Pronostic maternel et périnatal de l'hypertension artérielle gravidique

Pronostic maternel et périnatal de l'hypertension artérielle gravidique

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Langue French
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  • Hypertension artérielle gravidique
  • Préeclampsie
  • Pronostic maternel et périnatal

Résumé

I.Définition et Complications de l Hypertension Artérielle Gravidique HTAG

L'étude porte sur l'hypertension artérielle gravidique (HTAG), aussi appelée prééclampsie, éclampsie, toxémie gravidique, ou gestose. Cette affection, même dans les régions favorisées, est une cause majeure d'hospitalisation en soins intensifs maternels en raison des complications graves, potentiellement fatales, qu'elle engendre. L'HTAG se caractérise par une élévation de la pression artérielle (PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg), avec ou sans protéinurie. Les complications incluent le retard de croissance intra-utérin, la mort fœtale, l'éclampsie, l'insuffisance rénale aiguë, la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), et l'hématome sous-capsulaire du foie. Le diagnostic précoce et une prise en charge sérieuse sont essentiels pour améliorer le pronostic maternel et périnatal.

1. Définition de l Hypertension Artérielle Gravidique HTAG

L'hypertension artérielle gravidique (HTAG) est une affection grave, pouvant être fatale, qui représente une cause majeure d'hospitalisation maternelle en soins intensifs, même dans les régions développées. Connue sous plusieurs noms – toxémie gravidique, dysgravidie, prééclampsie, ou gestose – l'HTAG englobe des troubles cliniques, biologiques et radiologiques d'origine encore mal comprise. Bien que de nombreuses hypothèses soient explorées pour expliquer sa survenue et permettre une prédiction, il est établi que l'HTAG nécessite une prise en charge rigoureuse pour un diagnostic précoce et la prévention de complications sévères, principalement l'éclampsie. La maladie peut être diagnostiquée soit par une détection proactive de l'hypertension artérielle, soit suite à l'apparition de complications telles qu'une éclampsie, un retard de croissance intra-utérin, ou une mort fœtale. La gestion de l'HTAG est complexe; la décision de déclencher un accouchement prématuré ou de poursuivre la grossesse dépend de l'état clinique et biologique de la mère, ainsi que de la qualité des soins et de la surveillance médicale disponibles. L'étude menée sur une période de trois ans (2003-2005) a suivi 700 patientes diagnostiquées avec une HTA gravidique.

2. Complications Majeures de l HTAG

L’HTAG est associée à un risque significatif de complications graves qui peuvent mettre en danger la vie de la mère et de l’enfant. Parmi les complications les plus fréquentes et sévères, on retrouve l’éclampsie, une affection neurologique caractérisée par des convulsions, qui constitue une urgence obstétricale. Un retard de croissance intra-utérin (RCIU) est également une complication courante, liée à une hypoperfusion placentaire, pouvant compromettre le développement du fœtus. La mort fœtale est une complication potentiellement fatale, souvent associée à une ischémie placentaire sévère. D'autres complications graves incluent l'insuffisance rénale aiguë, résultant de lésions rénales (nécrose tubulaire aiguë) se traduisant par une augmentation de la créatininémie. L'hémorragie de la délivrance, bien que moins fréquente, représente une complication maternelle significative. La coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), une complication rare mais extrêmement grave, peut survenir en cas de négligence de l'HTAG, de syndrome HELLP, ou d'éclampsie sévère. Le syndrome HELLP, en particulier, est associé à un taux de mortalité maternelle et néonatale significatif, selon les données de plusieurs études (tunisienne et française citées dans le document), démontrant la nécessité d'une intervention rapide et efficace. Enfin, l'hématome sous-capsulaire du foie (HSCF), une complication rare mais potentiellement mortelle, nécessite une intervention chirurgicale en cas de rupture. La prématurité, induite soit spontanément soit iatrogéniquement, représente une complication majeure impactant considérablement le pronostic néonatal, augmentant notamment le risque de maladie des membranes hyalines chez les nouveau-nés nés avant 32 semaines d'aménorrhée.

II.Population d Étude et Motifs de Consultation

L'étude, réalisée sur 3 ans (Janvier 2003 - Décembre 2005), a inclus 700 patientes diagnostiquées avec une HTAG. Les motifs de consultation étaient variés : élévation de la pression artérielle (41%), signes d'accouchement imminent (33%), crises convulsives (9,5%), métrorragies (7,6%), disparition de l'activité fœtale (2,6%), œdèmes (1%), et autres problèmes obstétricaux (4,6%).

