Statuts prooxydant, antioxydant et lipidique chez les patients pédiatriques avec maladie de Crohn

Maladie de Crohn : Statuts oxydant chez les enfants

Informations sur le document

Auteur

Lise Bouthillier

school/university Université de Montréal
subject/major Nutrition
Type de document Mémoire de maîtrise
city_where_the_document_was_published Montréal
Langue French
Format | PDF
Taille 5.28 MB

Résumé

I.Maladie de Crohn et Nutrition Un Focus sur la Malnutrition Chronique et le Retard de Croissance chez l Enfant

Cette étude porte sur la maladie de Crohn (MC) chez les enfants, une maladie inflammatoire chronique de l'intestin caractérisée par une inflammation transmurale. Les symptômes classiques incluent des douleurs abdominales, la diarrhée, une perte d'appétit et une perte de poids. Un symptôme majeur en pédiatrie est la malnutrition chronique, observée chez jusqu'à la moitié des patients au diagnostic, entraînant un retard de croissance. L'étude explore le rôle de la thérapie nutritionnelle comme alternative aux corticoïdes, dont les effets secondaires sont importants chez les enfants. Des études ont montré que la nutrition entérale, utilisant des formules spécifiques comme Peptamen® VHP, peut induire la rémission, mais l'efficacité optimale et le type de formule idéal (élémentaire vs. polymérique) restent sujets à controverse. L'étude souligne également l'impact de la MC sur le statut antioxydant, avec des implications pour la peroxydation lipidique et la balance redox.

1. Caractéristiques Cliniques de la Maladie de Crohn MC chez l Enfant

La maladie de Crohn est une affection inflammatoire chronique de l'intestin, incurable à ce jour, caractérisée par une inflammation transmurale affectant tout le tube digestif. Les symptômes classiques, communs à tous les groupes d'âge, incluent des douleurs abdominales, de la diarrhée, une perte d'appétit et une diminution du poids. Cependant, en pédiatrie, on observe des manifestations cliniques spécifiques ou plus fréquentes, notamment une malnutrition chronique et un retard de croissance. Plus de la moitié des patients pédiatriques présentent ces complications au moment du diagnostic. Ces problèmes nutritionnels ont un impact significatif sur le développement et la qualité de vie des jeunes patients. Le texte souligne l'importance de la prise en charge nutritionnelle précoce et appropriée pour atténuer ces conséquences néfastes sur la croissance et le développement global de l'enfant.

2. Traitement de la MC chez l Enfant Corticoïdes et Alternatives Nutritionnelles

Les corticoïdes (CS) ont longtemps constitué le traitement de référence pour induire la rémission de la MC active. Toutefois, en pédiatrie, leurs nombreux effets secondaires limitent leur utilisation et leur acceptabilité. Face à ces inconvénients, les cliniciens se tournent vers des interventions nutritionnelles comme thérapie alternative de première ligne. Cependant, le choix de la formule nutritionnelle optimale reste un sujet de controverse. L'efficacité de différentes approches nutritionnelles, comme les régimes élémentaires à base d'acides aminés et les régimes polymériques, est discutée, sans qu'un consensus clair ne se dégage quant à la supériorité de l'une ou l'autre. La recherche d'une formule idéale, capable de contrôler l'activité de la maladie et d'améliorer l'état nutritionnel des patients, reste un objectif majeur.

3. Malnutrition Chronique et Retard de Croissance Mécanismes et Conséquences

La malnutrition chronique, conséquence fréquente de la MC chez l'enfant, se manifeste par une altération de la croissance linéaire et un retard du développement pubertaire. Ce retard de croissance peut même précéder l'apparition des symptômes digestifs. Le texte explore les multiples facteurs contribuant à cette malnutrition, soulignant l'importance du manque d'apport alimentaire, mais aussi l'impact de la réponse inflammatoire systémique. Des médiateurs inflammatoires, tels que le TNF-α, contribuent à l'anorexie et perturbent la croissance, indépendamment de la malnutrition elle-même. La baisse des niveaux d'IGF-I, liée à la malnutrition, aux cytokines inflammatoires et à la prise de corticoïdes, est également impliquée dans le retard de croissance. Comprendre ces mécanismes complexes est crucial pour le développement de stratégies thérapeutiques efficaces visant à améliorer la croissance et le développement des enfants atteints de MC.

