
Métabolisme et gros mangeurs
Informations sur le document
Langue | French |
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Taille | 3.37 MB |
Résumé
I.Hypothèses de recherche et objectifs
Ce mémoire explore le phénomène des gros mangeurs et petits mangeurs de même poids. L'objectif principal est d'identifier les facteurs métaboliques, hormonaux et comportementaux distinctifs entre ces deux groupes. Les chercheurs ont initialement émis l'hypothèse que les gros mangeurs présenteraient une dépense énergétique plus élevée (métabolisme au repos et activité physique) et des taux sériques plus faibles d'hormones gastro-intestinales et du tissu adipeux. L'impact des comportements alimentaires a également été étudié.
1. Hypothèse principale Dépense énergétique
L'hypothèse centrale de ce mémoire est que les gros mangeurs, malgré un poids similaire aux petits mangeurs, affichent une dépense énergétique supérieure. Cette dépense accrue serait observable tant au repos (métabolisme basal) que lors d'activités physiques. Cette hypothèse repose sur l'idée intuitive qu'un apport alimentaire plus important chez les gros mangeurs nécessite une compensation métabolique pour maintenir l'équilibre énergétique et éviter une prise de poids. Le document souligne que cette hypothèse est testée, et que les résultats seront analysés afin de vérifier si la différence de dépense énergétique peut expliquer les variations d'apport alimentaire observées entre les deux groupes. L'étude approfondie du métabolisme basal et de la dépense énergétique liée à l'activité physique est donc au cœur de cette première hypothèse.
2. Hypothèse concernant les hormones
La deuxième hypothèse porte sur le rôle des hormones dans la régulation de l'appétit et de l'énergie. Compte tenu de l'implication des hormones du tissu adipeux dans l'équilibre énergétique et la régulation du poids à long terme, les chercheurs anticipent des niveaux sériques plus faibles d'hormones gastro-intestinales et du tissu adipeux chez les gros mangeurs. L'idée sous-jacente est que les gros mangeurs, malgré leur consommation alimentaire plus importante, pourraient présenter des mécanismes hormonaux compensatoires qui contribuent à maintenir leur poids stable. L'étude approfondie des niveaux sériques d'hormones spécifiques est donc cruciale pour valider cette seconde hypothèse, et permettra de déterminer si les différences hormonales contribuent aux différences d'apport alimentaire observées.
3. Analyse des facteurs comportementaux
La troisième partie de l'étude se concentre sur les facteurs comportementaux liés à l'alimentation. L'objectif est d'explorer les variables comportementales qui pourraient expliquer les différences d'apport énergétique entre les gros et les petits mangeurs. Il s'agit ici d'étudier des aspects comme la fréquence des repas, la taille des portions, la réponse aux stimuli alimentaires, ainsi que les aspects psychologiques liés à l'alimentation (régulation, désinhibition, etc.). Cette analyse permettra de déterminer si des différences dans les comportements alimentaires, indépendamment des facteurs métaboliques et hormonaux, contribuent à la distinction entre les gros et les petits mangeurs. L'étude de ces facteurs comportementaux vise à compléter l'image et à offrir une perspective globale sur les mécanismes qui sous-tendent les différences d'apport alimentaire observées.
II.Études précédentes et revue de la littérature
Des études antérieures, notamment celles de Rose et Williams (1961), ont mis en évidence l'existence de gros mangeurs et petits mangeurs, soulignant une variabilité importante de l'apport énergétique chez des individus de même poids et morphologie. Cependant, la littérature reste limitée, et les explications scientifiques manquent. Plusieurs études mentionnées (références 4, 5-11) ont également rapporté l'existence de ces catégories, mais sans explication concluante quant à la différence de leur efficacité métabolique. La méthodologie d'évaluation de l'apport énergétique, notamment via les journaux alimentaires, est fréquemment remise en question (référence 12).