1. Population d Étude

Cette étude rétrospective, conduite sur trois ans entre janvier 2003 et décembre 2005, a porté sur un échantillon de 700 patientes diagnostiquées avec une hypertension artérielle gravidique (HTAG). La sélection des participantes reposait sur les critères suivants : une pression artérielle systolique supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique supérieure ou égale à 90 mmHg, avec ou sans protéinurie. L'étude incluait également les femmes enceintes présentant, au moment de leur admission, une complication liée à l'HTAG. Bien que l'étude ait suivi 700 patientes, certaines données spécifiques, comme le poids corporel (seulement 12% des patientes) et l’uricémie (seulement 0,9% des patientes) étaient incomplètes, ce qui limite l'analyse de certains facteurs de risque. Une figure 5 (non fournie ici) détaillait la répartition des patientes selon le suivi de leur grossesse, information complémentaire importante pour l'interprétation des résultats. Il n’y a pas d’information sur l’âge des patientes ni sur leur répartition géographique précise, ce qui ne permet pas d’analyser des facteurs de risques sociodémographiques potentiels. L'absence de détails sur la taille des patientes empêche le calcul de l'indice de masse corporelle (IMC), une donnée clinique importante dans le contexte de l'HTAG.

2. Motifs de Consultation

L'analyse des motifs de consultation a révélé une grande diversité de raisons pour lesquelles les patientes se sont présentées aux soins. L'élévation des chiffres tensionnels était la raison principale pour 41% des femmes, tandis que 33% présentaient des signes d'accouchement imminent. Un pourcentage significatif (9,5%) des patientes ont été référées ou consultées suite à des crises convulsives, survenant durant la période pré- ou post-partum. Les métrorragies du troisième trimestre étaient également un motif de consultation pour 7,6% des femmes. Une petite proportion des patientes (2,6%) étaient préoccupées par une absence d'activité fœtale. Les œdèmes, un symptôme possible de l'HTAG, ont été signalés par seulement 1% des patientes. Enfin, 4,6% des femmes ont consulté pour d'autres problèmes d'ordre obstétrical. Il est à noter que seulement 6,9% des patientes avaient une tension artérielle systolique inférieure à 140 mmHg à l'admission, souvent en relation avec un choc hémorragique. L'analyse statistique n'a pas révélé de lien significatif entre la tension artérielle systolique à l'admission et le pronostic maternel (p=0,55), suggérant que ce facteur n'est pas prédictif dans cette série. L’hétérogénéité des motifs de consultations reflète la complexité clinique de l’HTAG et la variabilité de sa présentation.

III.Facteurs de Risque et Physiopathologie de la Prééclampsie

Plusieurs théories tentent d'expliquer la physiopathologie de la prééclampsie. Une théorie génétique est suggérée par la prédisposition familiale et la variabilité ethnique. Une théorie thrombophilique implique des troubles de la coagulation. Des études récentes mettent en évidence des anomalies dans les taux de sFlt-1 et PIGF, des facteurs impliqués dans l'angiogenèse placentaire. L'invasion trophoblastique incomplète conduit à une ischémie placentaire, perturbant la fonction endothéliale et activant la coagulation.

1. Théories sur la Pathogenèse de la Prééclampsie

La compréhension de la physiopathologie de la prééclampsie reste un défi. Plusieurs théories sont avancées pour expliquer son développement. Une théorie génétique est suspectée en raison du caractère familial de la maladie et de sa distribution ethnique inégale. Le risque de prééclampsie est plus élevé chez les couples ayant déjà eu une grossesse compliquée par cette affection (2,1% pour l'homme et 3,3% pour la femme), et l'incidence est particulièrement forte chez les femmes noires. Le risque est également accru pour les filles et sœurs de femmes ayant souffert de prééclampsie. Une autre théorie, la théorie thrombophilique, incrimine des troubles de la coagulation, notamment la présence d'anticoagulants circulants, d'antiphospholipides, de déficits en protéines C ou S, de mutation Leiden du facteur V, ou d'hyperhomocystéinémie. Cependant, les études disponibles ne permettent pas de conclure quant au rôle exact de ces anomalies dans la genèse de l'hypertension artérielle gravidique. Des études récentes ont mis en évidence des anomalies dans les taux de sFlt-1 (augmentation) et PIGF (diminution), des facteurs importants dans l'angiogenèse et la vasodilatation placentaire. L'interaction de ces facteurs semble jouer un rôle dans le développement de la prééclampsie. Le texte évoque également l’invasion trophoblastique incomplète dans les grossesses prééclamptiques, conduisant à une ischémie placentaire et à la libération de substances délétères pour l'endothélium vasculaire et la coagulation. Ces éléments physiopathologiques soulignent la complexité de la maladie et la nécessité de recherches plus approfondies.

