
Histoire de la pollution de l'air en Europe déduite des carottes de glace alpines
Informations sur le document
Langue | French |
Format | |
Taille | 8.70 MB |
- pollution de l'air
- carottes de glace
- chimie atmosphérique
Résumé
I.Analyse des carottes de glace alpines et groenlandaises pour la reconstruction de la pollution atmosphérique passée
Cette étude utilise des carottes de glace du Col du Dôme (Alpes françaises) et du sommet du Groenland pour reconstruire l'évolution de la composition atmosphérique et de la pollution au cours du 20e siècle. L'analyse de la concentration de sulfates, nitrates, et d'autres composés comme le chlorure d'hydrogène (HCl) et le fluorure d'hydrogène (HF) dans les glaces permet de retracer l'impact des émissions anthropiques (émissions industrielles, combustion de charbon, incinération des déchets) et des sources naturelles (éruptions volcaniques, feux de biomasse, désertification, salinisation marine) sur la qualité de l'air. L'étude compare les tendances saisonnières (variations saisonnières) entre les sites alpins et groenlandais, soulignant la différence de représentativité des enregistrements en fonction du taux d'accumulation de neige et des processus de transport atmosphérique à longue distance (transport atmosphérique à longue distance). L'objectif est de mieux comprendre le rôle des différentes sources de pollution dans le changement climatique et d'améliorer les modèles de prévision.
1. Introduction L importance des carottes de glace pour la reconstruction paléoenvironnementale
L'étude souligne l'intérêt des carottes de glace, provenant de glaciers polaires et alpins, pour reconstituer les changements anthropiques et naturels des cycles biogéochimiques sur des échelles de temps allant de quelques décennies à plusieurs cycles climatiques. Les glaciers froids jouent un rôle unique en stockant des informations climatiques (taux de précipitations, température) et atmosphériques (gaz à effet de serre dans les bulles d'air, aérosols piégés dans la glace) avec une haute résolution temporelle. Cependant, les mesures directes de la composition chimique de l'atmosphère et des précipitations ne sont disponibles que pour les 10 à 40 dernières années, période durant laquelle les activités humaines ont déjà fortement modifié les conditions naturelles. L'étude mentionne des travaux antérieurs démontrant l'impact des activités humaines, même sur des zones très reculées de l'hémisphère nord, depuis le début du XIXe siècle. Des ambiguïtés persistent quant à l'apport des régions sources pour les espèces à courte durée de vie dans les dépôts de neige du Groenland, en raison de la complexité des interactions entre le transport à longue distance, le devenir atmosphérique des précurseurs et les processus d'élimination des produits d'oxydation finale. La difficulté de simuler avec précision le transport atmosphérique à longue distance entre les principaux continents industrialisés de l'hémisphère nord et l'inlandsis du Groenland limite l'intérêt des carottes de glace du Groenland pour contraindre les inventaires d'émissions des différentes régions sources. Des tendances à long terme enregistrées sur des sites glaciaires situés dans des régions plus directement influencées par les émissions d'un continent donné seraient plus appropriées pour contraindre avec précision les inventaires d'émissions de la région concernée.
