
Liste des Professeurs de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marrakech
Informations sur le document
École | Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marrakech |
Spécialité | Médecine et Pharmacie |
Lieu | Marrakech |
Type de document | Liste de personnel |
Langue | French |
Format | |
Taille | 1.67 MB |
- Médecine
- Université
- Professeurs
Résumé
I.La Maladie Cœliaque MC Définition et Physiopathologie
La maladie cœliaque, aussi appelée entéropathie au gluten, sprue cœliaque ou sprue non tropicale, est une hypersensibilité digestive au gluten chez des individus génétiquement prédisposés. Cette hypersensibilité provoque une atrophie villositaire de la muqueuse intestinale, guérissant après l'exclusion du gluten de l'alimentation (régime sans gluten ou RSG) et réapparaissant lors de sa réintroduction. La gliadine, fraction du gluten, est le principal agent toxique. Des anomalies immunitaires, notamment la présence d'anticorps anti-endomysium (AEM) et anti-transglutaminase tissulaire (tTG), jouent un rôle crucial dans la physiopathologie de la MC, impliquant des lymphocytes T CD4+ spécifiques du gluten et des haplotypes HLA DQ2/DQ8.
1. Définition de la Maladie Cœliaque
La maladie cœliaque (MC) est une affection digestive caractérisée par une hypersensibilité au gluten, une protéine présente dans le blé, le seigle, l'orge et l'avoine. Elle est également nommée entéropathie au gluten, sprue cœliaque ou sprue non tropicale. Cette hypersensibilité est liée à une anomalie de l'immunité cellulaire chez des sujets génétiquement prédisposés. La réaction au gluten se traduit par une atrophie villositaire totale ou subtotale de la muqueuse intestinale. L'atrophie villositaire est la lésion caractéristique de la maladie et guérit avec l'exclusion du gluten de l'alimentation (régime sans gluten, RSG) pour réapparaître en cas de réintroduction du gluten (épreuve de rechute). Cette réaction permanente permet de différencier la maladie cœliaque d'autres intolérances alimentaires transitoires. L'étude inclut des enfants âgés de 0 à 18 ans, diagnostiqués ou suivis au CHU de Marrakech, avec lésions muqueuses prouvées par biopsie de l'intestin grêle. Des difficultés de collecte de données ont été rencontrées chez 42 enfants sur 87, principalement concernant l'enquête alimentaire et certains examens biologiques.
2. Historique et Identification du Gluten comme Agent Toxique
L'association entre la consommation de pain et de céréales et des diarrhées récurrentes a été remarquée par le pédiatre hollandais Willem K. Dicke. Cette observation a été confirmée pendant la Seconde Guerre mondiale lorsque la restriction alimentaire a entraîné une amélioration des symptômes des patients. Le remplacement du pain par des aliments non dérivés de céréales a mis en évidence l'effet bénéfique de régimes empiriques à base de fruits, de pommes de terre, de bananes, de lait et de viandes. Des expériences contrôlées menées par Dicke et Van de Kamer sur des enfants atteints d'entéropathie au gluten ont démontré que le blé, le seigle, l'orge et l'avoine induisaient un syndrome de malabsorption, réversible par l'exclusion de ces céréales. Le gluten, la fraction soluble de la portion protéique du blé, a ensuite été identifié comme l'agent toxique commun responsable de ce syndrome.
3. La Gliadine et les Mécanismes Physiopathologiques
La gliadine, fraction alcoolosoluble du gluten riche en glutamine, est un polypeptide qui peut être fractionné en sous-groupes α, β, ω et γ. Les peptides de ces quatre sous-groupes sont toxiques et induisent des lésions intestinales chez les malades atteints de maladie cœliaque, même en rémission. Un mécanisme possible est une carence en peptidase muqueuse spécifique, empêchant l'hydrolyse du gluten en peptides plus petits. L'accumulation de peptides toxiques dans la muqueuse intestinale entraînerait une stéatorrhée et des anomalies histologiques. L'instillation de gluten dans l'iléon provoque des modifications histologiques rapides, suggérant un effet local plutôt que systémique. D'autres études indiquent que la gliadine, notamment la fraction A-gliadine et la fraction 9, est toxique sur les cellules de la muqueuse intestinale, affectant leur activité. Malgré des recherches approfondies, aucune déficience spécifique d'enzymes n'a pu être démontrée de façon concluante.
