Étude sur les syndromes parkinsoniens toxiques au Sud du Maroc

Étude sur les syndromes parkinsoniens toxiques au Sud du Maroc

Informations sur le document

Auteur

Yassine MEBROUK

École

Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech

Spécialité Médecine
Lieu Marrakech
Type de document Thèse
Langue French
Format | PDF
Taille 2.16 MB
  • Syndromes parkinsoniens
  • Toxicologie
  • Épidémiologie

Résumé

I.Prévalence des Syndromes Parkinsoniens Toxiques SPT au Sud du Maroc

Cette étude épidémiologique, clinique, biochimique, toxicologique et histopathologique explore la prévalence des SPT, notamment liés au manganèse, dans le sud du Maroc. Alors que la maladie de Parkinson idiopathique touche généralement des personnes âgées, les SPT affectent des populations plus jeunes, avec une inefficacité de la lévodopa. L’étude cible les régions de Marrakech et Ouarzazate, riches en sites miniers (Imini, Bou Azzer, Kettara, Bou Madine), sources potentielles d'exposition à des métaux lourds comme le manganèse, le cuivre, le plomb, le zinc et le mercure. Une prévalence de 5,7% de SPT a été observée près de la mine d'Imini (principalement du manganèse) et de 4,5% près de la mine de Bou Azzer. La consanguinité, élevée (30,4%) chez les riverains des mines, est un facteur à considérer.

1. Contexte et Problématique des Syndromes Parkinsoniens Toxiques au Maroc

L'étude s'intéresse à la prévalence des syndromes parkinsoniens toxiques (SPT) au sud du Maroc, une région où peu d'études épidémiologiques ou toxicologiques ont été menées jusqu'à présent. Contrairement à la maladie de Parkinson idiopathique (MPI) qui affecte principalement les personnes âgées, les SPT touchent une population plus jeune, rendant la dopathérapie souvent inefficace. L'étude souligne le manque de statistiques précises sur la maladie de Parkinson au Maroc, contrairement aux pays occidentaux où la prévalence est estimée entre 100 et 200 cas pour 100 000 habitants. La recherche de l'étiologie de la maladie de Parkinson met en avant l'hypothèse d'un rôle des toxiques environnementaux, une hypothèse qui nécessite des investigations plus approfondies, notamment au Maroc. L’unique étude précédente au Maroc, menée en 1955 par Rodier, a révélé une intoxication manganique chez des mineurs du sud, avec une symptomatologie extrapyramidale prédominante. Cette nouvelle étude vise à combler ce manque de données en réalisant une étude multidisciplinaire (épidémiologique, clinique, biochimique, toxicologique, et histopathologique) pour identifier et prouver l'existence de SPT dans cette région.

2. Facteurs de Risque Professionnels et Environnementaux

Plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence une fréquence plus élevée de syndromes parkinsoniens chez certains groupes de travailleurs, notamment les charpentiers-menuisiers, les nettoyeurs, les travailleurs exposés aux métaux lourds et les soudeurs. D'autres facteurs de risque, liés à l'environnement, incluent la résidence en milieu rural, la consommation d'eau de puits et le travail dans le domaine agricole, ainsi que la pratique régulière du jardinage. Les intoxications chroniques par le manganèse (Mn) constituent une exposition majeure, mais d'autres substances comme le cuivre (Cu), le zinc (Zn), le plomb (Pb), le mercure (Hg) et le fer (Fe) sont également incriminées. L'étude se déroule dans les régions de Marrakech et Ouarzazate, choisies en fonction de données épidémiologiques, cliniques et de la cartographie des mines présentes dans la zone. Les employés et les riverains des exploitations minières (mines d'Imini et de Bou Azzer) sont inclus dans l'étude, avec un groupe contrôle recruté à l'hôpital Ibn Tofail de Marrakech. L'étude tient également compte du taux de consanguinité élevé au sein des populations étudiées. Enfin, l'étude reconnaît l'impact environnemental important des mines sur la région, notamment la pollution des sols et de l'eau, comme le démontre l'analyse des eaux de ruissellement de la mine de Kettara, riches en sulfates, aluminium, magnésium et métaux lourds.

