Profil Épidémiologique des Fistules Anales

Profil Épidémiologique des Fistules Anales

Informations sur le document

Auteur

Khalid Hassouny

École

Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech

subject/major Médecine
Lieu Marrakech
Type de document Thèse
Langue French
Format | PDF
Taille 2.40 MB
  • fistules anales
  • épidémiologie
  • médecine

Résumé

I.Épidémiologie et facteurs de risque des fistules anales

Cette étude porte sur l'épidémiologie des fistules anales et des abcès ano-rectaux. Elle souligne une prédominance masculine significative (sex-ratio de 3 à 5 hommes pour une femme selon diverses études, incluant celle de Sarles et Copé [3] et Sissoko F et al [5]), avec un âge moyen des patients autour de 37,6 ans. Les fistules anales semblent plus rares chez l'enfant. L'étude rapporte une prévalence de 12% des fistules anales chez les patients hospitalisés et de 3,8% chez les consultants pour examen proctologique.

1. Prévalence et Sex ratio des fistules anales

L'étude révèle une prévalence importante des fistules anales, représentant 12% des patients hospitalisés au service concerné durant la période étudiée, et 3,8% des consultants pour un examen proctologique. Un point crucial est la nette prédominance masculine observée. Plusieurs études citées confirment ce sex-ratio déséquilibré : Sarles et Copé [3] rapportent un ratio de 5 hommes pour une femme, Sissoko F et al [5] un ratio de 3,6 en faveur des hommes, et Denis [13] estime ce ratio à 3 hommes pour une femme. Ces données mettent en lumière une disparité significative entre les sexes quant à la survenue de cette pathologie. La fréquence des fistules anales est également analysée en fonction de l'âge, l'étude indiquant qu'elles semblent plus rares chez les enfants que chez les adultes, une observation corroborée par la plupart des auteurs ([19]). Des études sur des populations pédiatriques rapportent un pourcentage d'enfants atteints de 0,5 à 4,5%, avec une prédominance masculine quasi-exclusive, quel que soit l'âge des enfants ([20]). Ces données épidémiologiques précises permettent de mieux cerner le profil des patients atteints de fistules anales.

2. Âge moyen et distribution par âge

L'âge moyen des patients inclus dans cette étude est de 37,6 ans, avec un écart-type de 11,85. Cette donnée situe la majorité des cas dans la tranche d'âge adulte. L'analyse de la distribution par âge souligne une observation importante : les fistules anales semblent moins fréquentes chez les enfants. Cette constatation est soutenue par un consensus large dans la littérature scientifique ([19]). Deux études majeures portant sur les fistules anales montrent que seulement 0,5% à 4,5% des patients concernés étaient des enfants. De plus, trois autres études se focalisant sur des populations d'enfants montrent un pourcentage important d’enfants en bas âge (42% à 86%) atteints de moins d’un an. Il est également noté une prédominance presque exclusive des garçons, quel que soit leur âge ([20]). Cette information est essentielle pour comprendre la distribution de la maladie selon les groupes d'âge et pour adapter les stratégies de prévention et de prise en charge.

II.Diagnostic des fistules anales

Le diagnostic des fistules anales repose sur l'examen clinique (palpation, toucher rectal, anoscopie), recherchant l'orifice primaire et secondaire. L'échographie endo-anale et l'IRM sont des techniques d'imagerie importantes pour la classification et la visualisation précise du trajet fistuleux, notamment pour identifier l'orifice interne, souvent difficile à localiser cliniquement. L'IRM est particulièrement performante pour la classification des fistules anales avant l'intervention chirurgicale.

1. Examen clinique pour le diagnostic des fistules anales

Le diagnostic des fistules anales commence par un examen clinique complet. Celui-ci inclut une palpation circonférentielle de la marge anale et des fosses ischiorectales afin de localiser la collection purulente. Un toucher anal et rectal permet de rechercher une dépression suggérant l’orifice primaire, ainsi qu’une induration caractéristique d’un abcès intramural anorectal. L’anuscopie, réalisée avec précaution, permet d’examiner la muqueuse rectale et d’observer un éventuel écoulement de pus provenant d’un orifice primaire large (identifiable dans 30 à 40% des cas) ou d’un abcès intramural ayant spontanément rompu. Bien que le retrait minutieux de l’anuscope puisse parfois révéler une crypte suspecte, la localisation précise de l’orifice primaire reste souvent incertaine lors de la consultation initiale. Pour cette raison, sa localisation précise est souvent effectuée peropératoirement, afin d’éviter des manœuvres iatrogènes lors de l’examen initial. L'examen clinique initial est donc crucial mais ne suffit pas toujours à établir un diagnostic complet et précis.

