
Comportement alimentaire: Perception des sensations
Informations sur le document
Auteur | Géraldine Camilleri |
school/university | Université Sorbonne Paris Cité |
subject/major | Épidémiologie - Santé publique |
Type de document | Thèse |
city_where_the_document_was_published | Paris |
Langue | French |
Format | |
Taille | 26.59 MB |
Résumé
I.L influence génétique et environnementale sur l obésité
Des études sur des jumeaux monozygotes, soumis à des régimes amaigrissants ou à une suralimentation, montrent une influence significative de la génétique sur la prise ou la perte de poids. L'environnement joue également un rôle, mais moindre, affectant l'IMC (indice de masse corporelle). Certaines formes rares d'obésité sont principalement déterminées génétiquement. La théorie du set-point, initialement populaire, a depuis été largement remise en question.
1. Prédisposition génétique à l obésité
L'étude de l'obésité révèle que tous les individus ne deviennent pas obèses malgré un environnement propice à la prise de poids. Ceci suggère l'existence de différences de prédisposition génétique à la prise de poids (Yang, Kelly, & He, 2007). L'interaction gène-environnement est particulièrement bien illustrée par les études sur les jumeaux. Des études expérimentales, avec des protocoles très standardisés, impliquant des jumeaux monozygotes suralimentés (Bouchard et al., 1990) ou soumis à un régime amaigrissant (Hainer et al., 2000), ont montré une similarité de prise ou de perte de poids entre les deux jumeaux d'une même paire, mais une grande différence entre les paires. Des études observationnelles sur des jumeaux, triplés ou quadruplets, biologiques ou « virtuels » (incluant des enfants adoptés), confirment l'influence significative de la composante génétique sur l'IMC (indice de masse corporelle), tout en reconnaissant l'impact, bien que moindre, de l'environnement commun (Segal, Feng, McGuire, Allison, & Miller, 2009). Le développement de certaines formes rares d'obésités repose principalement sur des facteurs génétiques, avec une faible influence de l'environnement (Yang et al., 2007). Ces recherches mettent en évidence le rôle complexe de l'hérédité dans le développement de l'obésité.
2. La théorie du set point et ses limites
La théorie du set-point, qui postule l'existence d'un poids corporel régulé par le corps, a été largement remise en question (Pinel, Assanand, & Lehman, 2000). Malgré cette remise en cause, cette théorie a eu le mérite d'introduire des concepts importants qui ont ouvert la voie à des recherches plus approfondies, notamment sur la restriction cognitive. L'étude approfondie des mécanismes de régulation du poids a révélé des interactions complexes entre la génétique, l'environnement et le comportement. La simple notion d'un point de réglage fixe ne suffit pas à expliquer la variabilité individuelle en matière de poids corporel et de réponse aux régimes alimentaires ou à la suralimentation. Des facteurs environnementaux et comportementaux, comme la restriction cognitive et les habitudes alimentaires, jouent un rôle significatif dans la modulation du poids, rendant obsolète l'approche simpliste du set-point. Il est donc crucial d’adopter une vision plus nuancée et multifactorielle pour comprendre et traiter l'obésité.
II.La restriction cognitive et ses conséquences
La restriction cognitive, c'est-à-dire l'effort délibéré pour limiter l'alimentation afin de perdre du poids, a été initialement observée chez les personnes obèses. Des études montrent que cette restriction chronique peut entraîner une contre-régulation, avec une surconsommation alimentaire. Les individus fortement restreints sont plus sensibles aux stimuli sensoriels (visuels et olfactifs) et aux facteurs émotionnels et environnementaux, ce qui affecte leur capacité à contrôler leurs apports énergétiques.
1. Définition et observation initiale de la restriction cognitive
La restriction cognitive est définie comme un effort volontaire pour limiter la prise alimentaire afin de perdre du poids ou d'éviter une prise de poids (Nisbett, 1972). Cette approche introduit une dimension cognitive dans la régulation alimentaire. Initialement observée chez les personnes obèses, la restriction cognitive se manifeste finalement chez des individus de tous poids, particulièrement après avoir suivi des régimes. Elle explique les différences de sensibilité aux signaux internes (faim, satiété) et externes (stimuli environnementaux) observées dans toutes les catégories de poids. Une étude expérimentale précoce sur 45 étudiantes a révélé que des sujets de poids normal, fortement restreints, ne compensaient pas l'ingestion d'aliments riches en énergie, mais au contraire, avaient tendance à surconsommer (Herman & Mack, 1975). Cette découverte souligne la complexité des mécanismes de régulation du poids et l'impact potentiel des stratégies restrictives sur le comportement alimentaire. La compréhension de ce phénomène est crucial pour développer des stratégies de gestion du poids plus efficaces.
2. Contre régulation et modèle des limites
La restriction cognitive conduit souvent à une contre-régulation, c'est-à-dire une décompensation avec une surconsommation alimentaire. Le modèle des limites explique cette contre-régulation par une zone d'indifférence biologique plus large chez les personnes restreintes, avec une limite de faim plus basse et une limite de satiété plus élevée (Herman & Mack, 1975; Polivy & Herman, 1999). Les cycles répétés de régime et de suralimentation réduisent la sensibilité aux signaux internes de faim et de satiété. Plusieurs facteurs peuvent compromettre la capacité des individus restreints à contrôler leurs apports : la transgression de leur limite de régime (consommation d'aliments plaisants), la détresse émotionnelle, la distraction (Bellisle & Dalix, 2001), et une grande sensibilité aux stimuli sensoriels visuels et olfactifs des aliments (Fedoroff, Polivy, & Herman, 1997). Comprendre ces mécanismes est essentiel pour développer des interventions visant à améliorer le contrôle alimentaire et la gestion du poids.
