Thèse sur les Ictères Néonatals au CHU Mohammed VI

Thèse sur les Ictères Néonatals au CHU Mohammed VI

Informations sur le document

Auteur

Hassna Tairan

École

Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Marrakech

Spécialité Médecine
Lieu Marrakech
Type de document Thèse
Langue French
Format | PDF
Taille 914.33 KB
  • Ictères néonatals
  • Médecine
  • Thèse

Résumé

I. L ictère néonatal Définition et Gravité

Cette étude porte sur l'ictère néonatal, une jaunisse fréquente chez les nouveau-nés, due à une hyperbilirubinémie. L'hyperbilirubinémie néonatale peut être bénigne, mais une concentration de bilirubine sanguine totale (BST) supérieure à 340 µmol/L augmente le risque d'ictère nucléaire (kernictère), une complication grave et potentiellement fatale affectant le système nerveux. Le diagnostic clinique est souvent facile, mais une sous-estimation de l'intensité de l'ictère est fréquente. Des facteurs de risque comme l'incompatibilité foeto-maternelle, la prématurité et les infections materno-fœtales sont à prendre en compte.

1. Définition de l ictère néonatal et sa fréquence

L'ictère néonatal, une manifestation courante durant la première semaine de vie, est caractérisé par une coloration jaunâtre de la peau et des muqueuses due à un excès de bilirubine dans le sang (hyperbilirubinémie). Il est observé chez environ deux tiers des nouveau-nés, selon la littérature médicale. L'ictère à bilirubine libre touche 60% des nouveau-nés à terme et 90% des prématurés. Bien que souvent bénin, il peut évoluer vers une forme grave, notamment l'ictère nucléaire, une complication neurologique sévère résultant de la toxicité de la bilirubine pour le système nerveux. L'ictère nucléaire ne se manifeste généralement pas lorsque la concentration de bilirubine sanguine totale (BST) est inférieure à 340 µmol/L chez les nouveau-nés à terme, et reste très rare en dessous de 425 µmol/L. Au-delà de ce seuil, le risque de toxicité augmente significativement. La difficulté de définir précisément l'ictère et la variabilité selon les origines géographiques, les taux d'allaitement maternel, et les pratiques de sortie précoce des maternités rendent l'incidence réelle difficile à établir.

2. Diagnostic clinique et facteurs de risque de l ictère néonatal

Le diagnostic clinique de l'ictère néonatal est généralement aisé par l'observation visuelle, mais l'évaluation de son intensité peut être sujette à une sous-estimation. L'anamnèse joue un rôle crucial dans l'identification des facteurs de risque, notamment les incompatibilités sanguines foeto-maternelles, les infections materno-fœtales, la prématurité, les antécédents familiaux d'hémolyse, les traumatismes obstétricaux, la souffrance fœtale aiguë avec acidose, la prise de certains médicaments, et le jeun prolongé. Ces facteurs peuvent influencer le développement et la sévérité de l'ictère. La prise en compte de ces éléments est essentielle pour une évaluation complète et une prise en charge appropriée. Une approche systématique, incluant une surveillance rigoureuse, est préconisée pour prévenir les complications liées à une hyperbilirubinémie grave. Le niveau de bilirubine est un indicateur clé de la gravité, la mesure de la BST étant la méthode la plus fiable pour prédire une hyperbilirubinémie sévère.

3. Métabolisme de la bilirubine et conséquences

La bilirubine, pigment hydrophobe et toxique, résulte de la dégradation de l'hème contenu dans l'hémoglobine et les hémoprotéines. Sa transformation implique des réactions enzymatiques, principalement l'hème oxygénase et la bilirubine réductase. Circulant dans le sang liée à l'albumine, la fraction non conjuguée et non liée est potentiellement neurotoxique. Au niveau hépatique, la bilirubine est captée, liée à la ligandine, puis glucuroconjuguée avant d'être éliminée dans la bile. Les spécificités du métabolisme de la bilirubine chez le nouveau-né expliquent la forte fréquence de l'ictère à cet âge. Habituellement, l'hyperbilirubinémie non conjuguée est un phénomène transitoire sans gravité. Cependant, une forte concentration sérique peut engendrer une neurotoxicité, mettant le nouveau-né en danger. L'absence de flore bactérienne dans le tube digestif du nouveau-né empêche la dégradation de la bilirubine conjuguée. Certains composants du lait maternel contribuent à augmenter la circulation entéro-hépatique de la bilirubine, augmentant le risque d'ictère, notamment chez les nouveau-nés avec des polymorphismes génétiques spécifiques, bien que le mécanisme exact reste à élucider.

