Étude des phénomènes de dépôt de neige sur l'Illimani en Bolivie

Étude des phénomènes de dépôt de neige sur l'Illimani en Bolivie

Informations sur le document

Auteur

Hervé Bonnaveira

instructor/editor Patrick Wagnon
École

Université Joseph Fourier (Grenoble 1)

subject/major Sciences de la Terre et de l’Univers
Type de document Thèse de doctorat
city_where_the_document_was_published Grenoble
Langue French
Format | PDF
Taille 4.50 MB
  • Glaciologie
  • Neige andine
  • Recherche scientifique

Résumé

I.Analyse des carottes de glace de l Illimani et leurs implications paléoclimatiques

Cette thèse étudie les carottes de glace prélevées en 1999 sur le glacier de l'Illimani en Bolivie, à 6340m d'altitude, par l'équipe GREAT ICE de l'IRD et le PSI. L'analyse de ces carottes, effectuée au LGGE, révèle une forte saisonnalité dans la composition chimique, avec des pics de concentration plus importants durant la saison sèche que la saison humide. L'objectif principal est de déterminer les mécanismes de formation de ces pics, en étudiant les processus de dépôt des impuretés atmosphériques dans la région. Les carottes de glace andines, bien que moins profondes que les carottes polaires, offrent une résolution temporelle annuelle élevée, permettant des analyses paléoclimatiques détaillées sur les deux derniers siècles. L'âge estimé des carottes est de 18 000 ans. Des événements majeurs comme des éruptions volcaniques (Pinatubo, Agung, Tambora) sont clairement identifiables. La comparaison avec d'autres sites andins, tels que le Quelccaya au Pérou et le Sajama en Bolivie, permet de contextualiser les résultats de l'Illimani.

1. Caractéristiques des carottes de glace de l Illimani et leur datation

L'étude se centre sur l'analyse des carottes de glace prélevées sur le glacier de l'Illimani (Bolivie) en 1999 par l'équipe GREAT ICE (IRD et PSI). Situé à une altitude de 6340 mètres dans les Andes tropicales, ce site offre des conditions idéales pour l'enregistrement des variations climatiques. L'analyse, réalisée au LGGE, révèle une forte saisonnalité dans le signal chimique des carottes, avec des concentrations plus élevées durant la saison sèche. Cette saisonnalité permet une datation annuelle des carottes grâce à l’analyse des profils isotopiques, de Ca2+, et de particules. L'approche multiproxy sur la carotte A a permis une datation jusqu'en 1919 à 50m de profondeur. Les isotopes stables donnent une date de 1747 +/- 20 ans à 87m. L'analyse ICP-MS promet une résolution saisonnière plus fine. Des éruptions volcaniques majeures (Pinatubo 1991, Agung 1963, Tambora 1815) sont identifiées par la mesure des ions majeurs dans la carotte A, réduisant la fourchette d'erreur du comptage annuel à +/- 2 ans près de ces pics. L'âge total estimé des carottes est de 18 000 ans, bien que moins profondes que les carottes polaires (quelques centaines de mètres contre plusieurs kilomètres), leur accumulation plus importante offre une meilleure résolution annuelle pour les 200 dernières années.

2. Comparaison avec d autres sites andins et implications paléoclimatiques

L'étude compare les résultats de l'Illimani à ceux d'autres sites andins tels que le Huascaran (Pérou) et le Sajama (Bolivie). Les carottes du Huascaran remontent au dernier maximum glaciaire (LGM), suggérant une variation de température tropicale pouvant atteindre 8 à 12°C depuis le LGM. La carotte du Sajama indique des conditions plus humides en région subtropicale durant le LGM. Les glaciers tropicaux enregistrent un intermède froid pendant la déglaciation (DCR), synchrone avec le Younger Dryas de l'hémisphère Nord. Le Little Ice Age est aussi enregistré à Quelccaya et confirmé par l’avancée des moraines en Bolivie. Le phénomène ENSO (El Niño-Southern Oscillation) pourrait être archivé dans les carottes de l'Illimani, ce qui renforce l'intérêt de ces carottes pour les reconstructions paléoclimatiques. La zone tropicale est de plus en plus reconnue comme un moteur important du climat global, et les Andes tropicales semblent avoir anticipé le réchauffement à la transition glaciaire-interglaciaire. Les changements climatiques rapides de l’Holocène, généralement attribués à des apports d'eau douce dans l'Atlantique Nord modifiant la circulation thermohaline (THC), pourraient avoir une origine tropicale. L’accumulation de neige sur l'Illimani est estimée à 0,64-0,58 m w.e./an pour les carottes A et B.

