La capacité d'ajustement compensatoire du bras lors des mouvements d'atteinte impliquant le tronc suite à une lésion hémisphérique

Ajustement compensatoire du bras après lésion hémisphérique

Informations sur le document

Langue French
Format | PDF
Taille 3.00 MB

Résumé

I.Méthodologie Étude de la Coordination Bras Tronc chez des Sujets Hémiparétiques

Cette étude a évalué la coordination bras-tronc pendant des mouvements de pointage chez 11 sujets atteints d’hémiparésie suite à un AVC (âge moyen: entre 26 et 78 ans) et 9 sujets sains (âge moyen: entre 23 et 71 ans). Le niveau de récupération du bras des sujets hémiparétiques était compris entre 3/7 et 7/7 sur l'Échelle de Chedoke-McMaster. L'étude a utilisé un système d'analyse cinématique 3D (Optotrak) pour enregistrer les mouvements du bras et du tronc lors de 60 essais par cible (ipsilatérale et contralatérale). Dans 30% des essais, un électroaimant bloquait inopinément le mouvement du tronc, permettant de comparer les mouvements avec et sans compensation du tronc. La force musculaire a été mesurée à l'aide d'un dynamomètre (Nicholas, MMI, Lafayette instruments).

1. Participants

L'étude a recruté onze sujets hémiparétiques suite à un accident vasculaire cérébral (AVC) dans le territoire de l'artère cérébrale moyenne, âgés de 26 à 78 ans, et neuf sujets sains âgés de 23 à 71 ans. Tous les participants ont donné leur consentement éclairé. Les sujets hémiparétiques présentaient une hémiparésie unilatérale avec un niveau de récupération du bras compris entre 3/7 et 7/7 sur l'échelle de Chedoke-McMaster, l'AVC datant d'au moins 6 mois. Des critères d'exclusion stricts étaient appliqués, éliminant les sujets ayant subi un AVC traumatique ou tumoral, ceux présentant des douleurs au membre supérieur, une luxation d'épaule, une apraxie marquée, un néglige spatial ou des déficits cognitifs importants. Les sujets sains ne devaient présenter aucun antécédent de troubles neurologiques ou de déficits physiques affectant les membres supérieurs ou le tronc. Le Centre de Recherche Interdisciplinaire en Réadaptation du Montréal Métropolitain (CRIR) a approuvé le protocole éthique de l'étude.

2. Évaluation des Déficits

Une évaluation approfondie des déficits moteurs a été menée. La fonction motrice, la sensibilité, l'amplitude articulaire passive et la douleur au mouvement passif ont été évaluées. L’échelle CSI a servi à mesurer la spasticité des muscles du bras. Le Test d’Évaluation des Membres Supérieurs des Personnes Âgées (TEMPA) a quantifié la capacité fonctionnelle de la main et du bras. La force isométrique des muscles extenseurs du coude, fléchisseurs de l’épaule et extenseurs du poignet a été mesurée avec un dynamomètre (modèle 01160 de Lafayette Instruments), exprimant la force maximale du bras affecté en pourcentage de celle du bras controlatéral. En moyenne, la force des trois muscles était d'environ 67% de celle du côté non affecté, avec une variation de 34% à 90%.

3. Tâche de Pointage et Protocole Expérimental

Les participants étaient assis devant une table en plexiglas transparente comportant une ouverture permettant la flexion du tronc. Une cible initiale était située à 30 cm du sternum, et deux cibles finales (ipsilatérale et contralatérale) étaient placées à une distance de 1,3 fois la longueur du bras, mesurée de l'acromion à l'extrémité de l'index. Les sujets devaient effectuer des mouvements de pointage vers les cibles, en fléchissant simultanément le tronc vers l'avant. Un électroaimant, fixé au mur et relié à un harnais porté par le sujet, permettait de bloquer aléatoirement le mouvement du tronc dans 30% des 60 essais par cible. Avant l'expérience, les sujets ont réalisé des essais d'entraînement avec vision et sans blocage du tronc. Ils ont reçu l'instruction de maintenir une vitesse constante et de ne pas anticiper la condition (tronc libre ou bloqué) ni de corriger la trajectoire de la main en cas de blocage.

