
Musique et Politique au Kerala : Nationalistes Hindous contre Marxistes
Informations sur le document
Auteur | Christine Guillebaud |
Type de document | Article de recherche |
Langue | French |
Format | |
Taille | 1.01 MB |
- Musique
- Politique
- Nationalisme
Résumé
I.Deux Programmes Nationalistes Compétitifs pour les Pratiques Artistiques au Kerala
Cet article compare deux programmes nationalistes rivaux concernant les pratiques artistiques au Kerala. Il examine les visions opposées du patrimoine culturel et de la culture nationale, ainsi que les stratégies employées par le Sangh Parivar (avec son organisation culturelle Tapasya) et le gouvernement du Kerala (communiste) pour promouvoir leurs idéologies respectives – l’Hindouisme pour le premier et un nationalisme régional kéralite pour le second. L’analyse se concentre sur la manière dont chacun utilise la musique, la danse (Kathakali, Mohiniyattam), la poésie et le folklore pour atteindre le public, notamment la jeune génération via Balagokulam. Des figures clés comme M. A. Krishnan (rédacteur en chef de Kesari) et Sureshkumar (président de Tapasya à Trichur) apportent un éclairage précieux sur ces approches contrastées.
1. Contexte historique et émergence de deux nationalismes concurrents au Kerala
L'article situe le contexte de l'étude en soulignant l'importance croissante des pratiques artistiques dans l'arène politique du Kerala depuis le milieu du XXe siècle. La partition de l'Inde en 1947 et la création d'États régionaux sur une base linguistique ont favorisé un nationalisme local au Kerala, gouverné par un gouvernement communiste nouvellement élu. Ce gouvernement a mis en place une politique culturelle ambitieuse promouvant le patrimoine local en musique et en danse, dans le but de construire une unité nationale «kéralite». Des initiatives concrètes, comme la création de festivals dans les grandes villes, des compétitions artistiques dans les écoles et les collèges, et le développement d'un réseau de radio et de télévision diffusant la musique locale, témoignent de cet engagement. Parallèlement, la création d'instituts de recherche (principalement dirigés par des chercheurs marxistes) spécialisés dans les études folkloriques a généré un volume important de publications au cours des 60 dernières années. Cette politique culturelle étatique contraste fortement avec l'approche du Sangh Parivar, dont les initiatives sont axées sur la propagation d'une identité hindoue.
2. Le Sangh Parivar et l Hindouisation des arts le cas de Tapasya
L'analyse se penche sur les activités du Sangh Parivar et de son organisation culturelle Tapasya, soulignant leur rôle dans la diffusion de l'idéologie Hindutva au Kerala. Tapasya, dont le nom fait référence au concept védique de tapas, est présentée comme l'une des premières organisations de ce type en Inde, initialement créée par des activistes RSS. Elle est devenue une force motrice derrière l'organisation nationale All India Samskara Bharati. Tapasya publie le magazine Varttikam et possède une trentaine d'unités au Kerala, Irinjalakuda étant particulièrement développée grâce à un environnement artistique riche et une importante élite brahmane. Son action vise à promouvoir la culture hindoue à travers les arts classiques et folkloriques, mais en les recontextualisant selon une vision hindouiste. L’organisation met l’accent sur l’intégration des arts classiques et folkloriques dans un même projet culturel, souvent au détriment des spécificités historiques et religieuses des traditions locales. La participation d'artistes, même issus de castes inférieures, est observée mais toujours sous le prisme de l’idéologie hindouiste.
3. La politique culturelle du gouvernement du Kerala un nationalisme régional et l égalité sociale
L'article présente ensuite la politique culturelle du gouvernement du Kerala, axée sur la promotion d'une identité «kéralite» fondée sur des valeurs d'égalité sociale. Contrairement à l’approche du Sangh Parivar, le gouvernement communiste utilise les arts comme un outil de promotion de l'unité nationale et d'inclusion sociale. Il organise des festivals urbains pour promouvoir la musique et les arts de la scène dans l'espace public, ainsi que des compétitions artistiques dans les écoles et les collèges. Ces initiatives créent de nouveaux espaces artistiques et diffusent massivement de nombreuses pratiques musicales et dansées. L'implication de folkloristes locaux, souvent issus de milieux marxistes, joue un rôle clé dans la médiation culturelle, et l’approche met l’accent sur l’expérience sensible et collective, notamment via les rituels et les formes artistiques populaires et tribales. L'objectif est de célébrer l'histoire et la culture communes de la région, contrairement à l'approche plus uniformisante et hindouisée de Tapasya.
