
Étude Épidémiologique de l'Hépatite Virale A à Marrakech
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Langue | French |
Format | |
Taille | 1.18 MB |
- hépatite virale A
- épidémiologie
- santé publique
Résumé
I.Épidémiologie de l Hépatite A VHA à Marrakech
Cette étude transversale, menée entre octobre 2005 et septembre 2007 au CHU Mohammed VI de Marrakech, a analysé le profil épidémiologique et sérologique de l'hépatite A (VHA) chez les enfants. Sur 129 cas d'hépatite aiguë ictérique, 118 (91,5%) étaient positifs pour les IgM anti-VHA. L'âge moyen des enfants atteints était de 6,1 ± 3,1 ans, avec une forte prévalence chez les enfants de moins de 6 ans (51,7%). Le sex-ratio H/F était de 1,4, indiquant une prédominance masculine. L'étude a mis en évidence une concentration des cas en milieu urbain, notamment dans la Médina de Marrakech, et chez les enfants issus de milieux socioéconomiques bas. La séroprévalence élevée suggère une forte endémicité de la VHA dans la région.
1. Méthodologie et Contexte de l Étude
L'étude, réalisée entre octobre 2005 et septembre 2007 au service de pédiatrie A du CHU Mohammed VI de Marrakech, est une étude transversale descriptive portant sur l'hépatite A (VHA) chez les enfants. Elle s'est déroulée à Marrakech, une ville du sud-ouest du Maroc, caractérisée par une population de 1 070 838 habitants en 2004 (dont 78,8% urbains) et une densité démographique de 641 habitants/km². La ville présente un développement urbain anarchique, notamment en périphérie, avec des insuffisances en infrastructures et en assainissement, notamment dans la médina (ville intra-muros). Le taux de raccordement à l’eau potable est de 96% en zone urbaine, et le taux d’abonnement à l’assainissement liquide est de 86%, mais le réseau d'assainissement en intra-muros souffre de problèmes de bouchage et de retour d'eaux usées. L'étude a consisté en une recherche biologique de la VHA chez les enfants répondant aux critères d'inclusion, avec une analyse descriptive des facteurs de transmission. Des données démographiques, socioéconomiques et liées aux habitudes de vie ont été collectées via une fiche d'exploitation. L’analyse sérologique du VHA s'est faite par test ELISA pour la recherche des IgM anti-VHA.
2. Résultats de l Étude sur la Prévalence de la VHA
Sur 129 enfants inclus dans l’étude, 118 (soit 91,5%) étaient positifs pour les IgM anti-VHA, confirmant une infection à l'hépatite A. L’âge moyen des enfants infectés était de 6,1 ± 3,1 ans, avec une médiane de 5,5 ans (extrêmes: 1 an et 15 ans). La prévalence était la plus élevée chez les enfants de moins de 6 ans (51,7%), diminuant progressivement avec l’âge. Un sex-ratio H/F de 1,4 indique une plus grande fréquence chez les garçons. Les cas étaient répartis sur toute l'année, avec une légère augmentation en juillet, septembre et octobre. La majorité des enfants étaient de niveau socioéconomique bas (60,2%) et résidaient en ville (72%), avec une concentration notable des cas dans la vieille ville (Médina). Plus de la moitié des enfants (51,7%) vivaient dans des ménages de plus de 5 personnes. Ces résultats suggèrent une forte endémicité de l’hépatite A à Marrakech, notamment en milieu urbain et chez les enfants de moins de 6 ans issus de milieux socioéconomiques défavorisés, et contrastent avec les régions de basse endémicité où l’âge de contamination est plus élevé.
3. Comparaison avec d autres Études et Discussion des Résultats
Les résultats de cette étude contrastent avec ceux observés dans les régions de moyenne et basse endémicité, où l'âge de la contamination est plus élevé. L'amélioration du niveau de vie est associée à un retard de l'acquisition de l'immunité, entraînant une manifestation plus fréquente de la maladie chez les enfants plus âgés et les adultes, contrairement à Marrakech où l'infection survient précocement. Cependant, les résultats concordent avec des études de séroprévalence dans les régions de haute endémicité. Des études menées au Pakistan et au Brésil montrent une séropositivité quasi-totale chez les enfants de 11 à 15 ans, illustrant une contamination précoce similaire à celle observée à Marrakech. Les auteurs reconnaissent que le nombre de cas colligés pourrait sous-estimer la fréquence réelle de l'hépatite A, étant donné que les formes les moins sévères ne nécessitent pas forcément une consultation hospitalière. La légère hausse des cas en été pourrait être liée aux facteurs climatiques et comportementaux, comme les baignades. La prédominance masculine observée semble contradictoire avec le sex-ratio de la population marrakchie. Des études supplémentaires de séroprévalence sont nécessaires pour confirmer l'implication des facteurs de risque identifiés et déterminer le véritable profil épidémiologique de l'hépatite A au Maroc.
