Caractérisation des Écoulements Hydriques dans les Milieux Poreux

Caractérisation des Écoulements Hydriques dans les Milieux Poreux

Informations sur le document

Auteur

Barbara Suski

instructor/editor André Revil
school/university Université Paul Cézanne, Faculté de Droit, d’Économie et des Sciences d’Aix-Marseille III
subject/major Géosciences de l’Environnement
Type de document Thèse
city_where_the_document_was_published Aix-en-Provence
Langue French
Format | PDF
Taille 5.42 MB
  • Géosciences
  • Hydrologie
  • Recherche scientifique

Résumé

I.Méthode du Potentiel Spontané pour la Caractérisation des Ecoulements Souterrains

Cette thèse explore l'utilisation de la méthode du potentiel spontané (SP) comme technique non-intrusive pour déterminer la géométrie et les propriétés hydrauliques des écoulements souterrains. Contrairement aux méthodes classiques (piézomètres), coûteuses et invasives, la méthode SP exploite le couplage électrocinétique entre le flux d'eau et le champ électrique naturel dans le sol. L'électrofiltration, une source principale du signal SP, permet de suivre la dynamique de l'eau souterraine. Des expériences de tests de pompage ont été réalisées, notamment à Cosenza (Italie) avec un réseau de 53 électrodes Pb/PbCl2 et 5 piézomètres, pour valider cette approche. L'analyse des données SP, via des fonctions de Green appropriées, permet de visualiser les chemins préférentiels d'écoulement et la distribution de la surface piézométrique.

1. Méthodes classiques vs. méthode du potentiel spontané

Les méthodes classiques de détermination du niveau piézométrique et des propriétés hydrauliques d'une nappe phréatique, basées sur des mesures effectuées dans des piézomètres, sont présentées comme intrusives, coûteuses et dépendantes de la densité des piézomètres. L'objectif est de proposer une alternative non intrusive, facile d'utilisation et peu coûteuse. La méthode du potentiel spontané (SP), qui mesure le champ électrique naturel présent dans le sol généré par la circulation de l'eau, est présentée comme une solution prometteuse. Ce champ électrique, mesurable à la surface, résulte de l'électrofiltration, un phénomène électrocinétique clé. L'étude vise à démontrer la capacité de la méthode SP à fournir des informations sur la géométrie des écoulements souterrains et sur les paramètres hydrauliques, offrant une alternative aux méthodes classiques limitées par leur caractère intrusif et leur coût. La méthode SP est mise en avant pour sa capacité à fournir une image plus complète de la dynamique des eaux souterraines grâce à une plus grande densité de points de mesure.

2. Le couplage hydro électrique et l électrofiltration

La section détaille le phénomène d'électrofiltration, à l'origine du potentiel spontané mesurable. L'écoulement de l'eau dans un milieu poreux génère un courant électrique, dû à un couplage hydro-électrique au niveau de l'interface minéral-solution. L'interaction électrique entre les surfaces chargées des minéraux et les ions du fluide crée un excès de charge, dont le mouvement génère le courant source. La physique de ce couplage est étudiée à différentes échelles (microscopique, poreuse, représentative du milieu poreux), citant les travaux de Bernabé (1998), Lorne et al. (1999) et Revil et al. Des modèles, comme celui de la double couche électrique de Helmholtz, Gouy-Chapman et Stern, sont mentionnés pour expliquer l'origine de l'excès de charges. La description précise du couplage hydro-électrique et de l'électrofiltration justifie l'utilisation du potentiel spontané comme indicateur des mouvements d'eau souterraine, soulignant la relation directe entre le courant électrique généré et la circulation du fluide dans le sous-sol. L'étude souligne l'importance de la compréhension de ce couplage pour une interprétation quantitative des mesures de potentiel spontané.

