La rencontre interculturelle par vidéoconférence de groupe

La rencontre interculturelle par vidéoconférence de groupe

Informations sur le document

Auteur

Christophe Bouyssi

instructor/editor Pascal Marquet, Professeur, Université de Strasbourg
École

Université de Strasbourg

Spécialité Sciences de l’Éducation
Type de document Thèse
Lieu Strasbourg
Langue French
Format | PDF
Taille 14.76 MB
  • interculturel
  • vidéoconférence
  • éducation

Résumé

I.Analyse Conversationnelle des Rencontres Interculturelles Franco Allemandes

Cette recherche explore l'analyse conversationnelle appliquée aux rencontres interculturelles, spécifiquement dans le contexte franco-allemand. Elle s'appuie sur des théories clés comme la théorie de la face de Goffman et la théorie de la politesse, pour analyser les interactions et les rituels qui structurent ces échanges. L'étude examine comment les stéréotypes et les représentations de l'Autre influencent la communication, et comment la négociation d'identité se joue dans ces contextes. Des exemples concrets d'interactions, en présence ou à distance (vidéoconférence), illustrent l'impact du multilinguisme et les défis de la communication interculturelle.

1. Cadre théorique et méthodologique

Cette section établit le cadre théorique de la recherche en s'appuyant sur l'analyse conversationnelle pour étudier les rencontres interculturelles franco-allemandes. Elle précise la méthodologie utilisée, notamment l'examen des interactions à travers le prisme de théories existantes. Des références sont faites à des auteurs clés tels que Goffman et sa théorie de la face, ainsi qu'à d'autres travaux en sociolinguistique et en pragmatique. L'objectif est de proposer un cadre terminologique rigoureux pour analyser la communication interculturelle, en distinguant précisément les notions de rencontre, interaction, et conversation. L'étude souligne l'importance de considérer la situation et les rôles des participants pour comprendre la dynamique des échanges. L'influence du contexte, les attentes réciproques, et le rôle des routines conversationnelles (Traverso) sont identifiés comme des éléments clés de l'analyse. La réciprocité et le concept d'embarras (Goffman) sont aussi mis en avant comme des aspects fondamentaux de la relation interpersonnelle dans le cadre des rencontres interculturelles.

2. La relation franco allemande un voisinage particulier

Cette partie explore la relation franco-allemande comme un cas d’étude privilégié pour l'analyse des rencontres interculturelles. Elle propose d'appréhender cette relation à travers le concept de voisinage entre étrangers, soulignant la complexité de ce type de relation, marquée par une frontière commune, des parallélismes et des tensions. L'étude examine la dimension à la fois matérielle et symbolique des échanges franco-allemands, ancrés dans des principes de réciprocité et de souveraineté. La notion de culture est analysée, notamment les différences conceptuelles entre la vision allemande de la Kultur et la notion de civilisation. L'impact de l’histoire, des conflits passés, et des représentations mutuelles sur les interactions présentes est abordé. L'enseignement des langues est présenté comme un indicateur de la qualité de la relation, passant de « langue de l’ennemi » à un symbole d'amitié franco-allemande, reflétant l'évolution géopolitique. L'étude mentionne des figures clés comme De Gaulle et Adenauer, ainsi que l'OFAJ (Office Franco-Allemand pour la Jeunesse) comme des acteurs importants dans les échanges entre les deux pays. Des enquêtes d'opinion, comme l'étude « Regards croisés » de l'IFOP, sont mentionnées comme source d'information sur les perceptions des relations franco-allemandes.

