
Le Milieu de la Laïcité : Contextes, Espaces et Temps
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Langue | French |
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- laïcité
- philosophie
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Résumé
I.Le Plaisir de la Science et la Nécessité d un Cerveau Double
L'auteur explore le paradoxe du plaisir scientifique : la recherche scientifique procure une grande satisfaction (la science, recherche scientifique), mais l'apprentissage des résultats déjà acquis en offre peu. Face à la banalisation progressive des vérités scientifiques, même cette satisfaction s'amenuise. Or, la science, en remettant en question la métaphysique, la religion et l'art, appauvrit une source de plaisir essentielle à l'humanité. Une civilisation supérieure devrait donc offrir à l'homme un « cerveau double » : un compartiment pour la science, l'autre pour les non-sciences, afin de préserver l'équilibre et la santé mentale.
1. Le paradoxe du plaisir scientifique
L'extrait initial pose une problématique centrale : la science procure une immense satisfaction à ceux qui la font, ceux qui la construisent par leur travail et leurs recherches. Cependant, pour ceux qui n'y participent que par l'apprentissage des résultats, le plaisir est considérablement diminué. L'auteur utilise l'exemple de la table de multiplication, autrefois admirée, aujourd'hui banale, pour illustrer la perte progressive de satisfaction liée à la banalisation des connaissances. Cette diminution du plaisir est inhérente à la nature même de la science et de sa progression, les découvertes devenant progressivement communes et moins exceptionnelles. La science, dans sa quête de vérité, peut aussi causer une perte de plaisir en remettant en cause les systèmes de croyance qui procurent du réconfort à l'homme comme la métaphysique, la religion et l'art, ces sources de consolation étant mises en doute par le raisonnement scientifique. L’auteur souligne ainsi l’appauvrissement de cette source de plaisir, la plus grande selon lui, indispensable à l’humanité. Cette perte de plaisir induite par le progrès scientifique est la raison principale de l’argumentation ultérieure.
2. La nécessité d un cerveau double pour une civilisation supérieure
Face à ce constat, l'auteur propose une solution radicale pour concilier la science et le plaisir, la santé mentale et la satisfaction humaine. Il imagine une civilisation supérieure qui offrirait à l'homme un « cerveau double », métaphoriquement parlant. Ce cerveau serait composé de deux compartiments cérébraux distincts et étanches, l’un dédié à la perception et à la compréhension de la science, l’autre à tout ce qui se situe hors de son champ. Cette séparation est présentée comme indispensable à l'équilibre psychologique, à la santé mentale de l’individu. L'un des compartiments serait une source d'énergie, nourri par les illusions, les passions et les idées, tandis que l'autre, celui de la science, jouerait le rôle de régulateur, prévenant les conséquences néfastes d'un enthousiasme ou d'une croyance trop intense. Cette proposition, audacieuse, est le cœur de l'argument principal, posant la nécessité d'une cohabitation équilibrée entre la rationalité scientifique et les sources de plaisir et de sens non scientifiques pour la survie de l’espèce humaine.
3. Le devenir de l humanité sans un tel équilibre
L’auteur poursuit en dressant un tableau pessimiste du devenir de l’humanité si cette condition d’un « cerveau double » n’est pas remplie. Sans cet équilibre, le goût de la vérité scientifique, source de moins en moins de plaisir, disparaîtrait progressivement. L’illusion, l’erreur et la chimère, associées au plaisir, reconquériraient le terrain perdu, menant à la ruine des sciences et à une rechute dans la barbarie. L’humanité serait contrainte de recommencer sans cesse, telle Pénélope, à reconstruire ce qu’elle détruit, sans garantie de retrouver toujours la force de le faire. Cette image de Pénélope détissant sa toile la nuit pour la retresser le jour est une métaphore puissante illustrant la fragilité et le danger de la situation actuelle. Le texte met en garde contre le risque d'un effondrement civilisationnel si la société ne prend pas en considération le besoin fondamental d’équilibre entre la vérité scientifique et le besoin humain de croyance et de passion. Cette prédiction pessimiste conclut la première section du texte, insistant sur les conséquences dramatiques d’un déséquilibre fondamental.
II.Pouvoir Mensonge d État et la Construction d une Communauté Laïque
Ce chapitre aborde la question du pouvoir et du mensonge d'État, en s'interrogeant sur la constitution d'une communauté dans le cadre de la laïcité. L'auteur examine la praxis du contrat social et la notion de religion civile, ainsi que la dialectique du maître et du serviteur comme support théorique pour analyser l'émancipation du serf dans le contexte féodal, menant à la naissance des États modernes. L'influence de l'Église sur la formation des États et la façon dont ces derniers se sont démarqués de l'influence religieuse sont des points clés de la discussion.
1. Le pouvoir le mensonge d État et la laïcité
Cette section introduit la problématique du pouvoir politique et de son rapport à la vérité. En s'appuyant sur Platon, l'auteur soulève la question du mensonge d'État, cette manipulation de la vérité au service de la raison d'État. Il explore ensuite la complexité de la construction d'une communauté laïque, questionnant la pertinence d'une praxis contractuelle et l'éclaircissement de la notion de religion civile, vue comme un substitut au sentiment religieux. La réflexion s'oriente vers une analyse de la relation entre le pouvoir et la communauté dans le contexte de la laïcité, en interrogeant les mécanismes de pouvoir et les stratégies de légitimation. Ce segment pose les bases pour une analyse plus approfondie des relations de pouvoir, des implications du mensonge d’État et des défis de la construction d’une communauté laïque.
2. Dialectique du maître et du serviteur et l émancipation du serf
Le texte propose une réinterprétation de la dialectique du maître et du serviteur de Hegel, l'appliquant à la relation seigneur-serf dans le contexte féodal. Cette réinterprétation sert de support théorique pour analyser le processus d'émancipation du serf et son passage vers une société plus égalitaire. Le mouvement de sortie de la féodalité est donc abordé comme un processus dynamique, examinant les transformations de la tradition, de la sécularisation et de la croyance. L'objectif est de comprendre comment ce processus a influencé la naissance des États modernes. L'analyse de la dialectique du maître et du serviteur offre un cadre conceptuel pour comprendre les dynamiques de pouvoir et l'émancipation sociale dans un contexte historique précis, préparant ainsi le terrain pour une réflexion sur la construction d’une société plus juste et égalitaire.
3. L Église l État et la formation des États modernes
Cette partie explore le rôle crucial de l'Église et de son influence sur la formation des États modernes. L'auteur interroge comment l'Église a utilisé le langage et le pouvoir pour entraver l'émergence d'États indépendants. Il soulève la question de la manière dont ces États naissants ont réussi à se libérer de l'influence religieuse pour se constituer en entités politiques distinctes et autonomes. L'analyse s'intéresse aux stratégies de pouvoir, aux transformations idéologiques et aux mécanismes de sécularisation qui ont accompagné ce processus historique. Le texte suggère une exploration des rapports complexes entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique dans la genèse des États modernes et la complexité de la construction d’une société laïque et indépendante.