2. L orifice externe et l orifice primaire localisation et difficultés diagnostiques

L’orifice secondaire, ou orifice externe, est généralement visible et suinte au niveau de la marge anale ou des fosses ischiorectales dans les cas de fistules trans-sphinctériennes. En revanche, les fistules intramurales isolées ne sont identifiables qu'au toucher rectal, la marge anale et les fosses ischiorectales étant alors normales. Le cathétérisme de la fistule à partir de l’orifice secondaire cutané en consultation externe est déconseillé, car cette manœuvre dangereuse peut créer un second trajet iatrogène. La localisation de l’orifice primaire, intra-anal, est déterminante. Il est souvent situé postérieurement (75% des cas), plus rarement antérieurement (23%) ou latéralement (2%) selon Denis [13]. Le trajet principal, reliant les orifices primaire et secondaire, peut être direct (surtout en avant) ou curviligne (surtout en arrière), parfois palpable sous forme d’un cordon induré. Dans certains cas, notamment pour les fistules supra-sphinctériennes à trajet ascendant, la recherche de ce trajet est plus complexe et nécessite une exploration peropératoire pour une identification précise.

3. Imagerie médicale IRM et échographie endo anale

L'imagerie médicale joue un rôle crucial dans le diagnostic précis des fistules anales. L'IRM, reconnue pour ses performances dans le diagnostic topographique des fistules ano-périnéales, est facile à réaliser sans préparation particulière. L'utilisation d'une sonde de lavement rectale facilite le repérage de la lumière anale. Les antennes endo-anales augmentent encore la précision de l'examen. L’injection de liquide dans le trajet fistuleux, en IRM et en échographie, améliore les performances diagnostiques, bien que cela complique légèrement ces techniques initialement peu invasives ([53]). L’IRM est la technique préopératoire la plus précise pour classer la fistule anale et évaluer le trajet principal et ses prolongements. L’échographie endo-anale, bien que généralement moins privilégiée que l’IRM, est supérieure à l’examen clinique pour la détection de l’orifice interne, et peut être utilisée en cas d’indisponibilité de l’IRM ou de manque d’expertise en interprétation des images ([56]). Le choix entre ces deux techniques est donc important pour obtenir un diagnostic précis avant la chirurgie.

III.Anatomie et physiopathologie des fistules anales

Les fistules anales sont souvent d'origine cryptoglandulaire, résultant d'une infection des glandes anales. Le trajet fistuleux peut traverser différentes structures musculaires (sphincter interne et externe), menant à différentes classifications (inter-sphinctériennes, trans-sphinctériennes, supra-sphinctériennes). La vascularisation et l'innervation de la région anale sont des éléments clés à considérer pour la prise en charge chirurgicale.

1. Origine et développement des fistules anales

L'origine des fistules anales est fréquemment cryptoglandulaire, résultant d'une infection des glandes anales, souvent située au niveau des cryptes de Morgagni, les plus postérieures, bien que leur topographie puisse varier. L'infection, généralement due à des germes intestinaux, provoque des suppurations inter-sphinctériennes, évoluant ensuite vers des fistules anales. Il existe également des glandes sous-pectinéales, situées sous la ligne pectinée et plus antérieures, responsables d'abcès superficiels ou inter-sphinctériens. L'infection peut se propager dans les espaces périanaux, délimités par les structures musculaires. Le faisceau puborectal du releveur de l'anus, en arrière du canal anal, et ses fibres mêlées au sphincter externe contribuent à cette complexité anatomique. La couche longitudinale complexe, composée de fibres conjonctives et musculaires, maintient ces structures solidaires. Le septum intermusculaire s'insère dans la peau de la marge anale, formant le corrugator cutis ani, le fascia de Morgan, et se lie au ligament de Parks. La vascularisation veineuse, particulièrement riche avec le plexus hémorroïdal, est aussi un facteur important à considérer. L’espace inter-sphinctérien (espace d’Eisenhammer), entre le sphincter interne et le faisceau profond du sphincter externe, est le lieu principal de collection purulente. La vascularisation artérielle est assurée par les artères hémorroïdales inférieures, s'anastomosant avec les rameaux des artères hémorroïdales supérieure et moyenne. Une stase fécale peut favoriser le développement de l'infection.

2. Anatomie des structures péri anales et rôle dans la formation des fistules

La compréhension de l'anatomie de la région anale est essentielle pour comprendre le développement et le trajet des fistules. Le trajet fistuleux peut traverser différentes structures musculaires, notamment le sphincter interne et externe, influant sur la classification et la complexité de la fistule. Le sphincter interne, le faisceau profond et le faisceau superficiel du sphincter externe, ainsi que le muscle releveur de l’anus, sont des éléments anatomiques clés. L'espace intersphinctérien, entre le sphincter interne et le faisceau profond du sphincter externe, joue un rôle important dans l'évolution de l'infection. La couche longitudinale complexe, avec ses fibres musculaires lisses et striées, et les fascias associés (fascia de Morgan, ligament de Parks), sont des éléments essentiels de l'anatomie de la région. La richesse de la vascularisation veineuse, notamment avec le plexus hémorroïdal, ainsi que la vascularisation artérielle par les artères hémorroïdales, influencent l'évolution de la pathologie. La compréhension précise de ces structures anatomiques est capitale pour appréhender le trajet et la complexité des fistules, et ainsi pour adapter la stratégie thérapeutique la plus appropriée.

