
Enquête sur la Fièvre auprès des Parents
Informations sur le document
Auteur | Abdeslam Hiddou |
École | Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech |
Spécialité | Médecine |
Lieu | Marrakech |
Type de document | Thèse |
Langue | French |
Format | |
Taille | 349.89 KB |
- Médecine
- Fièvre
- Enquête
Résumé
I.Connaissances et Perceptions Parentales de la Fièvre Infantile au Maroc
Cette étude prospective, menée au Centre Hospitalier Universitaire Mohamed VI de Marrakech entre le 01/03/2007 et le 20/04/2007, a interrogé 400 parents sur leurs connaissances, attitudes et pratiques concernant la fièvre infantile. L'étude révèle une importante méconnaissance de la définition même de la fièvre chez une majorité des parents (environ 47% ne pouvant définir objectivement la température associée à la fièvre, utilisant des seuils subjectifs comme 37°C, 39°C, voire 40°C, au lieu du seuil communément admis de 38°C). Cette méconnaissance est fortement corrélée au niveau d'instruction, avec 93,6% des parents ayant fourni une définition subjective étant analphabètes ou ayant seulement un niveau primaire. L'étude souligne la prévalence de la phobie de la fièvre, avec la majorité des parents considérant la fièvre comme inutile et dangereuse, ignorant ses bénéfices immunitaires et surestimant les risques, notamment neurologiques. Le recours à l'auto-médication est fréquent, souvent avec des dosages erronés d'antipyrétiques (paracétamol notamment) et une préférence pour la voie rectale. L'usage de médicaments traditionnels est aussi observé, surtout chez les parents ayant un faible niveau socio-économique et d'instruction.
1. Définition de la Fièvre Méconnaissance et Seuils Subjectifs
L'étude révèle une importante méconnaissance de la définition de la fièvre infantile chez les parents marocains. Près de la moitié des parents interrogés (46,7%) ont fourni une définition subjective de la fièvre, sans référence précise à un seuil de température. Certains ont mentionné des températures supérieures à 37°C, 39°C, voire 40°C, alors que le seuil généralement accepté est de 38°C. Seulement 18,2% des parents ont correctement identifié 38°C comme le seuil de la fièvre. Cette méconnaissance est significativement liée au niveau d'instruction: 93,6% des parents ayant donné une définition subjective étaient analphabètes ou avaient un niveau d'instruction primaire. Cette lacune en connaissance souligne la nécessité d'améliorer l'éducation parentale en matière de fièvre infantile et de ses symptômes. Des études comparatives menées en Arabie Saoudite, en Inde, et en France ont mis en évidence des difficultés similaires dans la définition de la fièvre par les parents, confirmant les résultats de l'étude marocaine. Ces difficultés pourraient avoir un impact important sur la prise en charge adéquate de la fièvre chez l'enfant. La comparaison avec d'autres études internationales illustre l'ampleur de ce problème de connaissance parentale.
2. Perception de la Fièvre Phobie et Dangers Exagérés
L'étude démontre une prévalence significative de la phobie de la fièvre chez les parents participants. L'ensemble des parents interrogés considèrent la fièvre comme inutile et dangereuse. Ils surestiment les risques liés à la fièvre, notamment les risques d'handicap ou de décès. Cette perception négative de la fièvre se traduit par une inquiétude exagérée, même en cas de fièvre modérée (38,9°C ou moins). Environ 52% des parents croient qu'une fièvre modérée (40°C ou moins) pourrait entraîner des séquelles neurologiques. Cette anxiété parentale excessive est confirmée par d'autres études, notamment celle de Schmitt (1980), qui a introduit le concept de «fever phobia», et des études menées en Arabie Saoudite et aux États-Unis. Ces études montrent que de nombreux parents administrent des antipyrétiques préventivement, avant même que la température n'atteigne le seuil de 38,9°C, reflétant une gestion inappropriée de la fièvre. La compréhension incomplète des bénéfices et des risques réels de la fièvre par les parents est un obstacle majeur à une prise en charge appropriée. Le manque de connaissances sur le rôle physiologique de la fièvre contribue à cette anxiété et aux pratiques de traitement souvent excessives.
3. Connaissances sur les Risques et Bénéfices de la Fièvre
Une des conclusions majeures de l'étude est l'ignorance des parents concernant les risques et les bénéfices de la fièvre. La plupart des parents considèrent la fièvre comme un ennemi et une source de danger, ignorant son rôle dans le système immunitaire. La fièvre est une réaction de défense naturelle de l'organisme face à une infection. Des études indiquent que l'utilisation d'antipyrétiques peut même retarder la guérison de certaines infections virales. Cependant, les risques réels liés à la fièvre n'apparaissent qu'à des températures très élevées. La méconnaissance de ces aspects physiologiques et la confusion entre la fièvre et la maladie elle-même contribuent à une gestion inadéquate de la fièvre chez l'enfant. L'étude révèle que les parents ont tendance à surestimer les risques, citant des justifications irréalistes comme l'incapacité de l'enfant à manger, boire ou marcher comme des conséquences directes de la fièvre. Cette perception erronée du rôle et des implications de la fièvre met en lumière la nécessité d'une meilleure éducation et d'une information plus précise à destination des parents pour une meilleure prise en charge de la maladie chez l'enfant.