III.Foi Ignorance et Aveuglement Idéologique
L'auteur critique la foi aveugle, qu'elle soit religieuse ou économique (néolibéralisme), comme source d'ignorance et d'aveuglement idéologique. Il met en lumière le danger du fanatisme et la nécessité d'une conscience éclairée par le doute. L'exemple de l'interprétation littérale de la Bible, contrastée avec les données archéologiques, illustre ce point. Le rejet de l'explication sociologique par des figures politiques comme Manuel Valls est analysé comme une forme de mépris pour la science sociale critique.
1. La foi comme certitude et aveuglement
L'auteur définit la foi comme une certitude absolue, insensible aux faits qui pourraient la contredire. Cette foi, qu'elle soit religieuse ou placée dans le Capital, guide le fidèle, le crédule. Cependant, si elle n'est pas éclairée par une conscience instruite et avisée, elle devient aveugle et confine à la passion, voire au fanatisme. L’auteur prend l’exemple de la lecture littérale des Évangiles, présentée comme historiquement vraie et non comme une construction narrative. L'opposition entre les récits bibliques et les données archéologiques, malgré quelques succès marginaux, souligne la proximité potentielle entre la foi et l'ignorance, ou l'aveuglement idéologique. Cette critique de la foi aveugle et non-critique est le point de départ de l’argumentation, servant d’introduction à une réflexion sur le rapport entre croyance, connaissance et idéologie.
2. Critique de l explication sociologique et la haine du pouvoir pour la critique
La section suivante analyse la réaction des représentants de l’État face aux explications sociologiques. La citation de Manuel Valls, « Il ne peut y avoir aucune explication qui vaille, expliquer c'est déjà vouloir un peu excuser », illustre cette volonté de dénigrer l'analyse sociologique en la réduisant à une simple explication politique, culturelle ou religieuse. Cette critique vise à discréditer la sociologie, pourtant intrinsèquement critique et cherchant à expliquer les faits sociaux de manière objective. L'auteur identifie Sarkozy et Valls comme des figures caricaturales de ce mépris du social, préférant le politique, l'économique et le culturel à une interprétation structurale de la société. Cette hostilité envers la critique sociologique, souligne l’auteur, est caractéristique du pouvoir, qui cherche à maintenir son emprise en rejetant toute perspective qui pourrait la remettre en cause.
3. Le rôle du clerc et la contradiction de l individualisme
L'analyse se poursuit sur le rôle du clerc, que ce soit dans le cadre religieux (« clerc de notaire ») ou dans l'appareil d'État, comme instance de pouvoir détenteur de la vérité. Ce clerc se place au-dessus du commun, apportant la vérité du code à l’ignorant. Cette hiérarchie, présente dans le clergé et les officiers ministériels, est comparée à celle de la religion civile, où une cléricature de « sachants » domine un monde subalterne. Le texte met en avant le fait qu’une attitude critique envers ce système entraîne des répressions comme le lynchage médiatique ou les procès. Ironiquement, la critique est accusée d’individualisme alors que l’individualisme est une valeur dominante dans notre société actuelle. Cette contradiction souligne l'hypocrisie du système, qui valorise l'individualisme tout en le condamnant lorsqu'il s'oppose au pouvoir établi.
IV.Le Clerc le Pouvoir et le Lynchage Médiatique
Cette section analyse le rôle du « clerc » (cléricature) – qu'il soit religieux ou appartenant à l'appareil d'État – dans le maintien d'une hiérarchie sociale. L'auteur souligne la manière dont l'État moderne, issu de la sécularisation de l'Église, perpétue cette hiérarchie, punissant toute critique par le lynchage médiatique ou des poursuites judiciaires. L'individualisme, vanté par les médias, est présenté comme une valeur négative utilisée pour contrôler et réprimer la dissidence.
1. Le clerc comme détenteur de la vérité et instrument de subordination
L'analyse commence par l'examen du terme « clerc », notamment dans l'expression « clerc de notaire ». Le clerc est présenté comme un membre d'une officine où il occupe une position supérieure au commun, détenant et dispensant la vérité du code juridique à ceux qui l'ignorent. Ce rôle, similaire à celui d'un évêque, met en évidence une hiérarchie sociale maintenue par l'accès privilégié à la connaissance. De même, la cléricature, qu'il s'agisse du clergé ou des officiers ministériels (ministres du culte), désigne un corps social supérieur aux citoyens ordinaires, servant d'intermédiaire entre le monde et ceux qui gouvernent. La religion civile, selon l'auteur, reproduit cette même structure avec une cléricature de « sachants » contrôlant un monde subalterne. Cette structure hiérarchique, issue de la tradition, est le point de départ de l’analyse, le clerc étant présenté comme un instrument de subordination et de contrôle social.
2. Le lynchage médiatique et la justice comme outils de répression
La section suivante explore les conséquences d'une attitude critique envers le pouvoir établi. Aujourd'hui, la critique est réprimée par le lynchage médiatique (ridicule, perte de crédit) ou par des poursuites judiciaires. Même la présomption d'innocence, constamment rappelée, souligne le fait qu'une personne est déjà jugée coupable aux yeux du public avant même un procès. L'auteur souligne le paradoxe d'être accusé d'individualisme dans une société qui promeut cette valeur par le marketing. Cette contradiction révèle une instrumentalisation de l'individualisme comme valeur négative, utilisée pour punir ceux qui dévient des normes établies. Le système crée une société permissive où l'absence de visibilité équivaut à l'impunité (« pas vu, pas pris »), tandis que la justice n’est pas équitable pour tous, illustré par l’inégalité des statuts judiciaires.
3. Individualisme responsabilité et société permissive
L'analyse se centre sur la contradiction inhérente à l'individualisme promu par les médias. Bien que l’individualisme soit valorisé, il devient une valeur négative dès lors que les actions d’un individu ne correspondent pas aux attentes des autres. L'individu est constamment rappelé à sa responsabilité (chauffeur, adulte, parent, employé), mais les injonctions contradictoires créent une société permissive où ce qui n'est pas vu n'est pas sanctionné. L'expression « pas vu, pas pris » illustre cette situation, qui est aggravée par une justice inégale selon les catégories de population. Le statut de témoin assisté est cité comme exemple d’inégalité devant la loi. Cette partie met en lumière l’instrumentalisation de l’individualisme comme outil de contrôle social dans une société permissive qui ne sanctionne que ce qui est visible et qui applique la loi de manière inégale.
V.Néolibéralisme comme Fascisme et la Défiance comme Norme
L'auteur explore la thèse selon laquelle le néolibéralisme est une forme de fascisme, en soulignant son économisme extrême et son asservissement de l'État à ses objectifs. L'orthodoxie budgétaire, l'absence d'alternatives (« There is no alternative »), et le fanatisme idéologique sont présentés comme des caractéristiques du néolibéralisme. L'analyse inclut la critique du nouveau management et de sa destruction des avancées sociales de l'après-guerre (fonction publique, sécurité sociale).
