
Prise en charge de l'Hydatidose Vertébrale
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Langue | French |
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Taille | 5.18 MB |
- Hydatidose
- Neurochirurgie
- Médecine
Résumé
I.Présentation Clinique de l Hydatidose Vertébro Médullaire
Cette étude rétrospective (Janvier 2001 - Décembre 2006) au Complexe Hospitalier Universitaire Mohammed VI de Marrakech a inclus neuf patients atteints d'hydatidose vertébrale, majoritairement des hommes (sex-ratio prédominance masculine) d'âge moyen de 33,5 ans. Sept patients vivaient en milieu rural et avaient un contact régulier avec des chiens. La symptomatologie de l’hydatidose vertébro-médullaire se caractérise initialement par des douleurs rachidiennes, souvent irradiant aux membres inférieurs (sciatalgies), parfois associées à des névralgies abdomino-génitales et des troubles sphinctériens (incontinence urinaire, rétention urinaire, constipation). L'évolution, lente mais progressive, conduit à une compression médullaire ou radiculaire, pouvant entraîner une claudication médullaire et finalement une paralysie.
1. Étude Rétrospective et Caractéristiques des Patients
Une étude rétrospective menée de janvier 2001 à décembre 2006 au Complexe Hospitalier Universitaire Mohammed VI de Marrakech a analysé les cas de hydatidose vertébro-médullaire. L'échantillon comprenait neuf patients, avec une prédominance masculine (sex-ratio non précisé mais implicitement masculine) et un âge moyen de 33,5 ans. Un aspect notable est que sept patients sur neuf vivaient en milieu rural et étaient en contact permanent avec des chiens, soulignant un lien potentiel entre l'exposition canine et le développement de la maladie. Cette observation souligne l'importance du facteur environnemental et de la proximité avec les animaux dans la transmission de l'échinococcose. L'étude se concentre sur la présentation clinique, le diagnostic et la prise en charge de ces patients atteints d'hydatidose vertébrale, une localisation spécifique et souvent grave de l'hydatidose osseuse.
2. Symptomatologie de l Hydatidose Vertébro Médullaire
La symptomatologie de l’hydatidose vertébro-médullaire est variée et son apparition insidieuse. Les manifestations cliniques débutent souvent par des douleurs rachidiennes, souvent décrites comme des dorsalgies ou des douleurs irradiant aux épaules. Avec l'évolution de la maladie, ces douleurs s'intensifient, et irradient vers les membres inférieurs (sciatalgies), accompagnées de troubles sensoriels (fourmillements, paresthésies). Des troubles moteurs apparaissent progressivement, avec une fatigabilité accrue, des difficultés à la marche rapide, puis à la marche simple, à la course, et à la montée des escaliers. Des troubles sphinctériens, notamment une incontinence urinaire ou une rétention urinaire, ainsi que des névralgies abdomino-génitales, sont aussi fréquemment rapportés. Dans certains cas, un syndrome de la queue de cheval peut se manifester, avec une installation rapide de douleurs dans les deux membres inférieurs, des troubles de la marche, et une incontinence urinaire. Ces symptômes sont le résultat d'une compression progressive de la moelle épinière ou des racines nerveuses par les kystes hydatiques, illustrant la gravité de cette localisation de l'hydatidose. L’impotence fonctionnelle complète des membres inférieurs peut survenir à un stade avancé. L'examen physique peut être initialement normal ou révéler une simple douleur vertébrale ou une raideur du rachis. La présence de collections ossifluentes hydatiques peut être palpable à un stade plus avancé.
3. Cas Cliniques Illustratifs
L'étude présente des cas cliniques illustrant la diversité des présentations de l'hydatidose vertébro-médullaire. Monsieur RJ, 35 ans, originaire d'un milieu rural, a été admis pour un syndrome de la queue de cheval, débutant dix jours avant son admission, avec des douleurs intenses aux membres inférieurs, une incontinence urinaire, et des névralgies abdomino-génitales. Madame BA, 46 ans, également résidente en milieu rural, a présenté des douleurs dorsales irradiant aux épaules pendant un an, s’aggravant six mois avant son admission avec une irradiation vers les membres inférieurs, des difficultés de marche, des fourmillements, et une incontinence urinaire. Monsieur FM, 35 ans, d'origine rurale, a développé des dorsalgies irradiant aux membres inférieurs sur une période de seize mois. Un mois avant son hospitalisation, il a subi une impotence fonctionnelle brutale des deux membres inférieurs, avec des troubles sphinctériens, incluant une rétention urinaire et une constipation. Ces cas démontrent la variabilité de l'évolution clinique de l'hydatidose vertébrale, allant de douleurs progressives à des déficits neurologiques brutaux, soulignant la nécessité d'un diagnostic précoce et d'une prise en charge appropriée pour une hydatidose osseuse.
