
Pédagogie Somatopsychique et Enseignement de la Masso-Kinésithérapie
Informations sur le document
Langue | French |
Format | |
Taille | 2.69 MB |
- Pédagogie
- Masso-kinésithérapie
- Sciences de l'Éducation
Résumé
I.La Somatopsychopédagogie en Massokinésithérapie Une Approche novatrice
Cette recherche explore l'intégration de la somatopsychopédagogie dans la formation initiale en massokinésithérapie. Elle souligne le décalage entre la vision mécaniste du corps humain, dominante dans les programmes actuels, et une approche plus holistique, intégrant les dimensions physique, psychique et émotionnelle (corps vécu, schéma corporel). L'objectif est d'éduquer les futurs kinésithérapeutes à une meilleure prise de conscience corporelle, les habilitant à accompagner leurs patients vers une meilleure autonomie et une compréhension globale de leur santé, dans le cadre d'un modèle biopsychosocial.
1. L approche somatopsychique en massokinésithérapie un domaine récent
La recherche sur les processus somatopsychiques est relativement nouvelle, initialement développée de manière empirique par des praticiens, souvent des thérapeutes, cherchant à mesurer l'impact d'une pédagogie somatopsychique sur diverses pathologies. L'application de la conceptualisation somatopsychique dans le domaine pédagogique est encore plus récente. Des travaux du Centre d'Étude et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie Perceptive (CERAP) de l'Université Fernando Pessoa (Portugal) ont été fondamentaux. Les travaux de Dagot (2007) sur des étudiants en ingénierie et sciences de l'éducation, et ceux de Didot-Rigaux (2013) sur des aides à domicile en formation initiale, ont permis d'objectiver les modifications de perception des étudiants et leur impact sur leurs représentations professionnelles. Ces études mettent en lumière la nécessité de dépasser une vision mécaniciste du corps humain pour adopter une approche phénoménologique qui prend en compte la subjectivité. L’objectif principal est d'intégrer cette approche plus holistique et moins cartésienne dans le contexte de la formation des kinésithérapeutes. La recherche s’appuie sur le concept de somatopsychopédagogie pour appréhender la complexité de la relation corps-esprit.
2. Le modèle biomédical versus le modèle biopsychosocial
Le texte souligne la différence entre le modèle biomédical, centré sur la maladie et une approche curative, et le modèle biopsychosocial, plus global, intégrant des facteurs organiques, psychologiques et sociaux. Ce dernier modèle est crucial pour l'autonomisation du patient, qui devient un acteur de sa propre santé (actient) plutôt qu'un patient passif. La capacité du thérapeute, et donc de l’étudiant en formation, à connaître son propre corps, aussi bien intérieurement qu’extérieurement, est essentielle. L'acquisition de repères corporels permet au kinésithérapeute d'adopter une posture d'éducateur de santé, accompagnant le patient dans son processus de guérison. La définition du "soma" par T. Hanna (1989) est introduite : une perception vivante, individualisée et intériorisée de soi-même. Le travail de J. Billon (2000) est mentionné en ce qui concerne la distinction entre les deux modèles de santé. Dans le modèle biomédical, la santé est définie comme l'absence de maladie, tandis que le modèle biopsychosocial considère la santé comme un état de bien-être physique, mental et social.
3. Formation en massokinésithérapie un manque d éducation somatique en formation initiale
L'enseignement actuel de la massokinésithérapie, réglementé par un décret de 1989, met l'accent sur l'anatomie, la physiologie et les techniques de rééducation (massage, mobilisation passive, manutention). Cependant, les aspects psychosociaux sont négligés, représentant moins de 1% du cursus. Cette approche mécaniste du corps humain limite la capacité des étudiants à appréhender la complexité de la relation corps-esprit. L'habilitation à pratiquer la relaxation neuromusculaire, pourtant prévue par le décret de 1996, n'est pas suffisamment intégrée au programme. La question de l'intégration de la pédagogie somatopsychique en formation initiale est posée, soulignant le manque d'enseignement sur la conscience corporelle, un élément essentiel pour devenir un professionnel de santé efficace capable de prendre soin de l'esprit autant que du corps, comme l'a souligné Angélique Dirand-Gonzalez (2013). La pédagogie somatopsychique est actuellement surtout présente en formation continue, ce qui soulève la question de son intégration précoce pour une construction professionnelle optimale dès le début de la formation.
