à méningocoques et à pneumocoques, passe par la vaccination. Les vaccins méningococciques, divalents (A et C) ou tétravalents (A, C, Y, W135), sont disponibles. L'absence de vaccin polyosidique capsulaire contre le méningocoque B est soulignée. La vaccination est utilisée pour contrôler les épidémies, protéger les voyageurs, les militaires, les pèlerins, et en cas d'émergence de nouvelles souches (comme le W135). Un vaccin conjugué monovalent contre le sérogroupe C est plus immunogène que les vaccins polyosidiques, notamment chez les enfants de moins de 2 ans. Concernant le pneumocoque, les vaccins sont également abordés, avec la mention du vaccin seven-valent (ne couvrant pas le sérotype 1, important en Afrique) et le vaccin nine-valent (couvrant le sérotype 1 et ayant démontré une réduction de l'incidence de la maladie envahissante en Afrique du Sud et en Gambie). La vaccination contribue à la réduction de l'incidence de la maladie dans les populations et à la diminution du portage de germes chez les enfants.