1. Le néolibéralisme comme économisme extrémiste
Cette section pose une thèse provocatrice : le néolibéralisme serait comparable à un fascisme. Manuela Cadelli, présidente de l'association syndicale des magistrats en Belgique, est citée comme partageant ce point de vue. Le néolibéralisme est analysé comme un économisme, un extrémisme idéologique similaire aux extrémismes religieux. Ce qui le caractérise comme fascisme est son association avec l'État, voire son asservissement de l’État à ses objectifs économiques. L’économisme, en assujettissant le politique, aligne les valeurs politiques sur celles du néolibéralisme, créant une situation nihiliste où l'humanisme est balayé par l'orthodoxie budgétaire. Cette analyse souligne la nature fondamentaliste et fanatique du néolibéralisme, présenté comme une idéologie totalitaire ne tolérant aucune alternative (« There is no alternative »).
2. Asservissement de l État et alignement des valeurs
L'analyse poursuit en décrivant l’assujettissement du politique à l’économisme néolibéral. Cet alignement des valeurs politiques sur celles du néolibéralisme engendre une situation nihiliste où tout humanisme est éclipsé par l'orthodoxie budgétaire. Cette orthodoxie, présentée comme une technique, se veut inscrite dans la Constitution des États, témoignant de son ambition hégémonique. Le néolibéralisme est décrit comme un fanatisme appuyé sur une foi fondamentaliste en l'économie libérale, réduisant toutes les autres pensées à des utopies dénigrées. L'injonction « There is no alternative » de Margaret Thatcher illustre cette absence de place pour les discours critiques ou les alternatives au néolibéralisme, signifiant son omniprésence et son caractère imposé.
3. Le nouveau management et la destruction des acquis sociaux
Le texte aborde ensuite la politique du nouveau management et son impact sur le monde du travail. Il décrit le sens du travail dans le cadre néolibéral comme un processus de coordination des employés pour la production, conforme aux exigences du patron. Cette vision est critiquée comme masquant la volonté du patronat de détruire les avancées anticapitalistes de l'après-guerre, notamment la fonction publique et la sécurité sociale. Pierre Gattaz, figure du patronat français, est cité comme exemple, son discours sur l’organisation du travail étant analysé comme une rhétorique visant à dissimuler une stratégie de démantèlement des acquis sociaux. La désorganisation et la désorientation de l’emploi sont présentées non comme des réalités, mais comme un discours servant les intérêts du capital.
VI.Le Sens du Travail et la Désappropriation
L'emploi salarié est analysé comme un processus de désappropriation du travail, avec une critique du discours managérial qui vise à coordonner le travail des employés pour la production capitaliste. Pierre Gattaz, président du MEDEF, est cité comme exemple. Le but affiché de « donner un sens à ce qu'on fait » est déconstruit comme une stratégie pour masquer la volonté du patronat de détruire les acquis sociaux.
1. L emploi salarié comme processus de désappropriation
Le texte introduit le concept d'emploi salarié non pas comme une activité positive, mais comme un processus de désappropriation du travail. L’éloge de la coordination entre employés, de l’intersubjectif et de la reconnaissance simple (Hegel), souligne la nature mécanisée du travail dans la chaîne fordiste. Le magnétisme du capitalisme néolibéral est présenté comme une force naturelle, une forme de naturalisation du capital qui uniformise les conditions de travail. La fonction publique et le salariat privé sont mis sur un même plan, incarnant la politique du nouveau management. Dans ce contexte, « donner un sens à ce qu’on fait » signifie coordonner le travail pour produire selon les exigences du patron. L’auteur pose ainsi les bases d’une critique du néolibéralisme, considérant l’emploi salarié comme un instrument de désappropriation et de subordination de l’individu au capital.
2. La rhétorique du nouveau management et la volonté de destruction des acquis sociaux
Le texte poursuit en critiquant la rhétorique du nouveau management. Il met en évidence le caractère banal du discours sur le sens du travail, présenté comme une stratégie pour masquer la volonté du patronat de détruire les avancées anticapitalistes de l’après-guerre. Pierre Gattaz, figure importante du patronat, est cité comme exemple. Son discours, qui prétend une désorganisation et une désorientation de l’emploi actuel, est déconstruit comme une manière de justifier des politiques visant à démanteler les acquis sociaux comme la fonction publique et la sécurité sociale, établies en 1945. L’analyse dénonce ainsi une manipulation du discours sur le sens du travail pour dissimuler une volonté de régression sociale au profit du capital.
VII.Praxis Hétéronomie et la Perte du Sens de l Action
Ce chapitre examine la praxis et son opposition à l'hétéronomie. L'auteur critique la tendance à ordonner les actions en vue d'un avenir prescrit, au détriment de la réalisation du présent. L'intériorisation de messages étrangers, comme dans le cas des marionnettes, est présentée comme une forme de servitude, opposée à l'autonomie et à la vie propre.
1. La praxis et son opposition à l hétéronomie
Cette section introduit la notion de praxis comme action consciente et intentionnelle, opposée à l'hétéronomie, c'est-à-dire l'action déterminée par une force extérieure. La praxis est définie comme une action menée ici et maintenant, dans le but de réaliser le présent et non un futur préconçu. Elle est dirigée par le désir propre de l’individu, qu’il soit pour soi ou pour autrui. L’auteur souligne que la praxis peut être dévoyée par l’intériorisation d’un message étranger qui commande les actions, réduisant l’individu à une marionnette mue par un désir qui ne lui appartient pas. Dans ce cas, l’autonomie est une illusion, remplacée par l’hétéronomie, une servitude imposée par un autre, une vie impropre vécue par procuration. La distinction entre praxis et hétéronomie est donc centrale, la première représentant l’action autonome et libre, la seconde l’action déterminée et subie.
2. Le présent l avenir prescrit et la perte du sens de l action
Le texte critique le renoncement au présent au profit d'un avenir prescrit, déjà tracé à l'avance. Ce processus autoréalisateur, souvent lié à des idéologies (religieuses ou autres), détourne l'attention du présent et impose une conformité à un message ou à une prédiction. Le sens même de la praxis, l’agir conscient et autonome, est ainsi perdu. L'individu, au lieu de réaliser ses propres désirs, se conforme à une vision imposée, perdant ainsi le contrôle de son action et sa capacité à façonner son présent. Ce processus d’aliénation, où l’individu agit selon les directives d’un autre, est comparé à une marionnette manipulée par ses fils. Le concept d’autonomie est ainsi opposé à celui d’hétéronomie, soulignant la perte de sens et de liberté associée à la soumission à des objectifs préétablis.
3. La réappropriation du présent et la praxis en commun
En contrepoint à l’hétéronomie, l’auteur propose une alternative basée sur la réappropriation du présent par la praxis. Vivre pour soi et avec autrui, dans une praxis commune et en-commun, devient le mot d’ordre. Il faut remplir le présent de notre présence, sans visée idéologique ni projet communautaire préétabli. La production de l’en-commun est vue comme une relation réciproque, soutenue par le récit et le partage d’expériences. Relater en présence de soi et des autres est présenté comme le propre de l’homme, ce qui le différencie du « vivre ensemble », une intersubjectivité impersonnelle. L’auteur met en valeur la complexité des relations humaines, impossibles à appréhender totalement par l’individu seul, ce qui permet d’introduire la force du calcul effectué par les grandes entreprises technologiques comme Google, Amazon, Facebook etc.
