Étude sur l'ingestion de corps étrangers : profils épidémiologiques et prise en charge

Étude sur l'ingestion de corps étrangers : profils épidémiologiques et prise en charge

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Langue French
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  • ingestion de corps étrangers
  • épidémiologie
  • traitement médical

Résumé

I.Présentation Clinique et Épidémiologie de l Ingestion de Corps Étrangers chez l Adulte

Cette étude rétrospective, menée de janvier 2005 à décembre 2007 au CHU Mohamed VI, porte sur 23 cas d'ingestion de corps étrangers (CE) chez des adultes. L’ingestion de corps étrangers chez l'adulte est une situation relativement rare, mais potentiellement grave. 47,8% des patients étaient asymptomatiques à l'admission. Les symptômes les plus fréquents chez les patients symptomatiques étaient les douleurs épigastriques (21,7%) et les dysphagies (8,3%). 17% des patients se sont présentés avec un tableau de péritonite, nécessitant une intervention chirurgicale d'urgence. L'étude a révélé une prédominance des épingles (31%) comme corps étrangers ingérés, contrairement aux observations internationales. 30% des patients étaient des prisonniers et 13% présentaient des troubles psychotiques. 64% des ingestions accidentelles étaient liées au port du voile chez les femmes.

1. Signes Cliniques à l Admission

Le tableau clinique à l'admission se révélait extrêmement variable. Une proportion significative de patients, 47,8% (11 sur 23), étaient asymptomatiques. Parmi les patients symptomatiques, les douleurs épigastriques dominaient (21,7%), suivies des dysphagies (8,3%), des vomissements (4%) et des douleurs rétrosternales (4%). Un cas alarmant, caractérisé par un tableau de péritonite, a été observé chez 17% des patients (4 patients), soulignant la gravité potentielle de l'ingestion de corps étrangers. Ces variations cliniques soulignent la nécessité d'une approche diagnostique rigoureuse, même en l'absence de symptômes évidents. L'hétérogénéité des présentations cliniques rend difficile une identification précoce des cas critiques, nécessitant une surveillance accrue et des examens complémentaires systématiques. La prise en charge initiale doit donc tenir compte de cette variabilité symptomatique, afin d'éviter tout retard diagnostic préjudiciable.

2. Traitement Médical Initial

Un traitement médical initial a été mis en place pour certains patients. Un traitement antalgique et antispasmodique a été administré à 5 patients (soit 21,7%) souffrant de douleurs abdominales. Une diète absolue, associée à une correction hydro-électrolytique, a été prescrite à 85,7% des patients (18 patients), soulignant l'importance de la gestion des déséquilibres liquidiens. Une antibiothérapie à large spectre (β-lactamines, métronidazole et/ou aminosides) a été administrée à 5 patients opérés pour péritonite, pour une durée de 10 à 15 jours. Ce traitement médical a pour but principal de soulager les symptômes, de corriger les déséquilibres physiologiques, et de prévenir ou traiter les complications infectieuses, comme dans les cas de péritonite. Le choix du traitement et sa durée sont adaptés au cas spécifique de chaque patient, en tenant compte de la présence ou non de complications infectieuses. L'approche thérapeutique est ainsi individualisée, afin de garantir la meilleure gestion possible.

3. Type de Corps Etrangers Ingérés

L'étude a mis en évidence la nature des corps étrangers ingérés. Les épingles représentaient 70% des corps étrangers ingérés dans cette cohorte de patients suivis, suivies des dentiers (20%) et des pièces de monnaie (10%). Ces corps étrangers étaient initialement localisés au niveau gastrique, avec une taille moyenne de 3,3 cm, variant de 2 à 4 cm. Cette prédominance des épingles représente une particularité notable par rapport aux études internationales, soulignant un contexte épidémiologique spécifique. La taille des corps étrangers joue un rôle important dans la décision thérapeutique (médicale ou chirurgicale), ainsi que leur localisation et leur nature (pointus, tranchants...). L'étude de ces caractéristiques est donc essentielle pour adapter la prise en charge et minimiser les risques de complications.

