Évaluation des Pratiques de Stratégie Transfusionnelle en Réanimation

Évaluation des Pratiques de Stratégie Transfusionnelle en Réanimation

Informations sur le document

Auteur

Mlle. Firdaous Benhayoune

instructor/editor Pr. I. Sarf (Président)
school/university Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech
subject/major Médecine
Type de document Thèse
city_where_the_document_was_published Marrakech
Langue French
Format | PDF
Taille 2.89 MB
  • Stratégie transfusionnelle
  • Réanimation
  • Pratiques médicales

Résumé

I.Physiopathologie de l anémie en réanimation

Cette section explore la physiopathologie de l'anémie en soins intensifs. Elle détaille les mécanismes contribuant à l'anémie, notamment la dysérythropoïèse médullaire (production insuffisante d'érythrocytes liée à l'apoptose des progéniteurs médullaires et à l'altération de la réponse à l'érythropoïétine), et les troubles du métabolisme du fer. D'autres facteurs comme les carences nutritionnelles, l'hémolyse, et les saignements sont également considérés. L'étude met en lumière l'impact de ces facteurs sur le transport d'oxygène et la fonction des organes.

1.1 La dysérythropoïèse médullaire

L'érythropoïèse, processus de remplacement continu des érythrocytes, est perturbée chez les patients en réanimation. Le taux d'érythroblastes circulants est anormalement bas par rapport au degré d'anémie observé, quel que soit le type de pathologie (septique, traumatique, etc.). Cette insuffisance de production d'érythrocytes est en partie due à une apoptose accrue des progéniteurs médullaires. Il est notable que ce processus d'apoptose peut être partiellement inversé par l'administration de fortes doses d'érythropoïétine (EPO). L'organisme tente de compenser la baisse du transport artériel d'oxygène via différents mécanismes pour maintenir un apport tissulaire constant. Cependant, ces mécanismes compensatoires, efficaces chez les sujets sains, peuvent être altérés chez les patients en réanimation à cause de pathologies préexistantes ou de la pathologie aiguë ayant nécessité leur admission (états de choc par exemple). Cette altération rend ces patients potentiellement moins tolérants à l'anémie. En réanimation, la synthèse d'EPO est elle-même altérée, perturbant la relation inverse normalement observée entre les concentrations d'EPO et d'hémoglobine (Hb). Les taux plasmatiques d'EPO sont diminués chez les patients en soins intensifs comparativement aux patients ambulatoires présentant une carence martiale, même à taux d'hémoglobine comparables. Cette altération de la synthèse d'EPO serait causée par une répression de l'expression du gène de l'EPO par les cytokines pro-inflammatoires, un phénomène amplifié en cas de sepsis ou d'insuffisance rénale, sites principaux de production d'EPO (avec le foie de manière accessoire).

1.2 Le trouble du métabolisme martial

Chez les patients en réanimation, le métabolisme du fer est également altéré. En conditions physiologiques, l'hémoglobine représente 80% des réserves en fer de l'organisme. Après absorption intestinale, le fer est transporté par la transferrine, et l'excès est stocké dans la ferritine. Ces réserves sont facilement mobilisables en cas de besoin. Cependant, en réanimation, on observe une carence martiale fonctionnelle avec des taux sériques de fer et de transferrine abaissés, associés à une ferritinémie élevée, reflétant la réponse inflammatoire. Les cytokines induisent la synthèse de ferritine et de récepteurs à la transferrine, diminuant ainsi le fer sérique. L'inflammation provoque un déplacement du fer de la circulation vers les sites de stockage, réduisant sa disponibilité. À cela s'ajoutent d'autres facteurs fréquents en soins intensifs qui contribuent au développement de l'anémie, tels que les carences nutritionnelles (folate, vitamine B12), l'hémolyse, et les saignements occultes ou patents. La combinaison de ces facteurs altère le transport et la délivrance d'oxygène aux tissus, pouvant être impliquée dans les dysfonctions organiques observées chez ces patients.

II.Étiologies de l anémie en réanimation

Plusieurs étiologies de l'anémie en réanimation sont identifiées: les pertes sanguines (post-opératoires, hémorragies digestives, traumatismes), l'augmentation de la destruction des globules rouges (hémolyse) (accidents transfusionnels, sepsis, médicaments), et la diminution de la production de globules rouges. L'étude montre que les pertes sanguines représentent l'étiologie principale dans 65% des cas, avec la période post-opératoire comme facteur dominant (25%).