4. Rôle de l Inflammation et du Système Immunitaire
Les lésions intestinales sont liées à une infiltration inflammatoire du chorion, composée de plasmocytes, d'éosinophiles, de macrophages et de lymphocytes T CD4+ activés (CD25+). Une infiltration lymphocytaire T massive de l'épithélium est quasi-pathogonomonique de la maladie cœliaque. Cette infiltration diminue après l'exclusion du gluten mais peut être réinduite par les peptides toxiques. L'activation du système immunitaire est observée dans le chorion (augmentation du mRNA pour IL6, TNF-alpha, interféron gamma, IL2, expression de V-CAM et E-sélectine). La phase active de la maladie est associée à la production d'anticorps anti-gliadine et d'auto-anticorps anti-endomysium. La cible de ces auto-anticorps est la transglutaminase, une enzyme catalysant la liaison covalente de protéines. Il a été suggéré que la liaison de la transglutaminase à la gliadine forme des néo-antigènes reconnus par le système immunitaire, menant à la production d'auto-anticorps contre la transglutaminase.
5. Rôle des peptides de la Gliadine et des Haplotypes HLA
Des études ont montré que des peptides déamidés de la γ-gliadine (région 134-153) et de la A-gliadine (résidu 198-232) stimulent les clones T intestinaux DQ2 ou DQ8 restreints. Les peptides natifs non déamidés n'ont pas d'effet stimulant. La déamidation, catalysée par la transglutaminase, est donc nécessaire pour la présentation des peptides aux LT CD4+. Des résultats similaires ont été obtenus pour le peptide 198-232 de la A-gliadine présenté par la molécule DQ8. Ces données expliquent l'association de la MC aux haplotypes DQ2/8, le rôle de la transglutaminase comme auto-antigène, et le rôle central des LT CD4+ spécifiques de la gliadine dans l'initiation des lésions inflammatoires. L'interféron gamma, sécrété par les lymphocytes T DQ restreints spécifiques de la gliadine, joue un rôle effecteur clé dans la pathogénie de l'atrophie villositaire. L'interféron gamma a un effet délétère sur la muqueuse intestinale, induisant l'expression de FAS et du récepteur p55 du TNF, favorisant la lyse des entérocytes et l'activation des macrophages.
II.Manifestations Cliniques de la Maladie Cœliaque chez l Enfant
Chez les enfants, la maladie cœliaque se manifeste souvent par une diarrhée chronique, des signes de malnutrition, et un retard de croissance. Les symptômes digestifs sont plus prononcés avant l'âge de deux ans, tandis que des signes extra-digestifs, comme le retard staturo-pondéral, deviennent plus fréquents par la suite. Une anémie microcytaire ferriprive est fréquente. Des formes atypiques avec constipation ou obésité existent aussi. Des associations avec d'autres maladies auto-immunes (comme le diabète de type 1) peuvent survenir, bien que rares dans cette étude.
III.Diagnostic et Suivi de la Maladie Cœliaque
Le diagnostic repose sur la biopsie intestinale montrant une atrophie villositaire. Les tests sérologiques (dosage des AEM et tTG) peuvent être utilisés comme outils de dépistage, mais la biopsie reste essentielle pour confirmation. L'épreuve de rechute, consistant à réintroduire le gluten après une période de RSG, permet de confirmer la sensibilité au gluten, bien que moins pratiquée avec l’amélioration des tests sérologiques. Dans l'étude rétrospective de deux ans (Janvier 2005 - Juin 2007) menée au CHU Mohamed VI de Marrakech, 87 enfants ont été diagnostiqués, avec un âge moyen au diagnostic de 6,58 ans, une prédominance féminine (58,62%), et un retard diagnostique moyen de 5 ans. L'atrophie villositaire totale était la lésion histologique prédominante.
1. Biopsie Intestinale et Atrophie Villositaire
Le diagnostic de la maladie cœliaque repose principalement sur la détection d'une atrophie villositaire par biopsie intestinale. Cette biopsie, prélevée au niveau de la muqueuse duodénale (D3-D4) ou jéjunale (angle de Treitz, J1), permet de visualiser les lésions caractéristiques de la maladie. Dans l'étude menée au CHU de Marrakech, le diagnostic était basé sur la présence d'atrophie villositaire, avec une prédominance d'atrophie totale et partielle par rapport à l'atrophie subtotale classiquement décrite. Des biopsies multiples étagées sont exceptionnellement réalisées chez l'enfant en raison de contraintes techniques. L'homogénéité des lésions d'atrophie villositaire à un stade donné de la maladie facilite le diagnostic à partir d'un échantillon réduit. L'association d'une atrophie villositaire et d'un infiltrat lymphocytaire dans la muqueuse de l'intestin grêle n'est pas spécifique à la maladie cœliaque, nécessitant des diagnostics différentiels avec d'autres pathologies.
