Déclaration et Organisation de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marrakech

Déclaration et Organisation de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marrakech

Informations sur le document

École

Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marrakech

Spécialité Médecine
Lieu Marrakech
Type de document Document institutionnel
Langue French
Format | PDF
Taille 3.89 MB
  • Médecine
  • Serment d'Hippocrate
  • Université Cadi Ayyad

Résumé

I.Cadre d étude et Méthodologie Mortalité Infanto Juvénile dans la Vallée d Imnane

Cette étude examine la mortalité infanto-juvénile dans la vallée d'Imnane, commune d'Asni (Marrakech, Maroc), une région caractérisée par une forte précarité socio-économique et un accès limité aux soins de santé. La population, principalement Amazigh de la tribu Rheraya (environ 2500 habitants répartis dans dix villages), vit majoritairement d'activités agropastorales et de plus en plus du tourisme lié à la proximité de la station de ski d'Oukaïmeden. L'étude utilise l'autopsie verbale comme méthode principale pour déterminer les causes de décès, compte tenu de l'absence d'infrastructures médicales adéquates et de données fiables sur la mortalité par causes dans cette région isolée. La technique, bien que présentant une sensibilité et une spécificité variables selon les maladies (supérieure à 75% pour le tétanos néonatal, la rougeole, et la malnutrition, moins pour les maladies diarrhéiques), permet d'obtenir des causes probables de décès.

1. Région d étude Vallée d Imnane

L'étude se concentre sur la vallée d'Imnane, située dans la commune d'Asni, province d'Al Haouz, région de Marrakech au Maroc. Cette vallée, d'environ 15 km de long, est caractérisée par une population majoritairement amazighe de la tribu Rheraya, estimée à 2500 habitants répartis dans une dizaine de villages. L'altitude varie de 1200 mètres à Asni à 2400 mètres à Tacheddirt, le village le plus élevé du Maroc, proche de la station de ski d'Oukaïmeden. Le climat est humide, avec des chutes de neige importantes en hiver, affectant parfois les cultures. L'accès à la vallée est limité à une seule piste, principalement sur le flanc nord, alors que la majorité des villages se situent au sud. Cette situation géographique isolée contribue à la difficulté d'accès aux soins de santé.

2. Conditions Socio économiques et d Accès aux Soins

La population de la vallée d'Imnane est confrontée à une grande précarité socio-économique, impactant directement l'accès aux soins de santé. Les infrastructures médicales sont quasi-inexistantes en dehors du village d'Asni, dont l'hôpital reste difficile d'accès pour les populations les plus reculées. Un seul dispensaire, situé dans la vallée voisine d'Imlil, est géré par un infirmier d'État et propose des soins de base. L'économie repose principalement sur les activités agropastorales (élevage d'ovins, caprins et bovins, cultures fruitières), complétée plus récemment par le tourisme, notamment grâce à la proximité d'Oukaïmeden. Cependant, le développement touristique reste inégalitaire, bénéficiant principalement à certains individus, tandis que la précarité persiste pour une grande partie de la population. La migration saisonnière vers les villes constitue une source complémentaire de revenu, mais ne résout pas les problèmes structurels d'accès aux soins dans la vallée.

3. Méthodologie L Autopsie Verbale

En raison du manque d'infrastructures médicales et de données fiables sur les causes de décès dans la vallée d'Imnane, l'étude utilise l'autopsie verbale comme principal outil méthodologique. Cette technique épidémiologique consiste à interroger les familles endeuillées sur les circonstances du décès de leurs enfants, souvent décédés hors de tout suivi médical. L'information recueillie porte sur l'histoire de la maladie, les signes et symptômes observés, afin de déterminer la cause probable du décès. Le questionnaire utilisé est inspiré de celui développé au Sénégal et adapté au contexte marocain. Des tests préalables ont montré que les entrevues durent entre 45 et 60 minutes, sans résistance particulière des familles, notamment grâce à la présence d'une enquêtrice féminine. Cependant, l'autopsie verbale présente des limites: elle ne fournit que des causes probables de décès, avec une sensibilité et une spécificité variables selon les maladies. Des études ont démontré une bonne performance pour certaines pathologies (tétanos néonatal, rougeole, malnutrition), mais des résultats moins précis pour d'autres (maladies diarrhéiques, infections respiratoires aigües).