4. Facteurs Épidémiologiques et de Risque

L'ingestion de corps étrangers dans cette étude affecte principalement les deux extrêmes de la vie, mais cette étude se concentre sur les adultes. Dans notre série, 30% des patients étaient des prisonniers et 13% présentaient des psychoses chroniques, reflétant des facteurs de risque socio-psychologiques importants. L'ingestion était accidentelle dans 63,6% des cas, avec une proportion significative (64%) liée au port du voile chez les femmes, les épingles servant à fixer le voile étant accidentellement ingérées. Ces données épidémiologiques suggèrent des facteurs de risque spécifiques à certains groupes de population et insistent sur la nécessité d'une sensibilisation à la prévention de l'ingestion de corps étrangers dans ces milieux. La forte proportion d'ingestion accidentelle liée au port du voile souligne la nécessité de sensibiliser à ce risque spécifique.

II.Nature des Corps Étrangers et Facteurs de Risque

La nature des corps étrangers ingérés varie selon l’âge et le contexte socioculturel. Chez les adultes, on observe fréquemment des CE alimentaires, des os, des arêtes de poisson, mais aussi des objets plus volumineux (dentiers) ou pointus (épingles, aiguilles). Un phénomène spécifique, le « body bagger syndrome », est également observé chez les trafiquants de drogue. Les facteurs de risque incluent l'incarcération (30% dans cette étude), les troubles psychologiques (13%), et, de manière plus inattendue, le port du voile (64% des ingestions accidentelles).

1. Types de Corps Étrangers Ingérés chez les Adultes

La nature des corps étrangers ingérés varie considérablement chez les adultes. L'étude met en avant une prédominance des corps étrangers métalliques, notamment les épingles (70% des cas dans le sous-groupe suivi), suivies par les dentiers (20%) et les pièces de monnaie (10%). Ces corps étrangers étaient initialement localisés au niveau gastrique, avec une taille moyenne de 3,3 cm (extrêmes de 2 à 4 cm). Il est important de noter que cette forte proportion d'épingles diffère des observations internationales, ce qui suggère un contexte spécifique à cette étude. La nature du corps étranger (pointu, tranchant, volumineux), sa taille et sa composition influent considérablement sur la gravité potentielle de l'ingestion et la nécessité d'une intervention chirurgicale. La présence de corps étrangers alimentaires est aussi mentionnée, mais dans une proportion moindre que les épingles dans cette étude spécifique. Des exemples de corps étrangers acérés (aiguilles, lames de rasoir) sont également cités comme présentant un risque accru de perforation. Enfin, le phénomène du « body bagger syndrome », impliquant l'ingestion de paquets de drogue par des trafiquants, est également évoqué comme une situation à risque particulier.

2. Facteurs de Risque Liés à l Ingestion de Corps Étrangers

L'ingestion de corps étrangers chez l'adulte est souvent liée à des facteurs de risque spécifiques. L'étude souligne le rôle prépondérant du contexte carcéral et psychiatrique. En effet, 30% des patients étaient des prisonniers, et 13% souffraient de psychoses chroniques. Ces données mettent en lumière la vulnérabilité de ces populations, exposées à un risque accru d'ingestion de corps étrangers, souvent volontaire. Par ailleurs, un facteur inattendu a été mis en évidence : 64% des ingestions accidentelles étaient liées au port du voile chez les femmes, les épingles utilisées pour le fixer étant souvent ingérées accidentellement. L'étude rappelle que d'autres facteurs, tels que l'alcoolisme, peuvent également augmenter le risque d'ingestion de corps étrangers. Il est important de noter que le risque d’ingestion est plus fréquent chez les enfants en phase orale et chez les personnes âgées édentées, bien que l'étude se concentre sur la population adulte.