2. Tests Sérologiques et Diagnostic de la Maladie Cœliaque
Des tests sérologiques, mesurant la présence d'anticorps spécifiques tels que les anticorps anti-endomysium (AEM) et les anticorps anti-transglutaminase tissulaire (tTG), sont de plus en plus utilisés pour le dépistage et le suivi de la maladie cœliaque. Certains soutiennent que la sensibilité et la spécificité élevées de ces tests (approchant les 100% selon certaines études) permettent de confirmer le diagnostic sans recourir à la biopsie intestinale, réservée aux cas avec des anticorps négatifs ou un déficit en IgA. Cependant, une polémique persiste sur la possibilité de remplacer complètement la biopsie intestinale par les tests sérologiques. Dans l'étude de Marrakech, le dosage des anticorps n'a été réalisé que chez 3 patients, tous positifs, en raison de contraintes de ressources. Cette étude met en évidence l'importance du diagnostic histologique par biopsie, malgré les progrès des tests sérologiques.
3. L Épreuve de Rechute et le Suivi à Long Terme
L'épreuve de rechute, consistant à réintroduire le gluten après au moins deux ans de régime sans gluten, sert à confirmer la toxicité permanente du gluten et à différencier la maladie cœliaque d'autres intolérances alimentaires. Cette épreuve, autrefois essentielle au diagnostic, est de moins en moins utilisée en raison de son caractère invasif (nécessité de plusieurs biopsies) et du temps requis avant l'apparition de lésions histologiques. Dans l'étude marocaine, seulement 15% des patients ont subi l'épreuve de rechute en raison de la courte durée de l'étude (2 ans) et du retard staturo-pondéral important nécessitant au moins 3 années de RSG avant la réintroduction du gluten. La non-réalisation de l'épreuve de rechute est donc expliquée par la durée de l'étude et la nécessité d'un suivi à long terme pour évaluer l'impact de la réintroduction du gluten. Le suivi à long terme est crucial pour surveiller la compliance au régime sans gluten et prévenir les complications.
4. Diagnostics Différentiels et Correspondance Anatomo clinique
L'atrophie villositaire et l'infiltrat lymphocytaire ne sont pas spécifiques à la maladie cœliaque. Plusieurs autres maladies peuvent présenter un aspect anatomopathologique similaire, notamment les lymphomes T, les infestations à Giardia lamblia, la sprue tropicale, les gastroentérites aiguës, les intolérances aux disaccharides ou aux protéines du lait, l'hypogammaglobulinémie, le SIDA, la malnutrition et les allergies alimentaires. Le diagnostic différentiel repose sur le contexte clinique, la négativité des anticorps anti-endomysium et l'absence de réponse au régime sans gluten. En cas de doute, les critères de l'ESPGHAN (impliquant potentiellement trois biopsies) peuvent être appliqués. Il semble exister une corrélation entre la sévérité des atteintes muqueuses et la forme clinique de la maladie (forme précoce et bruyante), mais aucune corrélation nette entre la sévérité de l'atteinte muqueuse et le retard de croissance. Cette étude, réalisée au CHU de Marrakech, a mis en évidence un retard diagnostique moyen de 5 ans, soulignant l'importance d'un diagnostic précoce.
IV.Complications et Pronostic de la Maladie Cœliaque
Un régime sans gluten à vie est essentiel pour prévenir les complications à long terme de la maladie cœliaque, qui incluent un risque accru de cancers (lymphomes, adénocarcinomes), d'ostéoporose, d'anémie et de retard de croissance. L'adhérence au RSG est variable (32% à 95% selon les études), les difficultés étant liées à des facteurs socio-économiques, à l'âge de l'adolescence et à la disponibilité des aliments sans gluten. Une surveillance régulière est nécessaire pour détecter et gérer d'éventuelles carences nutritionnelles.