2. Facteurs de Risque et Aspects Épidémiologiques

La prééclampsie présente une forte disparité selon les populations, suggérant un rôle génétique significatif. Des études ont montré des taux de prééclampsie variables selon l'origine ethnique des patientes: 1,8% chez les Chinoises et Japonaises, 6,3% chez les Philippines, et 3,3% chez les Pakistanaises. Une étude à l'hôpital du Massachusetts a rapporté un taux de 1,6% chez les patientes espagnoles contre 8,5% chez les non-espagnoles, appuyant l'hypothèse d'une prédisposition génétique. Ces variations épidémiologiques mettent en évidence une composante génétique importante dans le développement de la prééclampsie, suggérant une prédisposition génétique chez les femmes qui développent la maladie comparé à celles qui ont une grossesse normale. Le texte souligne également l'impact des disparités dans les systèmes de santé sur les statistiques, notamment en Afrique où de nombreuses femmes accouchent à domicile sans suivi prénatal adéquat. Ce manque d'accès aux soins et une méconnaissance des risques contribuent à la survenue de complications graves liées à l'HTAG.

IV.Pronostic Maternel et Périnatal

Plusieurs facteurs influencent le pronostic maternel et périnatal : l'âge maternel, le suivi de la grossesse, l'âge gestationnel, la pression artérielle (PAS ≥ 160 mmHg / PAD ≥ 110 mmHg), les signes neurosensoriels (céphalées, douleur épigastrique), les anomalies biologiques (protéinurie 24h, thrombopénie, anémie, cytolyse hépatique), la prise en charge et le mode d'accouchement (induction ou césarienne). Dans cette étude, 37,6% des cas présentaient des issues périnatales défavorables, incluant la souffrance néonatale, la prématurité, l'hypotrophie et la souffrance fœtale aiguë. Une hémoglobinémie basse était significativement associée à un mauvais pronostic maternel (88% des complications maternelles survenant chez les patientes anémiques).

1. Pronostic Maternel

Plusieurs facteurs influencent le pronostic maternel dans le cadre de l’hypertension artérielle gravidique (HTAG). L’étude n’a pas démontré de lien significatif entre un poids maternel excessif et un mauvais pronostic, bien que les données sur le poids soient incomplètes (12% des patientes seulement). L'absence de données sur la taille des patientes empêche le calcul de l'IMC, un indicateur clé dans la littérature. Une anémie (taux d'hémoglobine < 11,5 g/dL) est un facteur significatif de mauvais pronostic maternel ; 88% des complications maternelles sont survenues chez les patientes anémiques (75,3% des patientes ayant bénéficié d'un dosage d'hémoglobinémie présentaient une anémie). Une pression artérielle systolique supérieure ou égale à 160 mmHg (observée chez 56,4% des patientes) ne semble pas avoir d'impact significatif sur l'évolution maternelle selon cette étude, bien que d'autres études aient montré un lien avec des complications telles que des hémorragies cérébrales, des hématomes rétroplacentaires, et le syndrome HELLP. Les perturbations de la fonction hépatique, notamment la cytolyse hépatique, sont associées à un mauvais pronostic maternel ; plus de la moitié des patientes avec cytolyse hépatique ont eu des complications. Les anomalies de l'hémostase (moins de 10% des patientes testées) sont également un facteur de mauvais pronostic maternel (45% de ces patientes ont eu des complications maternelles). La protéinurie à 24h, bien que légèrement plus fréquente chez les patientes avec complications, n'était pas statistiquement significative comme facteur pronostique dans cette étude (p=0,28).

2. Pronostic Périnatal

Le pronostic périnatal dans l'HTAG est influencé par plusieurs facteurs. Dans cette étude, 37,6% des cas présentaient des issues périnatales défavorables, incluant la souffrance néonatale (10,4%), la prématurité (9,5%), l'hypotrophie (7,6%), et la souffrance fœtale aiguë (5%). L’âge gestationnel à la naissance est un facteur déterminant; un âge gestationnel inférieur à 32 semaines multiplie par deux le risque de maladie des membranes hyalines. Les résultats de l'échographie obstétricale n'ont pas influencé le pronostic maternel dans cette étude, mais ont un impact sur le pronostic périnatal (détails non fournis). Le taux de réalisation de cet examen est faible au Maroc (45% à Casablanca, moins de 23% à Agadir). L’étude n'a pas trouvé de lien entre la protéinurie au labstix et le pronostic périnatal, ce qui pourrait être lié au faible nombre de patientes ayant bénéficié de cet examen. Cependant, une protéinurie à 24h positive est un facteur de très mauvais pronostic périnatal, confirmé par d'autres études (Mansouri). Le poids de la mère ne semble pas être un facteur pronostique périnatal selon cette étude, une observation concordante avec l'étude de David G. Le faible nombre de dosages d'uricémie (0,9%) ne permet pas de tirer de conclusion sur son influence sur le pronostic périnatal.