II.Diagnostic de l Hydatidose Osseuse
Le diagnostic de l'hydatidose osseuse, et plus précisément de l'hydatidose vertébrale, repose sur la corrélation de données épidémiologiques, cliniques, radiologiques et biologiques. L'imagerie médicale, notamment le TDM et l'IRM, est essentielle pour visualiser les kystes hydatiques et leur extension. Le TDM montre des formations multivésiculaires, souvent avec un prolongement intra-canalaire rachidien. L'IRM permet de mieux apprécier l'extension du kyste et la compression des structures nerveuses. L'échographie peut révéler d'autres localisations, notamment hépatiques. Les examens immunologiques, bien que moins sensibles que l'imagerie, peuvent aider au diagnostic et au suivi thérapeutique, même si l'intradermoréaction de Casoni est de moins en moins utilisée. L’hémagglutination indirecte est un test plus courant.
1. Imagerie Médicale dans le Diagnostic de l Hydatidose Osseuse
Le diagnostic de l'hydatidose osseuse repose fortement sur l'imagerie médicale. La tomographie axiale computée (TDM) et l'imagerie par résonance magnétique (IRM) sont les examens de choix. La TDM permet de visualiser les kystes hydatiques, souvent multivésiculaires, et d'évaluer leur extension dans les tissus environnants (rétropéritoine, espace infra-médiastinal, tissus sous-cutanés). L'examen peut révéler un prolongement intra-canalaire rachidien avec refoulement du fourreau dural, ainsi qu'une extension le long des muscles psoas. Un exemple décrit une formation multivésiculaire s'étendant des épineuses dorsales de D10 à L3. L’IRM, quant à elle, offre une meilleure résolution des tissus mous et permet une meilleure visualisation de la lésion kystique, notamment dans le canal sacré, ainsi que de la réaction osseuse associée. Dans un cas, une lésion kystique hypo-intense en T1 et hyper-intense en T2, de signal identique au liquide céphalorachidien (LCS) a été observée, avec une paroi kystique en hypo-signal en T2. L'échographie peut compléter l'examen, notamment pour la recherche de localisations associées, en particulier hépatiques. L'imagerie précise l'extension des lésions et oriente vers le diagnostic d'hydatidose vertébrale ou d'hydatidose osseuse en général. La radiologie standard peut être utile dans certaines situations, même si elle est moins performante que la TDM et l'IRM pour visualiser les kystes hydatiques.
2. Examens Biologiques et Immunologiques
En complément de l'imagerie, les examens biologiques et immunologiques contribuent au diagnostic de l'hydatidose osseuse. L’intradermoréaction de Casoni, bien que moins utilisée en raison du risque de transmission virale (VIH, hépatite B et C), peut être positive dans 75% des cas d'hydatidose. Une autre méthode, l'hémagglutination indirecte, offre une bonne sensibilité et est plus accessible. Une réaction positive est caractérisée par un voile homogène d'hématies sur la cupule, tandis qu'une réaction négative montre la sédimentation des hématies. Le seuil de positivité est fixé à 1/320. Le suivi sérologique par l'étude de la cinétique des anticorps permet d'apprécier l'efficacité du traitement, qu'il soit chirurgical ou médicamenteux. Une élévation rapide des anticorps dans les deux premiers mois post-opératoires, puis leur décroissance, est normale. Cependant, un taux élevé persistant suggère la présence d'un kyste résiduel, tandis qu'une réascension ultérieure peut indiquer une récidive ou une infection secondaire. Chez les 9 patients de l'étude, seuls 4 ont présenté une hyperéosinophilie, un marqueur biologique non spécifique mais parfois associé à des infestations parasitaires. L'ensemble de ces examens, associés à la clinique et à l'imagerie, permet d'établir un diagnostic fiable d'hydatidose osseuse et de guider la prise en charge thérapeutique.
