Prise en Charge des Traumatismes Thoraciques Graves au CHU Mohammed VI

Prise en Charge des Traumatismes Thoraciques Graves au CHU Mohammed VI

Informations sur le document

Auteur

Omar Maliki

École

Université Cadi Ayyad

Spécialité Médecine
Lieu Marrakech
Type de document Thèse
Langue French
Format | PDF
Taille 1.91 MB
  • Traumatismes thoraciques
  • Anesthésie-Réanimation
  • Étude prospective

Résumé

I.Mécanismes des Traumatismes Thoraciques Fermés

Les traumatismes thoraciques fermés, souvent causés par des accidents de la voie publique, résultent principalement de trois mécanismes: choc direct/compression (écrasement), atteinte de la mécanique ventilatoire (avec respiration paradoxale et hypocinésie segmentaire), et inadéquation ventilation-perfusion (conduisant à une hypoxémie par shunt). L'énergie cinétique de l'impact, ainsi que la déformabilité du plan de réception, influencent la gravité des lésions. Des chocs à très haute vélocité peuvent même engendrer des lésions évoquant un blast pulmonaire (pneumothorax, rupture diaphragmatique).

1. Choc direct ou compression

Ce mécanisme lésionnel, souvent observé lors d'incarcération ou d'ensevelissement, provoque des lésions au point d'impact. La gravité dépend de l'énergie cinétique de l'agent vulnérant (1/2 x masse x vitesse²) et du siège de l'impact. Principalement responsable de lésions pariétales, il peut aussi engendrer des atteintes viscérales. La nature de la surface de réception influence la sévérité: un sol déformable (terre, végétation, eau) allonge le temps d'application de la force, diminuant ainsi la décélération et la force d'impact. La flexion des articulations (genoux, hanches) contribue également à dissiper les forces. Il est important de noter que les chocs à très haute vélocité peuvent générer des pressions comparables à celles des explosions, causant des lésions caractéristiques d'un blast pulmonaire, telles qu'un pneumothorax ou une rupture diaphragmatique. La compréhension de ce mécanisme est fondamentale pour l'évaluation initiale et la prise en charge des traumatismes thoraciques fermés.

2. Atteinte de la mécanique ventilatoire

Les volets thoraciques, résultant de fractures costales multiples, compromettent la mécanique ventilatoire en engendrant douleur et respiration paradoxale. Initialement considérée comme la cause principale de l'insuffisance respiratoire post-traumatique, la respiration paradoxale (enfoncement du volet à l'inspiration, expansion à l'expiration) est aujourd'hui comprise comme un symptôme d'une hypocinésie segmentaire. La théorie classique de l'asynchronisme alvéolaire et du «rebreathing» a été remise en question par des études expérimentales. L'impact sur la ventilation est significatif, nécessitant une évaluation minutieuse et une prise en charge adaptée pour assurer une oxygénation adéquate et prévenir les complications respiratoires. L'analyse de ce mécanisme permet de mieux comprendre la physiopathologie de la détresse respiratoire dans les traumatismes thoraciques fermés et d'optimiser les stratégies thérapeutiques.

3. Inadéquation ventilation perfusion

Un collapsus pulmonaire, résultant d'un pneumothorax, d'un hémothorax, ou de la compression par des organes herniés à travers une brèche diaphragmatique, induit un effet shunt (perfusion d'une zone non ventilée), aggravant l'hypoxémie. Cet effet peut également être causé par une contusion pulmonaire (hématome intrapulmonaire et œdème), une hémoptysie abondante inondant les alvéoles, ou la présence de caillots obstruant les bronches. Un pneumothorax compressif, résultant d'une lésion trachéobronchique, aggrave le collapsus pulmonaire, gêne le retour veineux, et peut, dans les cas sévères, entraîner un balancement médiastinal, une compression des veines caves et un arrêt cardiaque. La compréhension de ces mécanismes d'inadéquation ventilation-perfusion est essentielle pour le diagnostic et le traitement efficaces des traumatismes thoraciques fermés sévères, car ils influencent directement la gravité de l’hypoxémie et les risques de complications cardio-respiratoires.

II.Lésions Pulmonaires dans les Traumatismes Thoraciques

Les lésions pulmonaires, fréquentes dans les traumatismes thoraciques, incluent la contusion pulmonaire (destruction parenchymateuse avec infiltration hémorragique), les lacérations et ruptures pulmonaires (visibles à la TDM), et l'effet de contrecoup sur le poumon controlatéral. La contusion pulmonaire, cause majeure d'insuffisance respiratoire aiguë, peut être directe (variations de pression) ou indirecte (écrasement tissulaire). La TDM permet une évaluation précise du volume pulmonaire lésé (VPL), crucial pour la prise en charge. Une extension du VPL supérieure à 25% est un facteur de risque de SDRA.