VIII.L En Commun le Récit et la Réappropriation du Présent
L'auteur propose de remplir le présent de notre présence comme mot d'ordre, en produisant l'en-commun par le récit et la relation réciproque. Il distingue le « vivre ensemble » de la véritable société, en critiquant l'intersubjectivité impersonnelle et le fantasmatique de la société néolibérale, perçu comme un pré-fascisme.
1. Remplir le présent de notre présence un mot d ordre
Cette section propose une alternative à l'hétéronomie et à la soumission à un avenir pré-défini. Le mot d'ordre est de « remplir le présent de notre présence », c'est-à-dire de vivre pleinement l'instant présent, sans se laisser dominer par des projections futures ou des idéologies. L’objectif n’est pas de construire une communauté selon un projet préétabli, mais de créer une relation réciproque, un « en-commun », basée sur le partage d’expériences et le récit comme lien social. Cette approche privilégie la relation, le « relater en présence », par opposition à une simple intersubjectivité impersonnelle, un « vivre ensemble » superficiel qui ne constitue pas une véritable société, mais un simple agrégat d’individus. Le présent, la présence à soi et aux autres, est central et doit être le point de départ de toute action authentique.
2. Le récit comme liant de la relation sociale et la complexité des trames narratives
L'auteur met l'accent sur le rôle du récit comme élément essentiel de la relation sociale et de la construction de l'en-commun. Le récit, le partage d'histoires et d'expériences, permet de tisser des liens, de créer du sens et de construire une relation réciproque. Il faut se raconter des histoires, les partager, les vivre ensemble, dans une interaction authentique et durable. L’auteur souligne la complexité des trames narratives qui nous relient, une complexité qui dépasse la capacité d'appréciation individuelle. Cette complexité est perçue comme une force, notamment pour les sociétés privées (Google, Amazon, Facebook, etc.) qui cherchent à la décrypter à des fins commerciales, insistant sur la capacité de ces dernières à analyser et à exploiter les liens et informations partagées par les individus. Le récit, ici, est présenté comme un moyen de créer du lien social, mais est aussi un objet d'exploitation par des acteurs économiques puissants.
IX.Les Données de l Homme la Privatisation de la Vie et la Prolétarisation des Savoir Être
Le traitement massif des données par les grandes entreprises technologiques (GAFA - Google, Amazon, Facebook, Apple) est abordé comme une menace pour la vie privée. L'analyse souligne la privatisation de nos récits de vie et la commercialisation de nos données personnelles, conduisant à une prolétarisation des savoir-être et à une dégradation du social en intersubjectif. Le renforcement du communautarisme est perçu comme une réaction à cette destruction de la société.
1. Le traitement massif des données et la privatisation du récit de vie
Cette section aborde le traitement massif des données personnelles par les ordinateurs à haute performance, désigné comme Big Data. Le texte souligne le potentiel effrayant de cette technologie, capable de décrypter et d'analyser le récit de nos vies, cet entrelacement complexe de nos relations et expériences. Au-delà de la question de l'usage commercial de ces données, inhérente au marketing capitaliste, l'auteur s'interroge sur la désirabilité même d'une telle lecture de soi. Nos relations, le cœur même de notre existence, sont traitées par des algorithmes pour être commercialisées. Ce calcul n'est pas neutre ; il oriente nos récits vers des formes commerciales, privatisant ainsi ce qui est le plus personnel et intime. L'auteur souligne que nous tendons à être privés de notre propre récit, pour le profit de sociétés privées, conduisant à une forme de privatisation de notre identité même.
2. La confiscation des savoir être et la prolétarisation numérique
Le texte poursuit en soulignant que ce processus de privatisation ne se limite pas à la commercialisation de nos données. Il s'étend à la confiscation de notre être même, à la privatisation de notre vie. Il s'agit d'une prolétarisation numérique qui va au-delà de la simple exploitation de la force de travail. Nos savoir-être, les caractéristiques essentielles de notre être, sont dérobés pour être revendus sous une autre forme. Il n'y a plus de vie privée, seulement une vie privatisée, dépourvue de relations sociales authentiques. Ce processus, qui débute par la perte de nos savoir-faire traditionnels, se poursuit avec la confiscation de nos savoir-être par les réseaux sociaux et les technologies publicitaires. Cette confiscation est décrite comme une prolétarisation des savoir-être, conduisant à un affaiblissement du lien social et au renforcement des communautés comme refuge face à l’angoisse et à la peur.
3. Les réseaux sociaux comme espaces intersubjectifs et la marchandisation des récits de vie
L'analyse s'étend aux réseaux sociaux numériques, considérés comme des espaces intersubjectifs mais non sociaux, car ils ne mettent en œuvre qu'une mise en contact et non une véritable relation sociale. Ils sont instrumentalisés par les entreprises à des fins publicitaires. Nos récits, nos relations, nos vies, et bientôt nos savoirs (avec les MOOC), constituent un nouveau marché rentable pour ces entreprises. Google, Facebook et autres plateformes sont impliquées, la collecte de données étant décrite comme une forme d'extraction minière, menée à l'aide d'algorithmes créés par des mathématiciens et informaticiens. L’extraction de ces données personnelles, transformées en produits commerciaux, est présentée comme une nouvelle forme d’exploitation, soulignant la vulnérabilité de l’individu dans l’ère numérique.
X.Jouir Tout de Suite Le Neuromarketing et la Société de Consommation
Cette partie traite de l'exigence d'instantanéité et du neuromarketing comme réponse à l'angoisse de la mort omniprésente dans les médias. Le but est de stimuler les pulsions d'achat par tous les moyens. Le neuromarketing, avec sa capacité à visualiser les réactions cérébrales en direct, est analysé comme un outil puissant d'excitation du désir. La frustration résultant de l'impossibilité de satisfaire ce désir télécommandé est également abordée.
1. L exigence d instantanéité et le neuromarketing
Cette section explore l'exigence d'instantanéité, le « jouir, tout de suite ! », comme caractéristique de la société contemporaine, accentuée par le développement informatique et le néolibéralisme. Cette exigence répond à un cri d'angoisse face à la mort omniprésente dans les médias. Le neuromarketing est présenté comme une réponse à cette angoisse, une manière de gérer et de manipuler le désir humain dans un contexte de peur de la mort. L’auteur souligne que ce sentiment d’angoisse face à la mort est artificiellement amplifié par les médias, créant une proximité morbide avec les événements tragiques (attentats) et accentuant le sentiment d’urgence à jouir. Cette manipulation, liée à l’idéologie du désir du capitalisme néolibéral, est au cœur de l’argumentation.