3. Dimensions de la restriction et résultats divergents
Une analyse plus fine de la restriction cognitive distingue des stratégies rigides et flexibles pour contrôler le poids (Bond et al., 2001; Ricciardelli & Williams, 1997). Cette distinction est importante car la relation entre la restriction et le poids semble dépendre du type de restriction employé. Plusieurs études ont démontré que la relation entre la restriction et le poids varie selon qu'il s'agisse d'une restriction rigide ou flexible (Hays & Roberts, 2008; Provencher, Drapeau, Tremblay, Despres, & Lemieux, 2003; Westenhoefer et al., 2013). Cependant, ce constat n'est pas systématiquement observé, certaines recherches montrant une association inverse entre les deux types de restriction et le poids (McGuire et al., 2001). Cette variabilité des résultats souligne la complexité des interactions entre les stratégies de restriction, les traits psychologiques individuels et le contrôle pondéral. Une meilleure compréhension de ces mécanismes est nécessaire pour affiner les approches thérapeutiques.
III.Types de restriction et impact sur le poids
La littérature scientifique souligne l'importance de différencier la restriction en aspects rigides et flexibles. Des études ont rapporté que la relation entre la restriction cognitive et le poids dépend du type de restriction. Cependant, des résultats contradictoires existent, certains indiquant une association inverse entre les deux types de restrictions et le poids.
1. Restriction rigide vs. restriction flexible une distinction cruciale
La littérature scientifique met en lumière l'importance de distinguer les différents types de restriction cognitive dans la gestion du poids. L'approche de la restriction, visant à contrôler son poids par la limitation de l'apport alimentaire, peut prendre des formes variées. On distingue notamment la restriction rigide, caractérisée par des règles strictes et des interdits alimentaires, et la restriction flexible, qui permet une plus grande latitude et une adaptation plus souple aux situations et envies. Cette distinction est essentielle car elle impacte la relation entre la restriction et le poids. Bond et al. (Bond et al., 2001) et Ricciardelli & Williams (Ricciardelli & Williams, 1997) ont identifié différentes dimensions de la restriction, soulignant la complexité de ce comportement. Il ne s'agit pas seulement de la quantité d'aliments consommés, mais aussi des stratégies mises en place, des attitudes envers l'alimentation et le contrôle du poids, et de l'évitement de certains aliments jugés « grossissants ». Cette différenciation est importante pour comprendre les résultats souvent divergents observés dans les études sur la restriction cognitive.
2. Impact sur le poids résultats contradictoires et explications possibles
Plusieurs études ont exploré la relation entre le type de restriction (rigide ou flexible) et le poids, avec des résultats parfois contradictoires. Certaines recherches rapportent une corrélation entre le type de restriction et son impact sur le poids, suggérant que la restriction flexible serait moins délétère que la restriction rigide (Hays & Roberts, 2008; Provencher, Drapeau, Tremblay, Despres, & Lemieux, 2003; Westenhoefer et al., 2013). Cependant, d'autres études n'ont pas observé cette différence systématiquement, voire ont rapporté une association inverse entre les deux types de restriction et le poids (McGuire et al., 2001). Cette variabilité des résultats peut s'expliquer par plusieurs facteurs. La rigidité de la restriction, associée à une plus grande probabilité de rupture du régime et de surconsommation, peut expliquer certains résultats négatifs. Les différences méthodologiques entre les études, les caractéristiques des échantillons étudiés, ainsi que les interactions avec d'autres facteurs comme les traits psychologiques individuels, contribuent également à cette variabilité. L'analyse de ces divergences permet une meilleure compréhension des mécanismes complexes liés à la restriction alimentaire et son impact sur la gestion du poids.
IV.Facteurs psychologiques positifs dans la gestion du poids
Des recherches se concentrent sur des aspects positifs de la gestion du poids, tels que l'image corporelle positive, la motivation autonome, et l'auto-efficacité. Ces facteurs sont inversement associés à l'IMC et semblent liés à la capacité d'autorégulation.
1. L image corporelle positive comme médiateur
Des études récentes se penchent sur les facteurs psychologiques positifs influençant le contrôle du poids à moyen et long terme. L'identification de médiateurs des changements de poids permet de mieux comprendre les mécanismes d'une perte de poids réussie et de prédire un contrôle du poids durable (Teixeira et al., 2015). Parmi ces médiateurs, l'image corporelle positive joue un rôle clé (Palmeira et al., 2010). Une image corporelle positive se réfère aux attitudes et perceptions positives d'un individu envers son corps. Ce facteur est important car il influence l’estime de soi et le bien-être psychologique, impactant ainsi la motivation et l’adhérence à des pratiques saines. Une meilleure acceptation de son corps et une perception positive de soi peuvent réduire le stress et l'anxiété liés à la gestion du poids, favorisant ainsi des comportements alimentaires plus équilibrés et une meilleure autorégulation. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour approfondir le lien entre l’image corporelle positive et la réussite des programmes de perte de poids.
