
Évaluation de l'incidence du gène HLA B27 chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante au Maroc
Informations sur le document
Langue | French |
Nombre de pages | 95 |
Format | |
Taille | 1.06 MB |
- HLA B27
- Spondylarthrite ankylosante
- Médecine au Maroc
Résumé
I.Pathogenèse de la Spondylarthrite Ankylosante SA et Rôle du HLA B27
Cette étude explore la pathogenèse de la spondylarthrite ankylosante (SA), une spondylarthropathie fréquente fortement associée à l'antigène HLA-B27. Deux hypothèses principales sont discutées: une infection bactérienne intracellulaire, potentiellement impliquant des entérobactéries et une migration de cellules immunitaires (cellules dendritiques et macrophages) des muqueuses intestinales vers les articulations et les enthèses, et un mécanisme auto-immun où l'os lui-même joue un rôle crucial. Le HLA-B27 semble accroître la susceptibilité à l'infection chronique et la dimérisation de la molécule HLA-B27 sous stress oxydatif est une hypothèse majeure. L'étude souligne l'importance de la recherche du gène HLA-B27 dans le diagnostic, notamment en cas de tableau clinique incomplet. Différents sous-types de HLA-B27 et leur corrélation variable avec la SA sont également mentionnés.
1. Hypothèse infectieuse dans la pathogenèse de la Spondylarthrite Ankylosante SA
Une première hypothèse majeure concernant la pathogenèse de la SA met en avant le rôle d'une infection bactérienne intracellulaire. Des exemples, tels qu'une épidémie de Salmonellose chez des médecins suédois ayant entraîné des cas d'arthrite réactionnelle, sont mentionnés. L'utilisation d'un modèle animal transgénique (rat Lewis pour HLA-B27) confirme que l'absence d'environnement stérile est nécessaire pour l'apparition des signes articulaires et digestifs. L'hypothèse suggère que des cellules présentatrices d'antigènes (cellules dendritiques et/ou macrophages) dans la sous-muqueuse intestinale, chargées d'antigènes bactériens ou de formes dormantes de bactéries, migrent vers les articulations et les enthèses. La présence d'ADN bactérien dans les articulations soutient cette hypothèse, bien que le mécanisme de migration ne soit pas encore complètement élucidé. Cette théorie implique des bactéries à développement intracellulaire et met en lumière le rôle potentiel d’entérobactéries dans le déclenchement de la maladie. Le texte suggère fortement une relation entre une infection initiale, même inapparente, et le développement ultérieur de la SA, impliquant une réponse immunitaire mal contrôlée, et une possible arthrite réactionnelle.
2. Mécanisme auto immun et le rôle de l os dans la SA
Une seconde hypothèse importante souligne le rôle d'un mécanisme auto-immun dans le développement de la SA. L'accent est mis sur l'importance de l'os lui-même dans les symptômes et les lésions. Les anomalies osseuses, radiologiques et scintigraphiques, sont connues depuis longtemps comme caractéristiques des spondylarthropathies. L'hypothèse d'un excès de réponse immunitaire aux antigènes du soi, favorisé par la molécule HLA-B27, n'est pas totalement exclue. Cependant, l'hypothèse centrale est que le HLA-B27 rend certaines cellules macrophagiques ou dendritiques plus sensibles à une infection chronique par des bactéries à développement intracellulaire. La dimérisation de la molécule HLA-B27, potentialisée par le stress oxydatif intracellulaire induit par la présence de bactéries, est présentée comme un mécanisme pathogène clé. Les différents variants de HLA-B27 (environ 20 sous-types) sont associés à la SA, avec une corrélation variable selon le variant. La capacité de repliement correct de la molécule HLA-B27 dans le réticulum endoplasmique semble liée à la présence ou l'absence de certains acides aminés, expliquant en partie des variations de la prévalence de la SA entre populations et sous-types de HLA-B27.
3. Le système HLA et le rôle du HLA B27 dans la susceptibilité à la SA
Le document rappelle le système HLA (Complexe Majeur d'Histocompatibilité), un ensemble de gènes codant pour des glycoprotéines jouant un rôle de « présentoirs » d'antigènes aux lymphocytes T. Ce système est crucial pour la discrimination entre le « soi » et le « non soi ». L'association entre le HLA-B27 et la SA est particulièrement forte. La grande diversité du système HLA, due au nombre considérable de combinaisons d'allèles, explique la faible probabilité de trouver deux individus non apparentés HLA identiques. En conditions normales, les molécules chaperones protègent les molécules HLA-B27. Mais lors d'infections massives, un excès de molécules HLA-B27 mal repliées ou dimériques pourrait s'accumuler dans le cytoplasme, ceci étant potentiellement lié à une compétition pour les molécules chaperones entre HLA-B27 et des peptides bactériens. L'hypothèse la plus avancée suggère que des stress oxydatifs intracellulaires augmentent la formation de ponts disulfures dans la molécule HLA-B27, favorisant sa dimérisation. Cette tendance à la dimérisation, notamment lors d'infections massives, explique mieux la forte corrélation entre le HLA-B27 et la SA, même en considérant la diversité des peptides liés aux différents variants de HLA-B27.
