Analyse de l'Arbitrage Transnational et du Droit International en 2016

Analyse de l'Arbitrage Transnational et du Droit International en 2016

Informations sur le document

Auteur

Patrick Jacob

École

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Université Paris Nanterre, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne

Spécialité Droit International
Type de document Article
Langue French
Format | PDF
Taille 0.96 MB
  • arbitrage transnational
  • droit international
  • investissements

Résumé

I.L interprétation des traités d investissement et le droit international

Cette étude analyse la jurisprudence arbitrale de 2016 en matière d’arbitrage d'investissement transnational, soulignant l'importance de l'interprétation des traités. L'analyse met en lumière le recours croissant à l'interprétation systémique des traités d'investissement, intégrant des normes de droit international coutumier et des principes généraux de droit, même en dehors des dispositions explicites des traités. Des accords importants comme le CETA (Accord économique et commercial global entre l'UE et le Canada) sont cités comme exemples de l'évolution du droit applicable à l'investissement international. L'étude examine aussi l'utilisation de la soft law (droit souple) et sa contribution à la formation du droit coutumier dans des domaines comme la doctrine des « police powers » de l'État, illustré par l'affaire Philip Morris c. Uruguay. La question de la responsabilité de l'État est également abordée, notamment la pertinence des Articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite (ARSIWA) et les difficultés d'attribution de la responsabilité aux organes de l'État ou aux entités privées agissant pour son compte. Enfin, l'étude explore la complexité de l'interaction entre le droit international et le droit interne, en particulier dans le contexte de l'ISDS (règlement des différends entre investisseurs et États).

1. Dynamique de l arbitrage transnational en 2016 et le CETA

L'année 2016 a été marquée par un dynamisme notable de l'arbitrage transnational, avec 62 nouvelles instances engagées et 57 décisions rendues sur le fond, dont 41 publiques. Ce volume est supérieur aux années précédentes, indiquant une tendance stable voire croissante. Cet essor est également illustré par la signature du CETA (Accord économique et commercial global) entre l'Union européenne et le Canada le 30 octobre 2016. Bien que le processus de ratification mixte (impliquant l'Union européenne et chaque État membre) ne soit pas encore achevé, sa citation répétée dans la jurisprudence arbitrale de 2016 démontre son importance croissante dans le corpus normatif applicable à l'investissement international. La signature du partenariat transpacifique, malgré le retrait ultérieur des États-Unis, renforce l'idée d'une multilatéralisation du droit des investissements. L'affaire Philip Morris c. Uruguay, où le tribunal a rejeté la demande contre des mesures sanitaires, marque une réponse à des critiques adressées à l'arbitrage d'investissement.

2. L interprétation des traités d investissement Approches systémique et pragmatique

L'interprétation des traités d'investissement est au cœur de l'analyse. La jurisprudence de 2016 révèle une tendance à l'interprétation systémique des traités, intégrant des références à la jurisprudence internationale générale et à d'autres spécialités du droit international. Cette approche, illustrée par l'affaire Philip Morris c. Uruguay où l'interprétation du traité Suisse/Uruguay a permis l'application de règles coutumières sur les police powers de l'État, vise à rééquilibrer la répartition des droits et obligations entre États et investisseurs. L'affaire Urbaser souligne cette approche systémique en affirmant que le traité ne doit pas être interprété de manière isolée, mais en harmonie avec d'autres règles du droit international, y compris celles relatives aux droits de l'homme. Cependant, cette interprétation systémique, bien accueillie par la doctrine, présente des risques de débordement si elle est employée de manière inconsidérée. L'article 31, § 3, c) de la Convention de Vienne, qui limite l'emploi des règles de droit international aux règles applicables entre les parties, est rappelé. Un usage prudent des règles d'interprétation est essentiel pour renforcer la confiance et garantir la sécurité juridique dans le système arbitral.

