Étude électromyographique et mécanomyographique de la force et de l'endurance des muscles extenseurs du genou

EMG/MMG : Force et endurance des extenseurs du genou

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Langue French
Format | PDF
Taille 4.03 MB

Résumé

I.Objectifs de l étude et Méthodologie

Cette étude examine le recrutement des unités motrices (UM) et leur fréquence de décharge pendant des contractions musculaires, en utilisant l'électromyographie (EMG) et la mécanomyographie (MMG). Deux types de contractions ont été testés : une contraction en rampe et une contraction soutenue induisant la fatigue musculaire. L'étude compare l'activité des différents muscles du quadriceps (Vastus Lateralis (VL), Vastus Medialis (VM), Rectus Femoris (RF)) chez 22 sujets sains (10 femmes, 12 hommes) âgés de 20 à 35 ans, afin d'évaluer les différences liées au genre et à la composition en types de fibres musculaires. Les paramètres EMG analysés incluent la fréquence médiane (FMd) et la valeur root mean square (RMS), tandis que la MMG a été utilisée pour évaluer le recrutement spatial et temporel des UM.

1. Objectifs de l étude

L'étude avait un double objectif. Premièrement, elle visait à évaluer de manière non-invasive le recrutement des unités motrices (UM), mesuré par le root mean square (RMS) de l'électromyographie (EMG), et leur fréquence de décharge (FMd), également déterminée par EMG, lors de deux types de contractions musculaires : une contraction en rampe et une contraction soutenue induisant la fatigue musculaire. L'analyse se concentre sur la manière dont le recrutement et la fréquence de décharge des UM varient en fonction de l'intensité de l'effort et de l'apparition de la fatigue. Le choix d'une méthode non-invasive est crucial pour minimiser les risques et les contraintes liés à l'expérimentation. L'étude met l'accent sur l'analyse des paramètres fréquentiels (FMd) et d'amplitude (RMS) du signal EMG, paramètres connus pour être influencés par la composition en fibres musculaires du muscle. La précision de ces mesures non invasives offre un potentiel de suivi clinique important dans le processus de réadaptation. Le deuxième objectif était d'étudier la complémentarité des méthodes EMG et mécanomyographie (MMG) pour évaluer l'activité musculaire des différents muscles du quadriceps (rectus femoris (RF), vastus lateralis (VL), vastus medialis (VM)) chez des hommes et des femmes, à la fois pendant les contractions en rampe et en condition de fatigue. L’étude vise à déterminer si les différences de composition en fibres musculaires entre les muscles et entre les sexes influencent les résultats obtenus par les deux techniques, afin de mieux comprendre l’activation musculaire dans diverses situations.

2. Méthodologie Participants et Protocole expérimental

Vingt-deux volontaires en bonne santé (10 femmes et 12 hommes) âgés de 20 à 35 ans ont participé à l'étude. Il était spécifié qu'ils ne devaient pas être physiquement actifs (moins de 2 séances par semaine) dans les deux mois précédant l'étude et ne devaient pas avoir d'antécédents de maladies cardiovasculaires, d'hypertension artérielle ou de lésions orthopédiques. Tous les participants ont donné leur consentement éclairé par écrit avant les tests, et l'étude a été approuvée par le comité d'éthique de l'Institut de réadaptation de Montréal. L'expérimentation a impliqué deux types de contractions musculaires : une contraction en rampe (augmentation progressive de la force) et une contraction soutenue à 80% de la force maximale volontaire (FMV) pendant 20 secondes pour induire la fatigue musculaire. Les sujets étaient assis sur une chaise Biodex System III Isokinetic avec un angle de flexion du genou de 50 degrés. L'activité électromyographique (EMG) et mécanomyographique (MMG) a été enregistrée à l'aide d'électrodes de surface placées sur les muscles RF, VL et VM de la jambe gauche. Les données EMG et MMG ont été traitées pour analyser les relations entre la FMd (fréquence médiane), le RMS (root mean square), le moment de force (pour les contractions en rampe) et le temps (pour la contraction soutenue). Des analyses statistiques (test t de Student et ANOVA) ont été effectuées pour comparer les résultats entre les genres et entre les muscles.

II.Analyse de l EMG et de la MMG lors de la contraction en rampe

L'analyse de la pente des relations EMG-FMd/Moment et EMG-RMS/Moment a révélé que l'augmentation de la force était associée à une augmentation de l'amplitude du signal EMG (RMS), plus prononcée chez les hommes. Pour la relation EMG-FMd/Moment, aucune différence significative n'a été observée entre les muscles ou les genres, suggérant une absence de recrutement préférentiel de fibres de gros calibre. L’analyse MMG montre une augmentation de la pente des relations MMG-RMS/Moment, plus prononcée pour le muscle VL. Les résultats concernant la relation MMG-FMd/Moment suggèrent des différences entre les muscles mais pas entre les genres.