3. Résultats Préliminaires et Prévalence des SPT

L'étude a examiné 238 cas. Dans la région des mines prospectées, une prévalence de syndromes parkinsoniens a été observée. Au niveau de la mine d'Imini (principalement manganèse), 5,7% de la population présente un syndrome parkinsonien. Ce taux est de 4,5% à la mine de Bou Azzer (Cobalt). Des analyses biochimiques révèlent des taux élevés de manganèse dans les échantillons biologiques (sang, urine, cheveux) et dans l'environnement. Le manganèse apparait comme l'exposition la plus représentée, conformément à la littérature. Une particularité notable est la faible amélioration des signes cliniques sous L-dopa chez la majorité des patients, soulignant la gravité des expositions toxiques aux métaux, en particulier le manganèse. L’étude propose une cartographie des zones à risque au Maroc. L'étude note que la population des mines est exclusivement masculine, les deux femmes affectées étant des riveraines. Le taux de consanguinité est significativement élevé (30,4%) dans la population étudiée. Deux cas de syndromes parkinsoniens ont été observés chez le personnel administratif, suggérant une pollution de l’air et de l’eau.

II. Manganèse et Neurotoxicité

Le manganèse, oligo-élément essentiel, peut devenir neurotoxique à fortes doses. Son accumulation dans les organes riches en mitochondries et en neuromélanines explique son impact sur les noyaux gris centraux. Des lésions dégénératives ont été observées dans le noyau caudé, le putamen et le globus pallidus chez les sujets intoxiqués. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) révèle un hypersignal T1 bipallidal, parfois étendu à d'autres régions cérébrales. Des seuils d'exposition sûrs au manganèse ne sont pas encore clairement définis, l’OMS suggérant qu'un seuil inférieur à 1 mg/m³ pourrait induire des modifications neurologiques. L’étude analyse les taux de manganèse dans les échantillons biologiques (sang, urine, cheveux) et environnementaux (sol, eau, plantes) pour corréler l'exposition avec la symptomatologie.

1. Le Manganèse Oligo élément Essentiel et Neurotoxique

Le manganèse est un oligo-élément essentiel, jouant un rôle dans l'activité de certaines enzymes (superoxyde-dismutase, pyruvate-carboxylase), la formation du tissu conjonctif et osseux, et le métabolisme des acides aminés, lipides et glucides. Il traverse la barrière hémato-encéphalique et est majoritairement excrété par voie biliaire. Cependant, une exposition excessive au manganèse peut entraîner une neurotoxicité. Sa forte affinité pour les organes riches en mitochondries et en neuromélanines explique son atteinte sélective des noyaux gris centraux, conduisant à des manifestations neurologiques. L’intensité d’exposition nécessaire pour induire des manifestations neurologiques est mal définie et la sensibilité individuelle varie considérablement. Pendant longtemps, une exposition à des poussières de manganèse de l'ordre de 5 mg/m³ était considérée comme sûre, mais des études plus récentes, notamment une revue de littérature de l'OMS en 1980, suggèrent que le seuil d'action neurologique est probablement inférieur à 1 mg/m³ (poussières totales) ou 250 µg/m³ (poussières respirables). Des études sur des travailleurs exposés ont montré que des expositions inférieures à ce seuil, sur moins de 10 ans, pouvaient provoquer des modifications neurologiques infracliniques.

2. Lésions Neurologiques et Imagerie

Des examens anatomopathologiques post-mortem chez des individus ayant subi une intoxication chronique au manganèse ont révélé des lésions dégénératives dans certains ganglions de la base (noyau caudé, putamen et globus pallidus). La substance noire, principal site des lésions dans la maladie de Parkinson idiopathique, est rarement affectée dans le manganisme chronique. En IRM, une surcharge en manganèse se traduit souvent par un hypersignal T1 des pallidums, avec un signal T2, Flair et de diffusion normaux. Il n'y a pas de corrélation directe entre les taux sanguins de manganèse et l'intensité de l'hypersignal. Cependant, cet hypersignal T1 peut s'étendre au putamen, au noyau caudé, au locus niger et aux cortex occipital et frontal. Un hypersignal T1 bipallidal associé à un hypersignal homogène de l'antéhypophyse est plus spécifique d'une surcharge en manganèse. Des études récentes ont décrit des syndromes parkinsoniens atypiques chez des patients intoxiqués au manganèse par la consommation de méthcathinone. Ces observations suggèrent une altération fonctionnelle des neurones postsynaptiques du corps strié et du globus pallidus plutôt qu'une déplétion en dopamine.