4. Balagokulam une approche éducative pour enfants axée sur la culture hindoue
Balagokulam, une deuxième association culturelle liée au Sangh Parivar, est présentée. Cette organisation cible les enfants par le biais d'activités éducatives et de loisirs hebdomadaires, organisées dans des petits groupes et chez des particuliers. Le programme comprend des prières, des récitations, des chansons, des poèmes, des jeux et des danses de groupe. Les méthodes pédagogiques font appel à des supports imprimés tels que le livre «Malayalam Songs. Selection of Folk Songs» par Gopi Putukode. Ce manuel présente des chansons folkloriques classées selon une progression idéologique qui hiérarchise un récit biologique entre le monde végétal, la vie animale, la structure familiale et les formes artistiques. Cette approche vise à naturaliser les formes familiales et artistiques en estompant les différences de caste et de région, mais elle néglige souvent l'aspect performatif des chansons folkloriques, concentrant l'enseignement sur le texte écrit sans prendre en compte la pratique musicale concrète. L'organisation compte environ 1700 unités au Kerala et utilise une approche éducative informelle, parfois différente de celle de Tapasya.
II.La Stratégie du Sangh Parivar et de Tapasya Une Hindouisation des Arts
Le Sangh Parivar, par le biais de Tapasya (fondée en partie autour du concept védique de tapas), promeut une hindouisation des arts au Kerala. Tapasya, en lien étroit avec le mouvement Hindutva, organise des événements artistiques et publie le magazine Varttikam. Son approche privilégie les arts classiques (Kutiyattam, musique classique indienne), interprétant les formes folkloriques (teyyam) à travers un filtre hindou, souvent en réduisant ou en modifiant les rituels pour souligner les références aux épopées hindoues (Ramayana, Bhagavata Purana). L'organisation compte environ 30 unités au Kerala, Irinjalakuda étant la plus active. Elle offre des possibilités de représentation aux artistes, notamment ceux des castes inférieures, mais dans un cadre idéologique précis.
1. Tapasya une organisation culturelle du Sangh Parivar au Kerala
Le Sangh Parivar, à travers son organisation culturelle Tapasya, promeut une vision spécifique de la culture hindoue au Kerala. Initialement créée par des intellectuels et des activistes RSS, souvent considérés comme «officiellement clandestins» en raison des interdictions répétées du RSS, Tapasya se présente comme une organisation artistique et littéraire. Elle a joué un rôle clé dans la création de l'All India Samskara Bharati en 1981. Tapasya publie le magazine mensuel Varttikam (1000 exemplaires) et possède environ 30 unités au Kerala, dont celle d'Irinjalakuda, particulièrement active en raison de la présence d'une importante élite brahmane et d'artistes réputés. L'organisation offre des opportunités de performance et des sources de revenus aux musiciens, profitant du contexte de changement de mécénat des arts classiques après l'indépendance de l'Inde. Malgré son lien avec le Sangh Parivar et sa promotion d’une culture hindouiste, de nombreux artistes collaborent avec Tapasya sans forcément adhérer pleinement à son idéologie.
2. Hindouisation des arts et stratégies de médiation culturelle
Tapasya œuvre à une unification des pratiques esthétiques sous l’égide d’une tradition culturelle hindoue unique. Cette unification passe par la sélection et la présentation des formes artistiques, souvent en privilégiant les aspects textuels et les références aux épopées hindoues comme le Ramayana et le Bhagavata Purana. Les formes folkloriques, comme le teyyam, sont présentées de façon «conventionnelle», c’est-à-dire en réduisant ou en modifiant les rituels pour n’en garder que les éléments textuellement explicités et facilement assimilable par un public non initié. Sureshkumar, président de Tapasya à Trichur, explique cette approche en distinguant des formes «conventionnelles» et «non conventionnelles», cette dernière catégorie regroupant les formes considérées comme moins orthodoxes ou moins liées directement au corpus des textes sacrés. Cette sélection et cette présentation des arts ne tiennent pas compte des spécificités historiques et sociales des traditions, ni de l'hétérogénéité des contextes locaux, visant à créer une image d'une culture hindoue unifiée. Le but ultime, selon Sureshkumar, est de combler le fossé entre le divin et l'humain, une vision caractéristique du nationalisme hindou.