II.Résultats de l étude sur la Mortalité Infanto Juvénile

Les résultats révèlent des taux de mortalité infanto-juvénile significativement plus élevés que la moyenne nationale marocaine. On observe une forte prédominance de la mortalité néonatale, souvent due à la souffrance néonatale, aux infections néonatales et à la prématurité. En période post-néonatale et juvénile, les principales causes de décès sont les maladies diarrhéiques, les infections respiratoires aigües, et la malnutrition. Le taux de recours aux soins médicaux est faible (32.4%), avec un recours important aux pratiques traditionnelles (50%). Un rapport de sexe de 1.12 indique une prédominance masculine. Des comparaisons sont effectuées avec les données nationales (ECCD II 1998) et internationales, soulignant la nécessité d'interventions pour améliorer les chances de survie des nourrissons, notamment en renforçant l'accès aux soins et les pratiques de vaccination. Le taux de mortalité infantile est estimé à 180‰, celui de la mortalité juvénile à 64‰.

1. Taux de Mortalité Infanto Juvénile et Comparaison avec les Données Nationales

L'étude révèle des taux de mortalité infanto-juvénile significativement plus élevés dans la vallée d'Imnane que les moyennes nationales marocaines. Le taux de mortalité infantile est estimé à 180‰, et le taux de mortalité juvénile à 64‰, soit un tiers de la mortalité des moins de cinq ans. Ces chiffres contrastent fortement avec les données de l'enquête sur la population et la santé familiale (EPSF) qui, pour la même période, évaluent le risque de mortalité infantile à 40 décès pour 1000 naissances vivantes (soit 1/6 du taux observé dans la région). Une comparaison avec une enquête sur la mortalité infantile dans les hôpitaux de Marrakech et sa région (1997-2001) montre des fréquences comparables pour les composantes de la mortalité infanto-juvénile, avec une prédominance de la mortalité néonatale (plus d'un tiers survenant en période néonatale précoce), une mortalité post-néonatale de 8,5‰ et une mortalité juvénile de 3,03‰. Ces écarts importants soulignent la nécessité d'une analyse approfondie des facteurs contribuant à cette surmortalité.

2. Causes de Décès Période Néonatale et Période Infanto Juvénile

L'analyse des causes de décès met en évidence des différences selon les périodes de vie. En période néonatale, les trois principales causes de décès sont la souffrance néonatale, les infections néonatales et la prématurité. Durant la période infanto-juvénile (post-néonatale et juvénile), la mortalité est dominée par les maladies infectieuses, notamment les maladies diarrhéiques (78,5% en post-natal et 61% en juvénile dans la région étudiée, soit des chiffres deux fois supérieurs à ceux de Marrakech et sa région), les infections respiratoires aigües, et la malnutrition (2,4% des cas en période juvénile). Ces résultats sont comparés aux données nationales (ECCD II 1998) qui indiquent une prédominance de la souffrance néonatale (56,7%) et une place importante des maladies diarrhéiques comme deuxième cause de mortalité infantile. L'étude note une relative stagnation de la mortalité, suggérant une prise en charge insuffisante de ces pathologies.

3. Autres Observations Sexe Recours aux Soins et Pratiques Traditionnelles

L'étude observe une prédominance masculine dans la mortalité infanto-juvénile, avec un sex-ratio de 1,12. Ceci est cohérent avec des observations à Marrakech (48‰ chez les garçons contre 47‰ chez les filles en 2000) et en Algérie. Cependant, des données contradictoires existent, notamment une étude en Inde montrant une surmortalité féminine. Concernant le recours aux soins, seulement 32,4% des cas ont eu recours aux soins médicaux, tandis que la moitié des cas ont fait appel à des pratiques traditionnelles (Ferraga et Fkih). Les mères ont attribué une cause médicale au décès de leur enfant dans 44,7% des cas. L’étude souligne l’insuffisance de la couverture vaccinale dans la région étudiée (30,6% des décès vaccinés pour l'âge, 30,6% décédés avant l'âge de vaccination, 9,3% vaccination incomplète, 29,6% aucun vaccin) par rapport aux données nationales et internationales. Des comparaisons avec les données d’Algérie, de France (enquête nationale périnatale 1995), de Guadeloupe et de la Réunion mettent en lumière les disparités en matière d’accès aux soins et de suivi prénatal.

