
Huile de Palme: Impact sur la Vitamine A
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Langue | French |
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Taille | 7.24 MB |
Résumé
I.Phase pilote et méthodologie de l étude sur la déficience en vitamine A au Burkina Faso
Une phase pilote du projet Huile de Palme Rouge (HPR) pour la vitamine A a été menée de 1999 à 2002 au Burkina Faso, en partenariat avec l'ABÉSF et des institutions de recherche. L'objectif était d'évaluer l'efficacité de l'HPR comme alternative à la supplémentation en capsules de vitamine A pour lutter contre la déficience en vitamine A, un problème majeur de santé publique au Burkina Faso, notamment chez les écoliers. La phase II, décrite dans ce document, a étendu l'étude à Kaya et Bogandé, utilisant la mesure du rétinol sérique par HPLC avant et après une intervention de 12 mois pour évaluer l'impact de l'HPR sur le statut en vitamine A chez les élèves.
1. Contexte de la phase pilote et objectifs
La phase II du projet Huile de Palme Rouge (HPR) pour la vitamine A au Burkina Faso fait suite à une phase pilote. Cette phase pilote, menée entre 1999 et 2002 par le Département de Nutrition de l'Université de Montréal en partenariat avec l'Association Burkinabé d'Économie Sociale et Familiale (ABÉSF), l'Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) et l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), visait à tester l'efficacité d'une approche alimentaire locale (l'HPR) pour lutter contre la carence en vitamine A. Financée par l'Initiative Micronutriments du Canada, cette phase pilote a exploré la possibilité de remplacer la distribution de capsules de vitamine A par une solution alimentaire plus durable et endogène. Les résultats préliminaires de cette phase pilote ont mis en évidence une forte prévalence de la faible rétinolémie, tant chez les enfants de moins de 5 ans que chez les mères, confirmant l'ampleur du problème de la déficience en vitamine A au Burkina Faso. L'objectif principal était de démontrer que l'HPR, intégrée aux repas scolaires, pouvait être aussi efficace qu'une capsule de vitamine A fortement dosée, ouvrant ainsi la voie à une stratégie de prévention plus pérenne et basée sur l'alimentation.
2. Méthodologie de la phase II Sites d intervention et groupes d étude
La phase II du projet a étendu l'étude à trois localités du Burkina Faso : Kaya, Bogandé et Fada N’Gourma. L'hypothèse principale était que l'HPR, ajoutée aux repas scolaires, serait aussi efficace qu'une capsule de vitamine A. A Kaya, 15 écoles ont été sélectionnées, les élèves recevant un supplément de 15 ml d'HPR trois fois par semaine pendant neuf semaines. À Bogandé, un design d'étude plus complexe a été mis en place avec trois groupes de huit écoles chacun : un groupe témoin négatif (alimentation normale), un groupe témoin positif (capsule de vitamine A de 200 000 UI en fin d'année scolaire), et un groupe d'intervention recevant de l'HPR avec les repas pendant une moyenne de 17 semaines. A Fada N’Gourma, l'évaluation a porté uniquement sur l'apport supplémentaire de vitamine A via l'HPR en raison du nombre restreint d'écoles impliquées. Dans toutes les zones, le rétinol sérique a été mesuré par chromatographie liquide haute performance (HPLC) avant et après 12 mois d’intervention, afin d’évaluer l’impact de l’intervention sur le statut vitaminique A des élèves. Cette durée de 12 mois prenait en compte la saisonnalité de l’apport en vitamine A et l’incidence des maladies infectieuses, des facteurs susceptibles d’influencer les résultats.
