Document de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marrakech

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Langue French
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  • Médecine
  • Éthique médicale
  • Université

Résumé

I.Diagnostic de l Infection Urinaire IU chez l enfant

L'examen cytobactériologique des urines (ECBU) est l'examen clé pour diagnostiquer une infection urinaire (IU) chez l'enfant. Une bactériurie supérieure à 100 000 germes/ml d'urine et une leucocyturie supérieure à 10 000 leucocytes/ml confirment le diagnostic. Deux types principaux d'IU existent : la cystite (infection de la vessie) et la pyélonéphrite (infection du rein). Les symptômes varient selon l'âge, allant de la fièvre inexpliquée chez le nourrisson à la dysurie, pollakiurie et brûlures mictionnelles chez les enfants plus âgés. E. coli est la bactérie la plus fréquemment impliquée. Des études, notamment au CHU de Fès (4,2% des nouveau-nés hospitalisés) et à l'hôpital de pédiatrie de Philadelphie (1% dans la première année de vie), mettent en évidence la prévalence de l'IU. Le sex-ratio varie selon l'âge, avec une prédominance masculine dans les premiers mois et féminine après un an. La circoncision semble réduire le risque chez les garçons.

1. Définition et Types d Infection Urinaire

Le document définit l'infection urinaire (IU) par une bactériurie supérieure à 100 000 germes/ml d'urine et une leucocyturie supérieure à 10 000 leucocytes/ml. Il distingue deux principaux types d'IU : l'infection urinaire basse, ou cystite, fréquemment due à une anomalie de la vidange vésicale, se manifestant souvent par une absence ou une fièvre modérée, sans douleur lombaire ni syndrome inflammatoire biologique significatif ; et l'infection urinaire haute, ou pyélonéphrite, qui peut survenir à tout âge et s'accompagne souvent de fièvre élevée (> 39°C), de douleurs lombaires et/ou abdominales chez les enfants plus âgés. Chez les nourrissons et les jeunes enfants, les signes urinaires ou lombaires peuvent être absents, la fièvre inexpliquée ou des symptômes trompeurs (troubles digestifs, altération de l'état général) pouvant orienter vers le diagnostic. Les termes d'infection urinaire haute et basse sont souvent employés et réfèrent respectivement aux infections rénales et vésicales.

2. Signes Cliniques de la Cystite et de la Pyélonéphrite

Le diagnostic clinique de cystite est évoqué chez les filles de plus de 3 ans, se manifestant par des symptômes tels que la dysurie, des brûlures mictionnelles, des pleurs en urinant, de la pollakiurie, des envies impérieuses, des douleurs hypogastriques, des fuites urinaires et une hématurie macroscopique. Concernant la pyélonéphrite, chez les enfants plus âgés, les signes urinaires d'une cystite, une fièvre élevée, des douleurs lombaires et/ou abdominales sont souvent présents. Cependant, chez les nourrissons et les jeunes enfants, l'absence de signes urinaires ou de douleurs lombaires est fréquente, une fièvre inexpliquée ou des troubles digestifs et une altération de l'état général pouvant être les seuls signes cliniques. Avant l'âge de 3 ans, une fièvre sans point d'appel évident doit systématiquement faire évoquer une infection urinaire. L'apparition récente de dysurie, de pollakiurie et de fuites urinaires oriente également vers un diagnostic d'infection urinaire.

3. Rôle d E. coli et Prévalence de l IU selon l âge et le sexe

Escherichia coli (E. coli) est la principale bactérie impliquée dans les infections urinaires. Sa migration le long des voies urinaires nécessite l'attachement de fimbriae sur des récepteurs des cellules épithéliales. Les fimbriae de type P sont particulièrement prévalentes (70%) dans les pyélonéphrites infantiles, contre moins de 30% dans les cystites et les colonisations urinaires. La prévalence des fimbriae P est plus faible chez les patients atteints de pyélonéphrite avec malformation des voies urinaires. La prévalence de l'IU varie selon l'âge. Une étude au CHU de Fès a montré une incidence de 4,2% chez les nouveau-nés hospitalisés de moins de 28 jours. Une autre étude à l'hôpital de pédiatrie de Philadelphie a rapporté une incidence de 1% pendant la première année de vie, augmentant ensuite avec l'âge. Une prédominance masculine est observée dans les premiers mois de vie (sex-ratio de 2 à 9), tandis qu'après un an, l'incidence est plus élevée chez les filles (9 à 14/1000 par an vs 2/1000 chez les garçons). Les garçons non circoncis ont un risque 10 à 12 fois plus élevé que les garçons circoncis.