3. Mécanismes de la Neurotoxicité du Manganèse

Les mécanismes biologiques précis de la neurotoxicité du manganèse restent à élucider. Plusieurs hypothèses sont avancées : l'auto-oxydation de la dopamine médiée par le couple Mn2+/Mn3+, produisant des espèces réactives de l'oxygène qui induisent la mort neuronale; l'altération de la régulation du calcium mitochondrial et l'inhibition des phosphorylations oxydatives; une augmentation sélective de l'activité du cytochrome P450 dans les mitochondries du corps strié; la formation du radical glutathionyl; et des lésions excitotoxiques secondaires à l'altération du métabolisme oxydatif. D'autres hypothèses incluent l'inhibition de la captation des amines endogènes par les synaptosomes et la modification de l'activité des enzymes impliquées dans leur synthèse et leur catabolisme. L’étude propose d’étudier la neurotoxicité du manganèse à travers des analyses biochimiques et histologiques sur des modèles animaux pour mieux comprendre ces mécanismes.

III.Autres Métaux Lourds et Pesticides comme Facteurs de Risque

D'autres métaux lourds (cuivre, zinc, plomb, mercure, fer) et les pesticides (organophosphorés) sont également impliqués dans la genèse des SPT. Plusieurs études épidémiologiques mentionnées dans la revue de littérature montrent une association entre l'exposition à long terme à ces toxiques et le développement de la maladie de Parkinson. L'étude actuelle investigue le rôle de ces toxiques dans la population étudiée au Maroc, en tenant compte des facteurs environnementaux et professionnels.

1. Autres Métaux Lourds Impliqués dans les Syndromes Parkinsoniens Toxiques

Outre le manganèse, d'autres métaux lourds sont suspectés de jouer un rôle dans la genèse des syndromes parkinsoniens toxiques (SPT). Des études citées dans le document (Dexter et al., 1992 ; Gorell et al., 1999) incriminent le cuivre (Cu), le zinc (Zn), le plomb (Pb), le mercure (Hg) et le fer (Fe). Au sud du Maroc, notamment dans les régions de Marrakech et Ouarzazate, l'existence de nombreuses mines de manganèse, cuivre, plomb et zinc, dont certaines sont abandonnées, contribue à une forte pollution des sols et des plantes environnantes (Bitton et al., 1999 ; Boularabah et al., 2002). Cette pollution environnementale représente un risque significatif d'exposition pour les populations locales. L'étude prend en compte la présence de ces autres métaux lourds dans son analyse toxicologique des échantillons biologiques et environnementaux. L’objectif est de déterminer si l'exposition à ces métaux, individuellement ou en combinaison, contribue à la survenue de SPT, en plus de l'exposition au manganèse.

2. Les Pesticides comme Facteur de Risque Environnemental

Les pesticides sont également considérés comme des facteurs de risque environnementaux potentiels dans le développement de syndromes parkinsoniens. Bien que l'imputabilité des intoxications par exposition cutanée reste débattue, les intoxications aiguës par inhalation, bien qu'exceptionnelles, peuvent conduire à un syndrome extrapyramidal sévère. Des études épidémiologiques cas-témoins (mentionnées dans le document) suggèrent une plus grande prévalence de la maladie de Parkinson dans les zones rurales où l'utilisation de pesticides est importante. Ces études montrent une association positive entre l’exposition aux pesticides et le développement de la maladie, même si l’interprétation des résultats varie selon les études et les populations considérées. Une étude mentionne une corrélation significative entre la prévalence de la maladie de Parkinson et les ventes de pesticides au Québec, soulignant la possible implication de pesticides comme facteur étiopathologique. L’étude fait référence à des études qui ont montré une association avec l’exposition à long terme à des organochlorés et des phosphates alkylés. Des travaux chez l’animal suggèrent une modification de l’activité dopaminergique dans le striatum induite par les insecticides, agissant potentiellement sur les transporteurs vésiculaires de la dopamine. L’étude actuelle intègre donc également l’analyse de l’exposition aux pesticides.