3. Expériences de pompage acquisition des données et sources de bruit

La section décrit les expériences de pompage menées pour étudier le potentiel spontané. Des mesures de potentiel spontané sont acquises sur le terrain à l'aide d'un réseau d'électrodes (ex: 53 électrodes Pb/PbCl2 à Cosenza) et d'un multimètre Keithley 2701, permettant des acquisitions fréquentes (ex: 1 minute). Une électrode de référence est utilisée. L'expérimentation comprend une phase d'état stationnaire et une phase de relaxation après l'arrêt du pompage. Différentes sources de bruit sont identifiées, notamment l'électro-diffusion, causée par la diffusion différentielle des ions, mais jugée non significative dans le contexte des expériences décrites. L'étude souligne la nécessité de prendre en compte les sources de bruit, comme les courants telluriques et les effets d'induction dans les câbles, qui nécessitent des techniques de filtrage des données pour isoler le signal électrocinétique du bruit ambiant. La mise en place rigoureuse du dispositif expérimental, incluant le choix des électrodes et du matériel de mesure, est soulignée pour garantir la fiabilité des données.

II.Analyse des Signaux SP lors de Tests de Pompage

Des expériences de pompage ont été conduites pour étudier la relation entre les variations du potentiel spontané et les variations de la hauteur piézométrique. Les résultats montrent une corrélation entre les signaux SP et les niveaux piézométriques, même si le signal électrocinétique est souvent faible (<10 mV) et peut être masqué par d'autres sources de bruit (courants telluriques, effets redox). Des techniques de filtrage ont été utilisées pour isoler la composante électrocinétique. L'analyse de la phase de relaxation après l'arrêt du pompage a également fourni des informations précieuses. La transmissivité hydraulique de l'aquifère a pu être estimée à partir des données SP, en utilisant le modèle GWFGEM (Titov et al., 2005), qui montre une relation linéaire entre la réponse électrique et hydraulique en première approximation.

1. Corrélation entre signaux SP et niveaux piézométriques

Cette partie explore la relation entre les variations de potentiel spontané (SP) et les variations du niveau piézométrique lors de tests de pompage. L'objectif principal est de déterminer s'il existe une corrélation entre les signaux électriques mesurés et les changements de la hauteur de la nappe phréatique. Des expériences de pompage ont été réalisées, impliquant l'acquisition simultanée de données SP et piézométriques. Les résultats montrent une corrélation entre les deux types de données, indiquant que les variations du potentiel spontané reflètent effectivement les variations du niveau piézométrique. Cependant, l'amplitude du signal électrocinétique est souvent faible (inférieure à 10 mV), ce qui rend nécessaire l'utilisation de techniques de filtrage pour éliminer les interférences et le bruit de fond. L'analyse se concentre sur la dynamique des signaux SP durant les phases d'état stationnaire et de relaxation après l'arrêt du pompage. L'étude souligne la nécessité de techniques de traitement du signal pour améliorer le rapport signal sur bruit, afin d'extraire efficacement l'information hydrologique des données SP.

2. Analyse de la phase de relaxation et estimation de la transmissivité

L'analyse se poursuit avec l'étude de la phase de relaxation de la nappe phréatique après l'arrêt du pompage. Cette phase permet d'obtenir des informations supplémentaires sur les propriétés hydrauliques du sous-sol. Les données SP enregistrées pendant cette phase sont analysées pour caractériser le retour à l'équilibre du système. La relation entre les variations du potentiel électrique et les variations du niveau piézométrique est étudiée durant cette phase de relaxation. On observe une relation linéaire approximative entre ces deux grandeurs. L’expérience de pompage menée à Cosenza, Italie, est modélisée à l'aide du modèle GWFGEM, confirmant cette relation linéaire entre la réponse électrique et la réponse hydraulique. Ce modèle permet une estimation de la transmissivité de la nappe à partir des mesures SP. La possibilité d'obtenir des estimations de paramètres hydrauliques, comme la transmissivité, à partir des données SP est mise en avant comme un avantage majeur de cette méthode non intrusive.

3. Gestion du bruit et amélioration de la résolution

Une attention particulière est portée à la gestion des sources de bruit affectant les mesures SP. Des courants telluriques et des effets d'induction dans les câbles sont identifiés comme des sources d'interférences. Des techniques de traitement du signal, telles que la transformation de Fourier et le filtrage passe-bas, sont utilisées pour atténuer ces effets indésirables tout en préservant l'amplitude des variations de potentiel à basse fréquence. L'objectif est d'optimiser le rapport signal sur bruit pour améliorer la précision des mesures et permettre une meilleure estimation des paramètres hydrologiques. L'étude discute également de la nécessité de réaliser des relevés dans plusieurs conditions d'écoulement afin d'améliorer la précision des résultats. L'amélioration de la résolution des signaux SP est explorée, suggérant par exemple l'utilisation d'une configuration circulaire des électrodes de mesure pour une meilleure caractérisation spatiale des paramètres hydrauliques autour du puits de pompage.