3. Ambiguïté et contradictions de l approche de Tapasya
L'approche de Tapasya présente des ambiguïtés et des contradictions. Si l'organisation revendique la promotion d’une culture indienne unifiée, son discours rencontre la résistance d’artistes de renommée internationale, eux-mêmes préoccupés par le déclin de leurs traditions locales. Tapasya met en avant les artistes qu'elle soutient, sans toutefois que le message idéologique soit toujours clairement perçu par le public. La plupart des artistes semblent collaborer avec l’organisation pour les opportunités offertes, sans forcément partager son idéologie. Cette collaboration témoigne de la complexité du processus d’enracinement culturel de Tapasya au Kerala, où l'organisation s’appuie sur le prestige des arts classiques et de la culture hindoue pour étendre son influence, même auprès de milieux artistes moins directement alignés sur son idéologie politique.
III.La Politique Culturelle du Gouvernement du Kerala Un Nationalisme Régional et l Égalité Sociale
Contrairement à la stratégie du Sangh Parivar, le gouvernement du Kerala promeut un nationalisme régional kéralite basé sur les valeurs d’égalité sociale. Sa politique culturelle, axée sur le folklore et les arts traditionnels du Kerala, utilise les festivals urbains (ex: Attam à Trichur) et les compétitions artistiques scolaires (Kerala State Youth Festival) pour diffuser la musique et la danse folkloriques. Cette politique a engendré la création d'instituts de recherche sur le folklore, contribuant à une documentation importante des traditions locales. L'accent est mis sur la performance et l'expérience sensible, contrairement à l'approche textuelle privilégiée par Tapasya. L'implication des folkloristes locaux est fondamentale dans cette politique.
1. Un nationalisme kéralite basé sur l égalité sociale
La politique culturelle du gouvernement du Kerala, traditionnellement communiste, vise à promouvoir une identité «kéralite» fondée sur les valeurs d'égalité sociale. Contrairement à l'approche du Sangh Parivar, elle utilise les arts de la scène comme moyen de diffuser ces valeurs et de construire une unité nationale. L’approche met l’accent sur les arts populaires et traditionnels. Cette politique, en place depuis les années 1950, a conduit à la création d'instituts de recherche sur le folklore, de festivals urbains ciblant les classes moyennes et de compétitions artistiques dans les écoles et les collèges. La radio et la télévision locales diffusent également la musique locale, favorisant ainsi une large diffusion des pratiques artistiques du Kerala. Les arts ne sont pas uniquement considérés à travers leurs textes, mais comme des expériences sensibles et cognitives favorisant un sentiment d’unité et de fierté régionales.
2. Les festivals folkloriques urbains et les compétitions scolaires
Deux axes majeurs illustrent cette politique culturelle : les festivals folkloriques urbains et les compétitions artistiques scolaires. Les festivals, comme l'Attam à Trichur, réunissent des centaines de musiciens, danseurs et artistes rituels de tout le Kerala. Ils mettent en avant la diversité des formes artistiques régionales et des cultes locaux, contrastant avec l’approche unificatrice et hindouiste de Tapasya. Des conférences et des débats abordent des thèmes plus larges touchant aux questions économiques, sociales et environnementales liées à la préservation des écosystèmes, des connaissances locales, et de la gestion des ressources naturelles. L’organisation de ces événements repose fortement sur la collaboration avec des folkloristes locaux qui jouent un rôle de médiateurs entre les institutions et les artistes. En parallèle, les compétitions artistiques scolaires, le Kerala State Youth Festival, représentent un vaste projet éducatif rassemblant des milliers d'étudiants chaque année. L’évaluation des performances repose sur le potentiel de transformation des formes artistiques, plutôt que sur l'authenticité, encourageant ainsi l’innovation tout en assurant la transmission intergénérationnelle du patrimoine culturel du Kerala.