2. Motivation autonome et auto efficacité des facteurs clés
Outre l'image corporelle positive, la motivation autonome et l'auto-efficacité sont identifiées comme des médiateurs importants dans le changement de poids (Teixeira et al., 2010). La motivation autonome reflète le degré d'encouragement personnel, le sentiment de choix et l'importance attribuée à certains comportements. Contrairement à une vision quantitative de la motivation, elle met l'accent sur les aspects qualitatifs de la volonté d'agir. Une forte motivation autonome est associée à un meilleur engagement dans des comportements sains et à une plus grande persistance dans le temps. L'auto-efficacité, quant à elle, représente la confiance en soi pour réussir. Une forte auto-efficacité permet de mieux faire face aux défis liés à la gestion du poids, de maintenir la motivation en cas d'échec et de développer des stratégies d'adaptation efficaces. Des études observationnelles ont démontré une association inverse entre la motivation autonome et l'auto-efficacité avec l’IMC en population générale (Leong, Madden, Gray, & Horwath, 2012; Ovaskainen et al., 2015), confirmant l’importance de ces facteurs psychologiques dans le contrôle pondéral.
3. Le rôle de l autorégulation
L'image corporelle positive, la motivation autonome, et l'auto-efficacité partagent un point commun : leur lien étroit avec la capacité d'autorégulation. L'autorégulation représente la capacité d'une personne à contrôler ses pensées, ses émotions et ses comportements, un élément crucial pour une gestion efficace du poids. En effet, une personne capable de s'autoréguler sera plus à même de résister aux tentations, de gérer ses émotions sans recourir à la nourriture, et de maintenir des habitudes alimentaires saines sur le long terme. La promotion de l'autorégulation par le développement de ces facteurs psychologiques positifs pourrait ainsi constituer une approche prometteuse pour la prévention et la gestion de l'obésité et des troubles du comportement alimentaire. Cette approche souligne l'importance d'une intervention holistique, tenant compte non seulement des aspects physiologiques, mais aussi des facteurs psychologiques et comportementaux.
V. Alimentation intuitive principes et association avec l IMC
L'alimentation intuitive, qui consiste à manger en fonction des signaux de faim et de satiété, sans restrictions ni culpabilité, est étudiée pour son lien avec l'IMC. Des études transversales rapportent une association inverse entre l'alimentation intuitive et l'IMC, mais ces études sont limitées par des échantillons peu diversifiés.
1. Définition de l alimentation intuitive et état des connaissances
L'alimentation intuitive se caractérise par une réponse aux signaux physiologiques de faim et de satiété plutôt qu'aux stimuli externes ou émotionnels, associée à une faible préoccupation pour l'alimentation (Tribole & Resch, 2012; Tylka, 2006). La littérature sur le lien entre alimentation intuitive et consommation alimentaire est quasi-inexistante. Concernant le poids, des essais randomisés suggèrent un potentiel maintien du poids chez les sujets en surpoids ou obèses (Bacon et al., 2005; Provencher et al., 2009). Les études observationnelles transversales existantes indiquent une association inverse entre ce type de comportement et l'IMC (Augustus-Horvath & Tylka, 2011; Madden et al., 2012; Tylka, 2006; Tylka & Kroon Van Diest, 2013). Cependant, ces études présentent des limitations, notamment des échantillons d'étudiants et/ou de femmes peu diversifiés, limitant la généralisation des résultats à la population générale. Le lien avec la consommation d'aliments spécifiques reste également peu documenté. Madden et al. (Madden et al., 2012) ont observé une faible association positive avec la consommation de légumes, sans corrélation avec les aliments gras et sucrés ou salés. Une étude qualitative a, elle aussi, démontré l'absence de lien avec la consommation de « junk food », mais une association positive avec le plaisir de manger et une association négative avec les préoccupations de santé (Smith & Hawks, 2006).
2. Principes de l alimentation intuitive et comportements alimentaires
L'alimentation intuitive repose sur le respect des signaux internes de faim et de satiété, sans régimes restrictifs imposant des règles sur les aliments, les quantités ou les moments de consommation. Il n'y a pas de « bons » ou de « mauvais » aliments, mais des aliments aux profils nutritionnels différents. L'alimentation intuitive encourage la consommation des aliments désirés, sans interdits ni culpabilité, dès que la faim se fait sentir. La satisfaction et le plaisir sont importants. L'acte alimentaire ne doit pas être synonyme de privation ou de culpabilité. Un mangeur intuitif ne mange pas pour des raisons émotionnelles et trouve d'autres manières de gérer ses émotions. Il respecte son corps et pratique une activité physique pour le bien-être et non pour la perte de poids. L'attention aux réponses du corps à certains aliments guide ses choix. Ce type d’approche contraste avec les régimes restrictifs souvent associés à des cycles de restriction-désinhibition, et vise à restaurer une relation saine avec la nourriture et le corps.
3. Association entre l alimentation intuitive et l IMC limites des études
Des études observationnelles transversales montrent une relation inverse entre l'alimentation intuitive et l'IMC (Augustus-Horvath & Tylka, 2011; Hawks et al., 2004; Madden, Leong, Gray, & Horwath, 2012; Tylka, 2006; Tylka & Kroon Van Diest, 2013). Cependant, l'échantillon de ces études est souvent restreint, majoritairement composé d'étudiantes et de femmes, ce qui limite la généralisation des résultats à la population générale. La relation entre l'alimentation intuitive et la consommation alimentaire spécifique reste peu documentée. L'association avec la consommation de légumes est positive mais faible, tandis qu'aucune association n'est observée avec la consommation d'aliments gras et sucrés ou salés (Madden et al., 2012). Une étude qualitative souligne l'absence de lien avec la proportion de « junk food », mais identifie une corrélation positive avec le plaisir de manger et une corrélation négative avec les préoccupations de santé (Smith & Hawks, 2006). Ces limitations méthodologiques appellent à des recherches plus approfondies sur des échantillons plus larges et diversifiés afin de confirmer et approfondir ces résultats.
