
Utilisation des Argiles comme Inhibiteurs de Corrosion dans les Peintures Métalliques
Informations sur le document
Auteur | Ahmed Ait Aghzzaf |
instructor/editor | Benaissa Rhouta, Professeur |
school/university | Université de Lorraine et Université Cadi Ayyad |
subject/major | Chimie |
Type de document | Thèse |
city where the document was published | Nancy |
Langue | French |
Format | |
Taille | 6.15 MB |
- corrosion
- peintures
- ressources naturelles
Résumé
I. Argiles et Fonctionnalisation pour l Inhibition de la Corrosion
Cette partie explore l'utilisation des argiles, notamment la beidellite (lamellaire) et la palygorskite (fibreuse), comme agents d'inhibition de la corrosion. Les propriétés physico-chimiques des argiles, telles que leur capacité d'échange d'ions et la présence de sites silanol, sont cruciales pour leur fonctionnalisation. L'étude se concentre sur l'intercalation de cations organiques dans les smectites et l'interaction des argiles fibreuses avec des substances organiques pour améliorer leurs propriétés d'adsorption. Des nanocomposites argile-polymère sont envisagés comme matériaux avancés pour la protection anticorrosion.
1. Définition et Propriétés des Argiles
Le texte commence par définir les argiles comme des produits de décomposition de roches siliceuses, résultant de désintégrations physiques, mécaniques et d'altération chimique. Selon Eslinger et Peaver, les argiles sont des particules de phyllosilicates de diamètre inférieur à 2 micromètres. Ces particules, ou minéraux argileux, confèrent aux argiles leurs propriétés physico-chimiques : aptitude au gonflement, plasticité et propriétés d'adsorption. La fraction fine (<2µm) peut contenir des minéraux non-phyllosilicates (carbonates, quartz, feldspaths, oxydes ou hydroxydes de fer et d'aluminium). La phase solide du minéral argileux est décrite à partir de trois unités structurales : le feuillet (15-25 Å), la particule (200-1500 Å) et l'agrégat (1,5-16 µm). L'assemblage des feuillets, maintenus par des forces électrostatiques, forme la particule. La distance interfoliaire dépend de la nature des cations compensateurs de charge et de leur degré d'hydratation. La structure détaillée de la palygorskite est expliquée, incluant la description des rubans, des tunnels, des groupes silanol (Si-OH) et des cations interchangeables. La formule chimique théorique de la palygorskite est présentée, ainsi que des informations sur les types d'eau présents.
2. Fonctionnalisation des Smectites et Argiles Fibreuses
Cette partie se penche sur la fonctionnalisation des argiles, exploitant leurs caractéristiques uniques (structures lamellaire ou fibreuse, capacité d'échange d'ions, charge électrique des particules, sites silanol et/ou aluminol). L'interaction des smectites avec des substances organiques est analysée, soulignant que la sorption affecte les surfaces externe et interne. L'importance de ces interactions est mise en avant, car elles mènent à des composés hybrides utilisés dans diverses applications industrielles (additifs rhéologiques, charges minérales pour polymères, absorbants). L'intercalation, processus réversible permettant l'insertion de molécules ou d'ions dans une structure lamellaire, est décrite. L'interaction entre argiles fibreuses (palygorskite et sépiolite) et substances organiques est examinée. La capacité d'adsorption des argiles fibreuses, due à leurs tunnels et canaux, est soulignée. L'accessibilité aux canaux dépend de la polarité et de la taille des molécules. Seules les petites molécules polaires (ammoniaque, méthanol, éthanol, acétone, éthylène-glycol) peuvent accéder aux tunnels, parfois en remplaçant l'eau coordonnée à l'ion Mg2+. Des études montrent que des molécules plus grandes peuvent aussi pénétrer, ouvrant des possibilités pour améliorer l'adsorption de colorants organiques.
3. Nanocomposites Minéraux Argileux Polymère
La section traite des nanocomposites minéraux argileux-polymère. Depuis les années 1950, l'adsorption de macromolécules sur les minéraux argileux est étudiée. Blumstein (1961) a été le premier à signaler la possibilité de préparer des matériaux polymère-argile par intercalation de monomères (acrylonitrile, acétate de vinyle, méthacrylate de méthyle) suivie d'une polymérisation in situ dans les espaces interfoliaires des smectites. Les voies de synthèse sont classifiées en deux groupes. L'étude met l'accent sur le potentiel des nanocomposites argile-polymère en tant que matériaux avancés pour des applications technologiques, soulignant l'engouement croissant pour ce domaine de recherche, comme en témoigne le nombre de publications scientifiques.