3. L apprentissage des langues et les interactions médiatisées

Cette section se concentre sur l'apprentissage des langues et son rôle dans la facilitation des rencontres interculturelles. Elle examine le contenu des manuels scolaires et les programmes d’échange, en soulignant les limites des approches traditionnelles et la nécessité de mieux prendre en compte la réalité des interactions. L'influence des stéréotypes et des représentations culturelles préconçues est analysée, ainsi que les mécanismes de défense mis en place face aux incompréhensions et incertitudes. L'étude explore comment les technologies de la communication (vidéoconférence, plateformes en ligne) influencent les interactions interculturelles, en particulier les interactions didactiques. L’asymétrie d'expérience et d'usage des langues entre les apprenants est identifiée comme un facteur important à prendre en compte. Les travaux de Lipiansky sur les stéréotypes, ainsi que ceux de divers auteurs sur l'apprentissage des langues dans des contextes multilingues et médiatisés, sont mentionnés. Le rôle des interactions en ligne et l'utilisation du jeu de rôle sont également discutés.

II.La Notion de Rencontre et ses Composantes

L'étude clarifie la distinction entre des termes proches comme rencontre, interaction et conversation. Elle met l'accent sur le rôle des attentes réciproques, de l'embarras, et des routines conversationnelles dans la construction de la rencontre. L'analyse explore la différence entre les interactions à finalité interne (conversation familière, axée sur le relationnel et le partage) et les interactions à finalité externe (négociation, transactions). Le concept d'espace interactif est introduit pour décrire la co-articulation des rôles et des rapports de place. L'ouvrage cite Goffman, Kerbrat-Orecchioni et Traverso comme figures importantes de la sociolinguistique et de l'analyse conversationnelle.

1. Définition et clarification des termes rencontre interaction conversation

Cette partie de l'étude se concentre sur la clarification des termes clés liés à la notion de rencontre. Le document souligne la polysémie du terme conversation, le distinguant d'autres formes d'interaction. Il met en avant la nécessité d'un cadre terminologique précis pour analyser la diversité des interactions sociales. Une distinction fondamentale est opérée entre la rencontre et le simple regroupement, en soulignant le rôle de la reconnaissance mutuelle et de la présence directe des individus. L'apport de Goffman est crucial, définissant la rencontre comme une période d'interaction face-à-face commençant par la reconnaissance mutuelle et se terminant par un accord implicite de retrait. L'analyse précise que même les rencontres muettes peuvent être significatives, et que l'embarras, comme état émotionnel, est un facteur constitutif de la rencontre, représentant des « espoirs déçus » (Goffman). La distinction entre la conception pré-ordonnée de la situation chez Goffman et les approches interactionnistes qui privilégient une définition conjointe de la situation est mise en lumière. L'étude explore ainsi les nuances et les subtilités entre les différents types d'interactions, en utilisant des concepts de la microsociologie, de l'anthropologie, de la sociologie, et de la pragmatique.

2. Les composantes de la rencontre rituels attentes et rôles

Cette section analyse les différents éléments constitutifs de la rencontre. L'ouvrage met en lumière l'importance des rituels interactionnels, citant Goffman et sa notion d'« inattention civile » comme exemple de régulation des échanges sociaux. La notion de réciprocité dans l'interaction est mise en avant. Le concept de routine conversationnelle (Traverso) est introduit, décrivant des procédés confirmatifs et réparateurs dans les interactions, notamment les salutations, les questions sur la santé, les compliments, et les amadouages. Ces routines contribuent à montrer un engagement et une compréhension partagée des règles de l'échange. L'étude examine les différents types d'enchaînements possibles dans une conversation, les aspects politesse et impolitesse, les stratégies rhétoriques, et les menaces potentielles pour la « face » des interlocuteurs. La gestion des désaccords et des réparations est explorée. Les contributions de Kerbrat-Orecchioni sur les différents points de vue concernant l'interaction (confirmatif vs. conflictuel) sont discutées. La notion de cadre participatif (Cahour), qui intègre la représentation que chaque participant a de la situation, est aussi introduite, soulignant l'importance de la définition de la situation dans les interactions, notamment en communication interculturelle.