II. Épidémiologie de l ictère néonatal

L'ictère néonatal est très fréquent. Une étude au CHU de Rabat a montré une prévalence de plus d'un quart chez les nouveau-nés hospitalisés, similaire à notre étude (25,2% sur 1439 nouveau-nés à l'hôpital Mohammed VI de Marrakech entre 2005 et 2006). L'incidence varie selon les origines géographiques (plus élevée en Asie de l'Est, plus faible chez les Afro-Américains), les taux d'allaitement maternel, et les pratiques de sortie précoce des maternités. Des études à Fès (8,8% d'hospitalisations pour ictère entre 2002 et 2003) et à l'hôpital Nehru (6,5% entre 1994 et 1995) sont citées en comparaison.

1. Fréquence de l ictère néonatal données générales et étude de cas

L'ictère néonatal demeure un symptôme très fréquent, rapporté chez environ deux tiers des nouveau-nés par la littérature médicale. Une étude menée au CHU de Rabat a révélé une prévalence supérieure à un quart chez les patients hospitalisés. Notre propre étude, réalisée au service de pédiatrie du CHU Mohammed VI de Marrakech entre janvier 2005 et décembre 2006, a enregistré 363 cas d'ictère néonatal sur 1439 nouveau-nés hospitalisés, soit une prévalence de 25,2%. Cette prévalence est comparable à celle observée à Rabat. On estime que 60% des nouveau-nés à terme développent une jaunisse, et que 2% atteignent une concentration de BST supérieure à 340 µmol/L. L'ictère à bilirubine libre est plus fréquent que les cholestases néonatales. Des études comparatives menées au CHU Hassan II de Fès (8,8% d'hospitalisations pour ictère entre 2002 et 2003) et à l'hôpital Nehru (6,5% entre 1994 et 1995) présentent des chiffres différents, soulignant la variabilité de l'incidence selon les contextes géographiques et les populations étudiées. La variabilité est liée aux difficultés de définition, aux différences géographiques, aux taux d'allaitement maternel, aux groupes sanguins et aux pratiques de sortie précoce des maternités.

2. Variations géographiques et facteurs influençant l incidence

L'incidence de l'ictère néonatal est mal connue en raison de plusieurs facteurs. Des variations géographiques significatives existent, avec une incidence plus élevée en Asie de l'Est et chez les populations amérindiennes, et une incidence plus basse chez les Afro-Américains. Les taux d'allaitement maternel influencent également l'incidence, tout comme les pratiques de sortie précoce des maternités et des services de pédiatrie. Dans notre étude à Marrakech, la prévalence de 25,2% reflète le contexte local. L'amélioration du suivi des grossesses et des techniques de photothérapie a initialement fait croire à une diminution de l'ictère nucléaire, mais des publications récentes signalent une augmentation, probablement liée à la généralisation des sorties précoces des maternités (moins de 48h voire 24h) sans suivi approprié à domicile. La prise en charge de l'ictère néonatal à terme n’est pas standardisée entre les équipes médicales, comme le souligne une étude de Hansen en 1996. L'étude de Marrakech a inclus 363 cas d'ictère sur 1439 nouveau-nés hospitalisés, avec une prédominance masculine (57,5%). L’ictère était précoce dans seulement 5% des cas.

III. Diagnostic étiologique de l ictère néonatal

Le diagnostic repose sur l'examen clinique (couleur de la peau, extension céphalo-caudale de l'ictère), la mesure de la BST (utilisant des appareils comme le Bilicheck®, Bilimed®, ou Minolta® JM103), et l'anamnèse pour identifier les facteurs de risque. L'évaluation visuelle est possible mais moins précise que la mesure instrumentale. Des études comparent l'estimation clinique à la mesure objective de la BST, soulignant l'importance d'une approche systématique. Les principales causes sont l'infection néonatale (81% dans l'étude de Marrakech), la prématurité, l'incompatibilité ABO, le jeun prolongé et l'ictère lié à l'allaitement maternel.