II. Inhibiteurs de Corrosion et Mécanismes d Action
La section traite des inhibiteurs de corrosion, définis selon les normes ISO et NACE, et de leurs mécanismes d'action. L'accent est mis sur les inhibiteurs organiques, agissant par adsorption (physique et chimique) sur la surface métallique pour former un film protecteur. Différents types d'inhibiteurs, notamment les carboxylates (comme l'heptanoate), les composés à base de chromate (bien que leur usage soit de plus en plus réglementé), les phosphates (comme le triphosphate d'aluminium - TPA), et la silice échangée au calcium, sont analysés. L'inhibition par passivation est également abordée.
1. Définition et Propriétés des Inhibiteurs de Corrosion
La section définit les inhibiteurs de corrosion selon deux normes : la norme ISO 8044 les décrit comme des substances chimiques ajoutées à un système de corrosion pour diminuer sa vitesse sans modifier significativement la concentration des agents corrosifs. La NACE les définit comme des substances retardant la corrosion lorsqu'ajoutées à faible concentration. Un inhibiteur efficace doit être actif à faible concentration, facile à mettre en œuvre, ne pas altérer les propriétés physiques de la solution, et être peu coûteux. Il existe différents types de classifications des inhibiteurs, notamment en fonction de leur nature (organique ou inorganique) et de leur mécanisme d'action. Le texte met en avant un troisième type de classement, basé sur le mécanisme réactionnel : les inhibiteurs agissant par adsorption. Ces inhibiteurs, principalement organiques, se fixent à la surface du métal, empêchant l'action du milieu agressif. La fixation se fait par les fonctions actives (parties polaires -COOH, -PO3H2, -SO3H) ou les doublets non-liants d'atomes (O, N, S). Une adsorption chimique est souvent plus efficace qu'une adsorption physique, la molécule inhibitrice agissant comme donneur d'électrons et le métal comme accepteur.
2. Mécanismes d Inhibition par Adsorption et Passivation
De nombreux travaux sur l'inhibition de la corrosion du fer par les carboxylates sont mentionnés. Kuznetsov et al. ont étudié l'inhibition par les anions d'acides gras, tandis que Mirambet et al., et Hollner et al. ont étudié la protection du fer par les carboxylates linéaires saturés. L'influence de la concentration et de la longueur des chaînes carbonées sur le comportement électrochimique du fer a été examinée. Les mécanismes proposés impliquent la formation d'une couche de précipité à base de carboxylate de fer (III). Rapin et al. suggèrent la formation d'une couche d'heptanoate de fer Fe(C7)3 et d'hydroxyde de fer Fe(OH)3. La structure de l'heptanoate de fer a été identifiée sur un monocristal. Les carbonates de calcium et de magnésium, peu solubles, forment une couche ralentissant la diffusion de l'oxygène. L'effet des cations Ca2+, Mg2+ et Na+ en présence de chlorures sur la corrosion du zinc a été étudié par Prosek et al., montrant un ralentissement dû à la formation de simonkolleite. L'inhibition par passivation est aussi traitée, avec la formation d'une couche passive à l'interface métal/peinture grâce à la diffusion d'espèces inhibitrices. Les pigments anticorrosion, notamment les chromates (de zinc, strontium, baryum) et les phosphates de zinc et/ou d'aluminium, sont mentionnés, ainsi que les mécanismes d'action des chromates qui impliquent une adsorption physique évoluant vers une chimisorption.
3. Inhibiteurs Spécifiques et leurs Mécanismes
L'hydrolyse du dihydrogénotriphosphate d'aluminium (TPA) produit des protons H+, pouvant contrer la production d'ions hydroxyles et prolonger la durée de vie des revêtements organiques. Chromy et Kaminska attribuent la protection contre la corrosion du fer aux ions triphosphate, suggérant la formation d'une couche insoluble de triphosphate ferrique. La silice échangée au calcium est présentée comme un inhibiteur fonctionnant par échange cationique : les ions Ca2+ échangent les ions agressifs (H+), formant une couche protectrice de CaCO3 ou Ca(OH)2. La présence d'une petite charge partielle attire la silice vers la surface métallique, formant un film de wollastonite (CaSiO3). L'étude mentionne également des travaux sur la montmorillonite dans des revêtements organiques, montrant des effets positifs sur la protection contre la corrosion. L'intercalation de la montmorillonite par des inhibiteurs de corrosion (acide 3-indole butyrique ou ATMP) améliore les performances anticorrosion. Enfin, l'utilisation d'hydroxydes doubles lamellaires intercalés avec des inhibiteurs anioniques minéraux et organiques est mentionnée.