3. Indicateurs et mesures utilisés
L'indicateur principal utilisé pour évaluer le statut en vitamine A était la concentration de rétinol sérique mesurée par HPLC. Bien que cette méthode présente des limitations, notamment le fait que le rétinol sérique ne reflète pas parfaitement les réserves hépatiques, elle a été retenue pour sa faisabilité dans le contexte de l'étude, particulièrement dans les zones éloignées. Les seuils de l'OMS ont été utilisés pour catégoriser les écoliers en fonction de leur statut en vitamine A : normal (>0,7 µmol/L), carencé (<0,7 µmol/L), et très carencé (<0,35 µmol/L). Des informations supplémentaires ont été collectées sur la morbidité récente des enfants afin d'évaluer d'éventuelles influences sur les taux de rétinolémie. L’étude a également pris en considération d'autres facteurs pouvant interférer avec le statut en vitamine A, tels que la carence en zinc et la malnutrition protéino-énergétique, même si ceux-ci n'étaient pas l'objectif principal de l'étude. La durée de l’intervention (12 mois) et la collecte de données avant et après intervention ont permis de comparer les différents groupes et d’évaluer l’impact de l’ajout de l’HPR dans les cantines scolaires sur la réduction de la carence en vitamine A chez les écoliers.
II.Résultats de l intervention à Kaya
À Kaya, 239 écoliers de 15 écoles ont participé. L'ajout de 15 ml d'HPR trois fois par semaine pendant neuf semaines a entraîné une réduction significative du taux de faible rétinolémie (de 47,2% à 13,1%). Ceci démontre l'efficacité de l'HPR dans l'amélioration du statut en vitamine A chez les écoliers.
1. Protocole d intervention à Kaya
L'étude à Kaya a utilisé un design pré-post simple. Sur les 25 écoles initialement incluses dans l’intervention d’enrichissement des repas scolaires à l’Huile de Palme Rouge (HPR), seules 15 ont été sélectionnées pour l’évaluation. Les 10 autres écoles ont été exclues car situées dans des villages ayant déjà participé à l’intervention HPR lors de l’étude pilote. Ces 15 écoles disposaient d’un programme de cantine scolaire opérationnel et étaient situées à moins de 60 km de Kaya. Entre mars 2003 et mars 2004, les repas scolaires ont été enrichis en HPR pendant une moyenne de 9 semaines (28,4 ± 10,6 repas enrichis). Le nombre d’élèves sélectionnés par école a été pondéré en fonction de l’effectif total, les élèves de la dernière année du primaire étant exclus. Un total de 239 élèves âgés de 84 à 144 mois ont été sélectionnés aléatoirement à partir des listes scolaires. Des échantillons de sang ont été prélevés pour la détermination du rétinol sérique avant le début de l'intervention et à nouveau exactement 12 mois plus tard, afin de tenir compte des variations saisonnières de l'apport en vitamine A et des maladies infectieuses qui peuvent influencer le statut vitaminique A. Chaque repas enrichi contenait 15 ml d’HPR, fournissant approximativement 1500 µg d'équivalents rétinol (µg ÉR), selon les analyses de l’HPR locale. Les parents et les enseignants ont été informés de l’objectif du projet et les cuisiniers de la cantine scolaire ont reçu une formation préalable à la mise en œuvre du projet.
2. Résultats de l intervention à Kaya
Les résultats de l'étude à Kaya montrent une réduction significative de la prévalence de la faible rétinolémie (<0,7 µmol/L) après l’intervention. Le taux de faible rétinolémie est passé de 49% (IC : 43,1-55,7%) à 13% après une période d’enrichissement des repas scolaires en HPR durant une année scolaire. Ceci indique une amélioration substantielle du statut en vitamine A chez les enfants participants. Il est à noter que 18% des élèves avaient reçu une capsule de vitamine A 6 mois avant le début de l'étude, mais leur statut vitaminique A n'était pas différent de celui des autres élèves au départ, suggérant que l’effet des capsules était de courte durée. Malgré les résultats positifs, il est observé que les enfants absents lors de l'étude présentaient un statut en vitamine A significativement plus faible, soulignant la nécessité d'atteindre les enfants les plus vulnérables et de s'assurer de leur participation à l'intervention. Cela suggère que l'efficacité de l'intervention pourrait être sous-estimée à cause de ce biais.