III.Traitement de l Hydatidose Vertébrale
Le traitement de l'hydatidose vertébrale est principalement chirurgical, visant l'exérèse complète des kystes hydatiques. Plusieurs voies d'abord chirurgicales sont possibles (voie postérieure, voie antérieure). Le traitement médical, notamment par l'albendazole et/ou le praziquantel, est utilisé en complément de la chirurgie pour prévenir la dissémination et les récidives, chez les patients inopérables, ou pour améliorer le pronostic. L’efficacité de l'albendazole est appuyée sur sa meilleure absorption, taux sanguins et intrakystiques élevés. Des techniques moins invasives, comme l'aspiration scannoguidée, sont explorées, mais restent soumises à des risques et ne sont pas systématiquement efficaces. Une étude à Casablanca a rapporté des résultats mitigés avec un traitement médical seul, soulignant l'importance d'une approche combinée.
1. Chirurgie de l Hydatidose Vertébrale
Le traitement principal de l'hydatidose vertébrale est la chirurgie, visant l'exérèse complète des kystes hydatiques. Plusieurs techniques chirurgicales sont possibles, adaptées à la localisation et à l'extension de la lésion. Une observation mentionne une laminectomie étendue sur L5, S1 et S2, révélant un kyste hydatique et nécessitant un lavage au sérum hypertonique après rupture accidentelle du kyste lors du décollement. D'autres approches chirurgicales sont mentionnées, comme la corporectomie subtotale avec une double dissectomie et l'utilisation d'un greffon osseux prélevé sur l'os iliaque. Les voies d'abord chirurgicales incluent la voie médiane postérieure, exposant les arcs postérieurs des vertèbres, et la voie antérieure transpéritonéale, permettant un abord facile du promontoire. Le choix de la technique dépend de la localisation du kyste et de son extension. Des complications chirurgicales comme les fistules, les réactions anaphylactiques, et les thromboses veineuses profondes (TVP) sont mentionnées, avec un risque plus élevé pour les interventions étendues. La prévention des TVP n'est pas systématiquement mise en place sauf en cas de facteur de risque patient ou lié à l'acte chirurgical. Une étude citant Karray rapporte un recul de 3,5 ans après la chirurgie chez 9 patients, avec un taux de mortalité de 33%, soulignant la gravité de la procédure et l'importance d'une évaluation préopératoire minutieuse.
2. Traitement Médical de l Hydatidose Vertébrale
Le traitement médical, principalement à base d'albendazole, est souvent utilisé en complément de la chirurgie ou chez les patients inopérables. L'albendazole est choisi pour sa bonne absorption digestive, ses taux sanguins et intrakystiques élevés, et la formation d'un métabolite actif. L'association avec le praziquantel peut être bénéfique. La durée optimale du traitement n'est pas clairement définie, l'OMS recommandant un minimum de 12 mois, mais un suivi plus long est souvent nécessaire. Plusieurs études sont citées, montrant des résultats variables: une étude rapporte un cas d'hydatidose vertébro-médullaire inopérable traité avec succès par l'albendazole et le praziquantel; une autre étude mentionnant El Andaloussi montre que l'albendazole seule, même en association avec une ablation chirurgicale partielle, n'assure pas la guérison. Une étude à Casablanca mentionne un taux de récidive élevé malgré un traitement médical. Bien que l'efficacité du traitement médical seul ait été mise en doute par certains, d'autres auteurs soutiennent son rôle dans la prévention des récidives, la stabilisation des lésions, et la diminution des douleurs, en particulier chez les patients inopérables. Une surveillance régulière de la fonction hépatique, rénale et hématologique est nécessaire en raison des effets secondaires potentiels (hépatiques, leucopénie, alopécie). Une dose de 10 à 15 mg/kg/jour d'albendazole est préconisée avant et après l'intervention chirurgicale, si elle est réalisable.