2.1 Pertes Sanguines

L'hémorragie est identifiée comme l'étiologie principale de l'anémie en réanimation. Les causes les plus fréquentes de pertes sanguines sont les traumatismes, les interventions chirurgicales lourdes et les hémorragies digestives. L'étude souligne que dans 65% des cas, l'anémie était expliquée par des pertes accrues de globules rouges. Plus précisément, la période post-opératoire représentait l'étiologie la plus fréquente (25%), suivie des hémorragies digestives (22%) et des traumatismes (11%). L'hémodilution, résultant de perfusions abondantes, peut également révéler une anémie préexistante en cas d'hémoconcentration préalable. Ces résultats sont concordants avec la littérature existante. La proportion significative de cas d'anémie liés à des pertes sanguines post-opératoires met l'accent sur l'importance de la gestion du saignement dans ce contexte. La fréquence des hémorragies digestives souligne également la nécessité de dépistage et de prise en charge précoces de ces complications. Enfin, la contribution des traumatismes comme facteur d’anémie met en évidence les défis spécifiques liés à la prise en charge de ce type de patients en réanimation.

2.2 Augmentation de la destruction des globules rouges hémolyse

L'augmentation de la destruction des globules rouges, ou hémolyse, constitue une autre étiologie de l'anémie en réanimation. Les causes principales incluent les hémolyses aiguës secondaires à des accidents transfusionnels (actuellement rares), des causes iatrogènes (liées à des interventions médicales, comme l'utilisation de circuits extracorporels), le sepsis, et plus exceptionnellement, certains médicaments (quinine, quinidine, hydralazine, nitrofurantoïne...). Les hémoglobinopathies préexistantes peuvent également contribuer à cette destruction accrue. La rareté relative des accidents transfusionnels comme cause d'hémolyse souligne les progrès en matière de sécurité transfusionnelle. L'impact du sepsis, infection grave, met en lumière l'importance de la lutte contre l'infection en réanimation. Enfin, la mention de certains médicaments comme facteurs d'hémolyse rappelle l'importance de la surveillance pharmacologique chez les patients en réanimation.

2.3 Diminution de la production de globules rouges

La diminution de la production de globules rouges est mentionnée comme une troisième étiologie possible de l'anémie en réanimation. Bien que moins détaillée dans ce passage, cette étiologie est liée aux mécanismes physiopathologiques décrits dans la section précédente (dysérythropoïèse médullaire et troubles du métabolisme du fer). Elle est implicitement liée à des facteurs tels que les carences nutritionnelles, l'inflammation et la dysfonction médullaire. La présentation de trois catégories d'étiologies possibles (pertes sanguines, hémolyse et diminution de la production) souligne la complexité des mécanismes à l'origine de l'anémie en réanimation. La nécessité d'une approche diagnostique multifactorielle est implicite pour une meilleure compréhension et une prise en charge appropriée.

III.Seuils transfusionnels et pratiques transfusionnelles

Cette partie analyse les seuils transfusionnels et leur application dans différents contextes. Elle discute des controverses entourant la définition d'une hémoglobine optimale chez les patients âgés, les patients atteints de pathologies cardiovasculaires et neurologiques. L'étude compare les pratiques transfusionnelles de l'hôpital Avicenne de Marrakech avec les recommandations des sociétés savantes (Afssaps). Une étude rétrospective menée entre janvier 2005 et janvier 2007 sur 100 patients révèle un écart par rapport aux recommandations dans 11,73% des épisodes transfusionnels et chez 10% des patients. L'âge moyen des patients était de 54 ± 14,56 ans, avec un sex-ratio de 1,5 (homme/femme). 38% présentaient des tares cardiovasculaires. Le culot globulaire était le produit le plus transfusé (72%), suivi du plasma frais congelé (17%) et des concentrés plaquettaires (11%). La consommation moyenne de culots globulaires était de 3,54 unités par patient. Le taux de mortalité était de 33%, la transfusion n'étant qu'une cause directe de décès dans un cas. Des études comparatives (TRICC, ABC) sont mentionnées pour contextualiser les résultats.