1. Travaux précurseurs de Rose et Williams 1961
La revue de littérature débute par les travaux pionniers de Rose et Williams en 1961. Ces chercheurs ont été parmi les premiers à s'intéresser à la variabilité de l'apport énergétique chez des individus de poids similaire, observant que certains pouvaient consommer des quantités importantes de nourriture sans prendre de poids (gros mangeurs), tandis que d'autres, malgré une faible consommation, prenaient du poids (petits mangeurs). Cette observation initiale, bien que non expliquée scientifiquement à l'époque, a posé les bases des recherches ultérieures sur ce sujet. Le document souligne que cette observation initiale est bien documentée et que d'autres études (références 5 à 11) ont par la suite confirmé l'existence de ces deux catégories d'individus. Cependant, une explication scientifique complète reste à trouver.
2. Limites de la littérature existante et enjeux méthodologiques
La littérature scientifique concernant les gros et petits mangeurs demeure limitée. Aucune étude n'a réussi à fournir une explication scientifique satisfaisante pour justifier cette observation. Le document met en lumière un enjeu méthodologique crucial : la mesure de l'apport énergétique. Les méthodes utilisées pour évaluer l'apport énergétique des individus, et en particulier l'utilisation des journaux alimentaires, sont souvent remises en question par les chercheurs du domaine (référence 12). La classification même des individus en tant que « gros » ou « petits » mangeurs repose sur la validité de ces méthodes. La fiabilité des journaux alimentaires sur sept jours, souvent utilisés, est discutée. Ce mémoire se propose d'aborder ces limites méthodologiques, en plus de réaliser une synthèse des connaissances acquises jusqu'à présent.
III.Méthodologie des études sur les gros et petits mangeurs
Plusieurs études ont utilisé des méthodologies différentes, dont des journaux alimentaires (sur 7 jours ou plus), des mesures de la dépense énergétique par calorimétrie indirecte, et des évaluations de l'activité physique. L’utilisation de la technique de l'eau doublement marquée (DLW) est mentionnée pour valider l'exactitude des journaux alimentaires et l’estimation de l’apport énergétique. Les études ont été menées sur des échantillons de jeunes adultes, hommes et femmes, souvent des étudiants en médecine ou en sciences biologiques, à Londres, en Écosse et à Montréal. Les données anthropométriques (poids, taille, composition corporelle) et des analyses sanguines (glucose, hormones thyroïdiennes, insuline, ghrelin, leptine, adiponectine) ont été effectuées.
1. Méthodes d évaluation de l apport énergétique
Plusieurs méthodes ont été employées pour évaluer l'apport énergétique dans les études sur les gros et petits mangeurs. Le document met en avant l'utilisation fréquente des journaux alimentaires, souvent sur une période de sept jours. Ces journaux, parfois complétés avec une formation et des outils de mesure (balance, tasses à mesurer), permettent une quantification précise de l'apport en kilojoules (kJ). Cependant, la fiabilité et la validité de cette méthode sont discutées, soulignant la possibilité de sous-estimation ou de surestimation de l'apport énergétique réel par les participants. La question de la représentativité d'un journal alimentaire de sept jours par rapport à l'alimentation habituelle est également soulevée, avec une discussion sur la variabilité intra-individuelle de l'apport alimentaire entre deux périodes d'observation. D'autres méthodes sont mentionnées, telles que les rappels alimentaires (R24) et l'histoire diététique, mais leurs avantages et inconvénients par rapport aux journaux alimentaires sont analysés. Le document cite plusieurs références (12, 13, 18, 19, 42, 43-45, 62, 63, 64) pour étayer ces points.
2. Mesures de la dépense énergétique et de la composition corporelle
La méthodologie inclut également la mesure de la dépense énergétique, souvent réalisée par calorimétrie indirecte. Cette technique, utilisée dans des laboratoires (Paddington General Hospital de Londres, par exemple), permet de mesurer la consommation d'oxygène des participants, un indicateur de la dépense énergétique. Dans certaines études, le métabolisme de base (MB) a été mesuré, ainsi que la dépense énergétique liée à l'activité physique (marche, vélo stationnaire). Des études ont utilisé des accéléromètres pour évaluer le niveau d'activité physique des participants sur une période plus longue. Les études comprennent aussi des mesures anthropométriques (poids, taille, indice de masse corporelle – IMC) et de composition corporelle (masse grasse, masse maigre), souvent réalisées par pesée hydrostatique et/ou par absorptiométrie bi-photonique à rayons X (DXA). L'analyse de ces données vise à établir des corrélations entre l'apport énergétique, la dépense énergétique et la composition corporelle des gros et petits mangeurs.