II.Manifestations Cliniques de la SA
La SA se caractérise par des rachialgies inflammatoires, souvent au niveau dorso-lombaire, une raideur matinale, une arthrite inter-apophysaire postérieure évoluant vers l'ankylose, et une ostéoporose. Des atteintes périphériques, notamment des coxites (atteintes de la hanche), des arthrites des orteils (aspect « orteil en saucisse »), et d'autres enthésopathies (atteinte des insertions tendineuses) sont fréquentes. L'atteinte des articulations périphériques peut être aiguë, mono- ou oligo-articulaire, asymétrique, ou chronique. L'absence de facteur rhumatoïde et d'anticorps antinucléaires est importante pour le diagnostic différentiel. Un diagnostic précoce est essentiel, utilisant les critères d'Amor et de l'ESSG pour les études cliniques.
1. Atteinte Axiale dans la Spondylarthrite Ankylosante SA
Les manifestations cliniques de la SA incluent une atteinte axiale quasi-constante. Des rachialgies inflammatoires touchent fréquemment la jonction dorso-lombaire, mais peuvent impliquer tout le rachis. Ces douleurs s'améliorent souvent avec l'exercice physique et s'aggravent au repos, accompagnées d'une raideur matinale caractéristique durant plus de 30 minutes, un signe clinique important pour le diagnostic. Une arthrite inter-apophysaire postérieure, évoluant vers l'ankylose vertébrale, est également caractéristique. Une ostéoporose, parfois avec des fractures vertébrales ou un aspect de vertèbres biconcaves, est observée chez plus d'un tiers des patients, même à des stades précoces, corrélée à la sévérité de la maladie. L'atteinte du rachis cervical pose un risque de compression médullaire en cas de luxation atloïdo-axoidienne. L'imagerie médicale, notamment radiologique, révèlera des images hypertrophiantes et condensantes avec des lésions d'ostéolyse. L'atteinte thoracique est la plus fréquente (58%), facilitant le diagnostic, tandis que l'atteinte isolée des vertèbres et des os longs est moins courante, nécessitant un diagnostic différentiel avec des lésions infectieuses ou tumorales. Une sacro-iliite, souvent unilatérale, est observée dans un tiers des cas. L'atteinte de la mandibule est également décrite (10% des localisations osseuses). La scintigraphie osseuse au Tc99m est précieuse pour le diagnostic précoce, la fixation de l'isotope pouvant précéder les manifestations cliniques et radiologiques, notamment au niveau de la paroi thoracique.
2. Atteinte Périphérique et Enthésopathies dans la SA
L'atteinte périphérique dans la SA est fréquente, se présentant souvent sous forme d'une atteinte aiguë, mono- ou oligo-articulaire, asymétrique, prédominant au niveau des grosses articulations des membres inférieurs. Cependant, toute articulation peut être touchée. Une forme chronique ou récurrente est également possible, et plus rarement, un aspect de « doigts en saucisse ». Des enthésopathies sont fréquentes, affectant des sites tels que l'insertion du tendon d'Achille (talalgies), la paroi thoracique antérieure, le grand trochanter, le tendon rotulien ou l'apophyse tibiale antérieure. La localisation de la douleur à l'insertion du tendon d'Achille au réveil ou à la reprise de l'appui après repos est un signe clinique important. L'atteinte de la hanche (coxite) est un facteur pronostique important. L'atteinte des orteils, réalisant l'aspect d'un « orteil en saucisse » avec atteinte des articulations métatarso-phalangienne, interphalangienne proximale et distale, est très évocatrice d'une spondylarthropathie, notamment secondaire à un psoriasis. Les enthésopathies sont plus fréquentes dans les formes à début juvénile. L'atteinte articulaire peut se présenter sous un aspect pseudo-septique et touche souvent les articulations proches des lésions osseuses, comme les articulations sterno-claviculaires et sacro-iliaques. Le rachis est fréquemment atteint.
