Expérience du Service de Neurochirurgie du CHU Mohammed VI de Marrakech sur l'Hydatidose Cérébrale

Expérience du Service de Neurochirurgie du CHU Mohammed VI de Marrakech sur l'Hydatidose Cérébrale

Informations sur le document

Langue French
Format | PDF
Taille 2.39 MB
  • Hydatidose cérébrale
  • Neurochirurgie
  • Traitement médical

Résumé

I.Diagnostic du Kyste Hydatique Cérébral KHC

Le diagnostic du kyste hydatique cérébral (KHC) repose principalement sur l’imagerie médicale. La tomodensitométrie (TDM) est souvent l'examen initial, supérieure pour détecter les calcifications rares. L’imagerie par résonance magnétique (IRM), quant à elle, offre une meilleure visualisation des irrégularités de la capsule kystique, de son épaisseur, et est plus performante pour les KHC multiples et les localisations infratentorielle. La spectroscopie par résonance magnétique (SRM) peut apporter un argument diagnostic supplémentaire en cas de doute, notamment en différenciant le KHC d'autres lésions kystiques cérébrales grâce à l'analyse de métabolites comme le lactate, l'alanine et le pyruvate. Les sérologies, bien que moins fiables, peuvent être utilisées comme tests complémentaires, avec une attention particulière à l'interprétation des résultats. La radiographie du crâne n'est plus indiquée en première intention, mais peut révéler des signes indirects d'hypertension intracrânienne (HTIC).

1. Imagerie médicale TDM et IRM

L'imagerie médicale joue un rôle crucial dans le diagnostic du kyste hydatique cérébral (KHC). La tomodensitométrie (TDM) cérébrale, souvent réalisée sans injection de produit de contraste, permet de déterminer la nature du processus, son siège précis, le nombre de lésions, leur densité et leur taille. Elle est particulièrement utile pour identifier de rares calcifications. Cependant, l'imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale est supérieure pour la détection des irrégularités de la capsule kystique, permettant une meilleure évaluation de son épaisseur et une analyse plus fine des structures kystiques, notamment en cas de KHC multiples ou de localisations infratentorielle. L'IRM visualise plus précisément les rapports du kyste avec les nerfs crâniens et l'architecture vasculaire. La présence d'un œdème périlésionnel, signe d'un KHC compliqué, est mieux détectée grâce à l'IRM. En résumé, bien que la TDM soit plus largement disponible et souvent l'examen initial, l'IRM offre une meilleure résolution et précision diagnostique, particulièrement pour certains aspects du KHC.

2. Spectroscopie par Résonance Magnétique SRM

Bien que les études soient rares, la spectroscopie par résonance magnétique (SRM) se révèle un outil complémentaire précieux dans le diagnostic du KHC. Elle permet de mettre en évidence un profil métabolique intra-kystique spécifique, différent de celui des autres lésions kystiques cérébrales. La présence de pics de lactate, d'alanine et de pyruvate, également observés dans les kystes cysticercosiques, mais avec une prédominance de pyruvate dans le KHC, constituent des marqueurs potentiels de l'étiologie parasitaire et de la viabilité des kystes. Ainsi, la SRM apporte un soutien diagnostique significatif en cas de difficultés de diagnostic différentiel. Son utilité s'étend au monitoring des lésions résiduelles et à la surveillance des récidives sous traitement médical. Cette technique non invasive améliore donc la précision diagnostique et le suivi thérapeutique du KHC.

3. Radiographie du Crâne et Arguments Séroimmunologiques

La radiographie du crâne n'est plus un examen de première intention pour le diagnostic du KHC, la TDM et l'IRM étant beaucoup plus fiables. Cependant, si elle est réalisée, elle peut montrer des signes indirects d'hypertension intracrânienne (HTIC), tels que l'amincissement de la voûte crânienne, la disjonction des sutures chez l'enfant, ou l'érosion de l'apophyse clinoïde postérieure. Concernant les arguments séroimmunologiques, les réactions sérologiques pour le diagnostic de l'hydatidose sont de moins en moins utilisées en raison de leur faible fiabilité. Bien qu'un test d'hémagglutination indirecte soit considéré comme le plus sensible, l'interprétation des résultats nécessite beaucoup de prudence. Une réaction positive à un taux significatif est fiable, mais une réaction négative n'exclut pas le diagnostic. Des méthodes plus spécifiques, comme l'immunofluorescence indirecte (IFI), l'électrosynérèse (ES), le test ELISA et le Western Blot, peuvent être utilisés pour confirmer le diagnostic ou surveiller l'évolution post-chirurgicale, mais leurs sensibilités restent variables et une interprétation experte est primordiale.