2. Sites d étude Col du Dôme et Colle Gnifetti
Le site du Col du Dôme, caractérisé par un taux d'accumulation relativement élevé (environ 0,5 à 2,5 m d'équivalent en eau), est présenté comme potentiellement adapté aux études de carottes de glace. Une étude pilote a confirmé ce taux d'accumulation élevé et la bonne préservation des couches de neige hivernales. Contrairement à Colle Gnifetti (Mont Rose), le site du Col du Dôme devrait permettre l'examen des changements passés de la chimie atmosphérique avec une résolution saisonnière (hiver/été), au moins sur les dernières décennies. Deux carottes de glace profondes ont été forées au Col du Dôme en 1994 dans le cadre du projet ALPTRAC, l'une pour l'étude des isotopes stables et des impuretés piégées dans le réseau de glace, l'autre pour les mesures de gaz à effet de serre. L'étude mentionne également des travaux antérieurs sur Colle Gnifetti (4450 m d'altitude), site d'où proviennent la plupart des informations sur les enregistrements glaciaires à long terme dans les Alpes. Le faible bilan de masse de ce petit site glaciaire (0,2 à 0,4 m d'équivalent en eau) a permis un enregistrement s'étendant sur plusieurs siècles. Les études sur la glace de Colle Gnifetti ont révélé une augmentation des concentrations de sulfate, de nitrate et d'ammonium au cours du XXe siècle, ainsi qu'un signal anthropique clair dans les concentrations de plomb. Cependant, des problèmes liés au site de forage limitent l'interprétation directe de ces enregistrements.
3. Méthodologie d analyse des carottes de glace
Une carotte de glace de 126 m de long, extraite en 1994 au Col du Dôme, a été analysée pour les principaux ions avec une résolution saisonnière. L'analyse a été effectuée au Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE) et à l'Institut fur Umweltphysik (IUP), utilisant des méthodes d'analyse différentes, notamment la chromatographie ionique. La précision des déterminations des principaux ions est typiquement de 5 %. Des valeurs de blanc ont été obtenues sur des échantillons d'eau ultrapure congelée pour tester la validité de la procédure de décontamination. Les valeurs de blanc obtenues à l'IUP, utilisant un autosampler, étaient légèrement plus élevées qu'à LGGE. Pour examiner le cycle saisonnier moyen sur plusieurs années, chaque couche de neige hivernale et estivale a été divisée en six parties également espacées (en équivalent en eau). L'interpolation pondérée a été appliquée aux années contenant plus ou moins de 12 échantillons. Les moyennes pluriannuelles ont été calculées pour chaque fraction d'accumulation annuelle de 1/12 pour différentes périodes clés. L'étude souligne l'importance de considérer les tendances saisonnières lors de l'évaluation des changements à long terme, car une variation du rapport accumulation estivale/hivernale avec la profondeur peut influencer les tendances moyennes temporelles des carottes de glace.
4. Résultats et interprétation tendances des sulfates nitrates et ammonium
Les résultats montrent des maxima estivaux marqués pour les niveaux d'ammonium et de sulfate au Col du Dôme, cohérents avec les observations atmosphériques réalisées sur des sites alpins de haute altitude. Les tendances à long terme du sulfate estival suivent étroitement l'évolution des émissions de SO2 des régions sources situées à 700-1000 km autour des Alpes. Les niveaux hivernaux de sulfate sont trois à huit fois inférieurs aux niveaux estivaux. La comparaison des tendances des sulfates dans les Alpes avec celles révélées par les carottes de glace du Groenland met en évidence des différences temporelles et d'amplitude, reflétant les différences de connexion aux régions sources et les contributions naturelles plus importantes au Groenland. L'étude discute également des tendances du nitrate, soulignant les difficultés d'estimation du niveau hivernal préindustriel en raison de processus de diffusion possibles dans les couches de neige. Une comparaison entre les niveaux de nitrate à haute altitude au Col du Dôme et les émissions de NOx en Europe est effectuée pour estimer la contribution des sources naturelles au budget actuel de nitrate atmosphérique. L'étude examine aussi les tendances à long terme de l'ammonium, comparant les données alpines aux estimations des émissions d'ammoniac en Europe. Des écarts sont observés, potentiellement dus à une efficacité variable du transport atmosphérique ou à une surestimation des émissions historiques d'ammoniac.
