
Homosexualité et Discriminations en Droit Privé
Informations sur le document
Auteur | Daniel Borrillo |
instructor/editor | Daniel Borrillo |
subject/major | Droit Privé |
Type de document | Ouvrage |
city_where_document_was_published | Paris |
Langue | French |
Format | |
Taille | 2.39 MB |
- homosexualité
- discrimination
- droit privé
Résumé
I.L égalité de traitement et la discrimination liée à l orientation sexuelle en droit privé français
Ce document analyse la jurisprudence française concernant la discrimination envers les personnes homosexuelles dans le droit privé. Il souligne l'importance du principe d'égalité de traitement, garantissant que l'homosexualité ne constitue pas un motif de discrimination au regard de la loi pénale. Cependant, l'approche de la liberté seule est dépassée; l'égalité exige une approche probatoire inversant la charge de la preuve en cas d'allégation de discrimination. Des directives européennes depuis 1997 obligent les États membres à lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle. L'absence de définition légale de la discrimination indirecte en France est pointée comme un problème. Des exemples de discriminations dans le milieu professionnel, incluant le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, sont mentionnés.
1. L homosexualité et le droit pénal une variante de la sexualité humaine
Le document établit d'emblée que l'homosexualité, au regard du droit pénal, ne constitue ni plus ni moins qu'une variante de la sexualité humaine, au même titre que l'hétérosexualité. Cette affirmation pose les bases d'une analyse qui va au-delà de la simple tolérance, en se focalisant sur l'égalité de traitement et non pas seulement sur la liberté individuelle. Le texte insiste sur le respect de la liberté de choix, mais souligne qu'une telle liberté ne doit pas être interprétée comme une justification de discriminations. Il préfigure ainsi une approche juridique qui privilégiera l'égalité de traitement face à toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Cette introduction met en place le contexte de l'analyse qui suit, en insistant sur la nécessité d’une approche plus équitable, intégrant le principe de non-discrimination au cœur de la réflexion juridique concernant l'homosexualité.
2. Au delà de la simple tolérance une nouvelle perspective d égalité de traitement
Le document critique l'approche précédente, centrée exclusivement sur la liberté individuelle, comme insuffisante pour lutter contre les discriminations. Il propose une nouvelle perspective axée sur l'égalité de traitement, allant au-delà de la simple tolérance. Cette nouvelle approche est présentée comme une interrogation directe sur l'égalité, remettant en cause une approche qui considérait l'homosexualité uniquement sous l'angle de la liberté. L’accent est mis sur l’instauration d’une procédure probatoire particulière, inversant la charge de la preuve. Désormais, celui qui se sent victime de discrimination doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, après quoi c'est au défendeur de prouver l'absence de violation du principe d'égalité. Cette inversion de la charge de la preuve est présentée comme un élément clé pour une meilleure protection des droits des personnes homosexuelles face à la discrimination. Ce changement de perspective est fondamental pour garantir une véritable égalité.
3. Le cadre juridique européen et les directives anti discrimination
Le texte souligne l'influence du droit communautaire sur la lutte contre la discrimination liée à l'orientation sexuelle. Depuis 1997, différentes directives européennes obligent les États membres, dont la France, à prendre des mesures pour lutter contre ces discriminations. Le document met en évidence un décalage entre ces directives européennes et la législation française, notamment l'absence de définition légale de la discrimination indirecte. Ce manque est considéré comme un problème majeur, car il empêche une application complète et efficace des directives européennes. Le législateur français, il est mentionné, semble s'être référé à la jurisprudence de la Cour de cassation pour établir le caractère vraisemblable de la discrimination. L'analyse de cette jurisprudence et de ses limites concernant la discrimination indirecte constitue un point central de l’étude.
4. L insuffisance de la législation française face à la discrimination indirecte
Une section clé du document met en lumière l’absence d’une définition légale de la discrimination indirecte en droit français, malgré les directives communautaires qui l’exigent. Cette lacune juridique est identifiée comme un obstacle majeur à la lutte contre les discriminations subtiles et indirectes. L’amalgame entre la discrimination directe et indirecte est critiqué, car la jurisprudence se concentre principalement sur la discrimination directe, laissant de côté les cas de discrimination indirecte. Le législateur français semble s’être inspiré de la jurisprudence de la Cour de cassation, mais cette approche est jugée insuffisante pour appréhender la complexité de la discrimination indirecte. La nécessité d’une clarification législative est implicitement soulignée pour combler ce vide juridique et garantir une protection effective contre toutes les formes de discrimination.