4. Le rôle du kinésithérapeute d un technicien à un éducateur de santé
La profession de masso-kinésithérapeute implique la rééducation de personnes dont les capacités sensitivomotrices sont affectées. Le texte propose une évolution de la posture professionnelle, passant d'une vision mécaniste du corps comme simple objet de soins à une approche plus globale considérant le corps comme un sujet, acteur de sa propre guérison. Le kinésithérapeute devient alors un éducateur de santé, aidant le patient à comprendre les mécanismes inconscients menant à la maladie, ce qui nécessite une auto-perception approfondie. Cette transition est fondamentale pour promouvoir un modèle biopsychosocial de la santé, tel que défini par l'OMS, plutôt qu'une simple absence de maladie. Le texte dénonce la posture actuelle du kinésithérapeute souvent considéré comme un technicien, et insiste sur la nécessité d’une formation plus complète et holistique intégrant la pédagogie somatopsychique dès la formation initiale.
II.Les Méthodes Somatiques Un Aperçu
Le document présente plusieurs méthodes d'éducation somatique, dont la Technique Alexander, la méthode Feldenkrais, et la méthode Mézières, soulignant leur contribution à la prise de conscience corporelle et à la pédagogie somatopsychique. L'approche de Thérèse Bertherat est particulièrement détaillée, illustrant comment une compréhension profonde du soma, selon Hanna, est cruciale pour le praticien. Ces méthodes, bien qu'utilisées en formation continue, sont proposées pour une intégration dans la formation initiale.
1. La Gymnastique Holistique une approche historique
Le texte explore l'histoire de la Gymnastique Holistique, en remontant à François Delsarte, acteur et fondateur d'une école d'art dramatique, qui a mis l'accent sur la relation entre mouvement et respiration. Son enseignement, transmis à Geneviève Stubbens aux États-Unis, a jeté les bases de l'éducation physique américaine. Bess Mensendieck et H. Kallmeyer, élèves de Stubbens, ont développé des approches différentes : Mensendieck privilégiait une approche analytique de renforcement musculaire, tandis que Kallmeyer s'intéressait à la callisthénie et à la respiration, inspirée par l'esthétique corporelle de la Grèce antique. L'enseignement de Kallmeyer a ensuite influencé Elsa Gindler, reconnue pour son approche novatrice rejetant la répétition et favorisant la curiosité et l'expérimentation corporelle individuelle. L'exemple de la Gymnastique Holistique souligne l'évolution historique des approches somatiques, en mettant en avant l’importance du mouvement, de la respiration et de la perception corporelle.
2. La Technique Alexander une approche issue du théâtre
La section présente la Technique Alexander développée par Matthias Alexander, acteur shakespearien, suite à un problème d'aphonie. Ses recherches l'ont conduit à identifier les mauvaises habitudes posturales comme cause de ses problèmes, et non un dysfonctionnement localisé. Il a mis au point une méthode visant à corriger ces interférences dans la coordination naturelle de l'organisme. La technique a été adoptée par les danseurs et chorégraphes en France avant d'autres professions. L'exemple de Matthias Alexander souligne l'impact d'une mauvaise posture sur le corps dans sa globalité et l'importance de l'auto-observation dans l’amélioration de la coordination et la prévention de troubles fonctionnels. Le passage d'une approche locale à une vision globale du corps préfigure l'approche holistique des méthodes somatiques.
3. La méthode Feldenkrais du judo à l éducation somatique
Moshe Feldenkrais, ingénieur et expert en judo, a développé sa méthode suite à une blessure au genou. Refusant la chirurgie, il a exploré comment se déplacer sans douleur, combinant ses connaissances en neurosciences et arts martiaux. Son parcours, de l'ingénierie à la création d'une méthode d'éducation somatique, illustre l'approche scientifique et rigoureuse apportée à cette discipline. Le texte met en avant le cheminement de Feldenkrais, depuis un accident qui l'a poussé à se questionner sur le mouvement et le corps, à la mise au point de sa méthode qui est basée sur une approche pédagogique et non curative, visant le développement de la conscience corporelle par le mouvement. La méthode Feldenkrais se distingue par l'utilisation d’instructions verbales et par l'accent mis sur l’auto-perception du mouvement.