3.1 Seuils Transfusionnels et Recommandations

La section aborde la complexité des seuils transfusionnels et leur application chez différents groupes de patients. Elle souligne les controverses entourant la définition d’une hémoglobine optimale, notamment chez les personnes âgées. Des études comme celle de Chaves et al. [37] montrent une relation complexe entre la mortalité et les taux d’hémoglobine chez les femmes âgées (78 ans en moyenne), suggérant une courbe en J. L’étude ABC [11], menée auprès de 3534 patients en réanimation en Europe occidentale, fournit des informations cruciales sur les besoins transfusionnels. De même, l’étude TRICC [25] (835 patients) compare les stratégies transfusionnelles restrictives (Hb 7-9 g/dl) et libérales (Hb 10-12 g/dl), montrant une mortalité à 30 jours plus faible dans le groupe restrictif. D’autres travaux, notamment sur les patients âgés ([36, 37]), et ceux avec des pathologies cardiovasculaires ou neurologiques, soulignent la nécessité d'adapter les seuils transfusionnels en fonction des comorbidités et des caractéristiques physiologiques spécifiques de chaque patient. L’existence de données contradictoires concernant l’association entre anémie et statut cardiovasculaire précaire est également abordée. L'absence de bénéfice démontré pour des concentrations supérieures à 8 g/dl chez les patients ayant des antécédents cardiovasculaires est relevée, tandis qu'un seuil de 10 g/dl est généralement recommandé dans les cas de pathologies cardiaques avérées et menaçantes.

3.2 Pratiques Transfusionnelles à l Hôpital Avicenne de Marrakech

Une étude rétrospective, menée au service de réanimation polyvalente de l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech entre janvier 2005 et janvier 2007, a évalué les pratiques transfusionnelles chez 100 patients. Cette étude compare les pratiques locales aux recommandations des sociétés savantes, notamment l'Afssaps. L'étude révèle que 88,3% des transfusions étaient conformes aux recommandations, tandis que 11,73% présentaient des écarts, touchant 10% des patients. Ces écarts concernaient principalement des situations hémorragiques ou à risque hémorragique, probablement dus à une anticipation des pertes sanguines. L'âge moyen des patients était de 54 ± 14,56 ans, avec un sex-ratio de 1,5. Les produits sanguins les plus utilisés étaient les culots globulaires (CG) (72%), suivis du plasma frais congelé (PFC) (17%) et des culots plaquettaires (CP) (11%). La consommation moyenne de CG était de 3,54 unités par patient. Le taux de mortalité dans l’étude était de 33%, la transfusion n’étant une cause directe de décès que dans un seul cas. L'étude conclut que les pratiques transfusionnelles de l'hôpital Avicenne de Marrakech suivent une stratégie restrictive conformément aux recommandations de l’Afssaps.

3.3 Études Comparatives

L'étude mentionne plusieurs études comparatives pour contextualiser ses résultats et discuter des pratiques transfusionnelles. Une étude multicentrique observationnelle australienne [53] (350 patients) a rapporté que seulement 3% des transfusions étaient jugées inappropriées par rapport aux directives ANHRMC. A contrario, une étude dans 14 services de gériatrie français [36] a montré des seuils transfusionnels plus élevés que ceux recommandés par l’Afssaps dans 26% des cas chez 45% des patients. Une étude iranienne [63] (346 patients) a identifié 53% des épisodes transfusionnels comme inappropriés, principalement dans les situations hémorragiques. Une étude pakistanaise [59] (587 patients) a révélé 33,8% d’épisodes transfusionnels inappropriés, notamment chez des patients dénutris ou hypovolémiques. Enfin, une étude rétrospective française [64] a démontré que dans 53% des cas, la prescription de plasma frais congelé n'était pas conforme aux recommandations de l’Afssaps. Ces études mettent en évidence la variabilité des pratiques transfusionnelles et l’importance de la conformité aux recommandations pour une meilleure gestion des produits sanguins labiles.

IV.Alternatives à la transfusion sanguine

L'étude explore des alternatives à la transfusion sanguine, notamment l'érythropoïétine (EPO) pour stimuler l'érythropoïèse, et les transporteurs d'oxygène comme les fluorocarbones et les solutions d'hémoglobine. Les techniques de récupération périopératoire du sang (TAP) et l'hémodilution normovolémique intentionnelle préopératoire (HDNI) sont également abordées, ainsi que le traitement martial comme alternative dans certains cas d'anémie post-opératoire. Les avantages et les limites de chaque technique sont discutés.