II.La vie sociale et professionnelle harcèlement homophobe et discriminations
Le document détaille les formes de harcèlement homophobe au travail, allant de remarques agressives et blagues jusqu'aux menaces et violences physiques. Des exemples concrets, tels que le fichier de recrutement des laboratoires Servier mentionnant "pas le profil – homosexuel", illustrent l'ampleur du problème. L'étude britannique citée révèle la fréquence des différentes formes de harcèlement psychologique motivé par l'homosexualité. La peur de la révélation de son orientation sexuelle et les conséquences sur le plan professionnel sont largement abordées à travers des témoignages. L’impact sur l’autorité en milieu de travail est également soulevé.
1. Formes et ampleur du harcèlement homophobe au travail
Le document expose l'existence et la diversité des formes de harcèlement homophobe en milieu professionnel. Il ne se limite pas à une simple mention, mais illustre la réalité de ce harcèlement à travers des exemples concrets et des témoignages. Il est question de violences physiques (5%), de menaces (14%), de questions agressives (41%), d’abus homophobes (51%), de blagues ou railleries (79%), et d'autres formes de harcèlement (17%), selon une étude britannique citée. Ces statistiques illustrent l'ampleur du problème et la variété des comportements discriminatoires. Le document souligne également la peur ressentie par les personnes homosexuelles de révéler leur orientation sexuelle, craignant des répercussions professionnelles importantes. Plusieurs témoignages anonymes, recueillis notamment sur la Ligne azur et rapportés par Libération, témoignent de cette préoccupation et du climat de pression dans lequel évoluent les travailleurs homosexuels. L’existence de fichiers occultes, comme celui mis au jour chez les laboratoires Servier mentionnant « pas le profil – homosexuel », confirme la réalité des pratiques discriminatoires.
2. Exemples concrets de discrimination et de fichiers occultes
Des exemples concrets de discrimination sont présentés pour illustrer les mécanismes à l’œuvre. Laboratoires Servier et leur fichier de recrutement mentionnant explicitement « pas le profil – homosexuel » est cité comme preuve tangible de discrimination à l'embauche. Un autre exemple est donné avec la Société Alsthom Energy Systems et son questionnaire adressé à 548 salariés portant sur leur vie privée, créant ainsi un fichier occultant des informations sensibles sur l’orientation sexuelle. Ces exemples démontrent que la simple visibilité de l'homosexualité peut suffire à déclencher des pratiques discriminatoires. Le document fait également référence aux rapports annuels de l'association SOS homophobie et au livre blanc de l'association L'autre Cercle sur l'homophobie au travail, soulignant la persistance et la profondeur de ce phénomène. Ces références externes étayent l’analyse et montrent que le problème est largement documenté par des associations dédiées à la lutte contre l’homophobie. Le document utilise ces exemples pour étayer son argument central concernant l’ampleur et la persistance des discriminations.
3. Témoignages et conséquences psychologiques du harcèlement homophobe
Plusieurs témoignages anonymes sont inclus dans le document afin de mettre en lumière l’impact psychologique du harcèlement homophobe sur les victimes. Ces témoignages soulignent la peur de la révélation de l’orientation sexuelle, la nécessité de vivre dans le mensonge, et l’impact négatif sur la vie professionnelle et personnelle. Par exemple, un témoignage mentionne la peur de perdre son emploi, tandis qu'un autre évoque la création de faux profils hétérosexuels pour se protéger de la discrimination. Ces récits illustrent la pression psychologique subie par les personnes homosexuelles au travail et la difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée. L’expérience de l’isolement et de la peur constante de révéler son identité est clairement mise en évidence. Ces témoignages servent à humaniser l'analyse juridique et à renforcer l’impact des statistiques présentées précédemment.