II.Carottes de glace du Col du Dôme tendances saisonnières et apports anthropiques
Les analyses des carottes de glace du Col du Dôme (4250 m d'altitude, massif du Mont-Blanc) révèlent des variations saisonnières marquées pour les principaux ions (sulfates, nitrates, ammonium, etc.). Les tendances à long terme montrent une augmentation significative des concentrations de sulfates et nitrates au cours du 20e siècle, corrélée avec les émissions anthropiques d'Europe occidentale. L'étude distingue les tendances estivales et hivernales, l'été étant fortement influencé par le transport d'air de la couche limite, tandis que l'hiver reflète une contamination plus diffuse de la troposphère libre. Des estimations quantitatives des contributions de différentes sources de pollution (combustion de charbon, incinération des déchets, feux de biomasse) sont proposées. L'analyse du chlorure (Cl-) et du fluorure (F-) explore également les apports des sources naturelles et anthropiques, notamment l'impact de l'incinération des déchets et les changements possibles liés à la dégradation des CFC dans la stratosphère.
1. Caractéristiques du site de forage du Col du Dôme et datation des carottes de glace
Une carotte de glace de 126 mètres de long, extraite en 1994 au Col du Dôme (4250 m d'altitude, massif du Mont-Blanc), a été analysée pour les principaux ions (Na⁺, NH₄⁺, Ca²⁺, Mg²⁺, Cl⁻, NO₃⁻, et SO₄²⁻) avec une résolution saisonnière au Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE) et à l'Institut fur Umweltphysik (IUP). La partie supérieure du carotte (117 mètres, soit 90 m d'équivalent en eau), correspondant à la partie bien datée (75 ± 5 ans), a été analysée au LGGE (1050 échantillons). La partie inférieure a été analysée à l'IUP. La précision des déterminations des principaux ions est de 5%. Les échantillons de glace du Col du Dôme ont été nettoyés au LGGE à l'aide d'un dispositif de planage électrique développé à l'IUP. Des valeurs de blanc ont été obtenues sur des échantillons d'eau ultrapure congelée pour tester la validité de la procédure de décontamination, et étaient légèrement plus élevées à l'IUP (utilisant un autosampler) qu'au LGGE. La datation précise de la carotte de glace forée en 1994 a été réalisée par comptage des couches annuelles en utilisant la stratigraphie de l'ammonium, révélant une bonne préservation des dépôts de neige, hivernaux et estivaux, sur au moins les 75 dernières années. Cependant, le signal saisonnier du contenu en deutérium semble perturbé à des profondeurs croissantes, notamment en dessous de 115 m. Une diminution systématique du rapport accumulation neige hivernale/estivale avec la profondeur influence les tendances à long terme des paramètres présentant une forte variation saisonnière. La comparaison des impuretés chimiques entre le Col du Dôme et Colle Gnifetti indique que les enregistrements des carottes de glace du Col du Dôme fourniront des enregistrements résolus selon les saisons au cours du XXe siècle, au moins représentatifs à l'échelle régionale.
2. Variations saisonnières des principaux ions et tendances à long terme au Col du Dôme
Les niveaux d'ammonium présentent un cycle saisonnier bien marqué avec des maxima estivaux, le rapport été/hiver variant de 5 entre 1925 et 1935 à 15 entre 1975 et 1985, témoignant de la bonne préservation du cycle saisonnier des impuretés. Les niveaux de sulfate présentent également des maxima estivaux, avec un rapport été/hiver variant de 3 à 6 sur les périodes 1925-1935 et 1975-1985, cohérent avec les observations atmosphériques. L'étude compare les tendances des moyennes annuelles pondérées été/hiver avec les moyennes annuelles classiques. Des différences significatives apparaissent, notamment entre 1965 et 1980, dues à la diminution du rapport neige hivernale/estivale et au surplus estival de sulfate. Ces observations indiquent que l'évaluation directe des changements à long terme en utilisant des moyennes annuelles sans tenir compte des tendances saisonnières conduit à des erreurs significatives. L'étude souligne la nécessité d'étudier systématiquement la variation de l'accumulation neige été/hiver avec la profondeur dans les carottes de glace alpines. Les tendances estivales et hivernales des sulfates au Col du Dôme sont analysées séparément. L'augmentation des niveaux de sulfate estival suit de près les émissions de SO2 provenant de régions sources situées à 700-1000 km autour des Alpes. L'augmentation hivernale est plus faible, reflétant une contamination moins importante de la troposphère libre. La comparaison avec les carottes du Groenland met en évidence la différence dans les tendances, liée à la connectivité aux régions sources et à la contribution naturelle plus importante au Groenland.