4.1 Erythropoïétine EPO

Compte tenu des caractéristiques physiologiques des patients en réanimation, l'administration d'érythropoïétine (EPO) est présentée comme une alternative potentielle aux transfusions de concentrés érythrocytaires. L'EPO pourrait stimuler l'érythropoïèse, souvent insuffisamment activée par l'érythropoïétine endogène chez ces patients. L'utilisation de l'EPO vise à modifier la consommation de concentrés érythrocytaires lors des hospitalisations et améliorer la production de globules rouges. Cependant, le document souligne que dans le pays concerné, cette hormone n'était pas encore commercialisée au moment de l'étude. L'utilisation de l'EPO en réanimation soulève des questions concernant le choix des patients éligibles, les posologies appropriées, la durée du traitement, et les traitements associés nécessaires, des informations qui nécessitent des études supplémentaires. Des recherches additionnelles sont nécessaires pour évaluer pleinement l'efficacité clinique de l'EPO, ainsi que son impact sur la morbidité et la survie des patients. Les défis liés à l'utilisation de l'EPO en réanimation incluent la détermination des patients éligibles, l'optimisation des posologies, la durée optimale du traitement et le suivi de l'efficacité. La recherche mentionne également la nécessité de définir le type de surveillance à mettre en place pour suivre l'efficacité du traitement, ainsi que des études supplémentaires pour valider son efficacité clinique et son impact sur la morbidité et la survie des patients.

4.2 Transporteurs d oxygène

Les transporteurs d'oxygène sont présentés comme des alternatives potentielles aux produits sanguins homologues, notamment en association avec les techniques d'épargne sanguine. Ces transporteurs doivent posséder des propriétés spécifiques permettant le transport et l'échange d'oxygène et de dioxyde de carbone. Deux types de transporteurs sont mentionnés : les solutions d'hémoglobine et les fluorocarbones. Les solutions d'hémoglobine, grâce à leur petite taille et leur faible viscosité, pourraient améliorer la perfusion et l'oxygénation tissulaire de manière supérieure aux globules rouges. Les fluorocarbones, grâce à leurs propriétés physico-chimiques, permettent la fixation réversible de grandes quantités d'oxygène et facilitent son utilisation périphérique. Cependant, ils sont insolubles dans l'eau et nécessitent une émulsion pour une utilisation intraveineuse. Leurs indications potentielles incluent le choc hémorragique, les interventions chirurgicales importantes, le sepsis, l'accident vasculaire cérébral, l'infarctus du myocarde, l'arrêt cardiaque, la transplantation d'organes et le cancer. Néanmoins, des effets secondaires potentiels, tels que les infections (liées à la richesse en fer favorisant la croissance bactérienne), l'hypertension pulmonaire et la modification des fonctions plaquettaires, sont mentionnés. Des études cliniques sont en cours pour préciser les indications et les modalités d'utilisation de ces transporteurs d'oxygène. Le substitut idéal doit répondre à plusieurs critères : délivrance d'oxygène efficace, effets secondaires minimes, absence de besoin de contrôle de compatibilité, stabilité prolongée au stockage, durée de circulation prolongée, facilité de reconstitution et coût raisonnable. Actuellement, aucun produit ne réunit l'ensemble de ces qualités.

4.3 Traitement Martial

Le traitement martial est envisagé comme une alternative dans la prise en charge de l'anémie post-opératoire, en particulier après des pertes sanguines supérieures à 1000 ml, notamment en chirurgie orthopédique et cardiovasculaire. Ce traitement est proposé lorsque l'anémie est suffisamment bien tolérée pour éviter une transfusion immédiate. Il vise à faciliter la récupération de l'hémoglobine et améliorer les suites post-opératoires. En préopératoire, un traitement martial oral est recommandé plusieurs semaines avant les chirurgies hémorragiques, lorsque cela est possible. Cependant, le document note les limites du traitement martial oral en raison d'une faible biodisponibilité (estimée à 10-20%) et de problèmes de tolérance gastro-intestinale. L'efficacité d'un traitement martial comme alternative à la transfusion sanguine est conditionnée par la tolérance de l'anémie par le patient, et par la possibilité d'un traitement préopératoire suffisamment long pour être efficace. La faible biodisponibilité et les problèmes de tolérance gastro-intestinale soulignent les limites de l'administration orale et la nécessité de potentielles solutions alternatives plus efficaces.

Référence du document

  • Transfusion sanguine, indications spécificités gériatriques (Mari l, Franqui C)