Déterminants alimentaires à Moose Factory

Le document introduit la problématique des taux de morbidité inacceptables et disproportionnés chez les populations autochtones du Canada, comparativement au reste de la population. Une revue de littérature effectuée par Willows en 2005 établit un lien entre de nombreux problèmes de santé, tels que l’anémie, les caries dentaires, l’obésité, les maladies cardiaques et le diabète, et des problèmes d'origine nutritionnelle chez les Autochtones. L'accent est mis sur le manque d'études approfondies examinant les déterminants liés à l'état de santé de ces communautés. Willows (2005) souligne l'importance d'améliorer la compréhension de l'interaction de ces déterminants pour mieux aborder les problèmes liés à la saine alimentation, soulignant les lacunes de connaissances existantes dans ce domaine pour les communautés autochtones.

Le document met en lumière la prévalence alarmante du diabète de type 2 dans la communauté crie de Moose Factory, située sur l'île du même nom dans la Baie James. Ce constat justifie la nécessité de la recherche menée. La communauté de Moose Factory est présentée comme un cas d'étude crucial pour comprendre les facteurs liés à cette épidémie de diabète. Le texte mentionne également la création d'une équipe locale de professionnels de la santé, mandatée pour prévenir le diabète de type 2, et ayant suivi une formation spécifique au sein du KSDPP (lien fourni), témoignant d’une mobilisation communautaire pour contrer le problème. Une étude précédente sur les obstacles à la vie active dans la communauté a révélé le besoin d’ajouter une composante nutritionnelle à leur initiative de prévention du diabète de type 2, soulignant l'interconnexion entre les différents aspects de la santé.

Le texte argumente en faveur d’une approche écologique pour l’analyse des déterminants des choix alimentaires, en raison de l’influence considérable de l’environnement sur les comportements alimentaires, particulièrement dans les communautés nordiques. Les évaluations individuelles et l'éducation nutritionnelle sont jugées insuffisantes pour générer un réel changement. Une perspective écologique permet d'identifier de façon plus complète les facteurs qui influencent les comportements alimentaires, en prenant en compte les niveaux individuel, ménage, communautaire et externe. Cette approche est jugée indispensable pour anticiper l'impact des interventions et pour une planification efficace des programmes de promotion de la santé liés à la nutrition.

La méthodologie de l'étude se caractérise par son approche participative et écologique. Un membre de la communauté crie de Moose Factory, possédant une expérience en recherche auprès des communautés autochtones, a été engagé comme assistant de recherche. Son rôle consistait à conseiller l'équipe de recherche, à servir de personne ressource tout au long de l'étude et à participer à la prise de décision. Des rencontres ont eu lieu avec l'assistant de recherche, l'équipe de prévention du diabète locale et le directeur des services de santé du conseil de bande Moose Cree First Nations (MCFN). Ces rencontres ont permis de recueillir des commentaires et des suggestions sur les méthodes et les objectifs de l'étude, ce qui a mené à l'ajustement du groupe cible (les mères de famille plutôt que les enfants et les adolescents, pour des raisons méthodologiques et en fonction des priorités de l'équipe de prévention). L'engagement d'un membre de la communauté illustre l'importance accordée à la collaboration et à la pertinence des résultats pour la population concernée. Une entente de recherche a été établie garantissant la présentation des résultats au MCFN, à l’équipe de prévention du diabète et aux membres de la communauté.

La collecte de données s'est faite par le biais de deux méthodes principales. Premièrement, un court questionnaire a été distribué à 94 mères d'enfants d'âge scolaire sur l'île. Deuxièmement, quatre groupes de discussion (n=16 participantes) ont été menés avec ces mères, selon la méthode de Krueger (1988), pour explorer les barrières et les facilitateurs à des choix alimentaires sains pour leurs enfants. Le choix des mères comme population cible est justifié par leur rôle central dans les décisions alimentaires des foyers. Les questions des groupes de discussion ont été inspirées d’une étude précédente menée auprès d'une population similaire dans une communauté mohawk. Les groupes de discussion, initialement prévus pour être animés par la diététiste et une infirmière de la communauté, ont finalement été modérés par les chercheurs principaux et l'étudiante à la maîtrise en raison d'un événement imprévu dans la communauté. Ceci met en lumière la flexibilité nécessaire dans la recherche menée au sein de petites communautés.

Afin d'évaluer l'environnement alimentaire de Moose Factory, une méthode d'inventaire des rayons des magasins, basée sur la mesure de l’espace relatif des étagères dédié aux différents types d'aliments (indicateurs environnementaux), a été utilisée. Cette méthode, développée par Cheadie et coll. (1990, 1993, 1995), est choisie pour son efficacité et son faible coût par rapport aux méthodes directes d'évaluation comportementale. Elle permet de mesurer indirectement l’impact de l’environnement alimentaire sur les choix alimentaires de la population. L'étude a considéré trois épiceries : le Northern de Moose Factory, le magasin du Sud de Moose Factory et le Northern de Moosonee, ce dernier étant inclus en raison de l'influence de la saison hivernale sur les habitudes d'achat des résidents de Moose Factory qui se rendent à Moosonee par un pont de glace. Bien que la méthode soit efficace, le document reconnaît que les données d’espace relatif sont des indicateurs approximatifs et que des variations dans l'organisation des produits peuvent affecter la précision des résultats. Les registres des ventes auraient été une méthode plus précise, mais étaient inaccessibles.