1. Contusion Pulmonaire

La contusion pulmonaire, caractérisée par une destruction parenchymateuse alvéolo-capillaire avec infiltration hémorragique, est une cause fréquente d'insuffisance respiratoire aiguë, surtout après traumatisme thoracique fermé. Sa fréquence varie, selon la littérature, entre 35,2 et 50% des traumatismes thoraciques, atteignant 39,08% (34 cas) dans la série étudiée. Elle peut résulter d'une transmission directe de pressions considérables, étirant brutalement les structures alvéolaires et capillaires (particulièrement importante si le traumatisme survient glotte fermée), ou indirecte, par déplacement de la cage thoracique, entraînant un écrasement tissulaire direct (crush pulmonaire) chez les sujets jeunes au thorax souple. Les conséquences incluent une diminution de la PaO2, de la compliance pulmonaire, et une altération du rapport ventilation/perfusion. Sur le plan hémodynamique, on observe une baisse du débit cardiaque et une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires. L'atteinte peut être bilatérale, avec lésions du poumon controlatéral, formant un "poumon de choc". La tomodensitométrie (TDM) est essentielle pour le diagnostic, permettant l'évaluation du volume pulmonaire lésé (VPL), son extension géographique étant proportionnelle à l'atteinte fonctionnelle; un VPL > 25% étant incompatible avec une ventilation spontanée et un facteur de risque de SDRA.

2. Lacérations et Ruptures Pulmonaires

Ces lésions peuvent survenir lors de traumatismes ouverts (arme blanche, balle) ou fermés (transfixion par une côte fracturée, décélération avec lésion de blast). Elles ne sont pas toujours visibles sur une radiographie pulmonaire standard de face, un cliché de profil ou la TDM étant souvent nécessaires au diagnostic. La TDM permet de visualiser de petites clartés au sein d’une densification parenchymateuse. En cas de collapsus non aéré, on observe une opacité triangulaire à sommet hilaire et base périphérique, qui peut s’accompagner d’un bronchogramme aérien. En cas de collapsus aéré, l'opacité est absente, avec désorientation et tassement des vaisseaux, et visibilité des bronches aux parois épaissies. Le refoulement des scissures, concave vers le lobe sain, distingue un collapsus d'un comblement alvéolaire où la scissure est convexe. La détection précoce de ces lésions est donc crucial pour une prise en charge adéquate et pour éviter des complications potentiellement mortelles.

III.Diagnostic et Imagerie des Traumatismes Thoraciques

Le diagnostic des traumatismes thoraciques repose sur l'examen clinique, la radiographie thoracique, et surtout la TDM thoracique. Cette dernière est essentielle pour détecter des lésions comme le pneumothorax (même minime), l'hémothorax, et les lésions parenchymateuses. La TDM permet de différencier un hémothorax d'un transsudat ou d'un chylothorax via les coefficients d'atténuation. Le diagnostic précoce, notamment de la contusion pulmonaire et du pneumothorax, est crucial pour adapter la prise en charge (ventilation mécanique, drainage).

1. Rôle de la Radiographie Thoracique

La radiographie thoracique standard est un examen initial systématique dans le diagnostic des traumatismes thoraciques. Elle permet de visualiser certaines lésions, comme les fractures costales (plus fréquentes chez les personnes âgées au thorax rigide), les fractures sternales (solution de continuité au niveau du manubrium, du corps ou de la jonction manubrio-sternale, parfois difficile à détecter directement), et le pneumothorax (clarté aérique périphérique, dépourvue de structure vasculaire, limitée par une opacité linéaire de la plèvre viscérale). Cependant, la radiographie a ses limites. La localisation de l'air dans un pneumothorax minime peut varier (régions antérieures et latérales, parfois apicale, sous pulmonaire ou postéro-médiale) et dépend de la position du patient (debout ou couché). Elle peut manquer des lésions plus discrètes. L’interprétation des images dépend de l’importance des lésions et des conditions de réalisation du cliché. Le diagnostic d'un pneumothorax ou d'un hémothorax peut être confirmé, mais d'autres lésions nécessitent des examens complémentaires.

2. Importance de la Tomodensitométrie TDM Thoracique

La TDM thoracique est un outil diagnostique essentiel, supérieur à la radiographie standard, pour une évaluation complète des traumatismes thoraciques graves. Elle permet de détecter et de caractériser des lésions qui peuvent passer inaperçues à la radiographie, améliorant ainsi le diagnostic de 50%. La TDM spiralée minimise les artéfacts respiratoires, facilitant l'analyse. Elle est particulièrement utile pour visualiser et quantifier la contusion pulmonaire, en évaluant précisément le volume pulmonaire lésé (VPL), un paramètre important pour la prise en charge et la prédiction des complications. Elle permet également de détecter les pneumothorax minimes, souvent antérieurs et invisibles à la radiographie standard, qui peuvent évoluer vers un pneumothorax compressif si non drainés, notamment chez les patients intubés et ventilés. De plus, la TDM est très sensible pour la détection de petites collections pleurales (hémothorax, transsudats, chylothorax), et la mesure des coefficients d’atténuation permet d’en préciser la nature. En résumé, la TDM est indispensable pour un bilan lésionnel complet et précis dans les traumatismes thoraciques graves, permettant une prise en charge thérapeutique optimisée.