4. Évaluation et Prise en Charge de la Malnutrition dans la MC Pédiatrique

L'évaluation de la sévérité de la malnutrition repose sur une analyse qualitative intégrant l'histoire des symptômes gastro-intestinaux, l'activité de la maladie, l'estimation des apports alimentaires, la perte de poids et l'état fonctionnel. L'examen physique, incluant l'évaluation de la masse musculaire et du tissu adipeux, est également essentiel. En pédiatrie, l'évaluation de la croissance linéaire, du développement pubertaire et de l'âge osseux est primordiale. Cette évaluation permet de classer les patients en fonction de la sévérité de leur malnutrition (bien nourri, modérément mal nourri, sévèrement mal nourri), guidant ainsi le choix et la mise en place du traitement approprié. L’objectif est d’intervenir rapidement et efficacement pour limiter les conséquences à long terme de la malnutrition sur la croissance et le développement de l'enfant.

II. Corticoïdes

L'étude compare l'efficacité de la nutrition entérale (NE) à celle des corticoïdes (CS) pour induire la rémission de la MC active chez l'enfant. Un essai clinique prospectif, non randomisé, a été mené à l'hôpital Sainte-Justine (Canada) sur 19 patients en NE (Peptamen® VHP) et 22 en CS. L’étude montre que la NE était aussi efficace que les CS pour induire la rémission à court terme, avec des taux de rémission similaires. Cependant, la NE a permis une meilleure augmentation de la taille. Les résultats ont révélé des améliorations du statut antioxydant avec la NE (augmentation des niveaux de bêta-carotène, rétinyl ester, alpha-tocophérol et zinc), mais aussi une diminution du glutathion réduit et une persistance de la peroxydation lipidique. L'étude discute des implications de la composition de la formule Peptamen® VHP, notamment la teneur en alpha-tocophérol et en cuivre, sur l'équilibre redox.

1. Étude comparative Nutrition Entérale vs. Corticoïdes

L'étude menée à l'hôpital Sainte-Justine compare l'efficacité de la nutrition entérale (NE) et des corticoïdes (CS) pour induire la rémission chez des enfants atteints de maladie de Crohn (MC) active. Il s'agit d'un essai clinique prospectif, ouvert, non randomisé, avec un design à groupes parallèles. Deux groupes de patients ont été étudiés : un groupe recevant un régime alimentaire à formule définie (Peptamen® VHP, Nestlé Nutrition) et un groupe contrôle recevant des CS standard. Un design en double aveugle était impossible en raison de la nature des interventions. L'étude vise à évaluer l'efficacité de chaque traitement pour induire la rémission clinique et à comparer leurs impacts sur le statut antioxydant, le profil des acides gras et la peroxydation lipidique. Le nombre de participants était de 19 dans le groupe NE et 22 dans le groupe CS. L'étude a été approuvée par le comité d'éthique de l'Institut de recherche de l'hôpital Sainte-Justine en avril 2000, conformément à la Déclaration d'Helsinki.

2. Protocoles de Traitement et Méthodes d Évaluation

Les patients du groupe NE ont reçu Peptamen VHP®, un régime semi-élémentaire à base de peptides, riche en protéines, comme seule source de nutrition. La densité calorique était de 1 kcal/ml et l'osmolarité de 300 mOsm/kg H2O. L'administration se faisait par voie orale, par sonde nasogastrique, ou les deux. Le volume administré était basé sur le poids idéal pour la taille (40-70 kcal/kg). Seuls de petites quantités de liquides clairs étaient autorisées en complément. Les patients ont été invités à éviter tout autre supplément en vitamines ou minéraux antioxydants pendant toute la durée de l'étude. Divers paramètres ont été mesurés, notamment le statut antioxydant (vitamines A, E, C, zinc, sélénium, glutathion), le profil des acides gras et la peroxydation lipidique (MDA). La méthode chromatographique gaz-liquide a servi à analyser les acides gras, et des méthodes colorimétriques enzymatiques classiques ont été utilisées pour le dosage des lipides plasmatiques. L'activité de la maladie a été évaluée à l'aide d'une adaptation pédiatrique validée de l'indice d'activité de la maladie de Crohn (CDAI).