III.Facteurs déterminants de la Mortalité Infanto Juvénile

L'analyse des déterminants de la mortalité infanto-juvénile met en évidence l'importance des facteurs socio-économiques (pauvreté, accès limité aux soins, niveau d'instruction des parents, catégorie socioprofessionnelle), géographiques (isolement de la vallée d'Imnane), et culturels (recours aux pratiques traditionnelles). Des corrélations significatives existent entre la mortalité infantile, la fécondité, et le niveau d'instruction des mères. L'étude souligne également le rôle de la prématurité, du faible poids de naissance, et de l'insuffisance des soins prénataux. L'absence de consultation prénatale est un facteur clé, avec un taux d'absence de suivi de grossesse significativement plus élevé que la moyenne nationale ou même régionale (comparé aux données de la péninsule arabe, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord).

1. Facteurs Socio économiques et Accès aux Soins

L'analyse des déterminants de la mortalité infanto-juvénile met en lumière l'impact majeur des facteurs socio-économiques. La pauvreté, l'éloignement des structures sanitaires, et les défaillances du système de santé contribuent à une prise en charge inadéquate. L'accès limité à la vallée d'Imnane par une seule piste rend l'hôpital d'Asni souvent inaccessible aux populations les plus reculées. Le manque d'infrastructures médicales appropriées, seul un dispensaire dans une vallée voisine propose des soins de base, aggrave la situation. Le faible niveau d'instruction des parents, notamment des mères, joue un rôle significatif car il influence le recours aux soins et la compréhension des symptômes. L'enquête EPSF 2003-2004 a montré que, même au niveau national, pour 69% des naissances, la mère a consulté un professionnel de santé, ce qui souligne le manque d'accès dans la région étudiée. De plus, l'absence de consultation prénatale, la catégorie socioprofessionnelle des parents, et la disponibilité de ressources financières influent également sur la survie des enfants. Les mères non instruites sont souvent influencées par leur entourage pour la prise de décision concernant les soins à apporter à leur enfant, contrairement aux mères instruites dont les avis sont plus souvent suivis.

2. Facteurs liés à la Grossesse et à la Naissance

Plusieurs facteurs liés à la grossesse et à la naissance augmentent le risque de mortalité infanto-juvénile. La maternité précoce, la primiparité, l'irrégularité ou l'absence de consultations prénatales, et le manque de moyens de transport adaptés pour les femmes enceintes et les nouveau-nés vers les centres médicaux constituent des facteurs de risques importants. L'insuffisance du suivi périnatal est soulignée par le fait qu'en moyenne, au niveau du monde arabe, 16% des mères accouchent sans aucun suivi de grossesse et le Maroc affiche un retard notable par rapport à d'autres pays dans ce domaine. Le faible poids de naissance, indicateur socio-sanitaire important, est également un facteur déterminant de la survie du nouveau-né. Les enfants de faible poids de naissance (moins de 2500g), et surtout ceux de très faible poids (moins de 1500g), sont particulièrement vulnérables. Le risque de prématurité est accentué par les grossesses multiples, étant huit fois plus élevé pour les jumeaux. L'insuffisance de la surveillance médicale de la grossesse et les conditions socio-économiques défavorables contribuent également à ces problèmes.

3. Facteurs liés à l Environnement et aux Pratiques Culturelles

L'environnement physique et les pratiques culturelles influencent la mortalité infanto-juvénile. La vallée d'Imnane, avec son climat rigoureux et son isolement géographique, expose les enfants à des conditions de vie plus difficiles. La transhumance saisonnière, pratique traditionnelle liée à l'élevage, peut également impacter la santé des enfants. Les croyances étiologiques influencent le recours aux soins, avec une part importante des pratiques traditionnelles aux côtés des soins médicaux. L'étude mentionne le recours à des guérisseurs traditionnels pour des maladies considérées comme dues à la sorcellerie ou à des empoisonnements. Une étude sur la population du Haut Atlas marocain a mis en évidence une corrélation entre la mortalité et la fécondité, expliquée par la réduction de la durée de la lactation avec une mortalité infantile élevée, et un espacement court des naissances avec une fécondité élevée. L'étude de Balchim et al. (55) souligne également l'impact de la race sur la mortalité périnatale, avec un risque plus élevé chez les nouveau-nés de mères noires en raison de la fréquence de la prématurité et des infections néonatales.