3. Autres examens complémentaires

Outre la radiographie thoracique et la TDM, d'autres examens peuvent être nécessaires selon le contexte clinique. L’examen clinique initial précise le siège et la taille des plaies, et recherche une atteinte vasculaire, notamment des vaisseaux intercostaux. Un électrocardiogramme (ECG) est systématiquement réalisé pour détecter les troubles du rythme ou de la conduction, qui peuvent être présents même en cas de contusion myocardique minime. Pour un hémothorax ou un chylothorax, la ponction de l'épanchement pleural peut être nécessaire pour un diagnostic plus précis. La lymphographie peut être utile pour diagnostiquer un chylothorax. La vidéothoracoscopie exploratrice est parfois indiquée pour visualiser et traiter la source d'un saignement intrathoracique persistant. La combinaison de ces examens permet une évaluation complète et précise des lésions, guidant ainsi la prise de décision thérapeutique.

IV.Traitement et Gestion des Traumatismes Thoraciques

La prise en charge des traumatismes thoraciques comprend la réanimation des détresses vitales (respiratoire et circulatoire), l'analgésie (péridurale notamment), et le traitement des lésions spécifiques. Le drainage thoracique est vital pour l'hémothorax et le pneumothorax. La ventilation mécanique, notamment avec pression expiratoire positive (PEEP), peut être nécessaire en cas d'insuffisance respiratoire. L'intervention chirurgicale est indiquée pour certaines lésions graves, comme les ruptures aortiques. L’étude prospective de 87 cas (76 traumatismes thoraciques fermés et 11 ouverts) entre 2005 et 2006 a montré une prédominance masculine (86,2%) avec une moyenne d'âge de 39,2 ans. Les accidents de la voie publique constituaient la première cause (73,56%).

1. Réanimation et Gestion des Détresses Vitales

La prise en charge initiale des traumatismes thoraciques graves repose sur la réanimation des détresses vitales, respiratoire et circulatoire. La détresse respiratoire, symptomatique chez 69 patients sur 87 dans l’étude mentionnée, nécessite une évaluation rapide et une intervention appropriée. La détresse circulatoire, observée chez 13 patients, est souvent liée à un choc hémorragique (11 cas) ou à une défaillance cardiaque (2 cas). Le remplissage vasculaire, utilisant des solutions colloïdes, est essentiel en cas d’hypovolémie, avec une transfusion sanguine envisagée au-delà de 1,5 litre de perte sanguine. Un accès veineux périphérique est privilégié pour le remplissage, tandis que l’abord veineux central est moins indiqué dans les détresses hypovolémiques. La gestion de la douleur est également cruciale, et l’analgésie efficace est un élément clé du traitement.

2. Drainage Thoracique et Interventions Chirurgicales

Le drainage thoracique est une intervention essentielle dans le traitement des pneumothorax et des hémothorax. Un drainage initial supérieur à 1500 ml ou un débit horaire supérieur à 200 ml/h impose une thoracotomie en urgence. Le drainage doit être efficace et irréversible, empêchant toute rentrée d'air ou de liquide dans la plèvre. Pour un saignement intrathoracique persistant malgré un drainage adéquat, une vidéothoracoscopie exploratrice peut être pratiquée pour identifier et traiter la source du saignement (lésions vasculaires pariétales ou lacérations pulmonaires). Dans les traumatismes pénétrants, à l'exception des plaies soufflantes, le drainage est souvent le traitement principal pour des lésions mineures. Les plaies soufflantes nécessitent une obturation immédiate avant le drainage. Pour les chylothorax post-traumatiques résistants au traitement médical, une intervention chirurgicale (thoracoscopie exploratrice avec clippage ou collage de la zone de fuite, ou ligature du canal thoracique) est indiquée.

3. Ventilation et Analgésie

La ventilation, ajustée à la sévérité de l'atteinte pulmonaire, est un élément crucial du traitement. En cas d’hypoxémie persistante malgré l’oxygénothérapie, la ventilation non invasive avec pression expiratoire positive (PEEP) peut être utilisée pour améliorer l’oxygénation et le recrutement alvéolaire, évitant l’intubation trachéale si possible. Cependant, ce mode ventilatoire a ses limites (acceptation du masque, distension gastrique, épuisement respiratoire). La ventilation contrôlée nécessite un monitorage rigoureux (SpO2, ETCO2, paramètres hémodynamiques) pour éviter les barotraumatismes. L’analgésie efficace, notamment l’analgésie péridurale, est primordiale pour optimiser la mécanique ventilatoire et réduire la douleur liée aux fractures costales, améliorant ainsi la compliance thoracique et la toux. Une étude a démontré la supériorité de l’analgésie péridurale sur l’analgésie systémique chez les patients âgés de plus de 60 ans, réduisant la mortalité et les complications pulmonaires. La rupture aortique, nécessitant une intervention chirurgicale immédiate, est une lésion grave dont le pronostic vital dépend de l'âge, des antécédents cardio-pulmonaires, du délai de prise en charge et des lésions associées.