3. Résultats et Interprétation Comparaison NE vs. CS

Après un mois de traitement, les taux de rémission étaient similaires dans les deux groupes, mais l'augmentation de la taille était significativement supérieure dans le groupe NE. Malgré l'enrichissement en antioxydants de la formule Peptamen® VHP (incluant la cystéine, le bêta-carotène, les vitamines C et E, le zinc et le sélénium), l'équilibre redox n'a pas été amélioré. Le groupe NE présentait des concentrations plasmatiques significativement plus élevées de bêta-carotène, de rétinyl ester, d'alpha-tocophérol et de zinc, mais des concentrations significativement plus faibles de gamma-tocophérol et de glutathion réduit. De plus, les concentrations plasmatiques d'acide arachidonique étaient significativement plus élevées, tandis que celles d'acide alpha-linolénique étaient plus faibles dans le groupe NE comparé au groupe CS. L'étude suggère que la proportion élevée d'acides gras saturés (triglycérides à chaîne moyenne) et le ratio déséquilibré oméga-6/oméga-3 dans la formule pourraient expliquer l'absence d'amélioration de la balance redox, malgré l'apport élevé d'antioxydants.

III.Stress Oxydant et Maladie de Crohn Rôle des Antioxydants et des Acides Gras Essentiels

La MC est associée à un stress oxydant accru, mesuré par des marqueurs comme la peroxydation lipidique (MDA). L’étude analyse les effets de la NE enrichie en antioxydants sur le statut antioxydant et la peroxydation lipidique. Bien que la NE ait amélioré certains aspects du statut antioxydant, le bilan redox n'a pas été significativement amélioré. Des déséquilibres dans les acides gras essentiels (augmentation de l'acide arachidonique, diminution de l'acide alpha-linolénique) ont également été observés, suggérant un impact sur l'inflammation. Le rôle des différents antioxydants (vitamine E, vitamine C, zinc, sélénium, glutathion) et des acides gras oméga-3 dans la modulation du stress oxydant et de l'inflammation dans la MC est discuté, soulignant la complexité de l'interaction entre la nutrition et le processus inflammatoire.

1. Stress oxydant et maladie de Crohn un lien établi

La maladie de Crohn (MC) est fortement liée à un stress oxydant accru. Ce déséquilibre entre la production de radicaux libres et les capacités antioxydantes de l'organisme est démontré par des niveaux significativement plus élevés de peroxydation lipidique chez les patients atteints de MC, mesurée par des marqueurs tels que le malondialdéhyde (MDA), le pentane, l'éthane et le F2-isoprostane. Même lorsque l'activité de la maladie est modérée (CDAI < 150), un stress oxydant persiste chez une majorité des patients. Le document souligne l'importance de ce phénomène dans la pathogenèse et le maintien de l'inflammation chronique caractéristique de la MC. Des études mentionnent une diminution des concentrations de rétinol chez les patients atteints de MC. Cependant, il existe des résultats contradictoires dans la littérature concernant l'augmentation du MDA, suggérant une variabilité liée à la sévérité de la maladie ou à la capacité antioxydante résiduelle de la muqueuse intestinale. Ceci souligne la complexité des interactions entre l'inflammation, le statut nutritionnel et le stress oxydatif dans la MC.

2. Rôle des antioxydants dans la modulation du stress oxydatif

Le document explore le rôle des antioxydants dans la lutte contre le stress oxydatif lié à la MC. Il est mentionné que des suppléments d'antioxydants (vitamine E, vitamine C, zinc, sélénium) peuvent améliorer le statut antioxydant. Cependant, l'étude principale souligne que malgré l'enrichissement en antioxydants d'une formule entérale spécifique (Peptamen® VHP), le bilan redox n'a pas été significativement amélioré. L'analyse des résultats met en avant une diminution du glutathion réduit (GSH) malgré l'augmentation des niveaux de bêta-carotène, de rétinyl ester, d'alpha-tocophérol et de zinc. Ceci suggère une complexité dans la régulation du stress oxydatif et l'importance de considérer l'interaction entre différents antioxydants, ainsi que la possibilité d'effets pro-oxydants de certains nutriments ou suppléments (comme le cuivre et le fer). L'importance du glutathion comme antioxydant majeur et la nécessité d'une approche plus nuancée de la supplémentation en antioxydants sont soulignées.