3. Techniques Moins Invasives et Recommandations
Des techniques moins invasives, comme l'aspiration scannoguidée des kystes hydatiques, sont explorées, mais leur utilisation reste limitée dans l'hydatidose vertébrale en raison du risque de rupture kystique et de réactions anaphylactiques. Cependant, certains auteurs rapportent un succès avec cette méthode dans des cas spécifiques. D'autres techniques, comme l'évacuation endoscopique, sont mentionnées mais restent expérimentales et leur efficacité et innocuité ne sont pas encore totalement établies. En conclusion, la chirurgie reste le traitement radical des kystes hydatiques vertébraux. Cependant, le traitement médical par l'albendazole (avec ou sans praziquantel) joue un rôle crucial en complément de la chirurgie, chez les patients inopérables, pour réduire le risque de récidive et améliorer la qualité de vie. La surveillance post-opératoire et la rééducation fonctionnelle, y compris neuro-urologique, sont également des éléments essentiels de la prise en charge globale de l'hydatidose vertébrale. Des études plus larges sont nécessaires pour affiner les indications et les protocoles de traitement médicaux.
IV.Rééducation et Pronostic
La rééducation fonctionnelle est cruciale après une intervention chirurgicale pour l'hydatidose vertébrale, visant à restaurer la mobilité et la fonction vésicale et intestinale. La rééducation neuro-urologique, incluant la stimulation des racines sacrées et l'apprentissage de l'autosondage, est essentielle pour gérer les troubles sphinctériens. La verticalisation régulière et la musculation des membres supérieurs sont recommandées. Le pronostic dépend de l’étendue de la lésion et de la réponse au traitement. Même dans des régions d'endémie comme le Maroc, le diagnostic reste souvent tardif, ce qui impacte négativement le pronostic. Dans la série de Marrakech, sur 9 patients, 3 patients sont décédés (33%) après une chirurgie pour kystes hydatiques.
1. Rééducation Neuro Urologique après Traitement de l Hydatidose Vertébrale
La rééducation après un traitement de l’hydatidose vertébrale est essentielle pour la récupération fonctionnelle. La rééducation neuro-urologique vise à restaurer une fonction vésicale normale, permettant une évacuation complète des urines par les voies naturelles avec des mictions régulières. L'objectif est de contrôler l'incontinence, fréquente après une compression médullaire. Chez les femmes, l'auto-sondage propre peut être enseigné pour éviter les infections urinaires liées à la stase. Dans certains cas, une sonde à demeure peut être nécessaire. Chez les hommes, différents dispositifs peuvent être utilisés, comme un étui pénien. Une surveillance rigoureuse et un traitement rapide des infections urinaires sont primordiaux. La stimulation des racines sacrées peut aussi être envisagée pour améliorer la fonction vésicale.
2. Rééducation Fonctionnelle des Membres
La rééducation fonctionnelle des membres est une composante importante de la prise en charge globale des patients ayant subi un traitement pour hydatidose vertébrale. L'auto-mobilisation des segments de membres paralysés est encouragée, ainsi que la verticalisation quotidienne pendant 1 à 3 heures pour maintenir la trophicité osseuse, lutter contre la spasticité, et mobiliser les viscères. Le choix de la méthode de verticalisation (fauteuil roulant, cadre de verticalisation, orthèses) est adapté à chaque patient. La musculation des membres supérieurs et du tronc est également essentielle, et la pratique d'un sport en fauteuil roulant peut être bénéfique. Le but de la rééducation est d’améliorer l'autonomie et la qualité de vie du patient, en fonction de l’atteinte neurologique résiduelle après le traitement de l’hydatidose osseuse.
3. Pronostic de l Hydatidose Vertébrale
Le pronostic de l'hydatidose vertébrale dépend de plusieurs facteurs, notamment la rapidité du diagnostic, l'étendue de la lésion, le type de traitement, et la réponse à celui-ci. La symptomatologie insidieuse et l'évolution lente mais inéluctable vers la compression médullaire ou radiculaire contribuent à un diagnostic souvent tardif, même dans les zones d'endémie hydatique. Dans une étude menée à Marrakech, la mortalité à 3,5 ans après la chirurgie était de 33%. Même avec un traitement chirurgical et/ou médical adapté, la guérison n'est pas toujours assurée, et le risque de récidive existe, surtout si le diagnostic est tardif ou si le traitement est incomplet. Le pronostic peut être amélioré par une prise en charge précoce et multidisciplinaire, combinant chirurgie, traitement médical par albendazole, et rééducation fonctionnelle. L’importance d'une surveillance à long terme est soulignée afin de détecter des rechutes ou des complications tardives.