III. Caractérisation des Argiles et Nanocomposites
Cette partie détaille la caractérisation des argiles beidellite et palygorskite marocaines. L'argile riche en beidellite (BDT) provient de Taghazoute (20 km au nord d'Agadir), tandis que l'argile riche en palygorskite (Pal) est extraite d'Asni (45 km au sud de Marrakech). Des techniques comme la diffraction des rayons X (DRX), la microscopie électronique à balayage (MEB) et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) sont utilisées pour analyser la microstructure, la structure cristalline et la composition chimique des argiles avant et après fonctionnalisation. La préparation de nanocomposites à base de beidellite modifiée par le chitosan et de palygorskite fonctionnalisée par l'APTES (3-aminopropyltriethoxysilane) est décrite.
1. Caractérisation de la Beidellite
L'étude porte sur la caractérisation d'une argile riche en beidellite, prélevée à Taghazoute (20 km au nord d'Agadir, Maroc), nommée BDT. La caractérisation comprend l'analyse par diffraction des rayons X (DRX) et la microscopie électronique à balayage (MEB). L'analyse DRX de l'argile brute révèle la présence de quartz et de calcite (environ 20%). Une réflexion à 6,67° (2θ), correspondant à une distance basale d001 d'environ 13,24 Å, est attribuée à la beidellite, indiquant que les espaces interfoliaires sont occupés par des cations compensateurs de charge (Ca2+, Mg2+, Na+, K+). Pour confirmer la présence de beidellite (smectite gonflante) et d'éventuelle kaolinite (minéral non-gonflant), des traitements spécifiques (saturation à l'éthylène glycol et chauffage à 550°C) ont été effectués. La réflexion basale (001) de la beidellite se déplace vers les petits angles après saturation à l'éthylène glycol (d001 ≈ 17 Å), confirmant son caractère gonflant. L'analyse MEB de la beidellite sodique (Na+-BDT) montre une microstructure pétaloïde caractéristique des smectites. Le spectre EDS révèle la présence de Si, Al, Mg et Fe (phyllosilicates). La disparition du pic de calcium et l'apparition d'un pic de sodium significatif confirment la saturation des espaces interfoliaires par les ions Na+.
2. Caractérisation du Nanocomposite C7 CTS BDT
La caractérisation structurale du nanocomposite C7-CTS-BDT (beidellite sodique modifiée par le chitosan et l'acide heptanoïque) est réalisée par DRX. Les réflexions de la kaolinite et du quartz, intenses dans l'échantillon Na+-BDT, sont très atténuées dans le nanocomposite. La réflexion (001) de la beidellite se déplace vers les petits angles (environ 3,72° 2θ, d ≈ 23,8 Å), suggérant une intercalation du chitosan. Une distance interréticulaire d'environ 3,7 Å indique une monocouche de chitosan compensant les charges négatives de la beidellite. Une disposition en bicouche est aussi envisagée, avec des ions heptanoate (C7-) compensant les charges des sites ammoniums excédentaires. Des dosages acido-basiques confirment l'intercalation du chitosan : la quantité de NaOH nécessaire pour neutraliser les sites –NH3+ est moindre dans le surnageant après intercalation. L'analyse MEB et EDS du nanocomposite montrent une microstructure pétaloïde fine, l'absence de pic de sodium et une augmentation significative du pic de carbone, confirmant l'échange des ions Na+ par le chitosan.
3. Caractérisation de la Palygorskite
La caractérisation de l'argile riche en palygorskite, prélevée à Asni (45 km au sud de Marrakech, Maroc), nommée Pal, est également menée. L'analyse MEB révèle une prédominance de particules fibreuses, confirmant le caractère fibreux des minéraux argileux. Dans l'argile brute, des cristaux rhomboédriques de carbonates sont observés, qui disparaissent après purification et homoionisation au sodium (Na+-Pal). Les fibres de palygorskite ont une longueur de 0,3 à 3 µm et un diamètre de 10 à 50 nm, avec des pores de 10 nm à 1 µm. L'analyse DRX de l'argile brute Pal montre des pics de calcite, d'ankérite et de quartz (environ 22% de carbonates selon la calcimétrie). Après purification (Na+-Pal), les pics de carbonates disparaissent, tandis que le pic de quartz persiste. L'analyse FTIR confirme l'élimination des carbonates et la réduction du quartz. Des bandes d'absorption caractéristiques de la palygorskite et de la sepiolite (minoritaire) sont identifiées. L'analyse thermogravimétrique (TG-DTG) montre l'absence de perte de masse liée à la décomposition des carbonates dans l'échantillon Na+-Pal, confirmant la purification.