3. Impact des acides gras essentiels sur l inflammation et le stress oxydatif

Le document explore le rôle des acides gras essentiels (AGE) dans le contexte de la MC et du stress oxydatif. L'étude montre des perturbations significatives du profil lipidique plasmatique, avec une augmentation de l'acide arachidonique (AA) et une diminution de l'acide alpha-linolénique chez les patients traités par la formule entérale riche en triglycérides à chaîne moyenne (TCM). L'augmentation de l'AA, précurseur de molécules pro-inflammatoires, et la diminution des acides gras oméga-3, connus pour leurs effets anti-inflammatoires, sont associées à une aggravation potentielle du stress oxydatif. Le rapport oméga-6/oméga-3, significativement élevé dans la formule utilisée, pourrait contribuer à ces déséquilibres et à la persistance de la peroxydation lipidique. La présence d'un fort pourcentage de TCM (70%) dans la formule utilisée, et une faible quantité d'acides gras oméga-3, pourraient aussi jouer un rôle dans ce déséquilibre.

IV.Implications Cliniques et Recherches Futures sur la Maladie de Crohn et la Nutrition Entérale

L'étude conclut que bien que la nutrition entérale soit une thérapie efficace pour induire la rémission de la MC chez l'enfant, sa composition doit être optimisée. La formule Peptamen® VHP, bien qu'enrichie en antioxydants, n'a pas réussi à complètement protéger contre le stress oxydant. Des recherches futures devraient explorer des formules améliorées, tenant compte du rôle de l'alpha-tocophérol et du gamma-tocophérol, ainsi que d'autres micronutriments, pour améliorer l'équilibre redox et réduire la peroxydation lipidique. L’étude souligne l'importance de considérer les effets à long terme de la NE, et son utilisation potentielle en thérapie cyclique, en combinaison avec des immunosuppresseurs, afin d'améliorer le contrôle de la maladie et d'optimiser la croissance chez les enfants atteints de maladie de Crohn.

1. Recommandations cliniques et limites de la nutrition entérale

L'étude conclut que la nutrition entérale, bien qu'aussi efficace que les corticoïdes pour induire la rémission de la maladie de Crohn (MC) active chez l'enfant, nécessite une réévaluation. Son efficacité à court terme est confirmée, notamment son rôle dans l'amélioration de l'état nutritionnel et le maintien des périodes de rémission. Cependant, l'étude soulève des questions quant à l'efficacité à long terme et à l'impact sur la balance redox cellulaire. L'absence d'amélioration du potentiel redox malgré l'enrichissement en antioxydants de la formule Peptamen® VHP suggère une complexité dans les interactions entre les différents nutriments et leur impact sur le stress oxydatif. La nécessité de reconsidérer la composition des formules entérales, en particulier la proportion d'alpha- et gamma-tocophérol, est mise en avant. L'utilisation de thérapies cycliques en combinaison avec des immunosuppresseurs est suggérée pour maintenir la rémission et minimiser les risques de rechute, compte tenu du taux de rechute élevé observé après l'arrêt du traitement entéral.

2. Amélioration des formules entérales et axes de recherche futurs

Les résultats mettent en évidence la nécessité d'optimiser les formules entérales utilisées dans le traitement de la MC pédiatrique. L'étude montre qu'une formule enrichie en antioxydants, comme Peptamen® VHP, peut améliorer certains paramètres du statut antioxydant (augmentation du bêta-carotène, du rétinyl ester, de l'alpha-tocophérol et du zinc), mais qu'elle ne protège pas complètement le bilan redox (diminution du GSH, MDA inchangé). L'apport élevé en alpha-tocophérol, ainsi que la supplémentation en fer et l'apport plus important en cuivre et en vitamine C chez certains patients, pourraient avoir contribué à la détérioration du potentiel redox. Des recherches futures sont nécessaires pour optimiser la composition des formules entérales, afin de favoriser un meilleur équilibre redox et une réduction de la peroxydation lipidique. L'étude des effets à long terme de la nutrition entérale comparativement aux corticoïdes est également essentielle, considérant l'impact négatif des corticoïdes sur la croissance et la densité osseuse, particulièrement pendant l'adolescence, période de diagnostic fréquente chez les patients pédiatriques.