II.Facteurs de Risque de Transmission de la VHA
Plusieurs facteurs ont été associés à la transmission de la VHA à Marrakech. La densité de population élevée dans la Médina, couplée à des problèmes d'assainissement, apparaît comme un facteur important. L'étude suggère que la taille du ménage, le nombre de frères et sœurs, et le niveau socioéconomique influencent le risque d'infection. D'autres facteurs, comme la consommation d'eau, la baignade en eau douce ou contaminée, la consommation de fruits de mer mal cuits et le contact avec des cas asymptomatiques, sont également évoqués. Cependant, la couverture en eau potable est de 96% à Marrakech, rendant la relation entre la consommation d'eau et la transmission de la VHA moins claire. L’accès à des toilettes était élevé (94,9%), limitant l’impact de ce facteur.
1. Facteurs liés à l environnement et à l habitat
L'étude met en évidence le rôle crucial de l'environnement et de l'habitat dans la transmission du VHA à Marrakech. La concentration des cas dans la médina, la vieille ville intra-muros, est significative. Ce constat est lié à la forte densité de population dans cette zone et aux défaillances du système d'assainissement, avec un retour des eaux usées dans les maisons. Des insuffisances en infrastructures et assainissement dans les nouveaux quartiers périphériques sont également mentionnées comme un facteur de risque potentiel, bien que l'étude se concentre principalement sur la population urbaine et plus précisément sur la médina. Bien que le taux de raccordement à l’eau potable soit élevé (96% en zone urbaine), et que la majorité des enfants étudiés (89%) disposaient de sources d’eau potable, le niveau d’hygiène dans les foyers n’a pas pu être précisément évalué. La taille des ménages et le nombre de personnes par chambre apparaissent également comme des facteurs de risque, le contact interhumain étant accru dans ces situations, notamment dans les pays en voie de développement. Une étude comparative menée à Sao Paulo (Brésil) souligne la forte prévalence (95%) dans les populations de niveau socioéconomique bas, confirmant l’influence de ce facteur.
2. Facteurs liés aux comportements et aux pratiques
Plusieurs aspects comportementaux et pratiques influencent la transmission du VHA selon l'étude. La consommation de fruits et légumes crus était fréquente chez les enfants, sans que cela ne soit directement lié aux cas d’infection. La consommation de mollusques dans les 60 jours précédant l'ictère était rare, potentiellement due à l'accessibilité géographique et financière limitée pour cette population. La baignade, notamment en eau douce (13,5% des cas) ou en mer (8,5%), est un facteur de risque de transmission connu, avec des références à des épidémies liées à la contamination de piscines (cas en France). La proximité de surfaces irriguées (8,5% des cas) soulève également une question sur la qualité de l'eau utilisée pour l'irrigation, et son potentiel rôle dans la contamination, mais l'étude ne fournit pas d'information complémentaire sur la source de l'eau. Le contact avec des cas similaires dans l'entourage, et surtout avec des cas asymptomatiques, est aussi mis en avant, notamment chez les enfants. L’étude cite des exemples de contamination par l'eau d'irrigation provenant d'eaux usées traitées (Arabie Saoudite, Tunisie, Inde). La fréquentation d'établissements scolaires est mentionnée comme un facteur de risque par d'autres études, et une grande partie des cas étudiés à Marrakech fréquentaient l’école.
3. Facteurs liés au statut socioéconomique et à la taille de la famille
Le niveau socioéconomique bas apparaît comme un facteur de risque majeur de transmission de la VHA à Marrakech. Plusieurs études (Sao Paulo, Valdivia) montrent une prévalence beaucoup plus élevée chez les populations à faible niveau socioéconomique. La taille du ménage, et plus précisément la taille de la fratrie, joue un rôle important dans la transmission. Le contact interhumain accru dans les foyers surpeuplés favorise la propagation du virus. Des études mentionnées confirment une corrélation positive entre la taille de la fratrie et la prévalence de l'HVA. Ceci est expliqué par une hygiène potentiellement moins rigoureuse chez les jeunes enfants, une excrétion fécale prolongée du virus, et la fréquence des formes asymptomatiques chez eux. L'étude note que dans leur échantillon, 33.9% des enfants étaient des aînés, suggérant que leurs frères et sœurs plus jeunes pouvaient contribuer à la propagation du virus. De plus, le sexe masculin semble prédominant dans la transmission de la maladie selon cette étude, un point contradictoire avec le sex-ratio de la population générale de Marrakech.