2. Le neuromarketing et la manipulation du désir
L'analyse se concentre sur le neuromarketing et ses mécanismes de manipulation du désir. Les messages publicitaires, construits pour provoquer des pulsions d'achat irraisonnées, exploitent le fonctionnement neurologique de l’individu. L’imagerie cérébrale instantanée permet de visualiser les réactions cérébrales en direct, afin d’optimiser la création de messages visant à déclencher une pulsion d’achat. Cette relation intime entre la libido et la machine, rendue possible par les progrès de l’informatique, vise à pousser le désir jusqu’à la perte de contrôle. L’auteur met en avant la vitesse de traitement de l’information par les technologies numériques, largement supérieure à la vitesse de la pensée humaine (Google est cité comme plus rapide que Zeus), et explique comment cela est utilisé pour exciter le désir jusqu’au paroxysme, créant une frustration lorsque le désir ne peut être satisfait.
3. La société de consommation le recul critique et l aveuglement du parvenu
La section conclut en soulignant la nécessité de prendre du recul face à la dynamique de la société de consommation et de résister à la manipulation du désir. L’auteur critique la « bien-pensance du parvenu », l’illusion de ceux qui se croient supérieurs à la société de consommation. Il illustre cela par deux exemples: le gauchiste bourgeois comme Cohn-Bendit, dont la révolte légitime le système, et la mode du « rétro » ou « vintage », qui récupère et commercialise les éléments de l’ancien monde capitaliste. Ces exemples illustrent des mécanismes de récupération et de neutralisation de la critique, au profit d’un système qui se renouvelle constamment. Le texte met ainsi l’accent sur la nécessité de la prise de conscience et du recul critique pour ne pas être totalement absorbé par les mécanismes de la société de consommation.
XI.Le Réel l Illusion et la Prise de Conscience
L'auteur met en garde contre l'aveuglement de ceux qui se croient supérieurs à la société de consommation, insistant sur la nécessité d'une prise de conscience concernant le fonctionnement du système. Il utilise l'exemple de Cohn-Bendit comme révolutionnaire bourgeois et la mode du « vintage » comme stratégies de légitimation et de récupération du capitalisme.
1. Le recul critique face à la société de consommation nécessité et illusion
Cette section souligne l'importance d'un recul critique face à la dynamique de la société de consommation pour éviter d'être totalement absorbé par elle. Ce recul ne doit pas être une simple illusion, une « bien-pensance du parvenu », la posture de celui qui se croit supérieur tout en agissant comme les autres. Il s'agit plutôt d'un processus de prise de conscience des éléments et de leur fonction dans le système. Le texte met en garde contre l’aveuglement de ceux qui se croient libres, au-dessus de la mêlée, soulignant que ce recul véritable ne s'obtient que par une compréhension approfondie du système et de ses mécanismes de domination. Cette compréhension est présentée comme la condition nécessaire pour développer une pensée critique réellement efficace et indépendante.
2. Exemples de récupération et de légitimation du système Cohn Bendit et la mode vintage
Pour illustrer les mécanismes de récupération de la critique, l'auteur cite deux exemples : Cohn-Bendit, présenté comme un révolutionnaire bourgeois dont la révolte sert finalement à légitimer le système, et la mode du « rétro » ou « vintage », qui rabaisse l’ancien monde capitaliste à un statut anecdotique, facile à assimiler et à commercialiser. Ces exemples montrent comment les critiques superficielles ou la nostalgie du passé peuvent servir à neutraliser les réelles menaces au système. La mode « vintage », notamment, est une manière de récupérer le passé pour le commercialiser et l'intégrer au système, ce qui illustre la manière dont la société de consommation absorbe et neutralise les formes de résistance ou de critique les moins radicales. Le texte met en garde contre ces stratégies de récupération idéologique.
XII.Dualisme Producteur Consommateur et la Société des Loisirs
Cette section analyse la dissociation entre ceux qui produisent (la classe ouvrière) et ceux qui consomment (la bourgeoisie). L'essor des délocalisations et de la production à bas coût a brouillé cette distinction, mais la masse ouvrière française a accès à une permissivité de « couches moyennes ». Le concept de « société des loisirs » est critiqué, ainsi que le lien entre emploi et loisirs (KidZania est mentionné comme exemple), et la situation politique actuelle est décrite comme un paradoxe avec un capitalisme libéral et un État conservateur.
1. Le dualisme producteur consommateur et son évolution
Cette section analyse le dualisme producteur/consommateur, observant une séparation nette entre ceux qui produisent (classe ouvrière) et ceux qui consomment (bourgeoisie). La classe ouvrière achète principalement des biens de subsistance et, si possible, des biens d’équipement, tandis que la bourgeoisie a accès aux biens de luxe et aux biens permissifs. Cette situation, assez marquée durant les Trente Glorieuses, s'est complexifiée avec les délocalisations et la production de masse à bas coût. L'exploitation s'est déplacée, et la classe ouvrière française a eu accès, de manière limitée et dégradée, à des biens de loisirs et à une permissivité de « couches moyennes ». Le texte qualifie ce phénomène de « société des loisirs », imposée et vantée par le système capitaliste, où le pouvoir d'achat est artificiellement créé par la baisse des prix plutôt que par l’augmentation des salaires.
2. La société des loisirs le pouvoir d achat et l impératif contradictoire de la consommation
L’analyse se poursuit sur le concept de « société des loisirs » comme résultat de la délocalisation de l’exploitation et de la production à bas coût. Le « pouvoir d’achat », vanté par le système, est perçu comme une illusion, reposant sur la baisse des prix et non sur l’augmentation des salaires. L’emploi et les loisirs sont présentés comme les deux mamelles du capitalisme, deux sources de profits considérables. KidZania, présenté comme un exemple de la fusion de l’emploi et des loisirs, est cité comme illustration de cette stratégie. L’auteur souligne l’impératif contradictoire de consommer dans la convivialité, tout en maintenant une logique individualiste (« chacun pour soi »). Ce paradoxe caractérise le capitalisme actuel, présenté comme un système libéral et gauchiste, confronté à un État conservateur et social-démocrate.
3. Le néolibéralisme le Front National et les politiques économiques hongroises
Le texte aborde la question de l’application du néolibéralisme, même par des partis comme le Front National. Son programme économique est considéré comme néolibéral. Les politiques économiques récentes de la Hongrie, orientées vers un conservatisme marqué, ne seront soutenues par le capital que tant qu’elles lui rapporteront des dividendes. Cette situation illustre la manière dont même des gouvernements nationalistes ou conservateurs sont contraints d'appliquer des politiques néolibérales. L’exemple hongrois, sous le régime d’Orbán, est présenté comme une forme de « sociale-démocratie libertaire », combinant conservatisme et répression, et le texte suggère que l’économisme est en partie endigué par les affirmations politiques nationales de la Chine et de l’Inde, pointant du doigt la potentialité de l’émergence d’un néo-fascisme nationaliste.