VI. Alimentation liée aux émotions et consommation d aliments
L'étude NutriNet-Santé (cohort de 30 240 participants, dont 7378 hommes et 22 862 femmes) a exploré le lien entre alimentation liée aux émotions et la consommation d'aliments riches en énergie. Des associations positives ont été trouvées, notamment avec les aliments gras et sucrés, plus marquées chez les femmes que chez les hommes. Ces résultats sont en partie soutenus par la littérature existante, bien que des résultats contradictoires existent également.
1. L alimentation liée aux émotions et la consommation d aliments riches en énergie
L'étude explore la relation entre l'alimentation liée aux émotions et la consommation d'aliments riches en énergie, notamment dans le cadre de l'étude NutriNet-Santé. Cette cohorte, incluant 30 240 participants (7378 hommes et 22 862 femmes), a permis d'analyser les liens entre ces deux variables. Les résultats montrent une association positive entre l'alimentation liée aux émotions et une consommation plus élevée d'aliments de snacking riches en énergie, particulièrement les aliments gras et sucrés (gâteaux, biscuits, chocolat, glaces, céréales du petit-déjeuner). Cette association est observée chez les femmes avec et sans symptômes dépressifs et chez les hommes sans symptômes dépressifs. Des études antérieures confirment cette relation positive entre l'alimentation liée aux émotions et la consommation d'aliments sucrés riches en énergie et le grignotage (Konttinen et al., 2010; de Lauzon et al., 2004). Des études expérimentales apportent des éléments supplémentaires, montrant que les sujets avec des scores élevés en alimentation liée aux émotions consomment plus d'aliments riches en énergie, notamment en situation de stress ou d'émotions négatives (van Strien et al., 2012; Oliver et al., 2000). Cependant, il existe des résultats contradictoires dans la littérature, certains auteurs n'observant pas d'effet différentiel entre les mangeurs émotionnels et non émotionnels (Evers et al., 2009).
2. Spécificités des aliments consommés et mécanismes sous jacents
L'étude observe une association plus forte entre l'alimentation liée aux émotions et la consommation d'aliments gras et sucrés, mais non spécifiquement pour le sucre seul. La littérature présente des résultats contradictoires à ce sujet (de Lauzon et al., 2004; Elfhag, Tholin, & Rasmussen, 2008; Oliver et al., 2000). Le sucre pourrait agir comme exhausteur de palatabilité des aliments riches en matières grasses, renforçant les préférences hédoniques (Emmett & McNally, 1992). Ces aliments, souvent riches en graisses et sucres ajoutés, sont palatables et facilement accessibles (Darmon, Briend, & Drewnowski, 2004; Drewnowski, 2003). Leur consommation améliorerait l'humeur à court terme, surtout chez les mangeurs émotionnels (Macht & Mueller, 2007). Plusieurs mécanismes sont évoqués : une différence de sensibilité aux propriétés de récompense des aliments chez les mangeurs émotionnels (Bohon, Stice, & Spoor, 2009; Volkow et al., 2003), un déficit de récompense perçue ou une sensibilité accrue à la récompense dans un contexte d'humeur négative (Bohon et al., 2009), ou un rôle de distraction face aux émotions négatives (Gibson, 2012). Le plaisir de manger des aliments « interdits » lors d'une rupture de restriction cognitive pourrait aussi expliquer ces préférences (Cools, Schotte, & Pirke, 1990).
3. Différences hommes femmes et implications
L'étude révèle des différences significatives entre les sexes concernant l'association entre l'alimentation liée aux émotions et la consommation d'aliments. Une association plus forte est observée chez les femmes pour la consommation de snacks riches en énergie, notamment les aliments gras et sucrés comme les gâteaux, biscuits et chocolats (de Lauzon et al., 2004; Konttinen et al., 2010; Elfhag et al., 2008). Chez les hommes, l'association est plus marquée pour les aliments salés et riches en énergie comme les fast-foods et les desserts lactés. Ces différences pourraient s'expliquer par des préférences contrastées pour les aliments « réconfortants » (Wansink, Cheney, & Chan, 2003). De plus, l'association entre l'alimentation liée aux émotions et l'apport énergétique est positive chez les femmes seulement. Les études précédentes montrent des résultats divergents à ce sujet (Anschutz et al., 2009; Lluch et al., 2000; de Lauzon et al., 2004). Les hormones ovariennes pourraient expliquer cette différence, suggérant une susceptibilité plus importante chez les femmes à l'alimentation émotionnelle à certaines phases hormonales (Klump et al., 2013).
VII.Pleine conscience et gestion du poids
La pleine conscience, comme disposition, est étudiée pour son lien avec le poids. Des études observationnelles présentent des résultats contradictoires, certaines suggérant une association positive avec la perte de poids, d'autres l'absence de relation. L'étude NutriNet-Santé explore ce lien en tenant compte du sexe et d'autres facteurs de confusion.
1. Association entre l alimentation liée aux émotions et la consommation d aliments riches en énergie
Cette section explore le lien entre l'alimentation émotionnelle et la consommation d'aliments riches en énergie, s'appuyant sur les données de la cohorte NutriNet-Santé (30 240 participants : 7378 hommes et 22 862 femmes). L'analyse révèle une association positive entre un score élevé d'alimentation émotionnelle et une consommation accrue d'aliments riches en énergie, notamment les produits gras et sucrés (gâteaux, biscuits, chocolats, glaces, céréales sucrées). Cette association est plus prononcée chez les femmes, qu'elles présentent ou non des symptômes dépressifs, et chez les hommes sans symptômes dépressifs. Ces résultats corroborent des études antérieures qui ont mis en évidence une association positive entre l'alimentation émotionnelle et la consommation d'aliments sucrés riches en énergie, ainsi qu'avec le grignotage (Konttinen et al., 2010; de Lauzon et al., 2004). L'étude met également en lumière la complexité du phénomène, en soulignant des résultats expérimentaux contradictoires dans la littérature, certains travaux ne parvenant pas à reproduire l'effet différentiel entre les mangeurs émotionnels et les non-mangeurs émotionnels (Evers et al., 2009).