III.Résultats et Implications pour la Santé Publique
Les résultats soulignent la prévalence importante de l'hépatite A chez les enfants de Marrakech, suggérant une haute endémicité. L'âge de contamination précoce contraste avec les régions à faible endémicité. Les facteurs de risque identifiés, notamment la densité de population, les conditions d'hygiène et le niveau socioéconomique, nécessitent une investigation plus approfondie à travers des études de séroprévalence à plus grande échelle au Maroc. Ces données sont cruciales pour informer les politiques de santé publique, incluant la mise en place d'un système de surveillance et l'évaluation de l'utilité d'une vaccination de masse contre la VHA au Maroc. L'absence de vaccination dans l'échantillon étudié est notable.
1. Haute Endémicité de l Hépatite A à Marrakech
L'étude révèle une forte prévalence de l'hépatite A (VHA) chez les enfants de Marrakech, avec 91,5% des 129 cas étudiés étant positifs pour les IgM anti-VHA. Cette haute prévalence suggère une forte endémicité de la maladie dans la région, contrastant avec les régions à faible endémicité où l'âge de contamination est plus élevé et où la maladie se manifeste plus souvent chez les adultes. L'âge moyen des enfants infectés est de 6,1 ans, avec un pic chez les enfants de moins de 6 ans (51,7%), la fréquence diminuant progressivement par la suite. Cette contamination précoce concorde avec les observations faites dans d'autres zones à forte endémicité, comme illustré par des études menées au Pakistan et au Brésil où une grande majorité des enfants ont contracté la maladie avant l'âge de 15 ans. La distribution des cas sur l'année est relativement homogène, avec une légère augmentation durant les mois de juillet, septembre et octobre. Ceci souligne la nécessité de mettre en place des mesures de surveillance épidémiologique adaptées au contexte marrakchi.
2. Facteurs de Risque et Implications pour la Santé Publique
Les résultats suggèrent que plusieurs facteurs contribuent à la transmission de la VHA à Marrakech. L'âge, le sexe masculin (sex-ratio H/F de 1,4), l'habitat urbain (72% des cas) et particulièrement intra-muros (concentration dans la médina), la surpopulation des foyers (51,7% des ménages avec plus de 5 personnes) et un niveau socioéconomique bas (60,2% des cas) sont des éléments importants à considérer. Cependant, l'étude note la bonne couverture en eau potable (96% à Marrakech) et un haut taux d'accès à des toilettes (94,9%), ce qui limite la contribution de ces facteurs à la transmission dans le contexte urbain étudié. Il est cependant important de souligner que le réseau d'assainissement est défaillant dans la médina, avec un retour des eaux usées dans les maisons, ce qui pourrait jouer un rôle significatif. De plus, le nombre de cas rapportés pourrait sous-estimer la véritable incidence de la VHA, les formes légères étant souvent prises en charge en dehors du système hospitalier. L'absence de vaccination chez tous les enfants de l'étude est un point crucial.
3. Recommandations pour la Surveillance et la Politique Vaccinale
L'étude met en évidence la nécessité de mener des études de séroprévalence à plus grande échelle afin de confirmer l'impact de ces différents facteurs sur la transmission de la VHA et d'établir un profil épidémiologique précis au niveau national. Ces données seront fondamentales pour la mise en place d'un système de surveillance adapté au contexte marocain. L’âge précoce de la contamination à Marrakech suggère une haute endémicité. Dans ce contexte, l'opportunité d'une vaccination de masse doit être évaluée à la lumière des données de séroprévalence. Dans les régions à forte endémicité, la vaccination de masse peut être moins pertinente car la plupart des individus contractent la maladie pendant l'enfance, développant ainsi une immunité naturelle. Pourtant, la recherche systématique de la VHA chez les enfants présentant un ictère fébrile reste justifiée, étant donné sa fréquence élevée comme première cause d'ictère fébrile chez l'enfant dans le cadre de l'étude.
IV.Informations sur Marrakech
Marrakech, située au sud-ouest du Maroc, compte 1 070 838 habitants en 2004, dont 78,8% sont urbains. La densité démographique est de 641 habitants/km². Le réseau d'assainissement présente des problèmes, notamment en intra-muros. L'économie repose sur le tourisme, le commerce, l'artisanat et la construction. La population pédiatrique (<15 ans) représente 28,7% de la population totale.