3. Manifestations Extra articulaires et Bilan Immunologique
Le document mentionne des manifestations extra-articulaires de la SA, observées chez 32% des patients. L'uvéite est mentionnée comme une manifestation extra-articulaire, bien que sa relation exacte avec les pathologies axiales ne soit pas entièrement claire. Seuls deux cas d'uvéite ont été observés dans l'étude, probablement dû à l'absence de bilan ophtalmologique complet chez la plupart des patients. L'uvéite associée à la SA et au syndrome de Reiter touche fréquemment un seul œil avec une forte tendance à la récidive dans l'autre œil. Un bilan immunologique est important pour le diagnostic différentiel. Il est décrit comme étant négatif, c'est-à-dire en l'absence de facteur rhumatoïde et d'anticorps antinucléaires, ce qui permet d'éliminer d'autres maladies rhumatismales. La bactériologie, incluant hémocultures et cultures de selles, est discutée dans le contexte de suspicion d'infection systémique ou d'atteinte gastro-intestinale. Une recherche de Chlamydia par PCR urinaire est suggérée en cas d'anamnèse suggestive, modifiant potentiellement la prise en charge thérapeutique. L'infection déclenchante peut parfois passer inaperçue, et ses symptômes peuvent être plus importants chez le partenaire sexuel. Le développement d'une arthrite réactionnelle n'est pas toujours proportionnel à la sévérité de l'infection.
III.Diagnostic et Traitement de la SA
Le diagnostic de la SA repose sur les manifestations cliniques, les examens radiologiques (sacro-iliite, hypertrophie et condensation osseuse, ostéolyse), la scintigraphie osseuse, et la recherche de l'antigène HLA-B27. Le traitement symptomatique comprend les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens), souvent très efficaces. Pour les formes sévères et réfractaires, des traitements ciblés comme les anti-TNFα (infliximab, etanercept) sont utilisés, bien que coûteux et associés à des risques infectieux. D'autres traitements, tels que la sulfasalazine, le méthotrexate, et la thalidomide, peuvent être envisagés selon la réponse au traitement et la sévérité de la maladie. La kinésithérapie est un élément important de la prise en charge.
1. Diagnostic de la Spondylarthrite Ankylosante SA
Le diagnostic de la SA est complexe en raison de son début insidieux et de l'absence de caractéristiques pathognomoniques. Un diagnostic précoce est crucial pour le pronostic. Plusieurs années peuvent s'écouler entre l'apparition des premiers symptômes et les signes radiologiques caractéristiques. Des critères diagnostiques internationaux, tels que les critères d'Amor et de l'ESSG (European Spondylarthropathy Study Group), sont utilisés dans les études cliniques, mais ne sont pas toujours utiles au stade initial de la maladie. L'examen clinique est essentiel, recherchant notamment les rachialgies inflammatoires, la raideur matinale, les enthésopathies et les atteintes articulaires périphériques. Des examens complémentaires sont nécessaires, incluant des examens radiologiques (recherchant notamment une sacro-iliite, une hypertrophie et une condensation osseuse, ainsi que des lésions d'ostéolyse), et une scintigraphie osseuse au Tc99m. La scintigraphie osseuse peut détecter une fixation de l'isotope avant même l'apparition des manifestations cliniques ou radiologiques, notamment au niveau de la paroi thoracique. La recherche du marqueur génétique HLA-B27 est également importante, surtout en cas de tableau clinique incomplet. L'absence de facteur rhumatoïde et d'anticorps antinucléaires contribue au diagnostic différentiel. Dans les formes périphériques de SA, l’absence de HLA-B27 est observée. Des examens bactériologiques (hémocultures, cultures des selles) peuvent être nécessaires en cas de suspicion d'infection.
2. Traitement symptomatique de la SA
Le traitement symptomatique de la SA repose principalement sur les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens), dont l'efficacité est telle qu'ils figurent dans les critères d'Amor. Ils sont considérés par certains comme le traitement de fond de la maladie. Ils peuvent être administrés à la demande dans les formes bénignes ou prescrits au long cours dans les formes actives. L’efficacité des AINS peut parfois retarder le diagnostic chez des patients qui s'auto-médiquent. Pour les formes sévères et réfractaires aux AINS, les traitements ciblés, comme les anti-TNFα (ex: infliximab, etanercept), offrent un effet spectaculaire. Cependant, leur coût élevé et les risques infectieux (notamment tuberculeux) limitent leur accès. D'autres médicaments, tels que la sulfasalazine (particulièrement efficace dans les formes associées à une maladie inflammatoire chronique de l'intestin ou dans les formes périphériques), le méthotrexate (efficace surtout dans les formes périphériques), et la thalidomide (réservée aux formes réfractaires), peuvent être utilisés. La thalidomide nécessite une contraception efficace et une surveillance rigoureuse en raison de ses effets indésirables. La kinésithérapie, comprenant des exercices vertébraux et respiratoires, ainsi que l'auto-rééducation, constituent un volet majeur du traitement, à débuter dès que la douleur est contrôlée par les AINS et à poursuivre tout au long de la vie du patient.