1. Analyse de l EMG lors de la contraction en rampe

L'analyse de l'électromyographie (EMG) durant la contraction en rampe a révélé des résultats intéressants concernant le recrutement des unités motrices (UM). L'étude de la pente de la relation EMG-FMd/Moment (fréquence médiane/moment de force) n'a montré aucune différence significative entre les muscles rectus femoris (RF), vastus lateralis (VL), et vastus medialis (VM), ni entre les hommes et les femmes. Cela suggère que la taille des fibres musculaires recrutées progressivement lors de l'augmentation de la force ne diffère pas significativement entre les muscles étudiés, ni entre les genres. Cependant, l'analyse de la pente de la relation EMG-RMS/Moment (root mean square/moment de force) a montré une augmentation significative avec l'accroissement du niveau de force pour tous les muscles. Bien qu'il n'y ait pas de différence significative entre les muscles eux-mêmes, la pente était significativement plus élevée chez les hommes que chez les femmes, indiquant une différence potentielle liée au genre dans le mécanisme de recrutement des UM ou dans l'amplitude du signal EMG généré. Ces résultats contrastent avec certaines études précédentes qui suggéraient une augmentation de la FMd avec l'augmentation de la force, ce qui serait relié au recrutement progressif de fibres musculaires de plus gros calibres, selon le principe de la taille des motoneurones. La présente étude suggère que ce principe pourrait ne pas être aussi prédominant dans les muscles du quadriceps que dans d'autres muscles précédemment étudiés. Les différences observées entre les genres concernant le paramètre RMS pourraient être liées à des facteurs tels que l’épaisseur du tissu sous-cutané.

2. Analyse de la MMG lors de la contraction en rampe

L'analyse de la mécanomyographie (MMG) durant la contraction en rampe a complété l'analyse EMG en fournissant des informations sur le recrutement spatial et temporel des unités motrices. L’analyse de la pente de la relation MMG-RMS/Moment a montré une augmentation pour les trois muscles du quadriceps (RF, VL, VM), confirmant l'implication du recrutement spatial des UM dans la production de force. Cette augmentation était particulièrement prononcée pour le VL, suggérant une stratégie de recrutement spatial différente pour ce muscle par rapport aux muscles VM et RF. Bien qu'il n'y ait pas eu de différence significative entre les genres, une tendance à une pente plus élevée de la relation MMG-RMS/Moment a été observée chez les hommes. Pour ce qui est de la relation MMG-FMd/Moment (fréquence médiane/moment de force), les muscles RF et VL présentaient un comportement différent, mais aucune différence significative n'a été trouvée entre les hommes et les femmes. Ces observations suggèrent que la MMG est sensible au recrutement spatial des UM, et que le muscle VL pourrait avoir une stratégie de recrutement différente des autres muscles du quadriceps. Les résultats obtenus ne concordent pas entièrement avec ceux de précédentes études (Akataki et al., 2001, 2003) sur le biceps brachial et l'interosseux dorsal, qui montraient une contribution plus importante de la fréquence de décharge des UM à l'augmentation de la force à des niveaux de force élevés. Cette différence pourrait être due à des variations dans la composition et la distribution des fibres musculaires entre ces muscles et ceux du quadriceps.

III.Analyse de l EMG et de la MMG lors de la fatigue musculaire

Lors de la contraction soutenue (fatigue), l'analyse des relations EMG-FMd/Temps et EMG-RMS/Temps a montré une diminution de la FMd (plus prononcée chez les femmes) et une augmentation du RMS. Pour la MMG, les pentes des relations MMG-FMd/Temps et MMG-RMS/Temps étaient plus élevées chez les hommes, mais sans différence significative entre les genres. L'étude suggère que la MMG est moins sensible au dérecrutement des UM pendant la tâche de fatigue que l'EMG.

1. Analyse EMG lors de la fatigue musculaire

L'étude de la fatigue musculaire, induite par une contraction soutenue à 80% de la force maximale volontaire (FMV) pendant 20 secondes, a été menée à l'aide de l'électromyographie (EMG). L'analyse des pentes des relations EMG-FMd/Temps et EMG-RMS/Temps a permis d'évaluer la réponse des muscles du quadriceps à cette tâche de fatigue. Concernant la fréquence médiane (FMd), une diminution globale a été observée (pente négative), reflétant une baisse de la fréquence de décharge des unités motrices (UM). Cette diminution était plus importante chez les femmes pour les muscles rectus femoris (RF) et vastus lateralis (VL), bien qu'aucune différence significative n'ait été statistiquement établie entre les genres. Le muscle vastus medialis (VM) chez les hommes présentait une pente plus élevée que le VL et le RF, suggérant une fatigue potentiellement plus importante de ce muscle chez les hommes. En ce qui concerne l'amplitude du signal EMG, mesurée par le root mean square (RMS), une augmentation globale a été constatée (pente positive), correspondant à une augmentation de l'activité électrique musculaire en réponse à la fatigue. Cependant, il n'y a pas de différence significative dans la relation EMG-RMS/Temps entre les muscles ou entre les genres. La diminution de la FMd suggère une modulation de la fréquence de décharge des UM durant la fatigue, et l'augmentation du RMS reflète l'augmentation de l'activité globale due à une augmentation du recrutement spatial des UM ou à une augmentation de leur fréquence de décharge. Ces observations mettent en lumière les mécanismes complexes de la fatigue musculaire, impliquant une modulation combinée du recrutement spatial et temporel des UM.