1. Apport de l examen clinique et limites

Le diagnostic de l'ictère néonatal repose initialement sur l'examen clinique du nouveau-né dans une pièce bien éclairée. L'observation de la couleur de la peau et des tissus sous-cutanés permet de détecter la présence d'une jaunisse. L'ictère cutané n'est cependant perceptible qu'à partir d'un taux sérique de bilirubine supérieur à 40 mg/L (68 µmol/L). L'augmentation du taux de bilirubine se traduit par une progression céphalo-caudale de l'ictère, commençant par le visage, puis le tronc, les extrémités et enfin les paumes et les plantes des pieds. Une estimation clinique du taux total de bilirubine sérique peut être effectuée en évaluant l'extension caudale de l'ictère. Toutefois, la simple inspection clinique ne permet pas toujours de juger précisément de l'intensité de l'ictère ni de son évolution, car une sous-estimation est fréquente. Des études américaines insistent sur la nécessité d'une approche systémique codifiée dans la prise en charge, impliquant une surveillance rigoureuse et l'utilisation de mesures objectives de la bilirubine sanguine totale (BST).

2. Mesure de la bilirubine et outils de diagnostic

Pour une évaluation précise de l'hyperbilirubinémie et une meilleure prédiction de l'hyperbilirubinémie grave, le recours à une mesure extrapolée de la Bilirubine sanguine totale (BST) est préconisé. L’Académie nationale de médecine (Paris) a publié en 2003 des recommandations en ce sens, notamment l'utilisation de bilirubinomètres transcutanés pour une surveillance pluriquotidienne, et la continuité de la surveillance à domicile. Plusieurs modèles de bilirubinomètres sont mentionnés : les Minolta JM101 et 102, initialement moins fiables chez les nouveau-nés de race noire ; le Bilicheck®, plus récent et capable de différencier les absorptions spectrales de la mélanine ; le Bilimed®, une option sans contact direct ; et la nouvelle version du Minolta JM103, qui donne un résultat en µmol/L. La corrélation entre les mesures cutanées et les taux sanguins est généralement bonne, bien que des études comparent l’efficacité des différents appareils. Même si le bilirubinomètre transcutané est primordial pour certains, d'autres auteurs considèrent que l'estimation visuelle de l'ictère reste fiable. Une étude impliquant quatre néonatologistes a démontré une corrélation significative (coefficient de corrélation de Pearson = 0,682) entre l'estimation clinique et la mesure réelle de la BST chez 283 nouveau-nés à terme.

3. Étiologies de l ictère néonatal infection hémolyse et autres causes

Dans l'étude de Marrakech, l'infection néonatale est la principale cause d'ictère néonatal (81% des cas), principalement d'origine materno-fœtale bactérienne. Ceci est corrélé à un taux élevé d'antécédents infectieux maternels (près de la moitié des femmes de l'étude) et un taux de CRP positif chez plus du tiers des nouveau-nés. Un manque de suivi prénatal (43% des grossesses non suivies) est également constaté, ainsi qu'une connaissance limitée du groupe sanguin et du facteur rhésus chez les mères. Les incompatibilités du système ABO sont aussi fréquentes, moins sévères et moins précoces que l'incompatibilité rhésus, et souvent associées à un test de Coombs négatif. Le déficit en G6PD est une autre cause d'hémolyse, particulièrement répandu chez les nouveau-nés d'origine africaine et méditerranéenne. En région parisienne, c'est même la première cause d'hyperbilirubinémie majeure. L'ictère du jeun, lié à un allaitement maternel mal conduit et à une perte de poids rapide, exacerbe l'ictère physiologique. Enfin l'ictère au lait maternel, modéré et isolé, persiste tant que l'allaitement est maintenu, et pourrait être lié à une inhibition de la glucuroconjugaison par les acides gras.