2. Types d aliments mécanismes et résultats contradictoires
L'analyse se concentre sur les types d'aliments consommés en lien avec l'alimentation liée aux émotions. Une association significative est observée avec les aliments à la fois gras et sucrés, mais pas spécifiquement avec les aliments sucrés seuls. Cette observation souligne la complexité des mécanismes impliqués et les résultats contradictoires de la littérature (de Lauzon et al., 2004; Elfhag, Tholin, & Rasmussen, 2008; Oliver et al., 2000). Une hypothèse est que le sucre pourrait agir comme exhausteur de goût, accentuant la palatabilité des aliments riches en matières grasses et renforçant les préférences hédoniques (Emmett & McNally, 1992). La consommation d'aliments palatables est souvent associée à une amélioration de l'humeur à court terme, particulièrement chez les mangeurs émotionnels (Macht & Mueller, 2007). Plusieurs mécanismes pourraient être en jeu: une sensibilité différente aux propriétés de récompense de la nourriture (Bohon, Stice, & Spoor, 2009; Volkow et al., 2003), un rôle de distraction face aux émotions négatives (Gibson, 2012), ou le plaisir lié à la consommation d'aliments « interdits » suite à une rupture de restriction cognitive (Cools, Schotte, & Pirke, 1990).
3. Différences hommes femmes et facteurs hormonaux
L'étude met en évidence des différences significatives entre les sexes concernant l'association entre l'alimentation émotionnelle et la consommation d'aliments. Chez les femmes, l'association est plus forte pour les snacks riches en énergie, notamment gras et sucrés. Chez les hommes, l'association est plus marquée pour les fast-foods, pizzas, tartes salées et les desserts lactés. Ces différences pourraient être expliquées par des préférences contrastées pour les aliments « réconfortants » (Wansink, Cheney, & Chan, 2003), et sont corroborées par des études antérieures (de Lauzon et al., 2004; Konttinen et al., 2010; Elfhag et al., 2008; Konttinen et al., 2010). L'association entre l'alimentation émotionnelle et l'apport énergétique total est positive uniquement chez les femmes, ce qui est cohérent avec les résultats divergents de la littérature (Anschutz et al., 2009; Lluch et al., 2000; de Lauzon et al., 2004). Les hormones ovariennes et leurs variations au cours du cycle menstruel pourraient expliquer cette différence, suggérant une plus grande susceptibilité des femmes à l'alimentation émotionnelle à certaines phases hormonales (Klump et al., 2013).
VIII.Parallèles entre Alimentation Intuitive Pleine Conscience et autres facteurs
L'étude explore les liens entre l'alimentation intuitive, la pleine conscience, l'alimentation liée aux émotions, et la restriction cognitive. Une étude a montré une corrélation négative entre l'alimentation intuitive et la restriction rigide. Les interventions anti-régime ont démontré une réduction de la restriction cognitive, mais les effets sur l'alimentation liée aux émotions sont variables.
1. Liens entre l alimentation intuitive et la restriction cognitive
Cette section explore les parallèles et les liens entre l'alimentation intuitive et d'autres facteurs comportementaux, notamment la restriction cognitive. Bien qu'il existe des points de convergence évidents entre ces deux approches, l'étude de leur relation a été limitée dans la littérature scientifique. Une seule étude a examiné spécifiquement les associations entre l'alimentation intuitive et la restriction (rigide et flexible), révélant une corrélation négative entre les deux (Tylka, Calogero, & Danielsdottir, 2015). Cela suggère que l'alimentation intuitive pourrait s'opposer à la restriction alimentaire. La plupart des interventions anti-régime ont démontré une diminution des niveaux de restriction cognitive après intervention (Schaefer & Magnuson, 2014), ce qui renforce l'idée d'un lien entre les deux concepts. Cependant, l'impact de ces interventions sur l'alimentation émotionnelle et l'externalité est variable, certaines études montrant une réduction significative tandis que d'autres n'observent aucun changement (Higgins & Gray, 1998; Steinhardt, Bezner, & Adams, 1999). Cette variabilité souligne la complexité des interactions entre ces différents facteurs du comportement alimentaire.
2. Alimentation intuitive pleine conscience et alimentation émotionnelle
La section examine les relations entre l'alimentation intuitive, la pleine conscience et l'alimentation émotionnelle. Il existe des points communs entre l'alimentation intuitive et la pleine conscience. L'alimentation intuitive met l'accent sur l'écoute des sensations physiques de faim et de satiété, tandis que la pleine conscience encourage une attention globale aux sensations corporelles (dimension « observation »). Une personne pratiquant la pleine conscience devrait donc être plus attentive à ses signaux de faim et de satiété. Une étude a confirmé cette association entre la dimension « observation » de la pleine conscience et la dimension « signaux » de l'alimentation intuitive chez des adultes en surpoids (Sairanen et al., 2015). De plus, la dimension « non-jugement » de la pleine conscience pourrait être rapprochée de la notion de non-culpabilité (dimension « permission ») de l'alimentation intuitive. Une autre étude a également mis en évidence une association entre ces deux dimensions chez des adultes en surpoids (Sairanen et al., 2015). La pleine conscience et l'alimentation intuitive partagent donc des éléments communs qui pourraient expliquer les effets bénéfiques sur la gestion du poids.