3. Apport anthropique et sources de pollution au Col du Dôme cas du sulfate
L'augmentation des sulfates hivernaux au Col du Dôme, de 30 ng g⁻¹ en 1925 à 98 ng g⁻¹ en 1980, est comparée aux estimations des émissions passées de SO₂ de l'Europe occidentale et de l'Europe occidentale et orientale. L'augmentation régulière de 1,2 ng g⁻¹ par an entre 1925 et 1980 diffère du taux d'augmentation estival, quatre fois plus élevé après 1960. La comparaison des tendances des sulfates avec les émissions de SO₂ suggère que le niveau estival préindustriel a été multiplié par dix en raison du transport vertical d'air de la couche limite de l'Europe occidentale. Le niveau hivernal préindustriel a été multiplié par quatre seulement, en raison d'une contamination diffuse de la troposphère libre à plus grande échelle. Les changements à long terme dans les Alpes diffèrent de ceux révélés par les carottes de glace du Groenland, en raison de la connectivité aux sources d'émission. Les données du Col du Dôme permettent de reconstruire les concentrations atmosphériques de sulfate passées et présentes, comparées aux niveaux simulés par les modèles globaux de soufre.
4. Apport anthropique et sources de pollution au Col du Dôme cas du nitrate de l ammonium et des halogènes
L'étude explore les tendances du nitrate, de l'ammonium et des halogènes (fluorure et chlorure). Pour le nitrate, des difficultés existent pour estimer le niveau hivernal préindustriel. Une comparaison avec les émissions de NOx en Europe suggère un niveau naturel hivernal proche de zéro. Une estimation de la contribution des sources naturelles au budget actuel de NOx en Europe occidentale est fournie. Pour l'ammonium, des écarts entre les tendances d'émission d'ammoniac et de dépôt d'ammonium sont observés, potentiellement liés à une efficacité variable du transport atmosphérique ou à la production d'aérosols d'ammonium. Concernant les halogènes, l'évolution temporelle du fluorure et du chlorure est examinée. La diminution des niveaux de fluorure dans les années 1970 et l'augmentation des niveaux de HCl après 1965 sont interprétées comme résultant de la diminution des rejets de fluorure par les fonderies d'aluminium et du déploiement d'incinérateurs de déchets. L'étude discute l'impact de la combustion du charbon, de l'incinération des déchets, et des apports possibles via l'échange stratosphère/troposphère sur les niveaux de HCl. La contribution de l'oxydation des chlorofluorocarbures semble inférieure à ce qui était attendu.
III.Comparaison avec les carottes de glace du Groenland transport à longue distance et sources de pollution
La comparaison des données du Col du Dôme avec celles du sommet du Groenland (3240 m d'altitude) met en évidence les différences de composition atmosphérique et de sources de pollution. Le Groenland est influencé par des transports à longue distance de polluants provenant de l'Amérique du Nord et de l'Eurasie, tandis que les Alpes sont plus directement liées aux émissions européennes. L'étude analyse l'impact des éruptions volcaniques et des émissions marines sur les enregistrements groenlandais, soulignant la complexité de l'interprétation des données en raison de l'interaction entre le transport à longue distance, les processus d'élimination et les contributions naturelles. L'impact des émissions anthropiques de sulfates et de nitrates est analysé pour les deux sites, mettant en évidence les différences dans les tendances saisonnières et à long terme.