3. Anatomie de l Œsophage et Risque de Lésions

L'anatomie de l'œsophage joue un rôle important dans la localisation et les complications liées à l'ingestion de corps étrangers. Le trajet non rectiligne de l'œsophage, l'absence de séreuse (sauf au niveau abdominal), et l'hétérogénéité de la couche musculaire créent des points de faiblesse prédisposant au blocage des corps étrangers. La proximité des espaces celluleux, communicant avec le médiastin, favorise la diffusion de l'infection en cas de perforation. Trois rétrécissements physiologiques (crico-pharyngien, empreinte aortique, cardia) expliquent la localisation préférentielle des corps étrangers dans l'œsophage. Des troubles de la motricité œsophagienne (achalasie, troubles liés à l'âge) ou des sténoses (congénitales, etc.) augmentent le risque de blocage et de lésions. Les corps étrangers de plus de 2 cm d'épaisseur et 5 cm de longueur ont tendance à se loger dans l'estomac, tandis que ceux de plus de 10 cm peuvent se bloquer au niveau du duodénum et provoquer des perforations. La nature acérée des corps étrangers aggrave les risques de perforation.

III.Diagnostic et Traitement de l Ingestion de Corps Étrangers

Le diagnostic repose sur des examens radiologiques (radiographies standard, transit œsogastroduodénal si nécessaire). La radiographie permet de visualiser les CE radio-opaques, mais les CE radio-transparents nécessitent d'autres techniques. L'endoscopie est la méthode d'extraction privilégiée dans la littérature, mais son accès était limité dans le contexte de cette étude. Le traitement de l’ingestion de corps étrangers est soit médical (surveillance, traitement laxatif dans certains cas, suivi médical), soit chirurgical (56,6% des cas dans cette étude), la décision dépendant de la localisation du CE, de sa nature, et de la présence de complications. L’extraction chirurgicale est indiquée en urgence pour les perforations et les péritonites.

1. Diagnostic par Imagerie Médicale

Le diagnostic d'ingestion de corps étrangers repose sur un bilan radiologique complet. Les radiographies standards sont les examens initiaux de choix pour détecter les corps étrangers radio-opaques, permettant de déterminer leur localisation, taille, forme et orientation. Pour les corps étrangers radio-transparents, un transit œsogastroduodénal avec produit de contraste est nécessaire. En cas de suspicion de complications (perforation, par exemple), une échographie abdomino-pelvienne ou une tomodensitométrie est indiquée pour une meilleure visualisation et localisation du corps étranger. Les détecteurs de métaux peuvent être utilisés comme alternative pour les corps étrangers contenant des métaux. L'interprétation des résultats radiologiques doit être prudente. Les corps étrangers radio-transparents peuvent être difficiles à visualiser, et certains partiellement opaques peuvent donner une fausse impression de facilité d'extraction. La présence d'un corps étranger à un endroit inhabituel du tube digestif nécessite une recherche de lésions sous-jacentes.

2. Traitement Chirurgical

Le traitement chirurgical a été réalisé chez 56,5% des patients (13 sur 23). L'indication chirurgicale était urgente dans 33% des cas (4 patients admis avec une péritonite). Dans d'autres cas, la chirurgie était indiquée en raison de la nature, du nombre, du volume ou du siège du corps étranger, rendant impossible une extraction endoscopique ou une élimination naturelle. Six patients présentaient des corps étrangers de plus de 13 cm, et un patient avait ingéré 4 corps étrangers. L'échec de l'extraction endoscopique ou de la surveillance médicale a également justifié une intervention chirurgicale chez deux patients. Une perforation digestive a été constatée chez 38,4% des patients opérés (5 sur 13). Les localisations de la perforation étaient variables : antérieure gastrique (2), iléale (2), et sigmoïdienne (1). La taille de la perforation a été précisée dans seulement deux cas. La laparotomie était la technique chirurgicale utilisée dans tous les cas.

3. Traitement Endoscopique et Surveillance Médicale

L'endoscopie est la méthode d'extraction privilégiée dans la littérature, mais dans cette étude, son utilisation a été limitée (19% des cas), en raison de la disponibilité du matériel. Une œsophagoscopie est formellement indiquée en cas de suspicion de corps étranger œsophagien, même en l'absence de signes cliniques ou radiologiques. L'extraction endoscopique est aussi indiquée pour les corps étrangers à risque occlusif (diamètre > 2,5 cm pour les objets ronds, longueur > 5 cm pour les objets allongés) ou tranchants. Les contre-indications à l'endoscopie incluent les signes de perforation, une hématémèse massive, un corps étranger profondément enclavé, ou un paquet de drogue. Différents matériels d'extraction peuvent être utilisés (pince, anse, capuchon plastique...). Une surveillance médicale, avec une attitude conservatrice, est justifiée dans les cas asymptomatiques avec des corps étrangers de petite taille susceptibles d'être éliminés naturellement (80 à 90% des cas selon la littérature). Dans cette étude, 47.6% des patients ont été suivis médicalement, avec élimination spontanée sans complications pour 90% d'entre eux.