3. Autres questions de droit des traités Réserves et ordre public international

Au-delà des questions d'interprétation, le texte mentionne brièvement d'autres aspects du droit international des traités. Le principe de non-rétroactivité des traités (article 28 de la Convention de Vienne) est évoqué en relation avec la compétence des tribunaux. La dénonciation de la Convention de Washington par le Venezuela est mentionnée, mais son impact sur le droit des traités est considéré comme secondaire par rapport à ses implications sur le contentieux et le consentement à l'arbitrage. L'analyse se concentre sur les réserves, soulignant la différence entre les réserves émises par les États et celles des investisseurs. Il est précisé que les réserves des investisseurs doivent être conformes aux conditions de la clause de règlement des différends du traité. La comparaison avec les réserves des États devant la CIJ est jugée peu pertinente. Le texte évoque également l'ordre public international, mais sans développements significatifs dans cette section.

4. Sources du droit international dans la jurisprudence arbitrale de 2016

L'étude analyse les sources de droit international utilisées dans les sentences arbitrales de 2016. La méthode d'identification du droit coutumier est discutée, soulignant des approches différentes selon les affaires. L'utilisation de normes de soft law, de décisions arbitrales et de traités récents est analysée, notamment dans la démonstration du caractère coutumier de la doctrine des « police powers ». L'affaire Philip Morris c. Uruguay illustre l'utilisation de soft law, y compris des instruments comme le projet de convention de Harvard et le Third Restatement of the Foreign Relations Law, ainsi que des décisions arbitrales et des traités récents. L’approche purement jurisprudentielle pour établir le caractère coutumier des intérêts composés, vue dans l'affaire Saint-Gobain, est contrastée avec l'approche plus classique. L'influence des instruments soft law et de la doctrine (comme le commentaire de Schreuer sur la Convention de Washington) sur la jurisprudence arbitrale est mise en avant, suggérant une réorganisation de la nomenclature des sources du droit international en fonction de leur autorité (hard/soft law).

II.La responsabilité de l État en matière d investissement

L'année 2016 a vu un nombre significatif de sentences arbitrales traitant du fond des différends en matière de responsabilité de l'État. Environ deux tiers des décisions ayant abordé le fond ont reconnu la responsabilité de l'État. L'étude analyse l'application des ARSIWA par les tribunaux arbitraux, soulignant la question de l'attribution de la responsabilité de l'État, y compris pour les actes d'entités privées agissant sous sa direction ou exerçant des prérogatives de puissance publique. Les concepts de fait composite et d'expropriation indirecte sont examinés dans leur relation avec la responsabilité de l’État. L'étude explore également les notions de dommage, de lien de causalité, et les circonstances pouvant exclure ou atténuer la responsabilité, comme la nécessité, illustrée par les affaires concernant l’Argentine. L'impact du comportement de l'investisseur sur le montant de la réparation est également discuté, ainsi que la notion de dommage moral et sa réparation.

1. Le Dynamisme du Contentieux et l engagement de la responsabilité de l État

En 2016, la jurisprudence arbitrale a montré un dynamisme certain concernant la responsabilité de l’État, contrairement à une impression générale de marginalisation des questions de fond. Vingt-deux sentences (publiques) ont abordé la question de la responsabilité de l’État, dont quinze ont reconnu son engagement. Même si les chiffres restent contextuels, ils révèlent une forte probabilité de condamnation lorsque le procès atteint le fond, expliquant peut-être la prolifération d’arguments procéduraux des défendeurs. Les tribunaux arbitraux s'appuient souvent sur les Articles de la Commission du droit international relatifs à la responsabilité de l’État, leur reconnaissant une valeur coutumière, même si une certaine personnalisation de ces articles est observée. L'année 2016 apporte des enseignements précieux sur les conditions d'engagement et les conséquences de cet engagement de la responsabilité de l’État.

2. Attribution de la responsabilité Organes de l État et entités privées

L’attribution de la responsabilité à l’État est une condition préalable à son engagement. L’analyse relève principalement du fond, même si un examen prima facie peut intervenir au stade de la compétence. L’application des Articles de la CDI est supplétive et peut être écartée par une lex specialis, comme l’article 1103 de l’ALENA concernant les entreprises publiques. L’étude critique certaines sentences pour leur application partielle de l’article 1103 de l’ALENA, notamment en ne considérant que l'article 5 (entités exerçant des prérogatives gouvernementales) et non l'article 8 (actes accomplis sur instruction de l’État). L'analyse souligne la nécessité de distinguer le raisonnement applicable à la qualification de l’acte (droit international) de celui applicable à la notion d’organe (droit national). Des exemples jurisprudentiels, comme les affaires İçkale İnşaat Limited Şirketi c. Turkménistan et Flemingo, sont utilisés pour illustrer les difficultés d'application des critères d'attribution, notamment la confusion entre les critères de l'organe (article 4) et de l'entité exerçant des prérogatives de puissance publique (article 5) des ARSIWA.