3. Conversation familière un type d interaction spécifique

Cette partie explore la conversation familière comme un type d'interaction à finalité interne, se distinguant des interactions à finalité externe comme les transactions ou les négociations. L'étude se base sur le travail de Traverso, qui met en avant la prédominance du relationnel et de la complicité dans ce type d'interaction. La conversation familière se caractérise par une importance du facteur temps, une séquence d'échange à bâtons rompus, et une implication forte des participants. L'analyse de Traverso distingue la conversation familière de formes d'interaction plus superficielles comme le small talk. L’importance du thème, même dans le cadre d’une conversation familière, est soulignée, tout comme la centralité des partenaires de l'interaction dans les échanges. L'étude mentionne des types d'échanges spécifiques comme la négociation et les confidences, mettant en lumière la différence entre le temps extérieur et un temps commun de la conversation, ainsi que le rôle de l'antériorité et de l'attente d'un après dans la construction de la familiarité et de la relation interpersonnelle. Les rituels liés à la visite (invitation, salutations, compliments, commentaires de site) sont aussi abordés.

III.Relations Franco Allemandes Contexte et Représentations

Cette partie analyse les relations franco-allemandes comme un cas d'étude pour l'analyse conversationnelle interculturelle. Elle explore le concept de « voisinage entre étrangers », la frontière linguistique, et les différences conceptuelles entre les termes « culture » (Kultur) et « civilisation » (Zivilisation) en Allemagne. L'étude examine l'impact de l'histoire (notamment les deux guerres mondiales) sur les représentations mutuelles et sur l'enseignement des langues. Des figures clés comme De Gaulle et Adenauer, et des institutions comme l'OFAJ (Office Franco-Allemand pour la Jeunesse), sont mentionnées. L'analyse considère aussi l'impact des enquêtes d'opinion (comme Regards croisés de l'IFOP) sur la compréhension des perceptions mutuelles.

1. Le contexte socio institutionnel des relations franco allemandes

Cette section explore le contexte socio-institutionnel des relations franco-allemandes, en adoptant une perspective macro-sociologique. Elle analyse les relations internationales entre la France et l'Allemagne, en considérant les espaces, les territoires, les peuples, et l'histoire partagée. L’étude se penche sur la transmission de cette histoire par les individus et les historiens, en examinant ce que recouvre le concept de culture dans ce contexte précis. L'objectif est de dépasser les approches générales de la communication interculturelle, pour proposer une analyse spécifique des relations franco-allemandes. La section met en avant la notion de « voisinage entre étrangers » comme un cadre conceptuel pertinent pour comprendre les rencontres interculturelles franco-allemandes. L'étude se concentre sur le rapport de place et le cadre communicatif, plutôt que sur les aspects psychosociologiques, en se fondant sur la théorie des faces de Goffman pour une analyse partielle des enjeux psychosociologiques.

2. L espace linguistique franco allemand et la question de la culture

L’analyse se concentre sur la frontière linguistique qui traverse l’espace franco-allemand, où chaque langue est enseignée comme langue « étrangère » de l’autre pays. Elle souligne des conceptions opposées de la culture, en comparant les significations du terme Kultur en Allemagne. L'étude identifie deux approches distinctes du mot Kultur: une approche anthropologique et historique, descriptive et non normative; et une autre approche plus restreinte et normative, se rapprochant de la notion de « civilisation » (Zivilisation). Cette différence conceptuelle est illustrée par les travaux de Kant et la notion de Bildung. L'analyse souligne une connotation historique d’opposition anti-française dans l’idéal allemand. Le concept de « langue des voisins » (Dabène) est introduit, distinguant la proximité géographique de la proximité linguistique. L'enseignement de l'allemand en France, influencé par des périodes de conflit, est présenté comme un exemple de la relation complexe entre apprentissage des langues et relations géopolitiques, passant de « langue de l’ennemi » à un outil de rapprochement, illustrant ainsi l'impact historique sur les représentations et les interactions.