4. Acquisition et Analyse des Données

Le système Optotrak 3010 (Northern Digital) a enregistré les données cinématiques du bras et du tronc à une fréquence de 120 Hz pendant 4 secondes. Six marqueurs infrarouges ont été placés sur le tronc et le membre supérieur : phalange distale de l'index, tête du cubitus (poignet), épicondyle de l'humérus (coude), acromion ipsilatéral, acromion contralatéral et sternum. Les données ont été analysées afin de déterminer le temps de mouvement, la longueur des trajectoires de la main et du tronc, et les angles du coude et de l'épaule. L'analyse a porté sur la divergence des trajectoires de la main et sur la coordination inter-articulaire (coude-épaule) dans les conditions de tronc libre et de tronc bloqué. Le temps de divergence a été exprimé en pourcentage du temps de mouvement total afin de comparer les résultats entre les sujets.

II.Résultats Déficits de Coordination et Compensation chez les Sujets Hémiparétiques

Les sujets atteints d’hémiparésie ont réalisé des mouvements plus lents avec une amplitude de mouvement réduite au niveau du coude et de l'épaule. L'analyse des trajectoires de la main a révélé une divergence plus précoce chez les sujets hémiparétiques, suggérant une influence précoce et non compensée du mouvement du tronc. La compensation au niveau des articulations du bras (coordination inter-articulaire) était retardée et incomplète. Les ratios de divergence inter-articulaire/trajectoire étaient plus élevés chez les sujets hémiparétiques (ipsilatéral: 104.6 ± 41%; contralatéral: similaire) comparés aux sujets sains (ipsilatéral: 58.2 ± 17.6%; contralatéral: similaire), indiquant un déficit dans le contrôle temporel et spatial de la coordination intersegmentaire.

1. Ralentissement des Mouvements et Réduction de l Amplitude

Les résultats ont montré que les sujets hémiparétiques effectuaient les mouvements de pointage plus lentement que les sujets sains, vers les deux cibles (ipsilatérale et contralatérale). Ce ralentissement était significatif et concernait à la fois les mouvements du bras et du tronc. De plus, une utilisation réduite de l'amplitude de mouvement a été observée au niveau des articulations du coude et de l'épaule chez les participants hémiparétiques. Ces mouvements plus lents et l'amplitude réduite contribuaient à une exécution moins efficace de la tâche de pointage. Cette observation souligne un déficit moteur fondamental chez les individus atteints d'hémiparésie, même chez ceux ayant un niveau de récupération relativement bon (3/7 à 7/7 sur l'échelle de Chedoke-McMaster).

2. Divergence des Trajectoires et Coordination Inter articulaire

Pour analyser les mécanismes de compensation, les chercheurs ont caractérisé le moment de divergence entre les trajectoires de la main et la coordination inter-articulaire (épaule-coude) dans les conditions de tronc libre et de tronc bloqué. Chez les sujets hémiparétiques, la divergence des trajectoires de la main est apparue plus tôt que chez les sujets sains. Inversement, la divergence de la coordination inter-articulaire est survenue plus tardivement chez les sujets atteints d'hémiparésie. Ce décalage suggère un retard dans la compensation inter-articulaire chez les sujets hémiparétiques. Le mouvement du tronc contribuait au déplacement de la main dès le début du mouvement, sans compensation adéquate au niveau des articulations du coude et de l'épaule, indiquant un défaut de synchronisation entre les segments corporels.