4. Caractérisation du Nanocomposite APTES Pal
La fonctionnalisation de la palygorskite sodique (Na+-Pal) par l'APTES (3-aminopropyltriethoxysilane) est étudiée. L'analyse FTIR du nanocomposite APTES-Pal montre les mêmes bandes d'absorption que Na+-Pal, indiquant une non-altération de la structure de la palygorskite. Des bandes supplémentaires, caractéristiques de l'APTES, sont observées. La bande d'absorption à 3720 cm-1 (liaison Si-O-Si), habituellement observée lors du greffage d'alkoxysilanes, n'est pas clairement détectée, suggérant soit un écrantage par l'APTES adsorbée, soit un faible taux de greffage. Une partie de l'APTES pourrait être simplement adsorbée par interactions électrostatiques. Le comportement électrocinétique (potentiel zêta) de l'APTES-Pal est analysé en fonction du pH, montrant trois zones liées à la protonation/déprotonation des groupements amine et silanol. La cinétique d'adsorption de l'acide heptanoïque sur Na+-Pal et APTES-Pal est étudiée, montrant un taux de fixation supérieur pour APTES-Pal (75% vs 49%), attribuable à une augmentation des sites d'adsorption grâce au greffage de l'APTES.
IV. Performances Anticorrosion des Nanocomposites
Les performances anticorrosion des nanocomposites développés sont évaluées. L'étude porte sur l'application de revêtements contenant ces matériaux sur des substrats métalliques (acier électrogalvanisé, zinc). Des techniques électrochimiques, telles que les courbes de polarisation et l'impédance électrochimique, sont utilisées pour quantifier l'efficacité de l'inhibition de la corrosion. L'effet barrière des argiles et la libération des inhibiteurs de corrosion (ions heptanoate ou calcium) sont analysés. Les résultats montrent une amélioration significative de la résistance à la corrosion grâce aux nanocomposites, notamment le C7-CTS-BDT et le RO-C7-APTES-Pal.
1. Evaluation des Performances Anticorrosion
Cette section évalue les performances anticorrosion de nanocomposites à base d'argiles dans des revêtements. L'étude utilise des revêtements polymériques à base de résines alkydes (phase aqueuse et organique) contenant les nanocomposites développés précédemment. Les nanocomposites sont dispersés mécaniquement dans la résine. Les revêtements, appliqués sur des substrats métalliques (épaisseur environ 100 µm), sont caractérisés par des techniques électrochimiques. L'impédance électrochimique, en particulier la représentation de Bode (module et phase), est utilisée pour analyser le comportement des revêtements en fonction du temps d'immersion dans une solution de NaCl à 3%. La résistance au transfert de charge (Rtc) et la capacité de la double couche (Qtc) sont des paramètres clés pour évaluer l'efficacité de la protection anticorrosion. L'évolution de ces paramètres en fonction du temps d'immersion permet de comprendre le mécanisme de protection et la perméabilité du revêtement à l'eau et aux ions.
2. Résultats et Interprétation pour le Nanocomposite C7 CTS BDT
Concernant le nanocomposite C7-CTS-BDT, l'analyse par DRX après immersion dans une solution de NaCl révèle la présence d'hydroxyheptanoate de zinc (Zn5(C7)2(OH)8.2H2O), confirmé par MEB. Ceci suggère la formation d'une couche protectrice à la surface du zinc. L'impédance électrochimique montre que, au début de l'immersion, le revêtement RO contenant le C7-CTS-BDT présente une impédance beaucoup plus élevée qu'un revêtement RO pur, indiquant une meilleure protection. L'augmentation de la résistance au transfert de charge (Rtc) avec le temps d'immersion pour les échantillons RO-C7-CTS-BDT et RO-Ca2+-BDT est interprétée comme une libération progressive des inhibiteurs de corrosion (ions heptanoate ou calcium) et la formation de couches protectrices sous forme de précipités. À l'inverse, la Rtc de l'échantillon RO pur diminue avec le temps, suggérant une pénétration accrue d'eau, d'ions chlorures et d'oxygène, augmentant la vitesse de corrosion. La capacité de la double couche (Qtc) décroît rapidement pour les revêtements chargés puis se stabilise, indiquant une surface de corrosion plus petite pour RO-C7-CTS-BDT.
3. Résultats et Interprétation pour d autres Nanocomposites et Comparaison
Pour l'échantillon RO-TPA, la résistance au transfert de charge (Rtc) reste stable dans le temps. La fraction volumique d'eau adsorbée (Xv) augmente avec le temps d'immersion, étant plus faible pour RO-TPA (7%) et plus importante pour RO-C7-APTES-Pal (26%). Ce dernier résultat est attribué à la capacité de la palygorskite à adsorber facilement l'eau. La vitesse de pénétration de l'eau et des ions est plus lente dans les composites résine/inhibiteur comparativement au revêtement pur. Une diminution de résistance du revêtement est souvent corrélée à la pénétration de l'eau et à l'apparition de la corrosion. La chute brutale de résistance est liée à la délamination et à la corrosion. En résumé, les résultats montrent que l'incorporation des nanocomposites dans les revêtements améliore significativement la résistance à la corrosion par rapport aux revêtements purs, en agissant à la fois comme barrière physique et comme réservoir d'inhibiteurs.