IV. Traitement et Complications de l ictère néonatal

Le traitement principal est la photothérapie, qui transforme la bilirubine en métabolites solubles. La photothérapie peut être continue ou discontinue, intensive ou simple, selon la sévérité de l'ictère. L'efficacité dépend de la longueur d'onde et de l'irradiance. Des effets secondaires (déshydratation, hyperthermie) nécessitent une surveillance étroite. Dans les cas graves, une perfusion d'albumine ou une exsanguino-transfusion peuvent être nécessaires. La complication majeure est l'ictère nucléaire, causant des dommages neurologiques irréversibles. L'étude de Marrakech rapporte 44 décès, dont un lié à l'ictère nucléaire. Le Programme canadien de surveillance pédiatrique est mentionné en référence concernant l'incidence de l'encéphalopathie hyperbilirubinémique.

1. Traitement de référence la photothérapie

La photothérapie est le traitement de référence de l'ictère néonatal. Elle permet la transformation de la bilirubine non conjuguée plasmatique en métabolites solubles éliminés dans les urines. Son efficacité dépend de plusieurs facteurs : l'énergie dispensée par la source lumineuse (irradiance), la longueur d'onde de la lumière utilisée, la distance entre le nouveau-né et la source, la surface exposée, et la durée d'exposition. La lumière bleue (450 nm) est efficace mais difficile à surveiller et désagréable pour les soignants. La lumière verte, plus tolérable, pourrait interférer avec la liaison bilirubine-albumine. La lumière blanche reste donc largement utilisée. Des systèmes de photothérapie moins puissants existent, utilisant des fibres optiques ou un Bilibed®, mais leur efficacité est inférieure à la photothérapie conventionnelle, sauf chez les prématurés. La durée de la photothérapie est débattue : continue sur 24h ou discontinue par séances. La photothérapie discontinue pourrait permettre une meilleure ré-équilibration des taux sanguins et cutanés de bilirubine. Selon Senders et al., la photothérapie simple serait plus efficace en continu, tandis que la photothérapie intensive serait plus efficace par séances discontinues. Dans les cas d'hémolyse sévère, une photothérapie intensive et continue est nécessaire.

2. Effets secondaires et surveillance de la photothérapie

La photothérapie présente des effets secondaires potentiels : un risque de déshydratation par augmentation des pertes hydriques cutanées et un risque d'hyperthermie, nécessitant une surveillance régulière de la température (toutes les 2 à 3 heures au minimum). Ces risques sont moins importants avec la photothérapie en berceau. Des malaises graves, voire des morts subites, ont été rapportés dans la littérature, probablement liés à des facteurs multifactoriels (obstruction des voies aériennes supérieures par des lunettes, hyperthermie, déshydratation). Une surveillance continue de la fréquence cardiorespiratoire est donc préconisée par certains. Les modalités de la photothérapie ne sont pas univoques : photothérapie intensive d’emblée, association de photothérapie simple et photothérapie par fibres optiques, photothérapie simple en sevrage de la photothérapie intensive pour limiter le rebond, etc. En dehors des ictères hémolytiques sévères, où l’efficacité maximale rapide est recherchée, il n'existe pas de recommandations précises d'utilisation.

3. Autres traitements et suivi post natal complications

L'albumine, utilisée en perfusion (1 à 1,5 g/kg d'albumine à 20%, diluée), est efficace pour prévenir la neurotoxicité de la bilirubine et accélérer la diminution de la bilirubine plasmatique non liée, notamment en association avec la photothérapie. Le suivi post-natal des nouveau-nés atteints de jaunisse, surtout les plus vulnérables et ceux exclusivement allaités, est crucial jusqu'à ce que l'alimentation et la prise de poids soient stables et que la concentration de BST diminue. Un soutien à l'allaitement et un accès aux tests de BST ou de BTc sont nécessaires. Les nouveau-nés souffrant d'iso-immunisation risquent une anémie grave, nécessitant un contrôle de l'hémoglobine. Les cas graves ou avec anomalies neurologiques doivent être aiguillés vers des programmes de suivi multidisciplinaires. Une perte d'audition neurosensorielle est un risque particulier, nécessitant un dépistage auditif, incluant les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral. La surveillance de la couleur des urines permet d'évaluer la glycuroconjugaison. L'ictère nucléaire est une complication neurologique grave, avec des conséquences potentiellement mortelles. L’encéphalopathie hyperbilirubinémique, aiguë ou chronique, présente également un risque significatif, avec des séquelles neurologiques possibles (perte auditive, troubles moteurs).