3. Le fait composite et la compétence temporelle

La notion de fait composite, définie comme la violation d’une obligation internationale par une série d’actions ou d’omissions, est fréquemment utilisée, notamment dans les cas d’expropriation indirecte ou rampante. Elle est un outil efficace pour analyser l'accumulation d'actes non illicites en soi mais constituant une dépossession de l'investisseur. La jurisprudence de 2016 confirme la qualification de l’expropriation rampante comme fait composite. Cependant, la difficulté réside dans l’articulation avec la compétence temporelle du tribunal, notamment lorsque certains agissements sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la norme violée. En cas de fait composite, la compétence du tribunal peut être maintenue, même si elle ne s'exerce que sur les faits postérieurs à l'entrée en vigueur de la norme. L’exemple de la violation du traitement juste et équitable, souvent analysée comme un fait composite, est mentionné, soulignant la dépendance du standard au contexte et à la sensibilité du tribunal.

4. Dommage lien de causalité et circonstances excluant l illicéité

L'établissement du dommage et du lien de causalité sont des conditions d'engagement de la responsabilité. Dans certains cas, comme l'expropriation, le lien de causalité peut être considéré comme inhérent à la notion de dépossession. L'affaire Peter Allard c. Barbade illustre une situation où le tribunal a analysé le dommage avant le lien de causalité. L'affaire Urbaser c. Argentine montre une recherche du lien de causalité entre le dommage et la crise économique de 2001 ainsi que les mesures gouvernementales, soulignant la complexité du contentieux argentin. Le texte évoque aussi les circonstances excluant l'illicéité, notamment la nécessité et la police power exception. L'analyse de la situation de nécessité de l’Argentine en 2002 dans l’affaire Urbaser est détaillée, soulignant le caractère nuancé de la solution retenue par le tribunal qui considère la nécessité comme cause d’atténuation plutôt qu’exclusion de responsabilité. La doctrine des police powers, illustrée par l’affaire Philip Morris c. Uruguay, est rappelée. L'importance du contexte médiatique et des obligations constitutionnelles et internationales de l'État dans cette affaire est soulignée.

5. Réparation Considération du comportement de la victime dommage moral et réparation intégrale

La réparation en droit international vise à réparer le dommage, sans dimension punitive. L'étude analyse la prise en compte du comportement de l'investisseur dans la détermination du montant de la réparation. Cette approche, acceptée en principe, est illustrée par l'affaire Copper Mesa Mining c. Équateur, où le tribunal a réduit l'indemnisation compte tenu de la contribution de l'investisseur au dommage. L'assimilation de cette approche à la doctrine des « mains propres » est discutée, soulignant la complexité des questions de recevabilité. Le texte traite du dommage moral, son importance en droit international des investissements, et sa preuve. L'affaire Oxus est citée comme exemple de refus d'indemnisation pour faute de preuve suffisante. La possibilité d'une demande reconventionnelle pour dommage moral de la part de l'État est mentionnée. Le standard coutumier de la réparation intégrale (arrêt Chorzów), l'indemnisation du profit futur, la perte de chance et la juste valeur de marché sont présentés comme des éléments clés de la réparation, soulignant la nécessité d'expertises financières.

III.Aspects procéduraux et compétence des tribunaux arbitraux

Cette section analyse les aspects procéduraux de l'arbitrage d'investissement, notamment les questions de compétence et de recevabilité. L'étude porte sur le consentement à l'arbitrage, l'impact des clauses de la nation la plus favorisée (clause NPF), et les défis posés par la dénonciation de la Convention de Washington par le Venezuela. Elle examine comment les tribunaux arbitraux équilibrent le droit international et le droit interne dans la détermination de leur compétence. L'abus de droit, comme la restructuration d'un investissement pour accéder à l'arbitrage (affaire Philip Morris), est analysé. L'étude aborde aussi le rôle des mesures provisoires dans le contentieux arbitral, et les demandes de révision ou d'annulation des sentences, avec les difficultés associées, illustrées par le cas de l'affaire Victor Pey Casado qui souligne la longueur de la procédure.