IV.Étude Épidémiologique de la Prévalence du HLA B27 au Maroc
Cette étude épidémiologique marocaine, la première de son genre, a évalué la prévalence du gène HLA-B27 chez 49 patients atteints de SA, recrutés à Marrakech (secteur public et privé). Les patients répondaient aux critères d'Amor et de l'ESSG. Le gène HLA-B27 a été retrouvé chez 67% des patients, une prévalence inférieure à celle rapportée dans les études européennes mais comparable à d'autres études africaines. L'étude note une fréquence plus élevée de coxites au Maroc par rapport à d'autres études, soulignant la gravité potentielle de la maladie dans ce contexte. Les résultats confirment une association probable entre HLA-B27 et SA au Maroc, mais une étude de la prévalence de HLA-B27 dans la population générale marocaine est nécessaire pour confirmer cette association et son intérêt diagnostique.
1. Méthodologie de l étude épidémiologique sur le HLA B27 au Maroc
Cette étude, la première étude épidémiologique au Maroc sur la prévalence du gène HLA-B27 chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante (SA), a inclus 49 patients recrutés dans des consultations de rhumatologues, tant du secteur public que privé, dans la région de Marrakech. Seuls les patients répondant aux critères diagnostiques d'Amor et de l'ESSG ont été inclus. Les prélèvements sanguins ont été effectués à l'hôpital Ibn Tofail et analysés au laboratoire de biochimie immunologie de la faculté des sciences de l'université Mohammed V à Rabat, par l'équipe du Pr. Bakri Youssef. L'étude a analysé l'exon 2 du gène HLA-B27 en utilisant une technique d'amplification par PCR avec des amorces spécifiques (Sayer et al., 1999). Un contrôle interne, utilisant le gène G6PD, a été mis en place. Les données démographiques collectées pour chaque patient comprennent l'âge au moment de l'étude, l'âge de début de la maladie, et son mode de début (pelvi-rachidien ou périphérique). Cette méthodologie rigoureuse vise à obtenir des résultats fiables sur la prévalence du HLA-B27 dans la population marocaine atteinte de SA.
2. Résultats et comparaison avec d autres études sur la prévalence du HLA B27
Dans cette étude marocaine, le gène HLA-B27 a été retrouvé chez 67% des patients atteints de SA. Cette prévalence est inférieure à celle rapportée dans les études européennes, mais comparable à d'autres études menées en Afrique. L'étude note une fréquence plus importante de coxites (42,5%) dans la cohorte marocaine, ce qui est supérieur à ce qui a été rapporté dans d'autres études (Frikha et Marzouk, 20%). Ce résultat rejoint les observations de Benamour et Bettal (334 cas colligés à Casablanca sur 20 ans), qui décrivent des spondylarthropathies marocaines sévères en raison de la fréquence et de la gravité des coxites. Un syndrome articulaire périphérique a été observé chez 33% des patients, majoritairement sous forme d'oligoarthrite des membres inférieurs. Ce résultat est comparable à la majorité des études de la littérature, excepté celle de Deesomchok et Tumrasvin qui rapportent une prévalence plus élevée (72,3%) d'atteintes articulaires périphériques. L'étude a également observé une prévalence des manifestations extra-articulaires chez 32% des patients, avec seulement deux cas d'uvéite, une prévalence inférieure à celle rapportée dans d'autres études, ce qui est probablement lié à l'absence de bilan ophtalmologique systématique.
3. Discussion et implications de la prévalence du HLA B27 au Maroc
La prévalence du HLA-B27 dans cette étude marocaine, bien qu'inférieure aux études européennes, reste significative et témoigne d'une association probable entre le HLA-B27 et la SA au Maroc. Des études comparatives de la prévalence de HLA-B27 dans différentes régions du monde, notamment au Moyen-Orient, montrent des variations importantes (90% en Iran, 75% en Jordanie, 25,7% au Koweit), reflétant des différences génétiques liées au brassage ethnique. Une comparaison avec des études en Afrique du Sud a infirmé l'hypothèse d'une différence de distribution génétique entre Africains noirs et blancs, confirmant la rareté de la SA chez les Africains noirs, mais un profil similaire de la maladie et de la prévalence du HLA-B27 entre les deux groupes. L'étude mentionne des recherches sur d'autres gènes candidats dans la région HLA (HLA-DR, TNF...), notamment une association significative entre le DR1 et la SA dans des populations anglaises, indépendamment du HLA-B27. La détermination de la prévalence du HLA-B27 dans la population marocaine générale est essentielle pour conclure définitivement sur l'association entre le HLA-B27 et la SA au Maroc, et sur son utilité diagnostique.