4. La méthode Bertherat une critique des approches mécanistes
Le parcours de Thérèse Bertherat, qui a assisté à un cours de gymnastique surprenant basé sur une approche opposée aux méthodes mécanistes qu’elle connaissait, est décrit comme un exemple clé. Elle a initialement cru qu'il fallait faire souffrir son corps pour le soigner. Son expérience l'a convaincue du contraire, une révélation qui a influencé son travail par la suite. Elle critique l'approche mécaniciste et déshumanisante de certaines méthodes, notamment l'utilisation de corsets, mettant en avant la vanité et la cruauté de ces traitements. Son expérience personnelle souligne le contraste entre la vision mécaniste et une approche plus douce et respectueuse du corps et de l’esprit. Le texte met en lumière l'importance de prendre conscience de ses propres blocages musculaires et de leur origine. Elle suggère que des cours de prise de conscience du corps devraient précéder les études de médecine pour une compréhension plus globale du patient.
III.L Enseignement de la Somatopsychopédagogie Défis et Opportunités
L'intégration de la somatopsychopédagogie en formation initiale pose des défis. L'analyse du cursus actuel de massokinésithérapie révèle un manque d'accent sur les aspects psychologiques et psychosociaux, contrairement au modèle biopsychosocial. Le document propose un programme pédagogique structuré autour de principes fondamentaux et non de méthodes spécifiques, avec une évaluation des compétences à plusieurs niveaux, utilisant des outils d'auto-évaluation et d'analyse de la prise de conscience corporelle. L'étude du CERAP de l'Université Fernando Pessoa (Portugal), et les travaux de Dagot (2007) et Didot-Rigaux (2013) sont cités comme source d'inspiration.
1. Le Déficit de l Enseignement Actuel en Massokinésithérapie
Le document met en lumière un manque significatif d'intégration de la somatopsychopédagogie dans la formation initiale des masso-kinésithérapeutes. Bien que le décret n°96-879 du 8 octobre 1996 encourage l'adaptation des actes professionnels à l'évolution des sciences, la pratique actuelle reste centrée sur une vision mécaniste du corps. L'enseignement privilégie les aspects anatomiques, physiologiques et les techniques de rééducation, au détriment des sciences humaines (psychologie, sociologie), qui ne représentent que moins de 1% du cursus. Cette approche limite la compréhension des mécanismes complexes de la relation corps-esprit, alors que la somatopsychopédagogie vise une approche holistique. L'intégration de la relaxation neuromusculaire, pourtant autorisée par le décret, est superficielle, reflétant un manque d'investissement dans la prise de conscience corporelle. Angélique Dirand-Gonzalez (2013) souligne l’importance de cette prise de conscience pour la qualité des soins, car le futur praticien doit maîtriser son propre corps avant de pouvoir aider autrui. L’enseignement actuel, principalement concentré sur la formation continue, est jugé insuffisant pour former des kinésithérapeutes capables de prendre en compte la complexité de la relation corps-esprit.
2. Proposition d un Nouvel Enseignement Principes et Méthodes
Face à ce constat, le document propose d'intégrer la somatopsychopédagogie en formation initiale. L'accent est mis sur une approche pédagogique structurée autour de principes fondamentaux sous-jacents à différentes méthodes existantes plutôt qu'une simple présentation de techniques spécifiques. Cela vise à créer un enseignement plus cohérent et crédible, notamment en répondant à la confusion des étudiants face à la multiplicité des approches sans bases scientifiques solides. Yvan Joly (1993) est cité pour souligner le manque de synthèse dans le domaine de l'éducation somatique. L’objectif est de proposer un enseignement plus complet et moins fragmenté, en fournissant des preuves scientifiques à l’appui des principes de la pédagogie somatopsychique. Le document suggère également une approche pédagogique incluant l’auto-évaluation des étudiants, la comparaison des expériences personnelles avec des articles de praticiens, ainsi que des exercices ciblant les aspects émotionnels et mentaux pour une compréhension plus globale du fonctionnement du corps.
3. Intégration de la Somatopsychopédagogie Défis et Contraintes
L’intégration d'un enseignement de la somatopsychopédagogie en formation initiale représente un défi majeur. Le document souligne plusieurs obstacles: le manque de reconnaissance officielle de la discipline dans le système de formation en massokinésithérapie, les contraintes de temps et d'organisation liées au nouveau référentiel de formation, ainsi que l'absence d'outils d'évaluation appropriés, comme le montrent les résultats d'une enquête auprès de 43% des instituts de formation. Près de 40% des instituts interrogés ne pratiquent qu’une évaluation orale informelle, démontrant un manque d’évaluation structurée des compétences. Le document met en avant la nécessité d'une organisation temporelle adaptée, d'une approche pédagogique innovante et d'un système d'évaluation précis. Il faut une reconnaissance institutionnelle pour assurer la pérennité de cette intégration, car actuellement, l'intégration dépend de la volonté individuelle des responsables de formation.