3. Limites de la recherche et axes de développement
Malgré les parallèles entre les différentes approches, la recherche sur les relations entre l'alimentation intuitive, la pleine conscience, l'alimentation liée aux émotions et la restriction cognitive reste limitée. L’étude des liens entre ces facteurs est cruciale pour une meilleure compréhension des mécanismes de régulation du poids et du comportement alimentaire. La littérature scientifique manque d'études rigoureuses et comparatives, avec un manque d’intérêt pour l’étude de leur lien. Une meilleure compréhension de ces interactions permettrait de développer des interventions plus efficaces pour la gestion du poids, en tenant compte des aspects cognitifs, émotionnels et comportementaux. L'exploration des points communs et des différences entre ces approches est essentielle pour une approche globale et personnalisée de la gestion du poids et de la santé.
IX.Validation du questionnaire d alimentation intuitive
Une analyse factorielle a été menée sur le questionnaire d’alimentation intuitive (IES-2), adapté en français. La structure factorielle de la version originale n’a pas été entièrement reproduite, nécessitant des modifications pour une meilleure adéquation à la population française. Des différences ont été observées entre hommes et femmes, ainsi qu'en fonction de l'âge, du statut pondéral et du niveau d'éducation.
1. Analyse factorielle et adaptation du questionnaire
Cette section détaille la validation d'un questionnaire d'alimentation intuitive, initialement développé en anglais (IES-2), et adapté au contexte français. Un premier modèle, basé sur la structure factorielle originale, n’a pas correctement ajusté les données. Une analyse factorielle exploratoire (AFE) a ensuite été menée sur un sous-échantillon afin de mieux comprendre la structure sous-jacente des items. Ce modèle, obtenu après AFE, a été testé par une analyse factorielle confirmatoire (AFC) sur un autre sous-échantillon, afin de confirmer la structure factorielle mise en évidence (Brown, 2006; Kline, 2011). L'échantillon initial de 632 participants a été aléatoirement divisé en deux sous-échantillons de 316 participants chacun. Cette taille d'échantillon permettait un ratio participants/item adéquat (Hatcher, 1994). Les caractéristiques des participants entre les deux sous-échantillons ont été comparées à l'aide de tests statistiques appropriés (tests t de Student pour les variables continues et tests du khi-deux pour les variables qualitatives). L'objectif était de déterminer la meilleure structure factorielle pour le questionnaire dans la population étudiée.
2. Comparaison entre version originale et version française
La comparaison de la version originale du questionnaire (Tylka & Kroon Van Diest, 2013) avec la version française a révélé des différences significatives. La version originale, testée sur un échantillon d’étudiants en psychologie américains, présentait une structure à quatre facteurs. Dans cette étude en population générale, la structure originale n'a pas été entièrement reproduite, ce qui a nécessité des modifications. Des items ont été supprimés en fonction de leurs coefficients de saturation faibles ou de leur forte charge sur plusieurs facteurs. Cette différence de structure pourrait s'expliquer par la composition différente des échantillons. Les résultats obtenus sur un échantillon spécifique, notamment des étudiants, ne sont pas toujours généralisables à l'ensemble de la population (Caudwell et al., 2011). L'adaptation du questionnaire IES-T aux adolescents a également démontré une différence de structure (Dockendorff, Petrie, Greenleaf, & Martin, 2012). Des différences transculturelles, liées aux perceptions et aux attitudes face à l’alimentation (Rozin, Fischler, Imada, Sarubin, & Wrzesniewski, 1999), pourraient également jouer un rôle.
3. Propriétés psychométriques de la version française
Après les modifications apportées, la version française du questionnaire présentait une structure factorielle acceptable. Une AFC a confirmé l’utilisation d’un score global. Les hypothèses concernant les différences entre les sous-groupes prédéfinis (sexe, âge, statut pondéral, niveau d'éducation) et les corrélations avec d'autres concepts ont été confirmées. Les scores d'alimentation intuitive étaient négativement corrélés à la restriction cognitive, l'alimentation liée aux émotions et l'alimentation incontrôlée. Les femmes présentaient des scores plus faibles que les hommes, et les personnes suivant un régime avaient des scores plus faibles que les autres. Enfin, les scores d'alimentation intuitive étaient négativement corrélés aux symptômes dépressifs et positivement corrélés aux émotions positives. Globalement, l'échelle modifiée présentait une acceptabilité, une cohérence interne et une fidélité test-retest satisfaisantes, suggérant sa validité et sa fiabilité pour les études en population générale française (Tylka & Kroon Van Diest, 2013). La version française, bien que réduite, semble conserver le sens général de l'échelle originale.
X.Associations entre l alimentation intuitive les comportements alimentaires et le poids
L’étude explore les associations entre les dimensions de l'alimentation intuitive (signaux, permission, raisons physiques) et différents paramètres alimentaires et pondéraux. Des résultats parfois contradictoires sont observés entre les dimensions et la consommation d'aliments sains et moins sains. Des limites méthodologiques, comme la sous-déclaration, sont discutées.