XIII.Politiques Économiques et Néo fascisme
L'auteur discute de l'inévitable application d'un programme économique néolibéral, même par des partis nationalistes comme le Front National. Les politiques économiques hongroises sous Orbán sont analysées comme un exemple de conservatisme et de répression. La possibilité de l'émergence d'un néo-fascisme en réaction à la liberté du néolibéralisme, notamment en Chine et en Inde, est évoquée.
1. Le néolibéralisme comme système économique inévitable
Ce passage soutient que même un parti comme le Front National, s'il accédait au pouvoir, serait contraint d'appliquer un programme économique néolibéral. L'auteur affirme que les dirigeants du Front National sont lucides sur ce point. Cette affirmation suggère l'inévitable pénétration du néolibéralisme dans les sphères politiques, quel que soit le parti au pouvoir. L’argument implique une analyse critique du néolibéralisme, dont les mécanismes dépassent les idéologies politiques traditionnelles. Cette hypothèse, appliquée à un parti aussi éloigné du libéralisme traditionnel, souligne l’emprise profonde du néolibéralisme sur l’économie et la politique.
2. Les politiques économiques hongroises et la soumission au capital
L'analyse se poursuit avec l'examen des politiques économiques hongroises, orientées vers un conservatisme affirmé. Le texte souligne que ces politiques ne seront soutenues par le capital que si elles rapportent des dividendes suffisants. Même une nationalisation partielle d'une entreprise laisse une part importante au capital privé, soulignant la dépendance des États, même « illibéraux », au capital. Une politique conservatrice, même si elle réduit les droits des citoyens et persécute les minorités, aura une incidence marginale sur les marchés. L’exemple hongrois, sous Orbán, est analysé comme une illustration d’un État « illibéral » qui reste soumis aux logiques de la sociale-démocratie libertaire : un mélange de conservatisme et de répression. Ceci démontre l’influence prédominante du capital sur la politique, même dans des régimes qui se présentent comme étant des alternatives au néolibéralisme.
3. L endiguement de l économisme et le risque d un néo fascisme nationaliste
Le texte observe une possible limitation de la prédominance de l’économisme au cours des dernières années, grâce à des affirmations politiques nationales comme celles observées en Chine et en Inde. Cependant, l’auteur met en garde contre un risque important : l'émergence d'un néo-fascisme ou post-fascisme dans ces régions, alimenté par la réaction à la liberté du néolibéralisme et à l’autonomie planétaire du capital. La liberté du néolibéralisme, perçue comme une menace identitaire ou culturelle, pourrait donc engendrer un mouvement réactionnaire nationaliste qui se manifeste comme une réponse au mondialisme et au déracinement culturel. Cette conclusion prévient d’un risque d’émergence de régimes autoritaires nationalistes, en réaction à la mondialisation néolibérale.
XIV.Sécularisation Management et l Organisation comme Forme de Contrôle
En utilisant l'analogie entre l'Église et l'État, l'auteur analyse la sécularisation comme un processus lent et progressif. La baisse des crédits alloués aux institutions publiques est perçue comme une forme de sécularisation, avec une privatisation progressive au profit de partenaires privés. L'application de techniques de management dans le secteur public, notamment à l'hôpital, est critiquée pour sa destruction de la relation patient/soignant et son arasement des pratiques.
1. Sécularisation comme processus lent et progressif
La section introduit la sécularisation non pas comme un événement brutal, mais comme un processus lent et progressif, s'établissant sur le long terme. Elle utilise le parallèle entre l'Église catholique et l'État moderne, deux structures de pouvoir s'imposant à un monde à gouverner. L'État moderne est présenté comme le résultat de la sécularisation de l’Église. La sécularisation est définie comme le passage de valeurs du domaine sacré au domaine profane (ex: charité devient solidarité). Par analogie, la baisse progressive des crédits alloués aux institutions de la République est analysée comme une sécularisation, une perte d'influence de l'État au profit de partenaires privés. L’auteur insiste sur le caractère insidieux et progressif de ce processus de sécularisation.
2. Le management et la transformation des institutions en organisations
Le texte analyse l'impact du management sur les institutions publiques. L'efficacité de ces institutions est mesurée selon leur rentabilité économique. Sous l’influence des méthodes managériales, les institutions se transforment en organisations, leur efficacité étant évaluée en termes de performance, de baisse des coûts et de rentabilité. L'auteur critique l'application de méthodes de management d'entreprise privée au secteur public, prenant l'exemple de l'hôpital. Ce processus, en mesurant le temps de chaque tâche et en normalisant les pratiques, détruit la relation patient/soignant, transformant le patient en client et évacuant l’humanité du temps de travail. Le management est ainsi présenté comme un outil de contrôle et d'uniformisation des pratiques, au détriment des valeurs humaines et du service public.
XV.Tolérance et la Liberté de Conscience
Le principe de tolérance est analysé comme permettant une association apaisée de communautés, mais avec des limites concernant l'incroyance. L'évolution de la pensée sur la tolérance, de Pierre Bayle à John Locke, est retracée. L'auteur se questionne sur la possibilité de se libérer du modèle religieux pour penser le lien politique, en soulignant l'influence omniprésente de l'inspiration religieuse dans les sociétés occidentales. La liberté de conscience est présentée comme supérieure à la liberté de culte.
XVI.Foi Croyance et le Lien Politique
L'auteur explore la distinction entre foi et croyance, questionnant la nature du lien politique et la possibilité de le fonder sans référence transcendante. Il suit l'exemple de Locke, qui déplace la question de la vérité de la foi de l'ontologie à la psychologie, en montrant comment la sécularisation affecte les croyants et crée des crispations.
XVII.Privatisation de l Espace Public et la Destruction de l Intimité
L'auteur analyse la privatisation de l'espace public par la publicité et les entreprises privées (GAFA), contrastant avec la polarité public/privé de la cité grecque. Il souligne la destruction de l'intimité et du droit à la privacy, avec Facebook et Amazon comme exemples. La fondation de l'Académie de Platon est présentée comme une réponse à cette problématique, avec le rôle de la laïcité pour protéger les libertés de conscience et d'expression.
XVIII.L Institution de la Laïcité et la Protection de la Liberté de Penser
L'auteur examine l'institution de la laïcité comme un espace protégeant la liberté d'expression et de conscience, en particulier dans une cité en voie de sécularisation et confrontée à la réaction conservatrice. Il souligne la menace des prescripteurs de vérité qui cherchent à maintenir leur pouvoir et leurs privilèges en limitant les discours contestataires. L'exemple d'Athènes après la tyrannie des Trente est utilisé pour illustrer cette période troublée.
1. La laïcité comme espace de protection des libertés de conscience et d expression
Cette section présente la laïcité comme une institution fondamentale visant à protéger les libertés de conscience et d’expression. Elle est comparée à l’Académie de Platon, un espace d’échange et de controverse protégé des préjugés conservateurs. L’auteur souligne la nécessité d’un espace de liberté de pensée, permettant à l’attention de se focaliser sur tout objet d’étude qui suscite la curiosité, sans crainte de la réaction des tenants de la tradition. Cette protection de la liberté d’expression et de conscience s’étend aux institutions académiques, en référence à l’autonomie de l’université de Bologne sous Frédéric Barberousse. Le texte établit ainsi un lien entre l’institution de la laïcité et la protection de la liberté de penser, en la présentant comme un espace de protection contre les pressions conservatrices.