IV.Stratégies de prévention et d amélioration des soins

L'étude conclut sur la nécessité de mettre en œuvre des stratégies d'amélioration de la santé maternelle et infantile, notamment à travers l'amélioration de l'accès aux soins, le renforcement de la couverture vaccinale, la promotion des pratiques d'hygiène et de nutrition, et la mise en place de programmes de sensibilisation sur les soins prénataux et postnatals. La stratégie de prise en charge intégrée des maladies de l'enfant (PCIME) est recommandée, compte tenu des taux de mortalité infanto-juvénile supérieurs à 40‰ dans la région. L'amélioration du niveau d'instruction des mères est aussi un facteur clé pour favoriser le recours aux soins médicaux et réduire la mortalité infantile.

1. Amélioration de l Accès aux Soins et de la Couverture Vaccinale

Face aux taux élevés de mortalité infanto-juvénile, l'amélioration de l'accès aux soins de santé est primordiale. L'étude souligne la nécessité d'améliorer les infrastructures médicales dans la région, en particulier dans les zones rurales, et de faciliter l'accès à l'hôpital d'Asni pour les populations les plus éloignées. Le faible taux de recours aux soins médicaux (32.4%), combiné à un recours important aux pratiques traditionnelles, met en lumière un besoin urgent d'intervention. Une meilleure couverture vaccinale est également essentielle. L'étude révèle une insuffisance importante de la vaccination dans la région, contrastant avec les données nationales et internationales. Seuls 30.6% des décès concernaient des enfants vaccinés pour leur âge, tandis que 29.6% n'avaient reçu aucun vaccin. Des campagnes de vaccination ciblées, couplées à des actions de sensibilisation sur l'importance de la vaccination, sont nécessaires pour améliorer la couverture vaccinale. L'amélioration de l'accès aux soins prénataux est également cruciale pour réduire le risque de mortalité néonatale. L’étude note le manque de suivi prénatal significatif dans la région étudiée, par comparaison aux données nationales et internationales.

2. Prise en Charge Intégrée des Maladies de l Enfant PCIME

La stratégie de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l'Enfant (PCIME) est proposée comme une approche efficace pour réduire la mortalité infanto-juvénile, notamment dans les régions où ce taux reste supérieur à 40‰, comme c'est le cas dans la région étudiée. Cette stratégie, qui considère l'enfant comme un tout et non une simple juxtaposition d'organes, permet aux agents de santé de prendre des décisions thérapeutiques rapides et adaptées, en évaluant la gravité de la déshydratation et la présence de sang dans les selles, par exemple dans le cas de maladies diarrhéiques. L'adoption de la PCIME permettrait d'améliorer la qualité de la prise en charge des enfants, particulièrement en milieu rural où le recours aux soins est faible. La prévention et la prise en charge des maladies diarrhéiques, principales causes de décès dans la période post-néonatale et juvénile, nécessitent une attention particulière. L'étude met en lumière une qualité de prise en charge insuffisante des infections respiratoires aigües, avec seulement 35% des enfants ayant présenté des symptômes conduits auprès d'un professionnel de santé. La généralisation de la stratégie PCIME, notamment en milieu rural, est donc essentielle pour améliorer la situation.

3. Amélioration des Conditions Socio économiques et de l Education

L'amélioration des conditions socio-économiques est un facteur clé pour réduire la mortalité infanto-juvénile. La malnutrition, qui occupe une place importante parmi les causes de décès, nécessite des interventions ciblées pour améliorer la nutrition des enfants. L'éducation des mères est également essentielle, car elle influence leur capacité à reconnaître les symptômes des maladies, à accéder aux services de santé, et à communiquer efficacement avec les professionnels. Les mères instruites sont plus susceptibles de conduire leurs enfants dans les centres de soins. L'étude souligne l'impact du niveau d'instruction, du cadre de vie du ménage et de la catégorie socioprofessionnelle des parents sur la survie des enfants. Une amélioration de l'accès à une alimentation adéquate et à des soins de santé de qualité, combinée à une meilleure éducation, permettra d'améliorer les chances de survie des enfants. La lutte contre la malnutrition et l'amélioration des conditions d'hygiène individuelle et collective sont donc cruciales pour réduire la prévalence des maladies infectieuses.