II.Processus de dépôt et post dépôt dans la neige de l Illimani

L'étude met en évidence deux processus principaux de dépôt: la précipitation abondante à faible concentration ionique durant la saison humide et un mélange de dépôt sec et de précipitations rares mais très concentrées durant la saison sèche. Contrairement à d'autres sites andins, la sublimation n'est pas le facteur principal de formation des pics de concentration. L'analyse porte sur des espèces chimiques majeures (anions et cations minéraux) et quelques espèces organiques. Les phénomènes post-dépôt, notamment la sublimation et la compaction de la neige, modifient la composition chimique des couches superficielles, particulièrement pendant la saison sèche. La métamorphose de la neige et la volatilisation de certaines espèces (HCl, HF, HNO3, HCOOH, NO3-) sont prises en compte dans l'analyse. Des lysimètres ont été utilisés pour mesurer le taux de sublimation.

1. Processus de dépôt sur le glacier de l Illimani

L'étude des processus de dépôt de substances chimiques sur le glacier de l'Illimani révèle une forte saisonnalité. Durant la saison humide, le dépôt se fait principalement par des précipitations abondantes, mais de faible concentration ionique. À l'inverse, durant la saison sèche, le dépôt est caractérisé par un mélange de dépôt sec (aérosols) et de précipitations rares, mais fortement concentrées en ions. Contrairement à d'autres sites andins, la sublimation, bien que présente, n'est pas le principal facteur responsable de l'augmentation des concentrations ioniques en saison sèche. Bien que la sublimation augmente la concentration de la plupart des espèces ioniques en surface, son effet reste limité. La quantité d'ions déposés est globalement conservée, à l'exception de quelques espèces, notamment l'acétate, pour lequel des pertes ont été observées. L'analyse se concentre sur les principaux anions et cations minéraux présents dans la neige, ainsi que quelques composés organiques, étudiés par chromatographie ionique (seule la fraction soluble est analysée).

2. Phénomènes post dépôt et métamorphisme de la neige

Après le dépôt, la neige subit un métamorphisme, se transformant en névé par des cycles d'évaporation-condensation. Ce processus affecte particulièrement les espèces chimiques ayant une forme gazeuse (HCl, HF, HNO3, HCOOH), conduisant à leur volatilisation. L'ion nitrate (NO3-) peut se volatiliser sous forme de HNO3 ou être photolysé en NO2 et OH. L'ion fluorure (F-) peut être exclu des couches riches en H2SO4, sauf en présence de Ca2+ qui le retient. D'autres espèces, comme NaCl, les poussières et les sulfates, sont piégées irréversiblement. L'étude cherche à identifier les espèces non conservatives dans la neige de surface. La compaction de la neige, due à son enfouissement, entraîne un amincissement des couches annuelles, particulièrement marqué en surface. Ce phénomène, combiné à la sublimation et à l'accumulation de neige fraîche en saison sèche, complique l'interprétation des profils chimiques. Des lysimètres ont été utilisés pour quantifier la sublimation, mesurant ainsi les pertes de neige par érosion éolienne ou sublimation. La sublimation sur l'Illimani est un phénomène épisodique, réinitialisé à chaque précipitation, sans formation de pénitents sur le site de forage.

III.Sources des impuretés atmosphériques et influence anthropique

L'étude identifie plusieurs sources potentielles des impuretés atmosphériques : la forêt amazonienne (émissions biogéniques et feux de biomasse), l'activité humaine (pollution de La Paz), et les dépôts locaux (poussières de l'Altiplano). Des aérosols ont été collectés à Plataforma Zongo (1500 m d'altitude), un site proche de l'Illimani, pour compléter l'analyse de la neige. La comparaison avec les données d'aérosols de Chacaltaya (5220 m) permet d'évaluer l'influence anthropique. L'étude des trajectoires des masses d'air, obtenues via le modèle HYSPLIT, renseigne sur l'origine des aérosols. Les résultats suggèrent une faible influence anthropique, bien que des événements de pollution ponctuels liés aux feux de biomasse et à la fête de San Juan aient été observés. L'analyse des espèces chimiques dans la neige et les aérosols permet de distinguer les contributions des différentes sources (sources amazoniennes, sources locales, sources volcaniques).