IV.Traitement des fistules anales

Le traitement des fistules anales est principalement chirurgical. Plusieurs techniques sont décrites : la fistulectomie (excision complète du trajet), le drainage d’un abcès, la mise en place d'un séton, la technique de Denis, la technique du lambeau de recouvrement ano-rectal (Flap-valve). Le choix de la technique dépend de la localisation et de la complexité de la fistule anale. Un traitement médical, notamment antibiotiques (Métronidazole, Ciprofloxacine) et immunosuppresseurs (infliximab, azathioprine) peut être utilisé dans certains cas, notamment pour les fistules anales liées à la maladie de Crohn. Dans le cas des fistules anales d’origine tuberculeuse, une quadrithérapie antituberculeuse est associée à la chirurgie.

1. Traitement chirurgical des fistules anales différentes approches

Le traitement des fistules anales est principalement chirurgical. Plusieurs techniques sont décrites dans le document, le choix dépendant de la localisation et de la complexité de la fistule. La fistulectomie consiste en l’excision complète du trajet fistuleux et de son orifice primaire. La guérison se fait alors par seconde intention. Le sphincter est incisé au minimum et peut être suturé si nécessaire. Cette technique est appropriée pour les fistules les plus distales (périnéales, inter-sphinctériennes, trans-sphinctériennes distales). Une autre approche est le drainage d'une collection abcédée, réalisé sous anesthésie locale avec une large incision pour l'évacuation du pus, suivie d'un lavage et d'une mèche hémostatique. Un geste secondaire peut être nécessaire. La section lente par traction élastique permet de sectionner progressivement l’appareil sphinctérien, en évitant une rétraction immédiate des berges. La technique de Denis consiste à repérer l’orifice primaire par injection de traceur, puis à disséquer le trajet jusqu’au sommet du creux ischio-rectal, mettant à plat le sphincter jusqu’à l’orifice primaire. Le lambeau de recouvrement ano-rectal (Flap-valve) vise la conservation optimale de l’appareil sphinctérien, avec de bons taux de réussite (93%), surtout pour les fistules complexes. D'autres techniques comme la transposition du trajet fistuleux et la mise à plat des diverticules sont également mentionnées.

2. Traitement des types spécifiques de fistules anales

Le traitement des fistules anales varie selon leur type et leur complexité. Pour les fistules trans-sphinctériennes inférieures, la mise à plat en un seul temps, par fistulectomie complète ou mise à plat sur pince de Leriche, est souvent privilégiée. Pour les fistules trans-sphinctériennes supérieures, un traitement en deux temps est plus courant : exérèse du trajet jusqu'au plan musculaire, puis drainage souple. Dans certains cas, un fil élastique est mis en place à la fin du premier temps. Pour les patients atteints de la maladie de Crohn, une approche conservatrice avec un séton à long terme est souvent préférée pour éviter les risques d'incontinence. Les fistules d'origine tuberculeuse nécessitent une approche médico-chirurgicale combinant une quadrithérapie antituberculeuse (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide et éthambutol) et un traitement chirurgical pour le drainage des lésions infectées. Le second temps chirurgical est discuté après plusieurs mois de traitement antituberculeux. Les options chirurgicales varient selon la hauteur et le nombre de trajets fistuleux (section simple de l'élastique, fistulotomie, lambeau, colle biologique).

3. Traitement médical et rôle des antibiotiques

L’antibiothérapie seule ne suffit jamais à traiter une fistule anale et ne doit pas être utilisée seule. Elle ne peut remplacer la chirurgie, qui reste le seul traitement réellement efficace. Cependant, elle peut être utilisée en association avec la chirurgie (avant ou après) pour limiter les dégâts d’une infection grave (abcès gazeux) ou dans le cadre de formes spécifiques, comme la tuberculose. Dans le contexte des fistules anales liées à la maladie de Crohn, l’infliximab (Rémicade®), un anticorps monoclonal anti-TNF, est une option thérapeutique significative. Son efficacité est évaluée à 70% de sujets répondeurs, la moitié cicatrisant en 2 à 3 mois. Concernant les antibiotiques, le Métronidazole (20 mg/kg/24h) est moins efficace que la Ciprofloxacine (1,5 g/24h). L’association des deux molécules n'est pas plus efficace. L'utilisation d'antibiotiques est surtout indiquée en présence d’une cellulite ou d’un terrain immunodéprimé. L’azathioprine ou la 6-MP sont souvent associées à l’infliximab. Le méthotrexate, d'action plus rapide, permet la fermeture initiale des fistules chez 25% des patients, mais les résultats à long terme sont moins probants. Le choix du traitement médical doit être adapté en fonction de la situation clinique du patient.