2. La laïcité face à la réaction conservatrice et la restriction de l espace de contestation
L’auteur analyse la laïcité comme une réponse à la réaction conservatrice qui cherche à maintenir des traditions affaiblies par la sécularisation. Cette réaction vise à préserver les privilèges de la caste dirigeante en limitant l’espace de contestation. Le texte mentionne la situation troublée d’Athènes après la tyrannie des Trente comme un exemple de période où la liberté de pensée était menacée. L’institution de la laïcité est présentée comme une nécessité pour préserver la liberté de penser autrement que selon les diktats des prescripteurs de vérité. La laïcité est donc décrite comme un espace de résistance contre le conservatisme, défendant la liberté d’expression face au pouvoir établi qui cherche à maintenir son contrôle idéologique.
XIX.Liberté d Expression de Conscience et la Révolution Française
Cette section explore l'histoire de la liberté d'expression et de conscience, en montrant comment elle ne concernait qu'une minorité jusqu'à la Révolution française. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est présentée comme un tournant majeur, bien que son application n'ait pas toujours été constante dans les constitutions suivantes. La difficulté de concilier cette liberté avec le pouvoir de la grande bourgeoisie est soulignée.
1. L histoire de la liberté d expression et de conscience une minorité privilégiée
Ce passage retrace l'histoire de la liberté d'expression et de conscience, soulignant qu'elle n'a concerné qu'une minorité de la population à différentes époques. Dans l'Antiquité, cette liberté était restreinte aux membres de l'Académie ou d'autres écoles de pensée. Plus tard, elle était le privilège des membres d'universités indépendantes des pressions politiques et religieuses, ou des hors-la-loi défiant les autorités. Le texte met en perspective l'évolution historique de cette liberté, soulignant qu'elle n’était pas accessible à l'ensemble de la population. Ceci sert d’introduction à l’analyse de la Révolution française comme tournant décisif dans l’élargissement de cette liberté.
2. La Révolution française et la Déclaration des droits de l homme et du citoyen de 1789
La Révolution française est présentée comme le moment où la réflexion sur la liberté d'expression et de conscience s’étend à l’ensemble de la population. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est mise en avant comme un texte fondateur énonçant ce droit. Cependant, le texte note que cette liberté n’a pas été constamment appliquée dans les constitutions suivantes, seulement mentionnée comme référence dans celle de 1946 et rappelée dans celle de 1958. Les Déclarations de 1793 et 1795 sont citées comme exemples de l’application inégale de ce principe. Le passage souligne donc l'importance symbolique de 1789, tout en soulignant la complexité de la mise en œuvre concrète de la liberté d’expression et de conscience dans l’histoire de France.
XX.Privatisation de la Publication et l Urbanisation
L'auteur mentionne la privatisation de l'espace public par les GAFA et l'urbanisation, notamment dans des villes comme Londres, Paris, Hambourg et Istanbul. Des exemples spécifiques sont cités, comme Pater Noster Square et Canary Wharf à Londres, pour illustrer comment des quartiers entiers sont gérés par des entreprises privées, limitant l'espace public et la liberté de manifestation.
.La Toponymie et l Emprise de l Église
L'analyse de la toponymie française, avec des noms de villes et villages faisant référence à des saints, illustre l'emprise profonde et ancienne de la chrétienté. L'auteur retrace brièvement l'histoire de cette influence et son déclin à partir du XIIe siècle, en soulignant les conflits entre le pape et le pouvoir royal comme le conflit entre Boniface VIII et Philippe le Bel.
.La Laïcité et l Exception Alsacienne Mosellane
Ce chapitre traite des spécificités concordataires de l'Alsace et de la Moselle, comme exception à l'application de la loi de 1905 sur la laïcité en France. Le maintien du droit local, qui assure une rémunération des prêtres, pasteurs et rabbins en tant que fonctionnaires et l'enseignement religieux obligatoire dans les écoles publiques, est expliqué par le conservatisme local et le clientélisme.
.Libéralisme Liberté et Déréglementation
L'auteur critique le libéralisme pour son appropriation du thème de la liberté, en particulier la liberté d'entreprendre, et sa déréglementation des marchés. Il souligne l'affaiblissement progressif de l'État avant 1984, avec une brève suspension avec les nationalisations sous Mitterrand, suivie d'un tournant vers le libéralisme économique à partir de 1983-1984.
.La République Laïque et la Révolution Française
La Révolution française est présentée comme un moment clé dans la remise en cause du pouvoir de l'Église en France. La confiscation des biens de l'Église et la cessation de son financement par l'État sont soulignées. La transition vers une république bourgeoise après la Terreur et l'abandon de la constitution de l'an I sont analysées. L'opportunisme de la bourgeoisie, qui profite de la révolution pour s'émanciper de la noblesse et du clergé, est mis en lumière.
.La Loi Falloux le Suffrage Universel et le Conservatisme
La loi Falloux de 1849 et son impact sur l'éducation et le pouvoir du clergé sont mentionnés. Le suffrage universel de 1871 et l'élection d'une chambre réactionnaire, malgré l'adoption du régime républicain, sont analysés. Le rôle des affairistes et propriétaires dans l'anticléricalisme pour démontrer leur républicanisme est souligné.
.Jean Jaurès l Organisation de l Humanité et la Question de la Propriété
Les propos de Jean Jaurès sur l'organisation de l'humanité « sans dieu et sans roi » sont cités, en soulignant son arrêt au seuil du problème social et la question de la propriété. Son débat avec Jules Ferry sur la durabilité des institutions et le rôle de la grande bourgeoisie est évoqué.
.Prolétarisation Esprit et Cerveau La Question du Bouc Émissaire
La prolétarisation sociale et spirituelle est analysée comme une opposition dialectique entre l'individu psychique et ses pratiques, avec la perte de savoir-faire artisanal comme exemple. La réaction de certains groupes à la laïcité, qualifiée d'intégrisme, est abordée. Le concept de bouc émissaire (pharmakós) est introduit.
.La Laïcité comme Réalization d un Potentiel Psychique
La laïcité est définie comme la réalisation d'un potentiel psychique par l'institution d'un collectif transindividuel. Ce collectif vise à protéger la liberté de conscience en imposant une réserve vis-à-vis des manifestations publiques du sentiment religieux. La sécularisation et son opposition avec les tenants de la tradition sont abordées.
1. La laïcité comme réalisation d un potentiel psychique collectif
Cette section propose une nouvelle perspective sur la laïcité, la définissant non seulement comme un cadre politique mais aussi comme la réalisation d’un potentiel psychique collectif. La laïcité est présentée comme l’institution d’un collectif transindividuel qui vise à protéger la liberté de conscience de chaque sujet. Ce collectif impose une réserve quant aux manifestations publiques du sentiment religieux tout en prônant une neutralité bienveillante à l’égard des sensibilités religieuses des différents groupes de croyants. Il s’agit d’un collectif en construction constante, soutenu par la force de la loi depuis 1905 (en France), mais qui possède une histoire plus ancienne, remontant potentiellement à la Grèce antique. La laïcité est ainsi conçue comme un processus dynamique visant à protéger la liberté individuelle au sein d’un espace public partagé.