4. Épidémiologie de l IU et Indications de l ECBU

Des études épidémiologiques des années 1960 rapportaient une prévalence de 3% chez les filles et 1% chez les garçons. Des études plus récentes montrent une prévalence plus importante (6,6 à 8,4% chez les filles et 1,8% chez les garçons avant 7 ans). L'incidence du premier épisode d'IU est la plus élevée durant la première année de vie, quel que soit le sexe. Bien que la circoncision semble réduire le risque, certains auteurs la considèrent sans impact. La circoncision systématique est actuellement réfutée. Une étude rapporte une prévalence de 52,87% chez les garçons et 47,12% chez les filles, avec une prédominance masculine avant 2 ans (66,7%). L'ECBU est indiqué devant des signes cliniques d'IU (dysurie, pollakiurie, fuites urinaires), lors du bilan d'une fièvre, d'un ictère prolongé, ou en cas de leucocyturie, hématurie, présence de nitrites ou de leucocytes détectés par bandelettes réactives. L'ECBU permet de confirmer l'infection, identifier la bactérie responsable, guider l'antibiothérapie, et contrôler l'efficacité du traitement.

II.Prélèvement et Transport des Urines pour ECBU

Un prélèvement d'urine correct est crucial pour un ECBU fiable, évitant les faux positifs. La désinfection locale est essentielle pour éliminer la contamination bactérienne. Chez le nouveau-né, la technique de la poche urinaire est courante, mais la ponction sus-pubienne est parfois préférable pour réduire les faux positifs. Un transport rapide au laboratoire (moins de 2 heures) est impératif pour préserver l'intégrité des cellules et éviter la multiplication des contaminants. Des milieux de transport et de conservation, tels que le système Vacutainer UC et S, peuvent être utilisés. Si le transport dépasse 2 heures, l'échantillon doit être conservé à +4°C.

1. Prélèvement d Urines Conditions Optimales et Techniques

Un prélèvement d'urine optimal est crucial pour obtenir des résultats fiables d'ECBU et éviter les faux positifs. Des conditions strictes et un protocole précis sont nécessaires pour le recueil de l'échantillon et son acheminement au laboratoire. L'urine est fréquemment contaminée par des bactéries de l'urètre, de la région péri-urétrale et du vagin ; une désinfection locale rigoureuse avec une solution antiseptique (solution de Dakin fraîche, par exemple) est donc indispensable. L'excès d'antiseptique doit être éliminé pour éviter de contaminer l'échantillon. Chez le nouveau-né, la technique de la poche urinaire est la plus utilisée, mais elle nécessite une désinfection parfaite des organes génitaux et un temps de pose limité (moins de 20 minutes). Le recueil au milieu du jet, bien que possible, est d'une fiabilité comparable à la ponction sus-pubienne chez le nouveau-né. Le sondage vésical doit être évité en raison du risque élevé d'infection iatrogène et de traumatisme urinaire. La ponction sus-pubienne, réalisée sous conditions d'asepsie chirurgicale et sur une vessie pleine, est une alternative offrant une meilleure fiabilité, minimisant les erreurs diagnostiques dues à la contamination bactérienne ou la desquamation cellulaire péri-urétrale. Les conséquences d'un mauvais prélèvement peuvent être préjudiciables sur les plans individuel et économique (traitements antibiotiques coûteux et inutiles, examens complémentaires superflus).

2. Transport des Urines Délai et Conservation

Le transport de l'échantillon d'urine au laboratoire doit être immédiat pour éviter la multiplication des contaminants et préserver l'intégrité des cellules urinaires. Un délai de transport court (moins de 2 heures) est recommandé. Au-delà de deux heures, jusqu'à 50% des éléments cellulaires peuvent être lysés. L'utilisation de milieux de transport et de conservation, comme le système Vacutainer UC et S, permet de stabiliser l'échantillon sans altération. En l'absence de conservateur et pour un transport supérieur à deux heures, la conservation à +4°C est nécessaire, pour une durée maximale de 24 heures. Des protocoles stricts sont donc nécessaires pour garantir la fiabilité du résultat de l'ECBU, compte tenu des conséquences d'une mauvaise réalisation du prélèvement et du transport de l'échantillon d'urine sur le plan du diagnostic et du traitement de l'infection urinaire. La rapidité du transport et des techniques de conservation appropriées sont primordiales pour la qualité de l'analyse.