1. Compétence et recevabilité une distinction parfois floue

L'analyse des aspects procéduraux en 2016 met en lumière la distinction parfois floue entre compétence et recevabilité des tribunaux arbitraux. Alors que le respect des conditions de compétence doit être rigoureusement analysé, celui des exigences de recevabilité peut faire l'objet d'une appréciation plus souple. L'affaire İçkale illustre cette différence d'approche. La saisine préalable des juridictions internes, classée comme relevant de la recevabilité, a bénéficié d'une interprétation particulièrement large, même en l'absence de saisine par le demandeur. Cependant, que le tribunal se déclare incompétent ou que la demande soit jugée irrecevable, le résultat est identique : aucune décision sur le fond. Dans plusieurs affaires, des délais de prescription ont été invoqués, la qualification de cette condition comme relevant de la compétence ou de la recevabilité n'ayant pas d'impact sur l'issue de l'affaire. La rigueur de l’analyse varie donc selon la condition examinée, compétence et recevabilité n’étant pas toujours traitées avec la même sévérité.

2. Consentement à l arbitrage et clause de la nation la plus favorisée clause NPF

La jurisprudence est confrontée à la question du consentement à l'arbitrage et de l'élargissement potentiel de ce consentement via une clause NPF. La décision Maffezini est mentionnée comme une jurisprudence importante dans ce domaine. L'affaire Venezuela US illustre la complexité de la question, les demandeurs cherchant à utiliser la clause NPF d'un traité pour pallier la dénonciation de la Convention de Washington par le Venezuela. Cette affaire, similaire à l'affaire Garanti Koza, soulève le débat entre une majorité des arbitres, qui accepte l'éventualité de substituer des conditions de consentement plus favorables issues d'un autre traité, et une minorité, qui rejette ce raisonnement comme importation illégitime du consentement. L'interprétation des clauses NPF est donc un enjeu majeur, complexe, et sujet à des opinions divergentes. La difficulté réside dans la possibilité de considérer une clause NPF comme étendant implicitement le consentement de l'État à l'arbitrage.

3. Le rôle du droit interne et du droit international dans la détermination de la compétence

La détermination de la compétence des tribunaux CIRDI est soumise au droit international. L'affaire Pac Rim Cayman illustre cette prééminence du droit international sur le droit interne en matière de consentement à l'arbitrage. L’interprétation des offres d'arbitrage issues de lois nationales, actes formellement internes mais dotés d'effets internationaux, est examinée. Néanmoins, la jurisprudence montre que la renonciation contractuelle à des mécanismes supplémentaires, comme dans l’affaire MNSS BV, peut avoir un certain effet, mais seulement sur certains types de réclamations. L'étude souligne la possibilité pour un investisseur de renoncer contractuellement à des droits dérivés d'un traité d'investissement. La distinction entre l’application du droit international et celle du droit interne est explorée, le droit international étant applicable lorsqu’il s’agit de violation d’obligations traitées. Le droit interne est alors considéré comme un simple fait. L’affaire Garanti Koza met en avant la pertinence du droit international pour analyser la violation d’engagements, même si l’existence de ceux-ci s’apprécie selon le droit interne. Cette articulation complexe du droit interne et du droit international est soulignée.

4. Abus de droit et clauses de déni d avantages

L'abus de droit, notamment la restructuration d'un investissement pour accéder à l'arbitrage, est un enjeu procédural important. L’affaire Philip Morris illustre un tel abus, où la restructuration pour bénéficier d'un traité plus favorable, alors qu'un différend était prévisible, a rendu la demande irrecevable. L’affaire Transglobal Green Energy confirme cette jurisprudence. L'étude aborde la clause de refus des avantages, comme à l'article 17 du Traité sur la Charte de l'Énergie, et son impact sur la compétence des tribunaux. L'affaire Charanne montre qu'une telle clause ne s'applique pas aux sociétés contrôlées par des nationaux de l'État défendeur. Des exemples, comme l'affaire impliquant l'Égypte et une société américaine contrôlée par un ressortissant israélien, illustrent les difficultés d'interprétation et d'application de ces clauses. Il est également mentionné que certains demandeurs peuvent être pénalisés pour avoir dissimulé l’existence d’un investissement aux services fiscaux.