II.Manifestations Cliniques du KHC

Le tableau clinique du KHC est variable. Le syndrome d'HTIC, manifestation inaugurale fréquente (96% des cas), se caractérise par des céphalées, des vomissements, et un œdème papillaire à l'examen du fond d'œil. Un syndrome déficitaire neurologique (50 à 77% des cas) peut également être présent, lié à la localisation du kyste et/ou à l'HTIC. Les symptômes peuvent inclure des troubles moteurs (syndrome cérébelleux, syndromes extrapyramidaux), des troubles cognitifs (ralentissement, troubles de la mémoire), et même des manifestations psychiatriques (irritabilité, troubles du comportement). Des cas de macrocrânie chez l'enfant ont été rapportés. Les KHC multiples, souvent d'origine cardiaque, présentent une symptomatologie plus complexe et une localisation parfois inhabituelle.

1. Syndrome d Hypertension Intracrânienne HTIC

Le syndrome d'hypertension intracrânienne (HTIC) est la manifestation clinique la plus fréquente du kyste hydatique cérébral (KHC), apparaissant dans 96% des cas. Il n'existe pas de tableau clinique spécifique au KHC, mais l'HTIC se manifeste habituellement par des symptômes tels que des céphalées, des vomissements et, à l'examen du fond d'œil, un œdème papillaire caractéristique. L'absence d'œdème papillaire n'élimine cependant pas le diagnostic. Chez l'enfant, le crâne étant plus extensible, l'HTIC est souvent bien tolérée, contrairement à l'adulte où elle est plus rapidement mal supportée. En plus des symptômes classiques de l'HTIC, des troubles des fonctions cérébrales supérieures peuvent être observés, tels que ralentissement psychomoteur, somnolence, troubles de l'attention, de la mémoire et des fonctions intellectuelles. Des symptômes psychiatriques comme l'irritabilité, des troubles du comportement ou des difficultés scolaires ne sont pas exceptionnels, pouvant même constituer le symptôme révélateur dans certains cas. La présence de macrocrânie a également été rapportée chez de jeunes enfants atteints de KHC.

2. Syndrome Déficitaire Neurologique

Le syndrome déficitaire neurologique représente le deuxième mode de révélation le plus fréquent du KHC, pouvant s'associer au syndrome d'HTIC. Son apparition est généralement tardive, en raison du caractère non infiltrant du kyste hydatique qui refoule le parenchyme cérébral sans le détruire. Les déficits neurologiques peuvent être directement liés à la localisation du kyste ou être secondaires à l'HTIC. Différents types de syndromes peuvent être observés : des syndromes cérébelleux (troubles de la coordination, de l'équilibre, ataxie), des syndromes extrapyramidaux, des mouvements athétosiques, ainsi que des syndromes plus rares tels que le syndrome de Foster-Kennedy (atrophie optique homolatérale et œdème papillaire controlatéral). Des cas de troubles endocriniens et des signes méningés ont également été décrits. Le syndrome de Gerstmann, caractérisé par une agnosie tactile, une agraphie, une désorientation spatiale et des troubles du calcul, peut être observé dans certaines localisations spécifiques. L'origine cardiaque du KHC peut engendrer des formes multiples, plus petites et disséminées dans les deux hémisphères, avec des localisations parfois inhabituelles (intraventriculaire ou fosse cérébrale postérieure).

3. Localisation et KHC Multiples

Le KHC se développe préférentiellement dans la substance blanche, notamment à l'étage sus-tentoriel, le lobe pariétal étant le plus souvent atteint. L'hémisphère gauche est plus fréquemment touché. La présence de kystes hydatiques multiples est une particularité importante, souvent associée à une origine cardiaque. Ces kystes multiples sont généralement plus petits, uni ou multivésiculaires, et disséminés dans les deux hémisphères cérébraux. Leur localisation peut être atypique, affectant des zones comme les ventricules ou la fosse cérébrale postérieure. Dans une série rapportée, 23% des patients présentaient des KHC multiples. Il est important de noter que la localisation du KHC influence le type et l'intensité des symptômes neurologiques.