II.Pratiques de Prise en Charge de la Fièvre par les Parents
Concernant la prise en charge de la fièvre, l'étude met en lumière plusieurs pratiques problématiques. Seulement 15,2% des parents considèrent une consultation médicale urgente comme nécessaire. La majorité (84,8%) gèrent la fièvre à domicile, consultant un médecin seulement si la fièvre persiste ou si l'état de l'enfant se dégrade. Ce comportement est partiellement expliqué par le contexte socio-économique marocain (absence d'assurance maladie, volonté de minimiser les dépenses médicales), ainsi que par des facteurs culturels. En matière de traitement, le paracétamol est l'antipyrétique le plus utilisé, mais avec des dosages souvent incorrects, reflétant une mauvaise compréhension des instructions. L'utilisation de moyens physiques (hydratation, aération de la chambre) est négligée. L’utilisation de remèdes traditionnels (ex: Mkhainza) est également fréquente, principalement dans les milieux socio-économiquement défavorisés. L'accès à l'information sur la gestion de la fièvre est insuffisant, avec seulement 9% des parents ayant reçu des conseils de professionnels de santé (médecins généralistes, pédiatres, personnel paramédical).
1. Consultation Médicale Faible Recours et Contexte Socio économique
L'étude révèle un faible recours à la consultation médicale en cas de fièvre infantile au Maroc. Seulement 15,2% des parents considèrent une consultation médicale urgente comme nécessaire, contrairement aux données de la littérature qui rapportent un recours immédiat beaucoup plus élevé (77,2% dans l'étude de Boivin et al. en France). La majorité des parents (84,8%) gèrent la fièvre à domicile, ne consultant un médecin que si la fièvre persiste, est très élevée, ou si l'enfant est gravement malade. Cette différence significative est attribuable à plusieurs facteurs, notamment l'absence d'assurance maladie pour beaucoup de familles, ce qui les incite à minimiser les dépenses médicales. Le niveau socio-économique bas des parents joue également un rôle important, les poussant à privilégier des solutions moins coûteuses. L'héritage culturel influence aussi ce comportement. Une étude américaine (Taveras et al.) a montré que les parents d'enfants non assurés consultaient cinq fois moins souvent pour de la fièvre. Cependant, il est important de noter que l'étude de Stagnara et al. montre un recours plus fréquent chez les parents ouvriers (90%) comparé aux cadres (74%), suggérant que l'incapacité à gérer la fièvre à domicile due à un faible niveau d'instruction pourrait influencer la décision de consulter.
2. Utilisation des Antipyrétiques Dosages et Voies d Administration
Le paracétamol est l'antipyrétique de choix pour la majorité des parents, comme le montrent des études comparatives en France, en Israël, en Iraq et ailleurs. Cependant, l'administration des antipyrétiques est souvent réalisée avec des dosages incorrects, soit par sous-dosage, soit par surdosage. Une étude (Gribetz et Cronley) a révélé que 67% des parents sous-dosaient le paracétamol. De plus, la fréquence d'administration est également problématique: 54,4% des parents administrent les antipyrétiques trois fois par jour, ce qui correspond à un sous-dosage pour le paracétamol. D'autres administrent les médicaments moins souvent (sous-dosage) ou plus fréquemment (surdosage). La voie rectale est privilégiée par 70,7% des parents, en raison de sa facilité d'administration chez les enfants agités ou affaiblis par la fièvre, même si cette voie est moins recommandée selon les dernières recommandations. Malgré une préférence marquée pour le paracétamol, la gestion de la médication est souvent inappropriée, conduisant à une inefficacité thérapeutique ou à des risques de surdosage. L'étude souligne l'importance de l'éducation parentale sur le bon usage des antipyrétiques.
3. Moyens Physiques et Médecines Traditionnelles Pratiques et Connaissances
L'utilisation de moyens physiques pour la gestion de la fièvre est insuffisante et souvent inappropriée. Seulement 30% des parents pensent à hydrater l'enfant, et seulement 5% prennent en compte le réglage de la température ambiante. Les données de la littérature confirment la faiblesse des connaissances parentales dans ce domaine. L'étude met également en évidence l'utilisation significative de médecines traditionnelles, avec 43% des parents utilisant du Mkhainza, seul ou combiné avec du citron. D'autres substances comme l'eau de rose ou le vinaigre sont aussi employées. Ce recours aux pratiques traditionnelles est particulièrement marqué chez les parents ayant un faible niveau socio-économique et un bas niveau d'instruction, reflétant l'influence du contexte culturel et socio-économique. L’ignorance des risques liés à ces substances souligne le besoin d'informations fiables et d'une éducation appropriée sur les pratiques à privilégier. Une étude en Tunisie met également en évidence l'utilisation fréquente de remèdes traditionnels dans la gestion de la fièvre.