1. Comparaison des tendances du sulfate entre les Alpes et le Groenland impact du transport à longue distance
L'étude compare les tendances à long terme des sulfates dans les carottes de glace du Col du Dôme (Alpes) et du Groenland. Les Alpes montrent une augmentation des sulfates estivale liée au transport d'air de la couche limite de l'Europe occidentale, tandis que l'augmentation hivernale est moins importante, reflétant une contamination plus diffuse de la troposphère libre. Au Groenland, les tendances des sulfates sont influencées par le transport à longue distance de polluants en provenance d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord. La complexité du transport atmosphérique à longue distance et les difficultés de modélisation limitent l'interprétation des données groenlandaises pour contraindre les inventaires d'émissions. Les enregistrements alpins, plus directement liés aux émissions européennes, sont considérés comme plus appropriés pour évaluer l'impact des changements de charge atmosphérique de sulfate sur les régions continentales de l'hémisphère nord aux moyennes latitudes. La contribution naturelle au budget total de sulfates est plus importante au Groenland (activité volcanique, émissions marines biogènes), rendant l'identification de la tendance anthropique moins précise qu'en Alpes où la source anthropique domine. Des pics à court terme dans les niveaux de sulfate au Groenland sont associés à des événements volcaniques, soulignant la nécessité de les prendre en compte lors de l'analyse des tendances anthropiques. L'augmentation initiale des sulfates au tournant du XXe siècle suggère une contribution de l'Amérique du Nord, tandis que l'augmentation postérieure à la Seconde Guerre mondiale implique également des sources européennes et asiatiques.
2. Comparaison des tendances du nitrate et de l ammonium entre les Alpes et le Groenland influence des taux de précipitation et du transport atmosphérique
L'étude compare les tendances du nitrate et de l'ammonium dans les carottes de glace des Alpes et du Groenland. Pour le nitrate, les niveaux hivernaux au Col du Dôme sont comparés aux tendances annuelles du Groenland, tenant compte de l'influence des taux de précipitation. Les niveaux de nitrate au Groenland dépendent fortement du taux d'accumulation de neige. Des différences sont observées, potentiellement dues à des taux de précipitation différents. Pour l'ammonium, des écarts sont constatés entre les estimations des émissions européennes d'ammoniac et les dépôts d'ammonium dans les Alpes. Ces écarts pourraient être liés à une efficacité variable du transport atmosphérique ou à une surestimation des émissions historiques d'ammoniac. L'étude mentionne des travaux antérieurs sur les carottes de glace de Colle Gnifetti montrant des observations similaires. La durée de vie atmosphérique de l'ammoniac étant plus courte que celle de l'aérosol d'ammonium, l'augmentation des aérosols acides pourrait expliquer une plus grande efficacité de production d'aérosols d'ammonium à partir de l'ammoniac de nos jours. L'étude souligne la complexité de l’interprétation des données liées aux processus de transport à longue distance et aux taux de précipitation différents entre les sites.
3. Comparaison des tendances du chlorure et de l impact des sources naturelles et anthropiques
L'étude porte une attention particulière au chlorure, composant complexe à analyser car il provient de plusieurs sources (embruns marins, évaporites continentales, sols, HCl). La comparaison entre les carottes du Col du Dôme et celles du Groenland met en évidence ces différences d'origine. Au Col du Dôme, les émissions continentales représentent 80% du budget du chlorure en été, et une faible fraction est liée au HCl. En période préindustrielle, la teneur en HCl variait de zéro à 6 ng g⁻¹, probablement en lien avec les feux de biomasse. L'augmentation du HCl depuis 1925 est due à la combustion du charbon et surtout à l'incinération des déchets. En hiver, les embruns marins dominent le niveau de chlorure dans les Alpes. Au Groenland, la majeure partie du chlorure particulaire provient des embruns marins, avec une part importante de HCl (les deux tiers en été). L'augmentation de l’acidité atmosphérique (NOx, SO2) a entraîné une augmentation de la déchloration du sel marin au Groenland. La contribution du volcanisme au HCl groenlandais est considérée comme négligeable, contrairement aux sulfates. L'étude suggère que des processus importants et inconnus de déchloration du sel marin ont été accentués au cours du XXe siècle au Groenland.