III.Analyse de l ECBU et Antibiogramme

L'analyse de l'ECBU comprend l'examen microscopique du culot urinaire (numération des leucocytes et des hématies) et un ensemencement sur gélose pour quantifier la bactériurie. L'identification du germe responsable permet de réaliser un antibiogramme, essentiel pour guider le choix de l'antibiothérapie. E. coli, Klebsiella, Proteus, Enterobacter, et Pseudomonas sont des bactéries fréquemment impliquées. Des études, notamment celle d'Errimi (17) à Rabat, montrent des variations dans la prévalence de ces bactéries. Notre étude rétrospective (87 ECBU pathologiques, 2004-2007, hôpital Ibn Zohr à Marrakech et laboratoires privés) a révélé une prédominance d’E. coli (51,72%).

1. Méthode de Référence pour l ECBU

L'analyse d'un ECBU suit une méthode de référence précise. Elle commence par un examen à l'état frais de l'urine homogénéisée sur une cellule de Malassez pour la numération des leucocytes et des hématies par mm³. Une quantification de la bactériurie est effectuée. Un ensemencement systématique sur une gélose non sélective (CLED, BCP) est réalisé par la méthode de l'anse calibrée à 10 µl, suivi d'une incubation à 37°C pendant 18 heures pour la numération des colonies. Après centrifugation, un examen microscopique du culot urinaire permet une analyse plus approfondie. L'urine normale, recueillie dans de bonnes conditions, est stérile, avec une faible quantité de cellules épithéliales, de leucocytes non altérés, d'hématies, et parfois de cylindres hyalins et de cristaux. L'absence de bactéries est caractéristique d'une urine saine. La présence de bactéries (bactériurie) pose la question d'une contamination ou d'une infection des voies urinaires, voire du parenchyme rénal. L'interprétation d'une bactériurie dépend de plusieurs facteurs, notamment la présence de leucocytes. Une leucocyturie faible ou normale dans une pyélonéphrite aiguë ou chronique peut indiquer une infection rénale sans anomalie urologique majeure.

2. Identification Bactérienne et Antibiogramme

L’ECBU permet d’identifier le germe responsable de l’infection urinaire. Les entérobactéries sont fréquemment impliquées. Dans une étude, E. coli représentait le germe prédominant (51,72%), suivi de Klebsiella (20,68%), Proteus (11,5%), Enterobacter et Staphylococcus (6,9%), et Pseudomonas (2,3%). Une autre étude à Rabat (Errimi, 17) a montré une prédominance de Klebsiella pneumoniae. Une fois le germe identifié, un antibiogramme est réalisé pour déterminer la sensibilité aux antibiotiques. L'antibiogramme consiste en l'ensemencement d'une colonie bactérienne isolée sur une gélose Mueller-Hinton, avec dépôt de disques imprégnés d'antibiotiques. Après incubation à 37°C pendant 24 heures, le diamètre de la zone d'inhibition permet d'évaluer l'action bactériostatique des antibiotiques. La gentamicine présente une ototoxicité et une néphrotoxicité, nécessitant une prescription prudente chez le nouveau-né et en cas d'insuffisance rénale. L’amikacine, quant à elle, se montre plus efficace que la gentamicine contre la plupart des germes, et le TMP-SMX est actif contre la majorité des germes sauf Pseudomonas. L'interprétation de l'antibiogramme est cruciale pour un traitement adapté et efficace.

IV.Examens Complémentaires et Traitement

Les bandelettes réactives peuvent être utiles pour un dépistage rapide, mais l'ECBU reste la méthode de référence. D'autres examens biologiques, comme la mesure de la protéine C-réactive (CRP) et de la procalcitonine, peuvent aider à évaluer la gravité de l'infection. Une échographie rénale et une cystographie peuvent être réalisées pour rechercher des anomalies urologiques. Le traitement repose sur une antibiothérapie, dont le choix est guidé par l'antibiogramme et la gravité de l'infection. La surveillance du traitement se fait par l'évolution clinique et les données bactériologiques. Une pyélonéphrite aiguë nécessite une antibiothérapie énergique.