4. Autres Modèles Thérapeutiques et Délai d Intervention

D'autres techniques thérapeutiques sont mentionnées, comme la sonde de Foley (ballonnet sous contrôle radioscopique), efficace pour certains corps étrangers mais limitée par ses inconvénients (lésions possibles, inadaptée aux corps étrangers radio-transparents...). L'administration intraveineuse de glucagon peut relaxer le sphincter inférieur de l'œsophage, mais son efficacité est limitée à 50% et contre-indiquée dans certains cas. Le délai entre l'ingestion et l'intervention chirurgicale influence les résultats. Dans cette étude, 33% des patients ont subi une chirurgie d'urgence pour péritonite, tandis que les autres ont été opérés après un délai variable (28 heures à 8 jours), souvent après échec de l'endoscopie ou de la surveillance médicale. Dans d'autres séries, une chirurgie plus précoce (61% des patients opérés dans les 6h) est décrite. Un décès a été rapporté dans cette étude, en raison d'une perforation iléale et d'un choc septique.

IV.Résultats et Conclusion

La surveillance médicale a permis l’élimination spontanée de corps étrangers sans complications dans 90% des cas. L’endoscopie a été tentée chez 19% des patients, sans succès, en raison de limitations de matériel. La chirurgie a été réalisée chez 56,6% des patients. Un décès a été enregistré. Les résultats de cette étude concordent globalement avec la littérature concernant l'épidémiologie de l'ingestion de corps étrangers, à l'exception de la prédominance des épingles comme CE. Les auteurs recommandent l’amélioration des modalités d'extraction, en particulier endoscopique, pour réduire la morbidité et la mortalité.

1. Résultats de l étude sur l ingestion de corps étrangers

L'étude rétrospective menée au CHU Mohamed VI entre janvier 2005 et décembre 2007 a porté sur 23 patients. L'âge moyen était de 25,1 ans, avec une répartition équilibrée entre les hommes (12) et les femmes (11). Un aspect notable est la forte proportion de prisonniers (30%) et de patients souffrant de psychoses chroniques (13%), soulignant des facteurs de risque spécifiques. L'ingestion était accidentelle dans 63,6% des cas, avec 64% de ces cas accidentels liés au port du voile (et à l'utilisation d'épingles). Une proportion importante de patients (47,8%) était asymptomatique à l'admission. Malgré cela, 17% des patients se sont présentés avec un tableau de péritonite, nécessitant une intervention chirurgicale immédiate. La surveillance médicale, adoptée pour 47,6% des patients, a permis une élimination spontanée sans complications dans 90% des cas. L'endoscopie thérapeutique, quant à elle, a été réalisée chez 19% des patients sans succès. Enfin, 56,6% des patients ont nécessité une intervention chirurgicale. Un seul décès a été enregistré au cours de l'étude.

2. Comparaison avec la littérature et implications thérapeutiques

Les résultats de cette étude montrent une concordance avec la littérature concernant les aspects épidémiologiques, à l'exception notable de la prédominance des épingles comme corps étrangers ingérés. Sur le plan thérapeutique, les résultats diffèrent des données de la littérature. Alors que l'endoscopie est la méthode la plus utilisée et la plus efficace dans la littérature (taux de réussite jusqu'à 99%), cette étude a privilégié l'extraction chirurgicale (57%) ou la surveillance médicale (43%). Cette différence est expliquée par la non-disponibilité du matériel endoscopique adapté dans le contexte de l'étude. Le taux de mortalité et de morbidité observé dans cette étude met en lumière la nécessité d'améliorer les techniques d'extraction des corps étrangers, notamment endoscopiques, pour réduire les complications et les décès. Les auteurs suggèrent une adaptation des méthodes thérapeutiques en fonction des ressources disponibles, tout en soulignant le besoin d’amélioration de l'accès au matériel endoscopique adapté.