III.La vie privée et la vie de couple discrimination et accès aux droits
L'étude examine les difficultés rencontrées par les couples de même sexe concernant l'accès à divers droits. Elle mentionne la jurisprudence relative au concubinage et les difficultés de reconnaissance de dette ou de legs entre partenaires de même sexe. L’impossibilité passée d'obtenir une carte « couple » à la SNCF pour les concubins de même sexe est un exemple cité. La question du mariage et de l'accès à l'adoption est abordée. Le refus d'adoption conjointe aux couples homosexuels est lié à l'absence d'accès au mariage et à des arguments culturels et anthropologiques invoquant la préservation d'un ordre familial traditionnel. La proposition d’une distinction entre « parenté » et « parentalité » est évoquée comme solution pour concilier les revendications des couples homosexuels et le système juridique actuel. Des arguments contre l'accès à l'adoption pour les couples de même sexe, basés sur la nécessité de préserver la mixité (masculin/féminin) dans la filiation, sont présentés.
1. Difficultés juridiques des couples homosexuels le cas du concubinage
Le texte aborde les difficultés rencontrées par les couples homosexuels dans le cadre du concubinage, un statut juridique qui ne leur offre pas les mêmes protections que le mariage. Il cite des exemples de décisions de justice annulant des reconnaissances de dettes ou des legs consentis entre partenaires de même sexe, au motif d'illicéité de la cause ou d'immoralité. La Cour d'appel de Nîmes, par exemple, a annulé une reconnaissance de dette entre deux femmes, et un tribunal a annulé des legs consentis par un homme à ses concubins, considérant que ces actes visaient à rémunérer et prolonger des relations immorales. Ces exemples mettent en lumière les obstacles juridiques auxquels se heurtent les couples homosexuels lorsqu'ils tentent d’officialiser leurs relations et de protéger leurs biens. L'absence de dispositions spécifiques concernant la discrimination dans le cadre du concubinage est soulignée, révélant une lacune dans le dispositif légal.
2. L accès au mariage et l adoption une discrimination flagrante
Le document souligne l’impossibilité pour les couples de même sexe d’accéder au mariage civil, imposant de fait une différence de traitement par rapport aux couples hétérosexuels. Cette impossibilité est directement liée à l’impossibilité d’adopter conjointement un enfant, puisque le Code civil (article 343) limite l’adoption conjointe aux seuls couples mariés. La réforme de l’adoption de 1996, selon la doctrine, a explicitement exclu les couples homosexuels, et une mission d’information parlementaire de 2006 s’est prononcée contre l’élargissement du droit d’adoption à ces couples. Cette analyse met en évidence une discrimination institutionnalisée et maintenue par le système juridique. La différence de traitement est donc clairement établie, et le document explore les implications de cette situation pour les couples homosexuels, notamment en termes d’accès aux droits et à la reconnaissance sociale.
3. La fonction symbolique du droit et la proposition d une nouvelle institution la parentalité
C. Neirinck est cité, soulignant l’impossibilité actuelle pour le législateur de répondre aux aspirations des couples de même sexe en matière d’adoption. Cette impossibilité, selon l’auteur, n’est pas d’ordre pratique (manque d’enfants adoptables), mais s’enracine dans la fonction symbolique du droit et la construction identitaire de l’individu. Cependant, reconnaissant la légitimité de la revendication d’un statut pour les couples homosexuels ayant un projet parental, C. Neirinck propose une solution novatrice : la distinction entre parenté et parentalité. Il suggère de dissocier la revendication d’un statut de sa satisfaction sur le terrain de la filiation, en créant une institution nouvelle de la « parentalité » distincte de la « parenté », laissant ainsi l'accès au droit de la filiation exclusivement aux couples hétérosexuels. Cette proposition vise à trouver un équilibre entre les revendications des couples homosexuels et les fondements traditionnels du droit de la filiation.