IV.Méthodes d analyse et instrumentation échantillonnage automatique des aérosols
L'étude détaille l'utilisation d'un échantillonneur automatique d'aérosols pour obtenir des données continues sur la composition chimique des aérosols dans des sites de forage de carottes de glace alpins. Des améliorations significatives de la sensibilité et de la fiabilité de l'instrument sont décrites, permettant la quantification de plusieurs espèces chimiques (NH₄⁺, SO₄²⁻, K⁺, oxalate, Cl⁻ total, NO₃⁻ total). Les limites de détection sont précisées. L'instrument est notamment testé à l'Observatoire Vallot (4361 m, Alpes françaises), fournissant des estimations préliminaires des rapports firn/air pour plusieurs composés. La faisabilité d'un déploiement à long terme, même dans des sites glaciaires polaires, est discutée.
1. Conception et amélioration de l échantillonneur automatique d aérosols
Un prototype d'échantillonneur automatique d'aérosols a été spécifiquement revu pour obtenir des ensembles de données fiables tout au long de l'année sur la composition chimique des aérosols sur les sites de forage de carottes de glace de haute altitude des Alpes. Le dispositif, décrit par Preunkert et Wagenbach (1998), aspire l'air à travers une entrée unique vers 10 unités d'échantillonnage, chacune comprenant un porte-filtre en ligne, une pompe et un clapet anti-retour. Les pompes sont activées successivement pendant un temps d'échantillonnage pré-sélectionné. L'échantillonneur prototype a fonctionné avec succès à Colle Gnifetti (CG) de 1993 à 1995, mais a montré des pannes fréquentes de l'enregistreur de données dues aux décharges électrostatiques et aux activités de la foudre, ainsi que des limites de détection relativement élevées probablement dues à un échantillonnage passif. Le nouvel appareil a été amélioré pour surmonter ces problèmes majeurs, notamment les perturbations liées à la foudre et l'étanchéité à long terme du filtre. Des améliorations ont également été apportées au débit d'air afin d'éviter les entraînements de cristaux de glace et d'explorer la possibilité d'échantillonner les acides carboxyliques légers. Le déploiement sans surveillance du nouvel échantillonneur à l'Observatoire Vallot (4361 m d'altitude, Alpes françaises) a montré que les lacunes précédentes, telles que la sensibilité aux activités de la foudre et les effets d'échantillonnage passifs importants, ont été surmontées avec succès. L'effet d'échantillonnage passif a été presque éliminé, ce qui a permis d'améliorer les limites de détection jusqu'à un facteur 30.
2. Déploiement à l Observatoire Vallot et caractéristiques de l échantillonnage
L'échantillonneur automatique d'aérosols a été déployé à l'Observatoire Vallot dans le cadre du projet ALPCLIM. L'air ambiant est aspiré par un tube de 2 m de long (diamètre intérieur 5 mm) depuis un point d'aspiration situé à 3 m au-dessus du sol, jusqu'à l'unité d'échantillonnage à l'intérieur du refuge. Un tube en acier recouvert de silice a été utilisé pour minimiser les pertes d'aérosols et de HNO3. Le blocage de l'entrée d'air par la neige soufflée et le givrage est contrecarré par une cloche en acier oscillante. L'énergie électrique est fournie par deux panneaux solaires de 50 W et deux batteries tampons de 1000 VAh. Des investigations détaillées de la variabilité du blanc et des caractéristiques d'échantillonnage ont révélé que le nouvel échantillonneur permet de quantifier les espèces d'aérosols NH₄⁺, SO₄²⁻, K⁺, oxalate, ainsi que le Cl⁻ total et le NO₃⁻ total. Des enregistrements de Na⁺, Mg²⁺ et Ca²⁺ peuvent également être fournis, bien que systématiquement sous-estimés. Des résultats non fiables sont obtenus pour le formiate, l'acétate et le SO2. Avec un intervalle d'échantillonnage bihebdomadaire, les limites de détection varient de 0,2 à 2 ng m⁻³ STP (sauf pour Na⁺ : 16 ng m⁻³ STP). Une telle limite de détection est également accessible pour Na⁺ si des filtres en PTFE sont utilisés. L'ensemble de données sur les aérosols obtenues à l'Observatoire Vallot a permis d'obtenir des estimations préliminaires des rapports firn/air moyens pour NH₄⁺, SO₄²⁻ et NO₃⁻ total.