3. Représentations croisées et mythes franco allemands

Cette partie examine les représentations croisées de la France et de l'Allemagne, en s'appuyant sur les travaux de recherche existants en communication interculturelle. Elle met en lumière le rôle des stéréotypes, des clichés, et des représentations mentales ou sociales, en particulier l'importance des perceptions dans la dynamique de l’interaction. L'ouvrage aborde le mythe de l’amitié franco-allemande, en analysant son contenu narratif et iconographique, avec des figures clés comme De Gaulle et Adenauer. L'analyse du mythe franco-allemand révèle l'importance de la gestuelle (l'accolade) et des discours qui soulignent le caractère exceptionnel de la réconciliation. Le document discute l'influence de ces représentations sur les interactions entre Français et Allemands, notant le risque d'une vision trop idéalisée de l'amitié franco-allemande. L'influence des lieux de mémoire et leur interprétation différente selon les nationalités est évoquée. L'étude mentionne des travaux de recherche sur les stéréotypes et leur impact sur la communication interculturelle, soulignant le lien entre perception, attitude, et interaction.

4. Enquêtes d opinion et perceptions des relations franco allemandes

L'analyse utilise les données de l'enquête « Regards croisés 2013 » de l'IFOP pour comprendre les perceptions des relations franco-allemandes. Cette enquête, commandée par l'Ambassade d'Allemagne en France, visait à mettre en lumière les représentations des Français et des Allemands sur leurs relations bilatérales. L'étude observe l'évolution de ces perceptions, notamment chez les jeunes, et les différences entre les points de vue français et allemand. L’absence de site web commun pour les relations franco-allemandes est soulignée, contrastant avec le projet « amitié franco-allemande 2.0 » lancé à l'occasion du cinquantenaire du Traité de l'Elysée. Le document note l'importance des représentations de l’Autre dans les interactions interculturelles, ainsi que l'influence des médias et des réseaux sociaux sur la construction de ces représentations. L'étude aborde la question de l'enseignement de la guerre et de son impact sur l'identité nationale en France et en Allemagne, en se référant aux travaux de Zymek sur la transmission de la mémoire collective. Enfin, l'exemple d'une projection de film sur le Débarquement en Normandie illustre la différence d'interprétation et les tensions qui peuvent émerger lors de rencontres interculturelles.

IV.L Apprentissage des Langues et la Communication Interculturelle

Cette section explore le rôle de l'apprentissage des langues dans la promotion de la communication interculturelle. Elle discute de l'impact des manuels scolaires, des programmes d'échange, et des technologies (vidéoconférence, plateformes en ligne) sur la construction des savoirs et des représentations culturelles. L'étude analyse les défis posés par les stéréotypes, en s'appuyant sur les travaux de Lipiansky. Elle compare des contextes d'apprentissage différents, y compris des formations en ligne, et souligne l'importance de l'asymétrie entre les apprenants concernant l'acquisition d'une langue étrangère et l'expérience interculturelle.

1. L apprentissage des langues et la préparation à la rencontre interculturelle

Cette section explore la relation entre apprentissage des langues et communication interculturelle. Elle questionne l'adéquation des manuels scolaires et des programmes d'échange à la préparation des apprenants à des rencontres interculturelles. Le document critique le contenu culturel souvent présenté comme «familier» plutôt que «différent», soulignant un manque de réalisme par rapport à la réalité sociale des contextes de rencontre. L'analyse se base sur l’observation des échanges linguistiques dans un contexte d'accueil, souvent la famille, et l'impact des représentations culturelles transmises par ce biais. L’ouvrage mentionne les travaux de Lissmann qui interroge la pertinence des contenus culturels dans les manuels, notamment en ce qui concerne la représentation de la famille en Allemagne. L’étude critique les approches pédagogiques qui se focalisent uniquement sur les effets pédagogiques à court terme des programmes d'échange, notamment en acquisition d’une langue étrangère, plutôt que sur l'expérience interculturelle en elle-même. Le travail de Müller est cité, qui souligne le caractère parfois superficiel de ces programmes et l'émergence tardive de thèmes sensibles, comme le nazisme, dans les échanges de groupes. L’impact des stéréotypes et la façon dont ils peuvent créer des incompréhensions sont aussi abordés. L’importance de la gestion des expressions paraverbales, qui peuvent être mal interprétées, est mise en avant.