4. Arguments contre l assimilation du mariage et des liens homosexuels
Le document présente des arguments opposés à l’assimilation du mariage et du concubinage à la communauté de vie homosexuelle. Certaines opinions, notamment celles de P. Legendre et I. Théry, soutiennent qu’il existe une impossibilité fondamentale pour notre société d’établir un lien légal de filiation entre deux personnes de même sexe. Cette impossibilité serait liée à la nécessité de préserver un ordre culturel et anthropologique considéré comme supérieur. Le droit de la filiation serait soumis à une contrainte de mixité (masculin/féminin), pour maintenir un ordre généalogique inscrit dans la double lignée paternelle et maternelle, excluant toute filiation unisexuée. Ces arguments mettent en avant une conception traditionnelle de la famille et de la filiation, et illustrent le débat complexe entourant la reconnaissance des couples homosexuels et leur accès aux droits.
IV.La vie familiale et la filiation droit à l adoption et obstacles légaux
Cette section se concentre sur l'impossibilité légale pour un couple de même sexe d'adopter conjointement un enfant en France, en raison de l'article 343 du Code civil. Le refus d'étendre le droit d'adoption aux couples homosexuels est débattu, en soulignant l'impact sur la construction identitaire de l'enfant. L'opinion de C. Neirinck, suggérant une distinction entre parenté et parentalité, est discutée. La question de la maternité de substitution et de la gestation pour autrui est abordée, avec les garanties légales entourant ces pratiques et les potentialités de contestation concernant la filiation. La position de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'homoparantalité et son impact sur l'adoption sont mentionnées. Le document souligne la division au sein de la communauté scientifique quant aux conséquences de l'accueil d'un enfant par des parents homosexuels.
1. L impossibilité légale de l adoption conjointe pour les couples homosexuels
Le document souligne l’impossibilité actuelle pour les couples de même sexe d’adopter conjointement un enfant en France. Cette impossibilité est directement liée à l’article 343 du Code civil, qui réserve l’adoption conjointe aux seuls couples mariés. Les couples homosexuels, contrairement aux couples hétérosexuels, n’ont pas accès au mariage, ce qui les empêche de former une demande d’adoption conjointe. La réforme de l’adoption de 1996 n’a pas ouvert cette possibilité aux concubins, et la doctrine interprète cette décision comme une volonté du Parlement d’interdire l’adoption aux homosexuels, même au-delà des couples de concubins hétérosexuels. Une mission d’information parlementaire de 2006 a également rejeté l’élargissement de ce droit aux couples de même sexe. Cette situation met en évidence une inégalité de traitement flagrante entre les couples homosexuels et hétérosexuels en matière d’adoption.
2. Arguments philosophiques et anthropologiques contre l adoption homosexuelle
Le document expose des arguments opposés à l’adoption par des couples homosexuels, basés sur des considérations philosophiques et anthropologiques. Certaines opinions estiment qu'il existerait une impossibilité fondamentale pour la société, et a fortiori pour le droit, d’établir un lien légal de filiation à l’égard de deux personnes de même sexe. La différence de traitement serait alors justifiée par la nécessité de préserver un ordre culturel considéré comme supérieur. P. Legendre et I. Théry sont cités, affirmant que le droit de la filiation serait soumis à une contrainte de mixité (masculin/féminin), pour maintenir un ordre généalogique basé sur la double lignée paternelle et maternelle. Cette perspective refuse toute « filiation unisexuée », c’est-à-dire établie entre deux individus du même sexe, illustrant un point de vue qui met en avant des conceptions traditionnelles de la famille et de la transmission.
3. Proposition de distinction entre parenté et parentalité une solution alternative
Face à l’impossibilité actuelle d’accorder l’adoption aux couples de même sexe, le document explore une proposition alternative formulée par C. Neirinck. L’auteur reconnaît qu’il serait aujourd’hui impossible pour le législateur de répondre aux aspirations des couples homosexuels en matière d’adoption, non pas pour des raisons gestionnaires (manque d’enfants adoptables), mais en raison de la fonction symbolique du droit dans la construction identitaire individuelle. Cependant, il défend la légitimité de la revendication d’un statut pour ceux qui élèvent ou ont un projet parental. Il propose d’introduire une distinction entre la parenté (liée à la filiation biologique) et la parentalité (fonction sociale et éducative). Il suggère ainsi de dissocier la revendication d’un statut parental de sa satisfaction sur le terrain de la filiation, en créant une institution nouvelle de la « parentalité » accessible aux couples homosexuels, tout en laissant l’accès au droit de la filiation biologique aux couples hétérosexuels.