1. Dimensions de l alimentation intuitive et apports énergétiques
Cette section analyse les associations entre les dimensions de l'alimentation intuitive et divers paramètres alimentaires et pondéraux. L'étude utilise un questionnaire d'alimentation intuitive, dont la version française a été validée (Partie III, Section 2). Elle examine trois dimensions principales : « signaux » (attention aux signaux de faim et de satiété), « permission » (accepter de manger sans culpabilité), et « raisons physiques » (manger pour satisfaire la faim). Des scores élevés sur la dimension « raisons physiques » étaient associés à des apports énergétiques plus faibles chez les femmes, et inversement associés à la fréquence et à la tendance à grignoter sans faim chez les hommes et les femmes. Manger en réponse à la faim physique, plutôt qu'à des émotions, pourrait donc diminuer le grignotage (Marmonier, Chapelot, & Louis-Sylvestre, 1999; Marmonier, Chapelot, Fantino, & Pirke, 1990). Pour la dimension « permission », des scores élevés étaient liés à des apports énergétiques plus importants et à un régime alimentaire moins sain (plus d'aliments gras et sucrés, moins de fruits et légumes), mais à une fréquence de grignotage plus faible. Ces résultats contredisent l'hypothèse d'une association positive entre la « permission » et une meilleure alimentation, soulignant la complexité de la relation entre l’alimentation intuitive et le comportement alimentaire.
2. Consommation d aliments et choix alimentaires
L'étude approfondit l'association entre les dimensions de l'alimentation intuitive et les choix alimentaires, en fonction du sexe. Les individus ayant des scores élevés sur la dimension « permission » consommaient plus d'énergie et avaient un régime moins sain, préférant les aliments gras et sucrés, les fast-foods, et consommant moins de fruits, légumes et aliments complets. Cependant, ils grignotaient moins. Ce résultat contraste avec les hypothèses sur l'alimentation intuitive. Cette observation pourrait être liée à la restriction cognitive, fortement corrélée négativement à la « permission » (Partie III, Section 2). Il est connu que les personnes fortement restreintes évitent les aliments gras et privilégient les aliments sains (de Castro, 1995; de Castro, 1995). Des résultats similaires ont été observés pour la dimension « raisons physiques », mais de manière moins importante et seulement chez les femmes. Ces dernières sélectionnaient davantage les aliments sources de protéines végétales (céréales complètes, fruits oléagineux). Les hommes et les femmes qui suivent leurs signaux de faim et de satiété adaptent mieux leurs choix alimentaires à leurs besoins, avec une association inverse entre la dimension « signaux » et le grignotage chez les hommes et les femmes (Afssa, 2009; InVS, 2007).
3. Limites méthodologiques et interprétation des résultats
Des limites méthodologiques peuvent expliquer les incohérences observées. Les méthodes habituelles de mesure des apports alimentaires dans les études épidémiologiques ne permettent pas de prendre en compte les variations liées aux cycles de restriction-désinhibition. La sous-déclaration, plus probable chez les personnes fortement restreintes, pourrait biaiser les résultats, sous-estimant la consommation d'aliments gras et sucrés et surestimant celle des aliments sains (Asbeck et al., 2002). L'auto-jugement pourrait également influencer la déclaration des aliments consommés. Enfin, la sous-échelle « permission », composée de seulement quatre items dans la version française, est la plus fragile, ayant été modifiée entre les versions IES-T, IES-2 et la version française (Partie III, Section 2). Ces limitations méthodologiques nécessitent une attention particulière dans l'interprétation des résultats et appellent à des recherches plus approfondies pour affiner les mesures et les analyses.
XI.Pratiques de techniques psycho physiques et statut pondéral
L'étude examine l'impact des techniques psycho-physiques (yoga, méditation, etc.) sur le statut pondéral. Une association négative est observée entre la pratique régulière de ces techniques et le risque d'être en surpoids ou obèse. Des mécanismes physiologiques et psychologiques sous-jacents sont évoqués.
1. Pratiques de techniques psycho physiques et risque d obésité
Cette section explore la relation entre la pratique de techniques psycho-physiques et le statut pondéral, en utilisant un large échantillon de population générale. La littérature scientifique sur ce sujet est limitée, notamment en ce qui concerne les études observationnelles. Les rares études existantes présentent des résultats contrastés et reposent souvent sur des échantillons restreints et spécifiques (étudiants ou recrues militaires), ce qui limite leur validité (Kristal et al., 2005; Ross et al., 2012). L'objectif principal était d'étudier cette relation dans une population générale, en contrôlant un grand nombre de facteurs de confusion potentiels afin de dissocier l'influence des techniques psycho-physiques d'un comportement globalement plus sain. Les résultats montrent une association entre la pratique de techniques psycho-physiques et une moindre probabilité d'être en surpoids ou obèse. Cette association est plus forte pour les personnes ayant une pratique régulière, suggérant que des bénéfices sont amplifiés par la régularité. La pratique régulière est également liée à un IMC plus faible, suggérant une association continue et non limitée aux seuils de surpoids et d'obésité.
2. Mécanismes potentiels et comparaison avec d autres facteurs
L'étude a ajusté les résultats sur la qualité de l'alimentation et l'apport énergétique total, confirmant que l'association entre les techniques psycho-physiques et le statut pondéral n'est pas uniquement due à un comportement alimentaire plus sain. Les mécanismes sous-jacents restent mal connus, mais seraient de nature physiologique et psychologique. L'action de ces techniques pourrait se situer à différents niveaux de l'axe neuronal, entre le cerveau et les tissus périphériques, influençant l'homéostasie (Taylor, Goehler, Galper, Innes, & Bourguignon, 2010). Elles pourraient activer des zones corticales fronto-temporales impliquées dans l'autorégulation, le contrôle émotionnel et cognitif (Maquet et al., 1999; Newberg et al., 2001). Ces zones interagissent avec des structures sous-corticales impliquées dans l'homéostasie corporelle et les réponses au stress. Les techniques psycho-physiques pourraient aussi agir directement sur l'axe HPA, le système sympathique surrénalien, ou stimuler le nerf vague (Innes, Bourguignon, & Taylor, 2005). Des analyses complémentaires sont nécessaires pour clarifier les mécanismes impliqués et affiner la compréhension de ces associations.