V.Traitement de l HTAG

Le but du traitement n'est pas de réduire drastiquement la pression artérielle, mais de la contrôler pour éviter les complications maternelles sans compromettre la perfusion utéro-placentaire. Les médicaments hypotenseurs sont indiqués pour une PAS ≥ 160 mmHg et/ou une PAD ≥ 110 mmHg. Le régime hyposodé n'est pas recommandé. Les médicaments utilisés incluent le sulfate de magnésium (pour la prévention de l'éclampsie), les inhibiteurs calciques (nicardipine, nifédipine), et l'hydralazine. L’analgésie/anesthésie loco-régionale (ALR) est une alternative intéressante pour les accouchements. Un suivi post-partum est nécessaire pour détecter une éventuelle néphropathie chronique.

1. Objectifs du Traitement et Indications

Le traitement de l'hypertension artérielle gravidique (HTAG) vise à gérer la maladie et à prévenir les complications graves, sans compromettre la perfusion utéro-placentaire. L'objectif n'est pas de réduire brutalement la pression artérielle, ce qui pourrait aggraver l'hypoperfusion placentaire. Un traitement antihypertenseur est indiqué uniquement chez les patientes présentant une pression artérielle systolique (PAS) ≥ 160 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 110 mmHg, seuils au-delà desquels le risque de complications liées à l'hypertension elle-même, comme les accidents vasculaires cérébraux, devient significatif. L'administration des médicaments hypotenseurs doit être progressive afin d'éviter une baisse brutale de la tension artérielle maternelle susceptible de compromettre la perfusion fœtale et entraîner une souffrance fœtale aiguë, voire la mort fœtale. Un régime hyposodé est déconseillé, car il peut entraîner une diminution de la volémie et une hypoperfusion utérine néfaste pour la croissance fœtale, sans bénéfice significatif sur la pression artérielle maternelle.

2. Médicaments et Modalités Thérapeutiques

Plusieurs classes de médicaments sont utilisées dans le traitement de l'HTAG. L'hydralazine (Nepressol®), un vasodilatateur périphérique, est souvent utilisée, entraînant une baisse de la pression artérielle diastolique avec une augmentation du flux sanguin rénal, sans diminution significative du débit sanguin utérin. Son association à un bêtabloquant peut améliorer sa tolérance et son efficacité. Les inhibiteurs calciques, tels que la nicardipine (Loxen®) et la nifédipine (Adalate®), sont de plus en plus utilisés, notamment en milieu de réanimation, pour leur puissant effet vasodilatateur artériel. La nicardipine est recommandée en première intention par la Société française d’anesthésie et de réanimation dans les formes graves de prééclampsie. La nifédipine sublinguale, bien que plus risquée en termes d’hypotension brutale maternelle, reste utilisable. La nifédipine à libération prolongée est une alternative pour contrôler l’HTAG sévère sans risque pour la mère ou le fœtus. Le sulfate de magnésium (MgSO4) est un anticonvulsivant utilisé pour prévenir et traiter les crises d'éclampsie, grâce à son action inhibitrice sur les canaux calciques neuromusculaires. Cependant, l’action du MgSO4 reste mal comprise et des études suggèrent une relation avec la régulation du flux sanguin cérébral. L'analgésie/anesthésie loco-régionale (ALR) est privilégiée en per-partum car elle diminue la douleur maternelle, améliore la perfusion placentaire et la stabilité hémodynamique. Dans cette étude, l’hydralazine a représenté 10,5% des prescriptions.

3. Suivi Post partum et Conseils

Un bilan post-partum (tension artérielle, créatininémie, protéinurie 24h) est recommandé au troisième mois après l'accouchement afin de détecter toute persistance de l'HTA ou de la protéinurie, suggérant une néphropathie chronique. En raison d'un risque cardiovasculaire potentiel, l'utilisation de contraceptifs doit être prudente ; seuls les progestatifs microdosés et le dispositif intra-utérin sont recommandés. Le texte conclut en recommandant une anamnèse rigoureuse pour identifier les facteurs de risque de l'HTAG, incluant les antécédents d'éclampsie, de mort fœtale ou de prématurité. Une surveillance régulière de la pression artérielle, associée à la recherche d'une protéinurie (labstix et dosage quantitatif sur urines 24h) et une NFS, sont recommandées pour un diagnostic précoce, même en l’absence de signes cliniques évidents. Une consultation prénatale adéquate, permettant un diagnostic précoce et une orientation vers des structures spécialisées, améliore considérablement le pronostic maternel. En effet, 20% des patientes de l’étude présentaient déjà des complications à l’admission.