2. Les stéréotypes les représentations et le réel dans les échanges franco allemands

Cette partie traite du rôle des stéréotypes et des représentations dans la communication interculturelle. L’étude s’appuie sur les travaux de Lipiansky, qui présente les stéréotypes comme des mécanismes sociocognitifs visant à maîtriser l'environnement. Il souligne qu’il est réducteur de croire que les individus assimilent directement une personne étrangère à une image stéréotypée. L’analyse de Lipiansky, fondée sur des observations de terrains d’échange franco-allemand, montre que les stéréotypes réfèrent souvent à des idéologies dominantes plutôt qu’à des traits individuels. Les programmes d'échange, souvent axés sur la lutte contre les stéréotypes, sont critiqués pour leur approche potentiellement restrictive et morale, détournant l'attention d’enjeux plus importants de la rencontre interculturelle. L’étude compare l’enseignement de la guerre en Allemagne et en France, illustrant comment des représentations et des savoirs culturels (historiques et moraux) sont construits autour d'un « événement douloureux » (Zymek). L'exemple d'une projection de film sur le débarquement montre comment des représentations divergentes peuvent engendrer des tensions et des désaccords lors de rencontres interculturelles franco-allemandes, mettant en lumière le rôle des émotions et des arguments dans les échanges.

3. Les interactions en contexte d apprentissage interactions didactiques et conversations interalloglottes

Cette section analyse les interactions dans des contextes d'apprentissage, en comparant les interactions didactiques et les conversations plus informelles. L’étude de Bigot sur les interactions didactiques montre que la conversation ne dépasse pas toujours les limites du cadre d’apprentissage. L'enseignant, par ses régulations et évaluations, maintient une position haute, limitant la négociation entre les participants. L'ouvrage explore la notion de conversation interalloglotte (Behrent), où la langue utilisée n'est la langue maternelle d'aucun des interlocuteurs. L’analyse met en lumière les échanges métalinguistiques fréquents entre apprenants dans des contextes informels, qui peuvent être perçus comme des opportunités d’enrichissement lexical, mais aussi comme des séquences potentiellement acquisitionnelles, sans que cela soit forcément lié à un besoin spécifique d’apprentissage. Le rôle des technologies de la communication, notamment dans les environnements discursifs médiatisés (Develotte), est examiné pour leur capacité à faciliter le multilinguisme et les échanges interculturels. L'étude souligne l’impact du contexte social et les différentes interprétations des acteurs, notamment concernant les représentations liées à la langue et à la culture.

4. Formation en ligne et asymétrie d expérience et d usage de la langue

Cette partie examine une formation en ligne utilisant la vidéoconférence et le jeu de rôle pour favoriser la communication interculturelle. L'analyse, basée sur les travaux de Guichon & Drissi, met en lumière le contrat de fiction implicite dans ce type de dispositif et son impact sur la situation énonciative. L'utilisation du jeu de rôle, malgré sa capacité à encourager la fantaisie et l'expression spontanée, est questionnée en ce qui concerne l'authenticité de la rencontre interculturelle. Le document souligne l'asymétrie d'expérience et d'usage de la langue entre les apprenants français et américains, une constante des formations en ligne qui est paradoxalement peu étudiée. L’analyse pointe l'absence de prise de risques et le manque d'authenticité dans une telle situation, où la distance est maximale, empêchant une véritable rencontre interculturelle. Le recours au contact direct en vidéoconférence ne suffit pas à changer la situation énonciative de la classe de langue traditionnelle, conduisant à des interactions désincarnées. L'analyse d'O'Dowd sur une vidéoconférence franco-américaine illustre l'absence de conversation familière et le malaise des participants face à des sujets sensibles, et la difficulté de créer une ambiance conviviale à distance.