3. Limites méthodologiques et interprétation des résultats
Des limites méthodologiques sont prises en compte dans l'interprétation des résultats. Les données sur le poids et la taille proviennent d'un questionnaire auto-administré en ligne, sujet à un biais de sous-déclaration du poids et de surdéclaration de la taille (Connor Gorber S. et al., 2007). Ce biais est plus important chez les sujets en surpoids et obèses, et pourrait donc atténuer les associations observées. Bien que le questionnaire en ligne montre une bonne concordance avec les versions papier et les mesures physiques (Touvier et al., 2010; Lassale et al., 2013), ce biais doit être considéré. De plus, le fait que les participants à l'étude NutriNet-Santé soient plus intéressés par la nutrition et leur santé pourrait influencer les résultats, car ils sont moins susceptibles d'adopter des comportements à risque. Malgré ces limitations, les résultats suggèrent un effet significatif de la pratique des techniques psycho-physiques sur le statut pondéral, nécessitant de futures études pour confirmer ces liens.
XII.Conclusion et perspectives
L'étude souligne la nécessité d'améliorer les outils de mesure des comportements alimentaires et de poursuivre les recherches sur l'alimentation intuitive, la pleine conscience, et l'alimentation liée aux émotions pour une meilleure prévention et gestion du poids, notamment en ciblant les populations les plus à risque. Des études longitudinales sont suggérées pour une meilleure compréhension de l'évolution du poids au cours du temps.
1. Synthèse des résultats et implications pour la santé publique
Cette étude a exploré plusieurs facteurs liés au statut pondéral, notamment l'alimentation intuitive, la pleine conscience, l'alimentation émotionnelle et la restriction cognitive. Les résultats, obtenus à partir d'un large échantillon de la population générale de l'étude NutriNet-Santé, mettent en évidence des associations significatives entre ces facteurs et le risque de surpoids et d'obésité. La pratique régulière de techniques psycho-physiques est associée à une diminution du risque d'obésité, un résultat renforcé par une pratique régulière. L'alimentation intuitive, bien que globalement associée à un IMC plus faible et un moindre risque d'obésité, montre des résultats contradictoires concernant certains aspects, notamment la dimension « permission ». Une analyse plus approfondie de ces résultats est donc nécessaire. L'étude souligne l'importance des facteurs psychologiques dans la gestion du poids, au-delà des aspects purement nutritionnels. L'étude a comparé l’impact de la pleine conscience et des techniques psycho-physiques à celui du niveau d’éducation et d’activité physique sur le risque d’obésité dans la population, en démontrant des effets significatifs de ces approches. Ces résultats soulignent l'intérêt potentiel de ces pratiques pour la prévention de l'obésité. La perspective de prévention primaire est importante, car intervenir avant l’installation de l’obésité est plus efficace que de traiter une pathologie établie.
2. Limitations méthodologiques et biais
L'étude reconnaît plusieurs limites méthodologiques, notamment le recours à des mesures subjectives (questionnaires) susceptibles de biais. Les données sur le poids et la taille, auto-déclarées, présentent un biais de sous-déclaration du poids et de surdéclaration de la taille, plus marqué chez les sujets en surpoids ou obèses (Connor Gorber S. et al., 2007). Ce biais, inhérent aux données déclarées, pourrait atténuer les associations observées. La sélection des participants, provenant de l'étude NutriNet-Santé, pourrait également biaiser les résultats, ces personnes étant plus intéressées par la nutrition et la santé (Mejean et al., 2014). Le caractère déclaratif des mesures (alimentation émotionnelle, alimentation intuitive, pleine conscience) est aussi une limite, avec un risque de biais de désirabilité social (Joinson, 1999). Malgré ces limitations, la grande taille et la diversité de l'échantillon, ainsi que la prise en compte des facteurs de confusion, permettent une analyse robuste des associations observées. La taille de l’échantillon a permis de réaliser des analyses stratifiées pour certains sous-groupes (hommes avec symptômes dépressifs).
3. Amélioration des outils de mesure et perspectives de recherche
L'étude souligne la nécessité d'améliorer les outils de mesure des comportements alimentaires et psychologiques. Les résultats sur l'alimentation intuitive suggèrent une nécessité d'affiner le questionnaire pour mieux capter les nuances du concept et ses implications pour la santé publique (Hercberg et al., 2008). L'analyse de données longitudinales (6 ans de suivi pour NutriNet-Santé), en particulier concernant l'alimentation liée aux émotions et l'évolution du poids, permettrait d'apporter des informations précieuses sur les trajectoires pondérales et l'identification de groupes à risque (Klijn, Weijenberg, Lemmens, van den Brandt, & Lima, V, 2015). La collecte de données répétées pour certains questionnaires améliorerait la robustesse des analyses. L'intégration de la pleine conscience dans les interventions de prévention de la prise de poids excessive et des troubles alimentaires est prometteuse, nécessitant des recherches plus approfondies. La compréhension de la faim hédonique, stimulée par l'environnement en l'absence de réel besoin physiologique (Lowe & Butryn, 2007), est essentielle pour affiner les stratégies de contrôle alimentaire.