3. Médiation culturelle et contraste avec l approche nationaliste hindoue
La politique culturelle du gouvernement du Kerala et les initiatives du Sangh Parivar diffèrent sensiblement dans leur approche de la médiation culturelle. Les folkloristes kéralites, souvent considérés comme des sympathisants de la cause «prolétarienne», travaillent principalement avec des artistes des castes inférieures, diffusant les arts folkloriques dans un public local large, notamment lors de fêtes locales. Ils utilisent des supports comme le Folk Arts Directory pour diffuser l'information lors des festivals. Cette démarche se distingue de celle du Sangh Parivar, dont les organisations comme Tapasya et Balagokulam rencontrent des difficultés à contacter directement les artistes folkloriques et privilégient une approche textuelle et idéologique plus forte. Le gouvernement favorise l’inclusion et la diversification du patrimoine culturel, contrairement au projet d’unification autour d’une culture hindouiste promue par le Sangh Parivar. Cette différence se retrouve dans l'éducation artistique : alors que Balagokulam utilise des manuels sans implication des artistes originaux, les folkloristes kéralites, eux, utilisent les festivals pour promouvoir des troupes locales.
IV.Balagokulam L Éducation Culturelle Hindouiste pour les Enfants
Balagokulam, une autre organisation du Sangh Parivar, cible les enfants par une éducation informelle basée sur des valeurs hindoues. Elle compte environ 1700 unités au Kerala, organisant des sessions hebdomadaires axées sur des textes sacrés (Bhagavad Gita, Puranas), des chansons folkloriques (Malayalappattukal) et des jeux. L'objectif est la transmission d'un patrimoine culturel hindou, mais la pratique diffère parfois de la théorie, les activités se réduisant parfois à des jeux classiques adaptés. Gopi Putukode, auteur d'un manuel éducatif et responsable de Balagokulam, défend une conception naturaliste de la culture, réduisant la complexité sociale pour véhiculer une identité hindoue.
1. Organisation et fonctionnement de Balagokulam
Balagokulam, organisation du Sangh Parivar, propose une éducation culturelle hindoue aux enfants de 5 à 15 ans au Kerala. Elle compte environ 1700 unités, organisées localement dans les quartiers. Des tuteurs (raksadhikari) encadrent des groupes d'une vingtaine d'enfants lors de sessions hebdomadaires de 90 minutes, généralement le dimanche matin, chez un particulier. Un jeune (balamitram) assiste le tuteur. L'association insiste sur une approche informelle et non hiérarchique, encourageant le jeu et la participation active. Les sessions comprennent des prières, des récitations, des chants, des poèmes, des jeux et des danses. Certaines unités fonctionnent au sein d'orphelinats de Seva Bharati, une institution caritative du Sangh Parivar, ciblant ainsi une population spécifique. Cette approche permet un recrutement élargi, au-delà des membres déjà engagés dans d'autres organisations du Sangh Parivar.
2. Contenu pédagogique et transmission des valeurs hindoues
Balagokulam utilise des supports pédagogiques imprimés, comme le manuel Plan of Learning: A Handbook for the Raksadhikaris, comprenant des textes du Mahabharata, des bhajans, des extraits de poètes classiques, de la poésie folklorique pour enfants, l'alphabet malayalam et l'hymne national indien. Le contenu est choisi par des spécialistes de la littérature enfantine, souvent membres du RSS. Les jeux sont souvent des jeux classiques adaptés pour intégrer des concepts hindous, comme le jeu des «trois mondes» (akasa, bhumi, pattalam) qui vise à inculquer des valeurs morales. Malgré un discours ambitieux sur la transmission des valeurs hindoues de l’enfant à la famille puis à la société, la réalité des sessions est souvent moins structurée et plus proche de simples activités ludiques. Le manuel de chansons folkloriques Malayalam Songs. Selection of Folk Songs, composé par Gopi Putukode, responsable de Balagokulam, met en avant une conception naturaliste de la culture, minimisant les aspects sociologiques et performatifs au profit d’une approche simplifiée et essentialiste.
3. Dissonance entre le discours idéologique et la pratique
L'étude souligne un écart entre le discours idéologique de Balagokulam et les pratiques concrètes. L'image idéalisée des actions des enfants est souvent plus importante que la réalité des activités. Bien que visant à propager des valeurs morales et des règles de comportement, l’impact réel sur la médiation culturelle des valeurs hindoues dans le cercle familial reste difficile à évaluer. L'approche pédagogique se base sur une conception caricaturale du processus d'apprentissage et sur une vision fondamentalement anti-sociologique de la culture. L'absence d'instructions pratiques sur l'interprétation musicale des chansons folkloriques, souvent inconnues des tuteurs, illustre les limites de cette approche textuelle, ignorant l'aspect performatif essentiel des arts folkloriques. La comparaison avec l'approche des folkloristes locaux, impliqués dans la politique culturelle du gouvernement du Kerala, met en évidence le contraste entre une approche sensible et performative et une approche purement textuelle et idéologique. Balagokulam compte environ 1700 unités au Kerala.