IV.Évaluation et Recherche Vers une Intégration Durable
L'évaluation de l'efficacité de l'enseignement de la somatopsychopédagogie est cruciale. L'étude propose une méthodologie d'évaluation tenant compte de la dimension subjective de l'expérience vécue. L’analyse des résultats d’enquêtes auprès d’étudiants et d’instituts de massokinésithérapie, dont l'IFMK de Bègles, met en lumière les besoins d'adaptation pédagogique et l’importance d'une reconnaissance officielle de la somatopsychopédagogie dans le référentiel de formation. La recherche souligne l'importance de l'éducation pour la santé et du rôle de l'éducateur comme facilitateur de l'autonomisation du patient.
1. La nécessité d une évaluation adaptée à la somatopsychopédagogie
L'évaluation de l'efficacité de la somatopsychopédagogie est un enjeu crucial pour son intégration durable dans la formation initiale en massokinésithérapie. Le décret de 1996 encourage l'adaptation des pratiques professionnelles à l'évolution des sciences, soulignant la nécessité d'une approche scientifique rigoureuse. L'évaluation doit prendre en compte la dimension subjective de l'expérience vécue par les étudiants, car la somatopsychopédagogie repose sur la prise de conscience corporelle, une notion difficilement quantifiable avec des méthodes d'évaluation traditionnelles. Une méthodologie d'évaluation qualitative est donc nécessaire pour capturer l'impact de la formation sur la perception somatique des étudiants. L'évaluation doit intégrer des mesures à plusieurs niveaux: avant, pendant, et après la formation, ainsi qu'à distance. Elle doit permettre d’analyser les changements de comportements et les transferts d’apprentissage effectués par les étudiants, dans les domaines physique, affectif et mental, au cours des exercices pratiques. Le recours à des questionnaires d'auto-évaluation et à des analyses qualitatives est suggéré pour une meilleure compréhension de l’impact de l’enseignement.
2. Résultats d enquêtes et besoins d amélioration
Des enquêtes de satisfaction auprès d'étudiants de l'IFMK de Bègles et un questionnaire adressé aux instituts de formation ont été menés pour éclairer sur les conditions favorables à l'apprentissage. Ces enquêtes, correspondant au niveau 1 du modèle de Kirkpatrick, mettent en lumière les points forts et les faiblesses du dispositif pédagogique actuel. Les résultats montrent une insuffisance des outils d'évaluation actuels, et une part significative (30%) des compétences visées n’ont pas été acquises par les étudiants. Certaines compétences sont moins bien acquises que d'autres, soulignant des lacunes dans la formation et l’importance d’améliorer le dispositif d’enseignement. Les méthodes d’évaluation dans 43% des instituts sont jugées insuffisantes ou inexistantes, en particulier concernant les compétences et les transferts d’apprentissage, accentuant le besoin de développer des outils plus pertinents pour évaluer l'intégration de la somatopsychopédagogie.
3. Vers une intégration pérenne Conditions et perspectives
Pour assurer l'intégration durable de la somatopsychopédagogie, une reconnaissance officielle au sein du système de formation en massokinésithérapie est indispensable. Cette intégration nécessite une organisation temporelle adéquate, une approche pédagogique adaptée à la dimension subjective de l'apprentissage et un système d'évaluation pertinent. Le modèle d'éducation pour la santé de type 4 de l’INSERM est évoqué car il reflète le rôle du kinésithérapeute comme éducateur, facilitant l’autonomisation du patient. L'étalement de l'enseignement dans le temps, en lien avec les différents stages en masso-kinésithérapie (neuro-musculaire, musculo-squelettique, etc.), permet une adaptation et une meilleure intégration des apprentissages. L'objectif est de former des praticiens capables d'accompagner le patient vers une meilleure compréhension de sa santé et de faciliter son processus de guérison. La recherche et l'évaluation continue sont fondamentales pour la pérennité de cette approche novatrice dans le domaine de la massokinésithérapie.