III.Traitement du KHC

Le traitement du KHC repose principalement sur la chirurgie, notamment la technique d'énucléation en masse sous contrôle de la neuronavigation, minimisant le risque de rupture kystique et de dissémination parasitaire. La ponction-évacuation est une option pour les localisations profondes à haut risque de rupture. Un traitement médical préopératoire à base d'albendazole peut être proposé pour réduire la taille du kyste et diminuer le risque de récidive; le mébendazole est moins efficace. Cependant, l’efficacité de l'albendazole sur la stérilisation complète du liquide hydatique reste débattue. Les complications postopératoires peuvent inclure des kystes porencéphaliques et des récidives, liées à une rupture peropératoire. La mortalité, avec les techniques modernes, reste faible (moins de 5%).

1. Chirurgie du KHC Techniques et Approches

Le traitement principal du kyste hydatique cérébral (KHC) est la chirurgie. La technique d'énucléation en masse, consistant à injecter du sérum salé hypertonique entre le parenchyme cérébral et la membrane du kyste pour faciliter son extraction, est privilégiée. Cette méthode, optimisée par la neuronavigation moderne, permet une intervention plus précise, plus rapide et moins coûteuse, réduisant les risques opératoires. La cavité résiduelle est ensuite soigneusement examinée et traitée. Pour les localisations profondes ou les kystes à haut risque de rupture (4ème ventricule, tronc cérébral, thalamus), la ponction-évacuation, par aspiration, peut être envisagée, même si elle présente un risque accru de contamination. La technique d'hydrodissection, permettant une énucléation plus propre, est également mentionnée. Le succès de l'intervention dépend de plusieurs facteurs, notamment une anesthésie adéquate pour maintenir le cerveau détendu et éviter la rupture du kyste. L'utilisation du microscope en neurochirurgie facilite l'ablation et l'inspection des cavités résiduelles. La technique d'Arana-Iniguez est considérée comme la méthode idéale, même si elle a été décrite avant l'utilisation du microscope.

2. Traitement Médical Albendazole et Mebendazole

Des traitements médicamenteux sont utilisés en complément de la chirurgie, notamment l'albendazole et le mébendazole. Le praziquantel, efficace sur d'autres cestodes, s'est avéré inefficace contre le KHC. D'autres médicaments comme le lévamisole et l'ivermectine ont montré des résultats in vitro encourageants, mais les données cliniques chez l'homme sont insuffisantes. L'albendazole, un anti-helminthique à large spectre, est considéré comme plus efficace que le mébendazole en raison de sa meilleure absorption digestive. Il agit en bloquant la consommation de glucose du parasite, conduisant à son immobilisation et à sa mort. Des études rapportent une réduction de la taille et du nombre de kystes après un traitement par albendazole. Un cas d'hydatidose cérébrale multiple infectée a été traité avec succès par albendazole seul, sans intervention chirurgicale. Malgré son efficacité, l'albendazole ne garantit pas une stérilisation complète du liquide hydatique, augmentant potentiellement le risque de rupture peropératoire. La tolérance de l'albendazole et du mébendazole n'est pas parfaite, avec des effets secondaires possibles (douleurs abdominales, nausées, vomissements, etc.).

3. Complications Postopératoires Récidives et Mortalité

Les complications postopératoires du traitement du KHC comprennent les récidives et la mortalité. Grâce à l'énucléation en masse, les récidives sont de plus en plus rares, mais une rupture peropératoire peut entraîner un ensemencement par les scolex, conduisant à la formation de nouveaux kystes. La récidive se caractérise souvent par des kystes multiples, une membrane plus épaisse et une croissance plus rapide. D'autres complications postopératoires incluent le développement de kystes porencéphaliques et de collections sous-durales. La mortalité, autrefois plus élevée, est aujourd'hui inférieure à 5% grâce aux progrès diagnostiques et aux techniques chirurgicales modernes. Cependant, elle reste liée aux complications postopératoires comme les méningites fulminantes ou les hémorragies. Une étude cite une mortalité de 5,8% due à ces complications. La prévention de la rupture du kyste pendant l'intervention est donc essentielle pour minimiser ces risques.