5. Procédures d annulation et autres recours

L'étude aborde les mécanismes permettant de revenir sur les décisions rendues dans le cadre de l'arbitrage, notamment l’annulation des sentences. L’application du droit international à la détermination de la compétence des tribunaux CIRDI est soulignée. L’affaire Pac Rim Cayman illustre le primat du droit international sur le droit interne en matière de compétence. Cependant, il est mentionné que des renonciations contractuelles peuvent avoir un effet, par exemple, la renonciation à des mécanismes supplémentaires du CIRDI comme vu dans l'affaire MNSS BV. La procédure d’annulation est analysée, soulignant la marge d’appréciation des comités ad hoc quant aux conséquences à tirer des vices de la sentence et la possibilité d’annulation partielle. L’issue de l’affaire Victor Pey Casado, après 19 ans de procédure, est utilisée pour souligner les limites du système. La possibilité pour les parties de demander aux arbitres de revenir sur des constats intermédiaires, à la lumière de nouveaux faits (affaire ConocoPhillips et Standard Chartered), est discutée.

IV.Le droit de l Union européenne et l arbitrage d investissement

L'étude examine l'interaction entre les traités d'investissement et le droit de l'Union européenne, en particulier la question du conflit potentiel entre les obligations internationales et les règles européennes. L'affaire Micula et la décision du comité ad hoc sont analysées pour illustrer les difficultés. L'étude traite aussi les décisions concernant les différends intra-européens et l'application du Traité sur la Charte de l'Énergie, ainsi que l'interprétation de la primauté du droit de l'UE. Des affaires impliquant des investisseurs néerlandais et luxembourgeois contre l'Espagne sont mentionnées comme exemples de différends intra-européens. L'étude conclut qu'en droit international, le droit de l'UE ne peut surpasser le droit international public.

1. L articulation entre traités d investissement et droit de l Union européenne

Plusieurs décisions de 2016 abordent l'interaction entre les traités d'investissement et le droit de l'Union européenne. Le comité ad hoc de l'affaire Micula a confirmé la décision du tribunal d'appliquer l'accord d'association entre la Roumanie et la Communauté européenne de 1995, mais seulement comme contexte factuel. Le tribunal a estimé que la Roumanie n'avait pas agi de manière déraisonnable en révisant des aides fiscales, mais cette action violait le standard de traitement juste et équitable. Le comité ad hoc a justifié cette décision, soulignant que le tribunal ne s'était pas prononcé sur la conformité au droit de l'UE, mais sur le comportement de la Roumanie, évitant un conflit d'obligations. Cependant, la Roumanie se trouve face à un conflit entre l'exécution de la sentence (convention de Washington) et le respect du droit de l'UE. La solution de ce conflit ne viendra pas de la procédure d'annulation, mais potentiellement d'une décision politique ou de la Cour de Justice de l'Union européenne.

2. Différends intra européens et le Traité sur la Charte de l Énergie

Des décisions concernant des différends intra-européens confirment l'indépendance relative du contentieux arbitral transnational par rapport aux problématiques spécifiques du droit de l'Union européenne. Deux tribunaux, saisis de demandes d'investisseurs néerlandais et luxembourgeois contre l'Espagne concernant des modifications du soutien à l'industrie photovoltaïque, ont rejeté les arguments de l'Espagne et de la Commission européenne. Ces arguments avançaient l'irrecevabilité des demandes pour trois raisons : les investisseurs étaient européens, un traité sur la Charte de l’Énergie contiendrait une clause de déconnexion implicite pour les relations entre États membres de l'UE, et le monopole de la Cour de Justice de l’UE s’opposerait à la compétence des tribunaux arbitraux. Les tribunaux ont rejeté ces trois arguments. L’affaire Charanne a insisté sur le fait qu’investisseurs d’États membres de l’UE peuvent poursuivre d’autres États membres, soulignant l’absence de clause de déconnexion dans le Traité sur la Charte de l’Énergie et l’absence de monopole de la Cour de justice de l’UE en la matière. L’affaire RREEF Infrastructure affirme que le droit de l’UE ne prévaut pas sur le droit international.