V.Méthodes Contrastées et Conception de la Culture
L’étude révèle des différences fondamentales entre les approches du Sangh Parivar et du gouvernement du Kerala. Le Sangh Parivar (Tapasya, Balagokulam) adopte une approche de standardisation et d’interprétation du patrimoine culturel à travers un prisme hindou. Le gouvernement, quant à lui, met l'accent sur la diversité, la performance, et l'implication des artistes locaux, notamment ceux des castes défavorisées. Cette divergence dans la transmission des arts et la conception même de la culture montre les enjeux politiques et idéologiques sous-jacents aux pratiques artistiques au Kerala.
1. Méthodes contrastées de transmission culturelle
L'étude met en lumière des méthodes radicalement différentes employées par le gouvernement du Kerala et les organisations nationalistes hindoues (Sangh Parivar) pour la transmission de la culture. Le gouvernement, par le biais de festivals folkloriques et de compétitions scolaires, promeut une vision inclusive et diversifiée du patrimoine culturel, mettant en avant la richesse des traditions locales et les performances artistiques. L'implication des folkloristes locaux, souvent marxistes, est centrale dans ce processus. À l'inverse, le Sangh Parivar, à travers Tapasya et Balagokulam, favorise une approche plus uniformisante et idéologiquement orientée, centrée sur une conception hindoue de la culture. Tapasya sélectionne et présente les arts en privilégiant les aspects textuels et les références aux épopées hindoues, souvent en modifiant ou en simplifiant les rituels folkloriques. Balagokulam, quant à elle, se focalise sur l’éducation des enfants par le biais de manuels et d'activités ludiques imprégnées de valeurs hindoues, avec un décalage parfois important entre le discours et la pratique.
2. Conception divergente de la culture nationale et du patrimoine
Les deux approches révèlent des conceptions divergentes de la culture nationale et du patrimoine. Le gouvernement du Kerala met l'accent sur la diversité des cultes et des formes artistiques régionales, considérant cette diversité comme la marque de richesse du patrimoine local. Les performances sont présentées dans leur intégralité, avec l'indication précise de la caste ou de la tribu d'origine. Le Sangh Parivar, au contraire, vise à une standardisation de la culture sur la base d’une vision religieuse hindouiste, privilégiant les arts classiques et les formes folkloriques interprétées selon un prisme hindou. Balagokulam, par son approche naturaliste de la culture folklorique, minimise l'importance des contextes sociaux, notamment les différences de caste et de région. Gopi Putukode, dans son manuel de chansons folkloriques, présente une vision essentialiste de la culture, ignorant les nuances de la pratique artistique et se concentrant uniquement sur la transmission de textes. Cette différence d’approche démontre les enjeux politiques et idéologiques sous-jacents aux conceptions contrastées de la culture et du patrimoine au Kerala.
3. Transmission des arts un contraste entre approche massive et transmission informelle
La transmission des arts est également abordée différemment. Le gouvernement met en œuvre une transmission massive par le biais du Kerala State Youth Festival, un système de compétitions artistiques scolaires qui impliquent des milliers d’élèves. Ce dispositif assure un apprentissage et une diffusion à grande échelle des pratiques artistiques locales. Ce système valorise l’innovation et la transformation des formes artistiques au lieu de se concentrer sur une notion d'authenticité statique. Les organisations du Sangh Parivar, en revanche, adoptent une approche plus informelle, notamment à travers les unités locales de Balagokulam qui cherchent à diffuser des valeurs hindoues par une transmission familiale. Tapasya, quant à elle, ne possède pas de discours explicite sur l'éducation artistique, laissant ce rôle à Balagokulam qui se base surtout sur des manuels. Le contraste entre ces méthodes met en lumière la tension entre une diffusion massive et une transmission familiale, entre une approche participative et une approche idéologiquement dirigée.