4. Information et Conseils Parentaux Lacunes et Sources d Information
Un manque important d'information sur la fièvre et sa prise en charge est observé chez les parents interrogés. 91% des parents n'ont jamais reçu d'informations spécifiques sur le sujet, s'appuyant principalement sur l'expérience personnelle ou celle de leur entourage. Seulement 9% des parents ont reçu des conseils, principalement de professionnels de santé (médecins généralistes, pédiatres, personnel paramédical). L'accès à l'information est fortement corrélé au niveau socio-économique et d'instruction: les parents ayant reçu des conseils ont un niveau socio-économique et d'instruction plus élevés (respectivement 94,4% et 86,1%). Des études en Inde confirment ce constat, montrant que les parents instruits et favorisés recherchent plus activement des informations auprès de professionnels de santé ou par la lecture. Ce manque d'accès à l'information pour les parents défavorisés constitue un obstacle important à une bonne prise en charge de la fièvre infantile. L'étude met en évidence le besoin crucial de développer des programmes d'éducation parentale ciblés, accessibles à toutes les populations, pour combler ces lacunes.
III.Utilisation du Thermomètre et Diagnostic de la Fièvre
L'étude souligne les lacunes concernant l'utilisation du thermomètre. Plus de la moitié des parents (50,5%) n'en possèdent pas à domicile, se fiant à la palpation, méthode jugée peu fiable, pour évaluer la fièvre. Parmi ceux qui possèdent un thermomètre, la voie rectale est majoritairement utilisée (88,4%), négligeant les recommandations privilégiant d'autres voies. Ceci est lié au niveau socio-économique et d'instruction des parents. Les résultats confirment les données de la littérature, montrant des difficultés importantes dans l'évaluation précise de la température corporelle et, par conséquent, dans le diagnostic de la fièvre chez l'enfant.
1. Possession et Utilisation du Thermomètre Lacunes Significatives
L'étude révèle de graves lacunes concernant la possession et l'utilisation du thermomètre pour le diagnostic de la fièvre infantile. Plus de la moitié des parents (50,5%) n'ont pas de thermomètre à domicile, se basant sur la palpation pour évaluer la température de leur enfant. Or, la palpation est une méthode peu fiable, surtout chez les jeunes enfants (moins de 5 ans, selon Nwanyanwu et al.). Des études comparatives (Whybrew et al., Bezerra Alves et al.) montrent que la palpation conduit à des erreurs significatives de diagnostic de fièvre. Même parmi les parents possédant un thermomètre, les pratiques sont souvent inappropriées. La voie rectale est la plus utilisée (88,4%), alors que d'autres voies sont souvent plus adaptées. Une faible proportion de parents connaissent les conditions d'utilisation appropriées du thermomètre. Cette méconnaissance est fortement corrélée au niveau socio-économique et au niveau d'instruction : 81% des parents sans thermomètre ont un niveau socio-économique défavorable, et 87% de ceux qui ne savent pas l'utiliser correctement ont un niveau d'instruction primaire ou sont non-instruits. Ces résultats rejoignent les constats d'autres études réalisées dans différents pays (Brésil, Turquie, Hong Kong), soulignant un problème récurrent de manque d'équipement et de connaissance de l'utilisation d'un thermomètre pour diagnostiquer la fièvre avec précision.
2. Diagnostic de la Fièvre sans Thermomètre Fiabilité de la Palpation
Face à l'absence de thermomètre, une grande partie des parents se fient à la palpation pour diagnostiquer la fièvre. Cependant, l'étude confirme que la palpation est une méthode peu fiable. Plusieurs études (Whybrew et al., Banco et Veltri, Graneto et Soglin) démontrent une marge d'erreur importante dans l'estimation de la fièvre par palpation. Par exemple, Whybrew et al. ont observé que 67% des enfants déclarés fébriles par palpation ne l'étaient pas réellement. De plus, les parents basent souvent leur jugement sur des signes subjectifs tels que la sensation de chaleur de l'enfant (49%), la fatigue (15%), ou un comportement inhabituel (14%), sans mesure de la température. Ces observations soulignent la nécessité d'une meilleure éducation des parents sur l'importance de l'utilisation d'un thermomètre pour un diagnostic précis et fiable de la fièvre. L’étude souligne le fait qu’un diagnostic erroné de fièvre peut avoir des conséquences négatives sur la santé de l'enfant, notamment en conduisant à des traitements inadaptés. Le chiffrement de la température est crucial pour le suivi de l'évolution de la fièvre.