3. Variabilité du blanc artefacts post échantillonnage et efficacité d échantillonnage
La limite de détection de l'échantillonneur est contrôlée par la variabilité du blanc des filtres et les artefacts post-échantillonnage (échantillonnage passif, pertes lors du stockage). Huit paires de filtres blancs ont été obtenues et traitées de manière identique aux lots de filtres chargés, sauf qu'aucun air n'a été aspiré à travers eux. Des filtres supplémentaires ont été stockés en laboratoire pour simuler les conditions sur le terrain. Une étude de terrain a comparé un dispositif d'aspiration d'air avec un triple dénudeurs et une double chambre à brouillard pour estimer les artefacts d'échantillonnage (effets de paroi pour HNO3, dépôt gravitationnel et inertiel pour les aérosols). L'efficacité d'échantillonnage des grosses particules (MMD de 2,5 µm) est d'environ 90%, diminuant à 70% pour un MMD de 4,5 µm. Une bonne évaluation de l'efficacité d'échantillonnage des grosses particules est nécessaire pour obtenir des informations quantifiables sur le transfert air/firn. Néanmoins, le cycle saisonnier et les événements épisodiques associés aux espèces de poussière minérale ont été clairement identifiés à l'Observatoire Vallot (ex : événements de poussière saharienne).
4. Application et perspectives rapports firn air et déploiement en sites polaires
Les données de l'Observatoire Vallot, couvrant une année, ont permis d'évaluer la fiabilité des mesures automatiques et d'illustrer leur application pour les investigations sur le transfert air/firn. Les variations de SO₄²⁻, NH₄⁺, oxalate, Cl⁻ total et NO₃⁻ total sont présentées pour la période avril-octobre et le milieu de l'hiver. L'absence de variation diurne significative en hiver permet de considérer les niveaux hivernaux moyens comme non biaisés. Les rapports firn/air (FAR) moyens saisonniers pour NH₄⁺, SO₄²⁻ et NO₃⁻ total sont comparés à ceux d'autres sites de forage de carottes de glace de haute altitude. La relation air/firn semble cohérente. Avec les limites de détection améliorées et une consommation d'énergie minimisée, un déploiement annuel de l'échantillonneur automatique d'aérosols semble désormais possible, même sur les sites glaciaires polaires. La discussion des FAR se concentre sur le contraste saisonnier et les différences entre les espèces liées aux aérosols et celles liées à la phase gazeuse. L’étude mentionne des valeurs de FAR pour différents sites (VO, SBO, Sommet du Groenland), soulignant la comparabilité des FAR obtenues sur le long terme, malgré les biais liés à la climatologie des précipitations. Les FAR du NO₃⁻ total sont significativement plus importants que ceux du SO₄²⁻ et du NH₄⁺, suggérant un scavenging plus efficace pour le HNO₃ gazeux que pour les espèces d'aérosols. La faisabilité du déploiement en Antarctique est discutée, en tenant compte des températures extrêmes et des problèmes potentiels liés aux limites de détection.