L'analyse des données des groupes de discussion, menée selon une méthode systématique et vérifiable d'analyse de contenu (Krueger, 1988; Weber, 1990; Krippendorff, 2004), a permis d'identifier les facteurs facilitants et limitants des choix alimentaires sains pour les enfants. Les extraits pertinents des transcriptions ont été classés en deux catégories : les barrières (facteurs limitant les choix sains) et les facilitateurs (facteurs facilitant les choix sains). Une attention particulière a été portée à la fiabilité et à la validité de l'analyse, en assurant la cohérence des classifications entre les évaluateurs et en définissant clairement les catégories avant l'analyse. Les facteurs ont ensuite été répartis selon trois niveaux d'influence : individuel, ménage et communauté, selon la classification de Glanz (2002). L’analyse a exclu les extraits où les participantes référaient à des enfants hors de la tranche d’âge cible, ou où le modérateur influençait les opinions, ou encore où le son était brouillé. L’objectif était de fournir à l’équipe de prévention du diabète une compréhension claire des facteurs influençant les choix alimentaires des enfants.

L'analyse des données issues de l'inventaire des rayons de trois magasins (deux à Moose Factory et un à Moosonee) a permis d'évaluer la qualité de l'offre alimentaire et d’identifier des indicateurs environnementaux. Les produits alimentaires ont été classés par groupes (produits céréaliers, produits laitiers, fruits et légumes, etc.), et la surface visuelle de chaque groupe a été calculée. Cette analyse a révélé que, dans les trois supermarchés, les céréales riches en sucre étaient les plus présentes. L’espace dédié aux aliments malsains (boissons gazeuses, mets prêts-à-manger, etc.) était important, notamment dans les deux dépanneurs de Moose Factory, où près de la moitié de la surface était consacrée à ces produits. Ce constat corrobore les résultats des groupes de discussion qui soulignent l’accessibilité facile à la nourriture malsaine. Les résultats concernant les céréales ont utilisés les recommandations du « Food Standards Agency » du Royaume-Uni pour classifier les produits selon leur teneur en sucre (FSA, 2002). L’analyse met en lumière un environnement organisationnel défavorable à une alimentation saine dans la communauté, particulièrement concernant l’accès à des produits de meilleure qualité.

L’analyse combinée des données qualitatives et quantitatives a permis de dresser un tableau des barrières et des facilitateurs des choix alimentaires sains, classés selon les niveaux individuel, ménage et communauté. Les résultats montrent que les barrières sont plus nombreuses au niveau communautaire (manque d'accès aux aliments sains, coûts élevés, manque de choix et de variété, mauvaise qualité des aliments périssables). Les facilitateurs sont davantage liés aux stratégies mises en place au niveau du ménage. L’accès à la nourriture traditionnelle est abordé comme un facteur crucial, influencé par la perception de contamination. L'étude souligne l’importance de tenir compte des multiples niveaux d'influence pour développer des interventions efficaces. Les résultats ont été présentés à la communauté et ont mené à des discussions sur la collaboration entre l'équipe de prévention du diabète et les gérants des magasins afin d’améliorer l’accès à des aliments plus sains. L'étude met également en évidence un biais de sélection dans l'échantillon de questionnaires, sous-représentant les populations à faible statut socio-économique.

L'analyse des données a permis d'identifier les facteurs facilitant et limitant les choix alimentaires sains, classés selon trois niveaux : individuel, ménage et communauté. Au niveau communautaire, les barrières prédominent, notamment le manque d'accès à des aliments sains en raison de coûts élevés, du manque de choix et de variété, et de la mauvaise qualité des produits périssables. L’analyse a révélé un environnement organisationnel défavorable à une saine alimentation. Au niveau du ménage, les facilitateurs sont plus nombreux, liés aux stratégies des mères en matière d’achat et de gestion budgétaire, ainsi qu'à leurs connaissances et compétences culinaires. L’analyse souligne la complexité des déterminants des choix alimentaires, avec une interaction entre les différents niveaux (individuel, ménage, communauté et facteurs externes). Le document insiste sur la nécessité d'interventions ciblées et multi-niveaux pour promouvoir une alimentation saine.

L'analyse de l'espace relatif des rayons dans les magasins de Moose Factory et de Moosonee a révélé un déséquilibre significatif. Dans les trois magasins étudiés (deux à Moose Factory et un à Moosonee), l'espace dédié aux aliments malsains (boissons gazeuses, mets prêts-à-manger, produits sucrés, etc.) est largement supérieur à celui alloué aux aliments sains. Plus précisément, dans les deux dépanneurs de Moose Factory (G.G.’s et Quickstop), près de la moitié de l’espace visuel est consacré aux friandises, croustilles et boissons gazeuses, ce qui confirme les observations des groupes de discussion concernant la facilité d'accès aux aliments malsains. L’analyse des céréales pour déjeuner, en utilisant les recommandations du « Food Standards Agency » britannique pour la teneur en sucre, a montré une prédominance de céréales riches en sucre dans les trois magasins. Ces données confirment l’existence de barrières environnementales significatives à l’accès à une alimentation saine au sein de la communauté.

Les résultats de l'étude ont été présentés à l’équipe de prévention du diabète locale, aux membres des services de santé du MCFN, et aux gérants des magasins. Cette présentation a permis d'amorcer une discussion sur les implications des résultats et a conduit à des initiatives de collaboration, notamment entre l'équipe de prévention du diabète et le gérant du magasin Northern. Les gérants ont exprimé les difficultés liées à l’offre de produits sains en raison de leur emplacement géographique et des politiques imposées par leurs sièges sociaux. Les participants ont souligné l’importance de considérer l’accès à la nourriture traditionnelle et le manque de connaissances en matière de préparation des aliments, ainsi que l’impact du revenu sur les choix alimentaires. L’étude a mis en évidence un biais de sélection dans l’échantillon des questionnaires, affectant la représentativité socio-économique des participantes et soulignant la nécessité de futures études tenant compte de cette variable.