III.Expériences d Infiltration et Application en Zone Non Saturée

L'étude s'étend à l'analyse des signaux SP durant des expériences d'infiltration en zone non-saturée. Des expériences en laboratoire (cuve à sable) et sur le terrain (Roujan, France) ont été menées. À Roujan, l'injection d'eau dans la nappe via un piézomètre a été monitorée avec un réseau d'électrodes Cu/CuSO4. Les résultats préliminaires montrent une sensibilité de la méthode SP à l'écoulement d'eau en zone non-saturée, même pour de faibles variations du niveau piézométrique (~0.6m). Une relation linéaire entre la variation de pression matricielle (mesurée par des capteurs) et le potentiel spontané est suggérée pour la période de saturation. Cependant, l'impact des différents facteurs sur le signal SP (ex : épaisseur de la zone non-saturée) nécessite des études complémentaires.

1. Expériences d infiltration approche en milieu contrôlé et sur le terrain

L'étude explore l'application de la méthode du potentiel spontané (SP) à la caractérisation des écoulements d'eau en zone non-saturée, abordant des expériences d'infiltration. Une approche expérimentale en milieu contrôlé (cuve) est détaillée, permettant d'étudier l'influence de paramètres physiques précis et contrôlés (composition du sable, porosité, perméabilité...). Les propriétés physiques du sable utilisé (diamètre des grains, composition chimique) sont spécifiées, ainsi que les résultats de mesures en laboratoire (porosité, perméabilité, coefficient de couplage électrocinétique). Une expérience sur le terrain à Roujan, France, est également décrite, consistant en l'injection d'eau dans la nappe via un piézomètre (P6), monitorée par un réseau d'électrodes Cu/CuSO4. La description des électrodes Cu/CuSO4 et de leur installation précise est fournie. L'objectif est de déterminer si les écoulements en zone non-saturée produisent un signal SP mesurable et d'étudier la relation entre les réponses électrique et hydrique. La comparaison entre les résultats obtenus en laboratoire et sur le terrain permet de valider l'approche et d'identifier les limitations.

2. Résultats des expériences d infiltration et corrélations

Les expériences d'infiltration, réalisées à la fois en cuve et sur le terrain, montrent une sensibilité de la méthode SP aux écoulements, même en zone non-saturée. À Roujan, des signaux SP mesurables sont enregistrés pour de faibles variations piézométriques (∼0.6 m), indiquant la faisabilité de la méthode même dans des conditions d'écoulement limité. L'analyse des données met en évidence un décalage temporel entre le minimum du signal SP enregistré et le passage à une pression matricielle positive. En phase de saturation, une relation linéaire entre le potentiel spontané et la pression matricielle est suggérée. Les expériences en cuve montrent une évolution de l'infiltration, passant d'une progression verticale à un étalement horizontal, et une possible asymétrie liée à l'hétérogénéité du milieu. Ces observations préliminaires soulignent le potentiel de la méthode SP pour le suivi des panaches d'infiltration, notamment en comparant la réponse électrique avec des mesures de pression matricielle. La nécessité de coupler les données électriques avec des données hydrauliques précises est soulignée, justifiant l'utilisation de capteurs de pression plus performants que les piézomètres classiques dans ce type d'expérimentation.

3. Modélisation et perspectives futures

Les résultats des expériences d'infiltration ouvrent des perspectives intéressantes pour l'utilisation de la méthode SP dans la zone non-saturée, confirmant sa capacité à détecter les écoulements et à en caractériser la géométrie, notamment à l’aide du modèle GWFGEM. Cependant, l'étude note le caractère préliminaire des résultats et souligne le besoin de modélisations numériques pour comparer les données SP et les flux hydriques. Il est mentionné qu'une relation linéaire est observée pendant la phase stationnaire de l'infiltration entre la variation du niveau piézométrique et la réponse électrique, la pente de cette relation étant comparable au coefficient de couplage électrocinétique mesuré en laboratoire. Le document propose des axes de recherche futurs, notamment l'amélioration du suivi hydraulique avec des capteurs de pression plus appropriés pour la zone non-saturée, et la poursuite des expérimentations en cuve pour affiner la compréhension du couplage électrocinétique dans des conditions diphasiques. L'intégration des résultats dans un programme de recherche plus large sur la modélisation des effets de polarité du milieu non-saturé lors d'infiltration est mentionnée.