2. Analyse MMG lors de la fatigue musculaire

L'analyse de la mécanomyographie (MMG) lors de la tâche de fatigue a visé à compléter les données EMG et à apporter des informations supplémentaires sur les stratégies de recrutement des unités motrices durant la fatigue. L’analyse des pentes des relations MMG-FMd/Temps et MMG-RMS/Temps a permis d'évaluer cette réponse. Concernant la fréquence médiane (FMd), une différence significative a été trouvée entre les genres pour la pente de la relation MMG-FMd/Temps, les hommes montrant une diminution moins importante que les femmes. De plus, la pente était plus prononcée au niveau du VL par rapport aux muscles VM et RF. Pour le paramètre RMS (root mean square), aucune différence significative n'a été observée entre les muscles ni entre les genres pour la pente de la relation MMG-RMS/Temps. La MMG, contrairement à l’EMG, s’est avérée peu sensible à la modulation du recrutement des UM durant la tâche de fatigue. Ces résultats diffèrent de ceux d'études précédentes, notamment Søgaard et al. (2003) sur le biceps brachial, qui ont observé un dérecrutement spatial des UM, mais ceci pourrait s'expliquer par les différences dans le protocole de fatigue utilisé. Dans l'ensemble, les résultats MMG suggèrent que la stratégie de réponse à la fatigue musculaire est moins visible via la MMG que par l'EMG, au moins avec le protocole de fatigue utilisé dans cette étude.

IV.Comparaison avec les études précédentes et conclusions

Les résultats de cette étude diffèrent de ceux d'Akataki et al. (2001, 2003), qui ont observé une contribution significative de la fréquence de décharge des UM à l'augmentation de la force à des niveaux de force élevés. Ces différences pourraient être dues à la composition et la distribution différentes des fibres musculaires entre les muscles du biceps brachial (étudiés par Akataki et al.) et les muscles du quadriceps. L'étude souligne l'importance d'évaluer le recrutement spatial et temporel des UM pour une compréhension complète de la contraction musculaire et de la fatigue musculaire, soulignant le potentiel clinique de l'EMG et de la MMG pour l'évaluation et le suivi de la réadaptation.

1. Comparaison avec les études d Akataki et al.

Les résultats de cette étude diffèrent de ceux obtenus par Akataki et al. (2001, 2003). Ces auteurs avaient suggéré, à partir de l'analyse de la relation MMG-MPF/Force (mécanomyographie - fréquence moyenne de puissance/force), que la fréquence de décharge des unités motrices (UM) contribuait significativement à l'augmentation de la force musculaire, surtout lorsque le recrutement spatial des UM était diminué ou achevé. Cependant, leurs observations étaient limitées à des contractions isométriques en rampe des muscles biceps brachial et interosseux dorsal. L'étude actuelle, portant sur les muscles du quadriceps, met en évidence des différences significatives. La composition et la distribution des fibres musculaires diffèrent considérablement entre les muscles du quadriceps et ceux étudiés par Akataki et al., ce qui explique probablement les divergences observées dans les résultats. L'absence de corrélation aussi claire entre la fréquence de décharge et l'augmentation de la force dans cette étude souligne l'importance de considérer les spécificités musculaires et les limites de la généralisation des résultats d'une étude à d'autres muscles.

2. Conclusions et implications cliniques

Cette étude met en évidence l'importance d'une évaluation simultanée du recrutement spatial et temporel des unités motrices (UM) pour comprendre la génération de la tension musculaire, aussi bien chez les sujets sains que dans les états pathologiques. L’utilisation combinée de l'électromyographie (EMG) et de la mécanomyographie (MMG) permet une analyse plus complète des mécanismes de recrutement. L’étude propose des mesures non invasives précises pour le suivi clinique et l’évaluation des progrès durant la réadaptation. Les résultats suggèrent que l'EMG et la MMG fournissent des informations complémentaires concernant le recrutement spatial et temporel des UM. Alors que l’EMG est sensible aux changements d'amplitude et de fréquence associés à la fatigue, la MMG semble moins affectée par les variations de recrutement des unités motrices rapides durant la fatigue. L’étude souligne la nécessité de tenir compte des différences de composition musculaire et du genre lors de l'interprétation des résultats électromyographiques et mécanomyographiques. Le potentiel clinique de ces méthodes réside dans leur capacité à distinguer précisément le rôle de chaque mécanisme de recrutement et à identifier leurs modifications en cas de lésion, ce qui pourrait avoir un impact significatif sur le développement d'interventions thérapeutiques ciblées.