3. Le droit de l Union Européenne comme source ordinaire de droit international

L'analyse souligne que dans les différends intra-européens impliquant des traités d'investissement, le droit de l'Union européenne est traité comme une source ordinaire de droit international. Le tribunal de l'affaire RREEF Infrastructure précise que, même en cas de conflit entre droit international et droit de l'UE, le droit de l'UE ne « trump » pas le droit international public. Le principe de primauté du droit de l'UE ne s'applique que dans l'ordre juridique européen. Du point de vue du droit international, le droit de l'UE est considéré comme une source parmi d'autres. Le principe de spécialité permet au tribunal arbitral de privilégier le traité spécifique auquel sont parties des États membres de l’UE et des États non-membres. Cette approche est comparée à celle du tribunal de l'affaire Electrabel. La jurisprudence de 2016 montre ainsi une certaine indépendance du contentieux arbitral transnational face aux spécificités du droit de l'UE.

V.Demandes reconventionnelles et obligations des investisseurs

Enfin, l’étude explore l’émergence de demandes reconventionnelles dans l’arbitrage d’investissement, où l’État peut faire valoir des violations commises par l’investisseur. L'affaire Urbaser est examinée comme exemple de cette tendance. L'analyse se concentre sur la reconnaissance croissante de la personnalité internationale des investisseurs et de leur soumission à des obligations internationales, notamment en matière de droits de l’homme, et l'utilisation des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (Principes Ruggie). L’étude souligne la complexité et l’importance des implications de cette évolution pour l’équilibre du système de l’ISDS.

1. L affaire Micula et le droit européen comme contexte factuel

L'analyse commence par l'examen de l'affaire Micula, où le comité ad hoc a validé l'approche du tribunal qui a considéré le droit européen, spécifiquement l'accord d'association Roumanie-Communauté européenne de 1995, comme un élément de la « factual matrix » sans pour autant imposer l’application de l'intégralité du droit de l'Union européenne. Le tribunal a jugé que la décision roumaine de retirer une aide fiscale, bien que justifiée par l’objectif d’adhésion à l’UE, violait le standard de traitement juste et équitable en raison d'attentes légitimes de l'investisseur, d'un manque de transparence et du maintien d'obligations de l'investisseur. Le comité ad hoc n'a constaté ni excès de pouvoir ni défaut de motifs, soulignant que le tribunal s'était concentré sur le comportement de l'État roumain sans se prononcer sur la conformité de cette décision au droit de l'UE. Malgré cela, la Roumanie se trouve confrontée à un conflit d'obligations entre l'exécution de la sentence et le respect du droit de l'UE, un conflit qui ne peut être résolu dans le cadre de la procédure d'annulation.

2. Différends intra européens et le Traité sur la Charte de l Énergie Absence de conflit d obligations

L'étude examine ensuite des affaires impliquant des différends intra-européens, notamment celles concernant des investisseurs néerlandais et luxembourgeois contre l'Espagne dans le cadre du Traité sur la Charte de l'Énergie. L'Espagne, soutenue par la Commission européenne, plaidait pour l'irrecevabilité des demandes, avançant que les investisseurs étaient européens, qu'il existait une clause de déconnexion implicite, et que la compétence revenait à la Cour de justice de l'Union européenne. Les tribunaux ont rejeté ces arguments, soulignant l'absence de clause de déconnexion dans le traité et la possibilité pour les investisseurs des États membres d'agir contre d'autres États membres. L'affaire Charanne et l'affaire RREEF Infrastructure soulignent le fait que le Traité sur la Charte de l'Energie s'applique aux relations entre États membres et États non-membres de l'UE. Le droit de l'UE, qualifié de source ordinaire de droit international, ne peut prévaloir sur le droit international dans ce contexte, conformément au principe de spécialité. Le principe de primauté du droit de l'UE reste cantonné à l'ordre juridique européen.