3. Analyses biologiques et comportementales
Au-delà des aspects métaboliques, certaines études ont intégré des analyses biologiques. Des prélèvements sanguins ont permis de mesurer les niveaux sériques d'hormones (insuline, ghrelin, leptin, adiponectine…) ainsi que d’autres paramètres métaboliques. Dans certaines études l’analyse d'échantillons d'urine permet l’estimation de la vitesse de rotation et de dégradation des protéines musculaires. Certaines études ont inclu des questionnaires comportementaux pour étudier les habitudes alimentaires et l’activité physique (par exemple, le questionnaire de Stunkard Three-factor eating questionnaire – TFEQ ou le Minnesota Leisure-Time Physical Activity Questionnaire). La combinaison de données physiologiques, métaboliques, et comportementales vise à obtenir une compréhension plus complète des différences entre gros et petits mangeurs.
IV.Résultats des études et discussion
Les résultats des études sont mitigés. Malgré une différence significative d'apport énergétique rapportée entre les gros mangeurs et les petits mangeurs, aucune différence significative n'a été systématiquement observée en termes de dépense énergétique au repos ou liée à l'activité physique. Certaines études ont noté une plus grande activité physique chez les gros mangeurs, mais cela ne suffit pas à expliquer la différence d'apport énergétique. L’étude de Henry et al. a révélé des taux d'adiponectine significativement plus élevés chez les petits mangeurs, suggérant un rôle de cette hormone dans l'homéostasie énergétique et le contrôle du poids. Le problème de la sous-estimation de l'apport énergétique dans les journaux alimentaires est un biais majeur soulevé par plusieurs études et validé par la technique de DLW. Des questionnaires comportementaux, comme le Three-factor eating questionnaire (TFEQ), ont été utilisés pour explorer les différences de comportements alimentaires entre les deux groupes, mais sans résultats concluants.
1. Incohérence des résultats sur la dépense énergétique
Les résultats des études analysées dans le document montrent une grande variabilité concernant la dépense énergétique chez les gros et petits mangeurs. Malgré un apport énergétique rapporté presque deux fois plus élevé chez les gros mangeurs (19351 kJ/jour vs 9958 kJ/jour dans une étude citée), aucune différence significative n'a été trouvée de manière systématique entre les groupes concernant leur dépense énergétique totale, qu'elle soit mesurée au repos ou liée à l'activité physique. Certaines études n'ont pas trouvé de différence significative dans le métabolisme basal ou la thermogenèse alimentaire, contrairement à d'autres. Une étude mentionne une activité physique plus élevée chez les gros mangeurs (p < 0.05), expliquant environ 20% de la différence entre apports et dépenses énergétiques. Cette incohérence des résultats entre les différentes études souligne la complexité du phénomène et met en question la simple explication par les composantes de la dépense énergétique.
2. Rôle potentiel de l adiponectine
Une étude plus récente (Henry et al.), mentionnée dans le document, apporte un élément nouveau : des concentrations sériques d'adiponectine significativement plus élevées chez les petits mangeurs. Cette hormone, sécrétée par le tissu adipeux, est impliquée dans l'homéostasie énergétique et la régulation du poids. Bien que les mécanismes précis restent à élucider, cette découverte suggère que des facteurs hormonaux pourraient jouer un rôle dans les différences d'apport et de régulation pondérale entre les gros et petits mangeurs. La mention de cette étude est cruciale car elle met en lumière une piste de recherche prometteuse, au-delà des seules considérations sur la dépense énergétique.