III.Résultats de l intervention à Bogandé
À Bogandé, 24 écoles ont été divisées en trois groupes : un groupe témoin négatif (repas de cantine habituels), un groupe témoin positif (une capsule de vitamine A à la fin de l'année scolaire), et un groupe recevant de l'HPR pendant 17 semaines. Le groupe témoin négatif n'a montré aucun changement, tandis que les groupes recevant la capsule de vitamine A et l'HPR ont présenté une diminution significative de la rétinolémie. L’apport moyen en HPR était de 786 ml, équivalent à plus d'une capsule de vitamine A de 60 mg d'EAR.
1. Design de l étude à Bogandé et protocole d intervention
A Bogandé, 24 écoles disposant de cantines scolaires ont été réparties aléatoirement en trois groupes de huit écoles chacun. Le groupe 1 (G1) a servi de témoin négatif, les élèves recevant uniquement les repas de cantine habituels. Le groupe 2 (G2) a servi de témoin positif, les élèves recevant une capsule de vitamine A (200 000 UI) à la fin de l'année scolaire. Le groupe 3 (G3) constituait le groupe d'intervention : les élèves ont reçu des repas enrichis avec de l’Huile de Palme Rouge (HPR) pendant une moyenne de 17 semaines. L'intervention a commencé en novembre 2003 et s’est poursuivie jusqu’en mai 2004. La quantité d’HPR ajoutée aux repas était de 15 ml par repas, trois fois par semaine. Avant le début de l'intervention et 12 mois plus tard, le rétinol sérique des élèves a été mesuré par HPLC pour évaluer l’impact de l’intervention sur le statut vitaminique A. Comme à Kaya, une formation préalable sur les conditions d’hygiène liées à la manipulation de l’HPR a été dispensée aux cantinières et aux enseignants gestionnaires des cantines scolaires (24 personnes au total).
2. Résultats de l intervention et consommation d HPR
Dans le groupe témoin négatif (G1), aucun changement significatif n’a été observé concernant la rétinolémie. En revanche, les groupes recevant la capsule de vitamine A (G2) et l’HPR (G3) ont montré une diminution significative du taux de faible rétinolémie. Ceci démontre l’efficacité de l’intervention, que ce soit par supplémentation en capsule ou par enrichissement alimentaire à l’HPR. Les écoliers du groupe d’intervention (G3) ont consommé en moyenne 52,4 repas enrichis à l’HPR, soit 786 ml d’HPR, ce qui correspond à un apport de 78,6 mg d’équivalents rétinol (EAR) en utilisant un facteur de conversion de 6 :1, ou de 39,3 mg d’EAR avec un facteur de 12 :1. L’analyse selon les quartiles de consommation d’HPR révèle une relation complexe entre la consommation et la rétinolémie. Alors qu’une consommation suffisante d’HPR semble améliorer le statut vitaminique, une consommation excessive ne semble pas apporter de bénéfices supplémentaires, voire pourrait être légèrement défavorable. Cependant, il est important de souligner que le taux de faible rétinolémie n’était pas significativement différent entre les quartiles.
IV.Consommation d HPR et connaissances des mères
L'étude a également évalué la consommation d'HPR dans les ménages et les connaissances des mères sur l'avitaminose A. À Kaya, un lien a été observé entre le manque d'achat d’HPR et le fait que les enfants en recevaient déjà à l'école. A Bogandé, 75% des mères connaissaient la cécité nocturne, un symptôme de la déficience en vitamine A. Il y avait des disparités significatives entre les groupes en termes de consommation et de connaissance de la maladie, soulignant l'importance des facteurs socio-économiques dans la prévalence de la déficience en vitamine A.