V. Interactions Didactiques

La recherche compare la conversation familière, caractérisée par sa dimension temporelle, son aspect relationnel et la construction de sens partagés, avec les interactions didactiques en classe de langue. Elle analyse comment la finalité de l'interaction (interne vs. externe) influence le déroulement et le type d'échange. L'étude observe les différences entre les interactions dans des contextes informels et formels, et l'impact des rôles institutionnalisés et occasionnels sur la communication. L'ouvrage examine l'utilisation du jeu de rôle dans l'enseignement des langues et ses limites concernant l'authenticité de la rencontre interculturelle.

1. Caractéristiques de la conversation familière

Cette partie définit et caractérise la conversation familière, la différenciant d'autres types d'interactions. Elle s'appuie sur les travaux de Traverso, qui souligne la prédominance du relationnel et de la complicité, l'importance des savoirs et expériences partagés, et la nécessité pour la conversation de produire un sens. La conversation familière est distinguée du small talk ou des interactions phatiques, se caractérisant par l'importance du facteur temps, une séquence d'échange à bâtons rompus et une forte implication des participants. Ces caractéristiques la rapprochent de types d'échanges spécifiques comme la négociation et les confidences. L'analyse met en lumière l'inscription temporelle de la conversation familière dans un avant et un après, soulignant le rôle de l'antériorité dans l'établissement de la familiarité. L'aspect relationnel, bien que central, ne doit pas masquer la finalité de production de sens de la conversation, qui la distingue d'autres interactions uniquement axées sur le relationnel ou le phatique.

2. Interaction didactique et ses limites

Cette section analyse les interactions didactiques en classe de langue, en les comparant à la conversation familière. L'analyse de Bigot montre que l'activité de conversation en classe reste souvent limitée par la finalité externe d'apprentissage de l'interaction didactique. Les apprenants sollicitent des hétéro-corrections et l'enseignant maintient sa position dominante, imposant l'ouverture et la clôture des séquences. L'enseignant, par ses interventions et régulations (souvent interprétées comme des évaluations), confirme sa position haute et limite les négociations. L'analyse souligne que même si les apprenants peuvent manifester des contestations et des glissements conversationnels, ils ne cherchent pas forcément à s'affranchir complètement du cadre institutionnel. Le document observe que même dans une conversation informelle, comme la préparation d'un repas, des échanges métalinguistiques peuvent apparaître, soit pour enrichir le lexique, soit pour résoudre des problèmes spécifiques, illustrant la complexité des interactions en contexte multilingue (Behrent). La distinction entre les besoins d'apprentissage et les échanges sur la langue est discutée, soulignant que les échanges métalinguistiques ne sont pas toujours directement liés à l'acquisition de la langue.

3. Formation en ligne et interaction tuteur apprenant

Cette partie analyse une formation en ligne comme exemple d'interaction didactique. L'étude souligne le rôle du contrat de fiction (Cicurel) dans ce type d'apprentissage, où les apprenants endossent des rôles imaginaires. L'interaction est structurée par l'exécution de tâches et des régulations pédagogiques, qui cherchent à maintenir des conditions optimales d’apprentissage. Néanmoins, l'analyse note l'importance de prendre en compte les besoins des apprenants et la nécessité pour les tuteurs de s'adapter à la dynamique de l'interaction. Cependant, le document met en lumière les limites du jeu de rôle dans la création d’une authentique rencontre interculturelle. Le recours au contact direct via la vidéoconférence ne suffit pas à dépasser les limites du cadre d'apprentissage. L’asymétrie entre les apprenants (français vs. américains) et leur niveau d'expérience en communication interculturelle est identifiée comme une contrainte importante. L'étude se termine en soulignant l'importance de considérer les interactions dans leur complexité, en tenant compte des rôles institutionnalisés et des glissements possibles vers des rôles occasionnels (Vion).

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