3. Biais méthodologiques et sous estimation de l apport énergétique
Un biais méthodologique majeur est mis en évidence : la sous-estimation de l'apport énergétique par les participants. Plusieurs études mentionnées dans le document (Clark et al., références 66, 70-72, 17, 73, 74) montrent que les participants, particulièrement les petits mangeurs et les femmes, ont tendance à sous-estimer leur consommation alimentaire. La technique de l’eau doublement marquée (EDM) a permis de quantifier ce biais, révélant des sous-estimations pouvant atteindre 45% dans certains cas. Ce biais méthodologique explique, au moins en partie, l’absence de corrélation claire entre l’apport énergétique rapporté et la dépense énergétique mesurée. L'utilisation de l'EDM est donc présentée comme une solution pour améliorer la précision des estimations de l'apport énergétique et pour mieux caractériser les individus (gros et petits mangeurs) en fonction de leur dépense énergétique réelle plutôt que de leur apport énergétique rapporté. La validité des journaux alimentaires et des questionnaires d’activité physique est donc largement remise en question.
V.Conclusion
La recherche sur les gros mangeurs et petits mangeurs souligne la complexité de la régulation du poids et de l'équilibre énergétique. Bien que des différences dans l'apport énergétique soient évidentes, les mécanismes physiologiques et comportementaux sous-jacents restent mal compris. Les biais méthodologiques, notamment la sous-estimation de l'apport énergétique, et la variabilité interindividuelle nécessitent une amélioration des méthodes d'évaluation de l'apport énergétique et de la dépense énergétique (DLW). L'étude des hormones (adiponectine, ghrelin, leptine) et des comportements alimentaires offre des pistes prometteuses pour des recherches futures.
1. Résultats contradictoires et limites méthodologiques
Les résultats des études sur les gros et petits mangeurs sont souvent contradictoires et non concluants. Bien qu'un apport énergétique significativement plus élevé soit rapporté chez les gros mangeurs, les différences de dépense énergétique (métabolisme basal, thermogenèse alimentaire, activité physique) ne sont pas systématiquement confirmées. Certaines études montrent une activité physique plus importante chez les gros mangeurs, mais cela ne suffit pas à expliquer la différence d'apport énergétique. La discussion met fortement l'accent sur les limites méthodologiques, notamment le problème de la sous-estimation de l'apport énergétique par les participants lors de l'utilisation de journaux alimentaires. Cette sous-estimation, parfois importante (jusqu'à 45%), biaise les résultats et rend difficile l'interprétation des données. La technique de l'eau doublement marquée (EDM) est présentée comme une méthode plus précise pour évaluer l'apport énergétique réel.
2. Rôle potentiel des hormones et des comportements alimentaires
Les résultats de certaines études suggèrent un rôle potentiel des hormones dans la différence entre gros et petits mangeurs. Une étude mentionnée a révélé des taux d'adiponectine plus élevés chez les petits mangeurs, hormone impliquée dans l'homéostasie énergétique. Cependant, l'impact des comportements alimentaires reste incertain. Certaines études n'ont pas trouvé de différence significative entre les deux groupes concernant leurs comportements alimentaires, contrairement à d'autres. La question de la périodicité des repas et collations est abordée, avec des résultats contrastés entre les différentes recherches. L'intégration de questionnaires d'évaluation des comportements alimentaires, comme le Three-Factor Eating Questionnaire (TFEQ), permet une exploration plus approfondie des aspects psychologiques liés à l'alimentation, mais les résultats obtenus dans le cadre des études analysées restent mitigés. La nécessité d'approfondir la recherche sur ces aspects est soulignée.
3. Perspectives et recommandations pour la recherche future
La conclusion souligne la nécessité d'améliorer les méthodes d'évaluation de l'apport et de la dépense énergétique pour mieux comprendre le phénomène des gros et petits mangeurs. L’eau doublement marquée (EDM) est proposée comme une solution pour améliorer la précision des mesures de l'apport énergétique et pallier le problème de la sous-estimation. Les résultats mitigés des études passées mettent en lumière la complexité du sujet. La recherche future devrait explorer plus profondément le rôle des facteurs hormonaux (adiponectine et autres) et des comportements alimentaires, en utilisant des méthodologies plus robustes pour quantifier précisément l'apport énergétique. Il est également suggéré d’inclure des données sur les aspects génétiques et la composition corporelle. Le document conclut en insistant sur l'importance de développer des outils fiables pour étudier le lien complexe entre nutrition, métabolisme, et régulation du poids.