1. Consommation d Huile de Palme Rouge HPR dans les ménages
L'étude à Bogandé a examiné la consommation d'HPR au sein des ménages, en comparant les trois groupes d'écoles. Il ressort que la consommation d'HPR dans les cantines scolaires n'a pas nécessairement conduit à une augmentation de l'achat et de la consommation d'HPR dans les foyers. En effet, l’étude à Kaya a révélé que certaines femmes n’achetaient pas d’HPR car leurs enfants en recevaient déjà à l'école, ce qui suggère que l'intervention scolaire elle-même pourrait influencer négativement l’adoption de l’HPR dans les ménages. De plus, un nombre significativement plus élevé de mères du groupe témoin négatif (G1) ont déclaré ne pas avoir acheté d'HPR par manque de temps, par rapport aux mères du groupe intervention (G3). Par contre, un plus grand nombre de mères du groupe intervention (G3, 53%) ont indiqué ne pas avoir acheté d’HPR par manque d’argent comparé au groupe témoin négatif (G1, 10%). Ceci suggère des disparités socio-économiques entre les groupes, qui pourraient influencer la consommation d'HPR dans les ménages, même en présence d'une intervention scolaire efficace.
2. Connaissances des mères sur la carence en vitamine A et la cécité nocturne
L’étude a également évalué les connaissances des mères concernant la carence en vitamine A et la cécité nocturne, un symptôme de cette carence. Environ 75% des mères d’écoliers connaissaient la cécité nocturne, et le terme local pour cette affection était généralement connu. Il existait une différence entre les groupes d'écoles quant aux expériences personnelles ou familiales de cécité nocturne. Dans les deux groupes, une proportion significative de mères connaissant la cécité nocturne (38%) pensait qu’elle était causée par une mauvaise alimentation. Une proportion similaire de mères dans chacun des groupes ignorait la cause de la maladie. Les réponses concernant les moyens de prévention étaient cohérentes avec celles relatives aux causes, illustrant le lien perçu, ou non, entre la nutrition et la cécité nocturne. Par exemple, 36% des mères pensaient qu’une consommation accrue de viande et d'œufs pouvait prévenir la cécité nocturne.
V.Conclusion et perspectives
L'étude a mis en évidence une forte prévalence de la déficience en vitamine A chez les écoliers au Burkina Faso. L'HPR s'est avérée être une solution efficace et acceptable pour améliorer le statut en vitamine A, offrant une alternative durable à la supplémentation médicamenteuse. Des recherches futures devraient explorer le seuil optimal de consommation d'HPR pour maximiser l'efficacité et minimiser les coûts, ainsi que les stratégies de communication pour encourager l'adoption de l'HPR par les ménages, même lorsque les enfants reçoivent déjà de l'huile à l'école.
1. Synthèse des résultats et conclusions principales
L'étude a confirmé une forte prévalence de la déficience en vitamine A chez les écoliers au Burkina Faso, mettant en évidence la nécessité d'interventions efficaces. Les résultats démontrent l'efficacité de l'huile de palme rouge (HPR) comme supplément alimentaire pour améliorer le statut en vitamine A chez les écoliers. L'ajout d'HPR aux repas scolaires a conduit à une diminution significative des cas de faible rétinolémie, tant à Kaya qu'à Bogandé (pour le groupe d'intervention), comparé aux groupes témoins. L'HPR se présente ainsi comme une source bio-efficace de vitamine A, facilement productible et acceptable par les populations. Son utilisation dans les programmes scolaires pourrait contribuer à résoudre le problème de santé publique que représente la carence en vitamine A, tout en offrant une alternative durable et plus abordable aux supplémentations médicamenteuses, souvent coûteuses et sources de dépendance.
2. Perspectives de recherche et recommandations
L'étude ouvre des perspectives intéressantes pour des recherches futures. Il serait crucial de déterminer le seuil optimal de consommation d'HPR pour corriger la déficience en vitamine A, afin d'optimiser l'efficacité de l'intervention tout en minimisant les coûts pour les populations et les gouvernements. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre comment utiliser l'HPR comme complément alimentaire individuel, dans des contextes où la nourriture est partagée. Enfin, l'étude souligne l'importance d'élaborer des messages de communication ciblés pour encourager une meilleure adoption de l'HPR par les mères, même lorsque leurs enfants en bénéficient déjà à l'école. Une meilleure compréhension des facteurs socio-économiques et des pratiques alimentaires familiales est également nécessaire pour optimiser l'impact des interventions visant à lutter contre la déficience en vitamine A.