2. La laïcité la sécularisation et les réactions traditionnalistes
Le texte relie la laïcité au processus de sécularisation, en soulignant que cette sécularisation s’opère par la transformation du monde traditionnel, notamment en Grèce antique. Ce processus de sécularisation, jamais brutal ni totalement manifeste, s’effectue par petits pas, par la transformation progressive de valeurs sacrées en valeurs profanes. La laïcité est alors présentée comme un processus constant de négociation, confrontée à l’intransigeance des tenants de la tradition qui craignent de perdre leur influence. La laïcité est ainsi comprise non pas comme une fin en soi, mais comme un processus dynamique et évolutif, en tension constante avec les forces du conservatisme religieux. L’auteur insiste sur la construction sociale constante et fragile de la laïcité.
.Mensonge d État Vérité et la Raison d État chez Platon
Le mensonge et la vérité chez Platon sont examinés, avec la notion de raison d'État. Le mensonge, justifiable pour la protection de la cité, est analysé comme une illusion présentée comme vérité. L'exemple de la propagation du nuage radioactif de Tchernobyl est utilisé.
1. Le mensonge et la vérité chez Platon un statut relatif
La section explore la conception platonicienne du mensonge et de la vérité, soulignant leur caractère relatif et dépendant du contexte. Chez Platon, le mensonge peut être juste ou injuste, dépendant de son utilisation. Le mensonge est justifié lorsqu’il sert la raison d’État, que ce soit pour tromper les ennemis de la cité ou sa propre population. Cependant, même dans ce cas, le mensonge est présenté comme une vérité à ceux à qui il est adressé, induisant une croyance en une réalité illusoire. L’auteur utilise l’exemple de la propagation du nuage radioactif de Tchernobyl, arrêté à la frontière française, un événement souvent expliqué par la protection de l’anticyclone des Açores, comme illustration d’un mensonge d’État présenté comme une vérité.
2. La raison d État et la manipulation de la croyance
L’auteur analyse la raison d’État comme justifiant le recours au mensonge. Chez Platon, ce mensonge d’État est présenté comme une vérité pour légitimer le pouvoir. La distinction entre diriger et gouverner, développée par Rousseau, est mentionnée comme un contraste avec la conception platonicienne. Pour Platon, les dirigeants gouvernent et dirigent le peuple, sans que ce dernier ne puisse participer au pouvoir. Cette conception, proche d’une aristocratie despotique, où seuls les plus purs gouvernent, permet la manipulation de la croyance par le mensonge. Le texte souligne donc le lien entre la raison d’État, la manipulation et le maintien du pouvoir, en présentant le mensonge comme une stratégie de légitimation politique.
.Constantin le Premier Concile de Nicée et la Constitution du Dogme Chrétien
L'empereur Constantin et le premier concile de Nicée sont abordés comme des moments clés dans l'unification de l'Église et la constitution du dogme chrétien. Le processus d'établissement d'une vérité commune et la suppression de l'hérésie sont analysés.
.Hérésie Orthdoxie et la Construction du Dogme
La notion d'hérésie est discutée dans le contexte de la constitution du dogme chrétien. Les différentes écoles de pensée chrétiennes et leur condamnation par l'Église sont décrites, culminant avec le schisme de 1054 entre les églises d'Orient et d'Occident.
.Le Concile de Trente la Réforme et la Réaction Conservatrice
Le concile de Trente et sa définition de la foi catholique en réaction au protestantisme sont mentionnés. La réaction conservatrice face à la Réforme est soulignée.
.Espérer Croire et la Distinction entre Doxa et Vérité
L'auteur explore les notions d'espérer et de croire, en les reliant à la dóxa (opinion) et en les contrastant avec la vérité rationnelle. Il questionne les distinctions établies par la pensée philosophique entre différents concepts et propose une exploration du cum de Jean-Luc Nancy dans une perspective transindividuelle.
.Rousseau Tolérance Intolérance et la Question du Persécuteur
Les idées de Rousseau sur la tolérance et l'intolérance sont analysées, en distinguant les athées des incroyants. Le persécuteur est défini comme celui qui refuse la différance. L'influence de Rousseau sur la pensée idéaliste allemande est brièvement mentionnée.
.Le Dosage de la Tolérance et de l Intolérance dans la Construction Sociale
L'auteur explore la difficulté de faire société en cherchant à doser la tolérance et l'intolérance pour construire un corps social solide. L'analogie avec le dosage des composants du béton est utilisée.
.Émancipation du Serf Formation du Hameau et du Bourg
L'émancipation du serf et la formation des hameaux et des bourgs sont décrites comme un processus social et économique. Les choix offerts au serf affranchi (rester dans le monde rural ou aller à la ville) et la formation de la plèbe sont soulignés.
.Le Serf Émancipé le Seigneur et la Formation de la Bourgeoisie
L'auteur souligne que l'émancipation du serf ne signifie pas une simple inversion des rôles avec le seigneur. La formation de la bourgeoisie, principalement issue de la petite noblesse de robe (lettrés et juristes), est analysée, en contrastant avec la majorité des artisans qui deviennent ouvriers.
1. Platon et la raison d État le mensonge comme outil politique
Ce passage explore la conception de Platon concernant le mensonge et la vérité dans le contexte de la raison d’État. Pour Platon, le mensonge, utilisé par les dirigeants, peut être justifié s'il sert les intérêts de la cité. Ce mensonge, adressé aux ennemis ou à la population, est présenté comme une vérité à ceux qui le reçoivent. L’auteur souligne que la profération de ce mensonge conduit à la croyance en une vérité illusoire. Cette vision platonicienne du mensonge politique est présentée comme une forme de manipulation de la croyance, au service de la raison d’État. Le texte met en évidence la complexité éthique du pouvoir et la possibilité du mensonge comme outil politique de légitimation.
2. Le mensonge d État le peuple et le pouvoir une aristocratie despotique
L’analyse se poursuit sur la conception platonicienne du pouvoir et du rapport entre les dirigeants et le peuple. Le texte souligne que le mensonge d’État est utilisé pour gouverner la multitude (le laós), le peuple étant considéré comme dépourvu de pouvoir. La distinction entre « diriger » et « gouverner », développée ultérieurement par Rousseau, est mentionnée comme différant de la vision platonicienne. Chez Platon, gouverner et diriger sont confondus, le pouvoir étant détenu par une élite, les « âmes les plus pures ». Cette forme d’aristocratie despotique repose sur une manipulation de la vérité et une hiérarchie sociale rigide. L’auteur fait un lien entre cette conception platonicienne du pouvoir et la manipulation de la croyance à travers le mensonge d’État.