3. Déficit de Coordination Temporelle et Spatiale

L'analyse des résultats a mis en évidence une rupture de la coordination temporelle et spatiale entre le mouvement du tronc et du bras chez les sujets hémiparétiques lors de la tâche de pointage. Le tronc contribuait au déplacement de la main dès le début du mouvement, sans une compensation complète et appropriée des articulations du coude et de l'épaule. Cette absence de compensation adéquate et le retard observé dans la coordination inter-articulaire soulignent un déficit significatif dans le contrôle moteur, affectant à la fois la précision spatiale et le timing des mouvements. Ce dysfonctionnement pourrait expliquer en partie la perte de dextérité observée chez les patients hémiparétiques, même ceux ayant une bonne récupération motrice.

III.Discussion Mécanismes Neurologiques de la Compensation et Déficits Moteurs

Chez les sujets sains, le mouvement du tronc est initialement compensé par des rotations des articulations du bras, préservant la trajectoire de la main. Chez les sujets hémiparétiques, cette compensation est partielle et retardée. Ce déficit pourrait être lié à une altération du traitement de l'information sensorielle (proprioception, vestibulaire) et/ou à des déficits cognitivo-moteurs affectant la synchronisation des mouvements. L'étude suggère un lien entre la sévérité de la spasticité et les modifications des patrons moteurs d’atteinte. Les résultats améliorent la compréhension des mécanismes de contrôle moteur du membre supérieur après un AVC et des stratégies de compensation utilisées par les patients hémiparétiques.

1. Mécanismes de Compensation chez les Sujets Sains vs. Hémiparétiques

Chez les sujets sains, la compensation du déplacement du tronc lors de mouvements de pointage s'effectue par des rotations compensatoires appropriées au niveau des articulations du bras (épaule et coude), préservant ainsi la trajectoire de la main. Ce mécanisme, déjà décrit dans la littérature, neutralise l'influence du tronc sur le déplacement de la main, sauf après le pic de vitesse de la main. En revanche, chez les sujets hémiparétiques, cette compensation est significativement altérée. Le mouvement du tronc influence le déplacement de la main dès le début du mouvement, et la compensation par les articulations du bras est incomplète et retardée. Cette différence fondamentale dans la stratégie de compensation met en lumière les conséquences neurologiques de l'AVC sur le contrôle moteur.

2. Rôle de la Coordination Inter articulaire et Intersegmentaire

L'étude souligne l'importance de la coordination inter-articulaire (coude-épaule) et intersegmentaire (bras-tronc) dans la réalisation de mouvements de pointage précis et efficaces. Chez les sujets sains, une coordination fine entre les articulations du bras permet de neutraliser l'impact du mouvement du tronc sur la trajectoire de la main. Chez les sujets hémiparétiques, la divergence entre les trajectoires de la main (plus précoce) et la coordination inter-articulaire (plus tardive) révèle un déficit dans cette coordination. Ce retard dans la compensation articulaire, couplé à la contribution précoce du tronc au déplacement de la main, suggère une altération de la coordination temporelle et spatiale entre le bras et le tronc, affectant ainsi la fluidité et la précision du mouvement.

3. Hypothèses Explicatives des Déficits Moteurs

Plusieurs hypothèses sont proposées pour expliquer les déficits de compensation observés chez les sujets hémiparétiques. Une hypothèse est une diminution de la vitesse de traitement de l'information sensorielle (proprioceptive et/ou vestibulaire), affectant la capacité du système nerveux à générer des réponses compensatoires rapides et appropriées au déplacement du tronc. Une autre hypothèse évoque des déficits cognitivo-moteurs, affectant la capacité à produire des séquences de mouvements précisément synchronisées. Bien qu'une perte de contrôle du mouvement du tronc puisse sembler plausible, les données ne la confirment pas, car l'amplitude et le timing du recrutement du tronc ne différaient pas significativement entre les groupes. L’étude suggère que les déficits observés résultent probablement d'une combinaison de facteurs neurologiques affectant le contrôle moteur.