IV.Épidémiologie et Prévention de l Hydatidose Cérébrale

L’hydatidose cérébrale, causée par Echinococcus granulosus, est plus fréquente dans les régions d'élevage traditionnel (Moyen-Orient, Australie, Amérique Latine, Méditerranée). Elle touche plus fréquemment les enfants (8 fois plus que les adultes), avec un pic d'incidence entre 5 et 16 ans. La transmission se fait par ingestion d'œufs du parasite, éliminés par les chiens. La prévention repose sur des mesures d'hygiène, la surveillance des chiens, et la saisie et l'incinération des viandes contaminées. Un traitement du chien par du bromhydrate d'arécoline ou du praziquantel est recommandé en cas d'infestation.

1. Répartition Géographique et Démographie de l Hydatidose Cérébrale

L'hydatidose cérébrale, causée par Echinococcus granulosus, est particulièrement répandue dans les régions d'élevage traditionnel du bétail. On observe une forte prévalence au Moyen-Orient (Égypte, Koweït, Palestine, Syrie), en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Amérique latine (Argentine, Uruguay, Paraguay), en Europe centrale et dans les pays méditerranéens (Turquie, Grèce, Espagne, Italie, Maghreb). Ces zones partagent une caractéristique commune : l'élevage traditionnel du bétail, favorisant le cycle de vie du parasite. Des cas sporadiques sont également rapportés dans les régions non endémiques, en raison des migrations de populations. Concernant l'âge des patients, des études montrent une fréquence 8 fois plus élevée chez l'enfant que chez l'adulte. Des données varient quant à la tranche d'âge la plus touchée : Khaldi rapporte 52% des cas entre 5 et 10 ans, tandis qu'El Shamam trouve 75% des cas entre 6 et 16 ans. Une contamination fœtale transplacentaire a également été décrite. La compréhension de la répartition géographique et de la démographie de la maladie est essentielle pour cibler les efforts de prévention.

2. Cycle de Vie du Parasite et Transmission

Le cycle de vie du parasite Echinococcus granulosus implique un hôte intermédiaire (herbivores comme les moutons, camélidés) et un hôte définitif (les chiens). Les œufs du parasite, mesurant 35 à 45 µm, sont résistants dans le milieu extérieur. L'hôte intermédiaire se contamine en ingérant les œufs éliminés par les chiens dans leurs excréments. L'embryon hexacanthe libéré après éclosion migre via la circulation portale (ou lymphatique) vers différents organes, notamment le foie, mais aussi le cerveau, où il se vésiculise en larve hydatique. Un grand nombre d'embryons sont détruits durant la migration. Certains, arrivés à destination, ne se vésiculisent pas ou ne produisent pas de scolex (kystes stériles). La polyembryonie compense cette déperdition, avec formation de nombreux scolex. Chez les herbivores, le foie héberge souvent plusieurs hydatides. La formation d'une hydatide dure de plusieurs semaines à plusieurs mois. Comprendre ce cycle de vie est crucial pour mettre en place des stratégies de prévention efficaces.

3. Mesures de Prévention et Contrôle de l Hydatidose

La prévention de l'hydatidose cérébrale repose sur la rupture du cycle de vie du parasite. Des mesures d'hygiène rigoureuses sont essentielles pour éviter la contamination. Il est important de limiter l'accès des chiens aux viscères d'animaux infectés. La saisie et l'incinération des viandes et abats contaminés sont des mesures de contrôle importantes. Le traitement des chiens porteurs du parasite est crucial. Le bromhydrate d'arécoline (à la dose de 2 à 3 mg/kg pendant deux mois) ou le praziquantel (Droncit®) sont des traitements efficaces et bien tolérés chez les chiens. Cependant, il est recommandé de ne pas laisser les chiens errer pendant 48 heures après le traitement et de brûler leurs excréments pour empêcher la recontamination. En cas de risque élevé, un traitement mensuel est nécessaire. Ces mesures de prévention et de contrôle sont essentielles pour réduire l'incidence de l'hydatidose, y compris sa forme cérébrale.