IV.Détermination de la Surface Piézométrique et Cartographie

La méthode SP est utilisée pour déterminer et cartographier la surface piézométrique. En combinant les données SP avec un modèle (Modèle-W), le krigeage permet de reconstruire la géométrie de la nappe. Une étude de cas sur un bassin versant à Roujan illustre l'application de la méthode pour cartographier l'extension spatiale de la nappe et identifier les chemins d'écoulement préférentiels. L'analyse des variations temporelles de la carte SP permet de suivre l'évolution de la nappe et de potentiellement identifier des fuites (ex: bassins de décantation). La précision de la méthode est évaluée, et les limitations sont discutées (incertitude de mesure du potentiel spontané).

1. Utilisation du potentiel spontané pour la cartographie de la nappe

Cette section explore l'utilisation des données de potentiel spontané (SP) pour la détermination et la cartographie de la surface piézométrique. Une relation linéaire entre le potentiel spontané et l'altitude de la nappe est exploitée. La méthode de krigeage, combinée à cette relation linéaire (Modèle-W), permet de générer des cartes de la géométrie de la nappe. Un exemple d'application est présenté, illustrant la construction d'une carte de la nappe sur un bassin versant. L'analyse des cartes permet d'identifier les zones de resserrement des courbes d'altitude, interprétées comme des limites d'extension spatiale de la nappe. L'étude de cas met en évidence l'utilité de la méthode pour la cartographie rapide de la géométrie d'une nappe, notamment à l'échelle d'un petit bassin versant. La précision de la méthode est discutée, soulignant que bien que rapide, elle peut présenter des limites pour des estimations très précises de la profondeur de la nappe (précision inférieure au mètre). L'influence d'anomalies SP, potentiellement liées à des structures géologiques ou des fuites, sur la précision de la cartographie est également discutée.

2. Etude de cas bassin versant de Roujan et analyse des anomalies

Une étude de cas sur le bassin versant de Roujan est détaillée pour illustrer l'application de la méthode. L'analyse de cartes de potentiel spontané acquises à différents moments (juin et août 2005) permet d'observer l'évolution temporelle de la géométrie de la nappe. L'apparition d'une anomalie négative au nord du bassin versant en août, absente en juin, est liée à la présence de bassins de décantation, suggérant des fuites d'eau. La comparaison entre les cartes SP et les mesures piézométriques permet de valider l'interprétation des anomalies et d'identifier les zones où la méthode est plus ou moins performante. L'étude souligne l'impact des variations des conditions hydriques du sous-sol sur la contribution relative de différents facteurs aux signaux SP (Modèle-W et Modèle-V), indiquant une diminution de la contribution de l'épaisseur de la zone non-saturée avec l'augmentation de la saturation en eau. L'analyse permet de quantifier l'évolution de l'extension de la nappe et de détecter des changements importants, comme des fuites, soulignant l'intérêt de la méthode pour le suivi des écoulements et l'identification de sources potentielles de contamination.

3. Incertitudes et limitations de la méthode

L'incertitude sur les mesures de potentiel spontané est prise en compte. Des analyses statistiques, basées sur plusieurs mesures autour de chaque piézomètre, sont réalisées pour quantifier cette incertitude. L'influence de différents types de bruit (potentiel de diffusion, effet redox, sources anthropiques) est mentionnée. Une estimation de l'erreur sur la détermination de la hauteur piézométrique est fournie (± 2 mètres), avec une discussion des cas où cette estimation peut être moins précise (ex: proximité d'anomalies SP liées à des structures géologiques). L'étude souligne que la méthode du potentiel spontané, bien qu'efficace pour une cartographie rapide de la géométrie de la nappe à l'échelle d'un bassin versant, présente des limites pour des estimations très précises de la profondeur de la nappe. L'importance de réaliser des campagnes de mesures régulières pour mieux comprendre l'évolution temporelle et les différentes contributions aux signaux SP (en fonction des conditions hydriques du sous-sol) est mise en avant.