1. Sources d impuretés atmosphériques Amazonie et Altiplano

L'étude identifie plusieurs sources d'impuretés atmosphériques affectant la composition chimique de la neige sur le glacier de l'Illimani. La forêt amazonienne joue un rôle crucial, contribuant à la fois par des émissions biogéniques naturelles (gaz et particules) et par les feux de biomasse, particulièrement importants en saison sèche. Ces feux produisent une quantité significative d'aérosols, incluant du Black Carbon, des hydrocarbures, des alcools, des aldéhydes, des acides carboxyliques et des halocarbones, agissant comme précurseurs d'aérosols secondaires. La composition ionique des aérosols émis dépend du type de végétation et de combustion ; K+ est le cation dominant de la fraction fine, corrélé à Cl-, tandis que Ca2+ domine la fraction grossière. L'étude mentionne aussi une contribution potentielle des poussières de l'Altiplano, en particulier lors des périodes sèches où l'assèchement des sols favorise l'érosion et le transport éolien de particules terrigènes. La région de l'Altiplano, avec ses zones évaporitiques, pourrait également contribuer au dépôt de gypse, bien que son origine (primaire ou secondaire) ne soit pas clairement déterminée. Des programmes de recherche importants en Amazonie (LBA, SCAR-B, ABLE, D2W) sont mentionnés, soulignant l'intérêt scientifique de cette région.

2. Prélèvements d aérosols à Plataforma Zongo et comparaison avec Chacaltaya

Pour compléter l'analyse de la neige, des prélèvements d'aérosols ont été effectués à Plataforma Zongo (à environ 2 km de Chacaltaya), un site facile d'accès dans la vallée du Zongo, bénéficiant d'infrastructures (COBEE et IRD). Les prélèvements se concentrent sur la fraction soluble des aérosols, analysée par chromatographie ionique. Le site présente des avantages (accès facile, réseau de mesures, énergie disponible), mais aussi des inconvénients (proximité d'un refuge, structure vétuste, variations du niveau du lac). Les variations saisonnières du niveau du lac (baisse de 20 m en saison sèche) influencent les prélèvements. L'efficacité de collecte du dispositif dépend de la taille des particules et de la vitesse du vent, les particules submicroniques étant mieux collectées. Le site de Chacaltaya (5220 m), a servi de référence pour l'aérosol continental naturel de l'hémisphère Sud, avec une contribution crustale importante et une faible influence anthropique. La comparaison des données de Plataforma Zongo avec celles de Chacaltaya (Adams et al., 1977, 1980, 1983) est rendue difficile par les différences de protocoles et de techniques analytiques (XES, XRF, INAA, PIXE, AAS vs. chromatographie ionique).

3. Influence anthropique et conclusions

L'étude cherche à évaluer l'influence anthropique sur la composition chimique de la neige. La comparaison des données de Plataforma Zongo avec celles de Chacaltaya suggère une faible influence anthropique, même avec le doublement du trafic automobile à La Paz entre 1990 et 1999. Des événements de pollution ponctuelle, liés aux feux de biomasse (saison sèche, août-septembre) et aux célébrations de San Juan, sont observés dans les aérosols, mais ne semblent pas affectés significativement les carottes de glace en raison d'une absence de convection vers la haute troposphère. L'analyse des éléments traces dans la carotte de glace suggère une possible pollution minière. Cependant, l'influence de sources locales (poussières de l'Altiplano, sédiments lacustres), de sources amazoniennes (feux de biomasse, espèces organiques) et potentiellement volcaniques restent à approfondir. Na+, K+, Mg2+, et Ca2+ présentent une forte saisonnalité, suggérant une origine locale liée au dépôt sec.