3. Synthèse des Etudes Epidémiologiques sur l Exposition aux Toxiques

Une revue de littérature résume les principaux facteurs de risque professionnels et environnementaux étudiés jusqu'à présent concernant la maladie de Parkinson. Plusieurs études cas-témoins ont montré une association positive entre la maladie et des facteurs comme la résidence en milieu rural, le travail en agriculture, la consommation d'eau de puits, et l'exposition aux métaux et aux pesticides. Concernant les pesticides, la majorité des études montrent une association positive, sauf deux, avec des odds ratio variant entre 1,02 et 7,0. Pour la moitié des études, cette association est significative, et une corrélation positive est observée avec la durée d'exposition. L'interprétation des facteurs liés au mode de vie est plus complexe, car ils pourraient être liés à l'exposition à des pesticides et à d'autres neurotoxines. Une association a également été trouvée avec l'exposition à long terme à certains métaux (manganèse, cuivre, mercure, plomb, fer, zinc, aluminium). Les différences de méthodologie entre les études rendent les comparaisons difficiles, mais la synthèse suggère que l'exposition aux pesticides, la résidence en milieu rural, et l'exposition à long terme ou à fortes doses de métaux lourds constituent des facteurs de risque pour le développement de la maladie.

IV.Méthodologie et Résultats

L'étude combine une approche épidémiologique (étude de la prévalence des SPT dans les zones minières), clinique (évaluation neurologique des patients), biochimique (dosage des métaux lourds dans les échantillons biologiques), toxicologique (analyse des métaux lourds dans l'environnement) et histopathologique (étude des lésions tissulaires chez le modèle animal). Les résultats obtenus permettront d'évaluer l’impact des expositions aux métaux lourds, en particulier au manganèse, sur l’apparition de SPT au sud du Maroc et de proposer des mesures de prévention.

1. Méthodologie de l Étude

L'étude adopte une approche multidisciplinaire pour investiguer les syndromes parkinsoniens toxiques (SPT) au sud du Maroc. Elle combine des méthodes épidémiologiques pour déterminer la prévalence des SPT, des analyses cliniques pour évaluer l'état neurologique des patients, des dosages biochimiques pour mesurer les taux de métaux lourds dans les échantillons biologiques (sang, urine, cheveux), des analyses toxicologiques pour déterminer les niveaux de métaux lourds dans l'environnement (sol, eau, plantes), et des études histopathologiques sur des modèles animaux pour comprendre les mécanismes de la toxicité. L’étude se concentre sur deux sites miniers, Imini et Bou Azzer, ainsi qu'un groupe contrôle recruté à l'hôpital Ibn Tofail (CHU de Marrakech). Des informations sur l’identité, le mode de vie, les facteurs d’exposition, et les signes fonctionnels des patients sont recueillies à l’aide d’une fiche préétablie. Le degré de handicap est évalué à l’aide de scores UPDRS et de l’échelle de Hoehn et Yahr. La dépression est évaluée par l’échelle DSM VI Revised. L'étude prévoit la confirmation des résultats par une expérimentation animale, combinant études histologiques et biochimiques pour identifier les dysfonctionnements cytologiques et biochimiques induits par l'exposition à différents toxiques.

2. Résultats de l Étude

L'étude a analysé 238 cas. Les résultats préliminaires montrent une prévalence de syndromes parkinsoniens de 5,7% près de la mine d'Imini (extraction principalement de manganèse) et de 4,5% près de la mine de Bou Azzer (extraction principalement de cobalt). Les analyses biochimiques révèlent des taux élevés de manganèse dans les échantillons biologiques et environnementaux, corroborant les données de la littérature. Une caractéristique notable est la faible amélioration des symptômes cliniques sous L-dopa chez la plupart des patients, soulignant la gravité et la nature particulière des expositions toxiques. L'étude met en évidence l'importance du manganèse comme métal lourd le plus impliqué, mais souligne également la présence d’autres métaux lourds dans l'environnement. L'étude propose un listing des différentes expositions et une cartographie des zones à risque au Maroc. L’étude souligne le fait que tous les employés des mines sont des hommes et que les deux femmes atteintes sont des riveraines. Enfin, le taux de consanguinité très élevé (30,4%) dans la population étudiée et la présence de deux cas parmi le personnel administratif (pollution de l'air et de l'eau) sont des éléments importants à considérer.