1. Bandelettes Réactives Un Test Rapide mais Limité

Bien que l'ECBU soit l'examen de référence pour confirmer le diagnostic d'infection urinaire, les bandelettes réactives offrent une alternative rapide et pratique pour un dépistage initial. Elles détectent la présence de leucocytes, de nitrites et de globules rouges dans les urines. Cependant, leur fiabilité est moindre pour le diagnostic positif. Une étude de Loffler et coll. a montré un taux d'erreur de 5,9% pour l'exclusion du diagnostic lorsque les zones nitrites et leucocytes sont négatives, mais une valeur prédictive positive (VPP) de seulement 72% pour le diagnostic positif. La sensibilité des bandelettes est moins bonne chez le nouveau-né en raison de la vidange vésicale fréquente limitant la positivité des nitrites, d'une alimentation pauvre en nitrates et d'une leucocyturie physiologique dans les premiers jours de vie. Les bandelettes réactives constituent donc un outil complémentaire utile pour une approche rapide et économique, mais ne remplacent pas l'ECBU pour un diagnostic précis et fiable.

2. Marqueurs Biologiques de l Inflammation

Plusieurs marqueurs biologiques de l'inflammation peuvent être utilisés pour compléter le diagnostic et évaluer la sévérité de l'infection urinaire. La protéine C-réactive (CRP), produite par les hépatocytes, est un marqueur de référence de l'infection bactérienne. Sa production débute 4 à 6 heures après l'agression initiale, avec un pic maximal vers 36 heures. Elle diminue rapidement après la résolution de l'infection. La CRP, ainsi que la vitesse de sédimentation, peuvent aider à identifier les pyélonéphrites graves. Des études ont montré des différences significatives de taux de CRP entre les infections urinaires fébriles et les bactériuries asymptomatiques, mais avec une zone de recouvrement importante. D'autres cytokines, comme l'IL-6 et l'IL-8, sont impliquées dans la réponse inflammatoire, mais leur manque de spécificité limite leur utilité en pratique clinique. La procalcitonine plasmatique apparaît comme un meilleur marqueur biologique, supérieure à la CRP en sensibilité et spécificité pour le diagnostic des infections bactériennes, avec des taux généralement élevés précocement après l'apparition des symptômes.

3. Autres Examens Biologiques et Imagerie

La numération formule sanguine peut révéler des perturbations liées à l'infection : polynucléose neutrophile, éosinophilie (dans les infections moins sévères), lymphopénie et éosinopénie (dans les infections sévères). Ces paramètres peu coûteux sont utiles pour l’évaluation initiale et le suivi. L'échographie rénale et la cystographie permettent de rechercher des uropathies sous-jacentes, particulièrement chez le nouveau-né. Cependant, ces examens ne permettent pas de détecter les cicatrices rénales ni d'évaluer la fonction rénale. La ponction sus-pubienne est privilégiée si un obstacle urétral est suspecté. La recherche d'un reflux vésico-urétéral est indiquée dès la première pyélonéphrite aiguë pour réduire le risque de rechute. La scintigraphie au DMSA n'est pas systématiquement recommandée en raison du manque de consensus sur son utilité clinique et son faible impact thérapeutique. La scintigraphie rénale au MAG3 avec test au Lasilix, bien que utile pour évaluer l'importance d'un obstacle et la fonction rénale, est onéreuse et peu disponible. Le traitement antibiotique initial peut être modulé selon les anomalies détectées par le DMSA, sauf pour les infections néonatales, qui nécessitent un traitement parentéral rapide et énergique par bithérapie initiale pendant 10 jours.

4. Traitement et Surveillance

Le traitement de l'infection urinaire repose principalement sur une antibiothérapie, guidée par l'antibiogramme. Les antécédents urologiques, la sévérité clinique et l'âge (moins de 3 mois) influencent le choix du traitement. Les infections chez les nourrissons de moins de 3 mois ou avec syndrome infectieux sévère nécessitent une prise en charge plus énergique. L’efficacité du traitement est évaluée par l'évolution clinique (disparition des symptômes, apyrexie) et les données bactériologiques. La normalisation de la CRP sérique est un bon indicateur de contrôle de l'infection. En cas de pyélonéphrite aiguë, une antibiothérapie rapide et efficace vise la stérilisation des urines en moins de 48 heures, avec amélioration clinique rapide (apyrexie au 2e-3e jour) et disparition du syndrome inflammatoire (CRP < 20 mg/l au 4e-5e jour, < 10 mg/l avant la fin du traitement). À long terme, le risque d'altération fonctionnelle rénale est plus important si le premier épisode de pyélonéphrite aiguë est survenu tôt. Un suivi annuel de la pression artérielle et de la microalbuminurie est recommandé, avec des investigations plus poussées en cas d'anomalie. Les lésions parenchymateuses peuvent entraîner des complications à long terme, telles que l'hypertension artérielle et l'insuffisance rénale chronique.