Prévalence de l'Alexithymie et de la Dépression chez les Patients Dermatologiques

Prévalence de l'Alexithymie et de la Dépression chez les Patients Dermatologiques

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Langue French
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Taille 2.90 MB
  • alexithymie
  • dépression
  • dermatologie

Résumé

I.L Alexithymie et les Dermatoses Une Étude Épidémiologique

Cette étude transversale, menée entre mai 2006 et janvier 2007 auprès de 150 patients du service universitaire de dermatologie de l’hôpital Ibn Tofail (et ultérieurement, dans un résumé, 150 patients du centre hospitalier Mohammed VI de Marrakech), explore la prévalence de l’alexithymie et de la dépression chez des patients atteints de dermatoses. L'étude utilise l'échelle TAS-20 pour évaluer l'alexithymie et l'échelle de Hamilton (HAMD) pour mesurer la dépression. Les résultats montrent une forte corrélation entre l'alexithymie et la dépression chez cette population.

1. Justification de l étude et contexte

L'étude est motivée par le manque de recherches sur l'alexithymie en cas de dermatose. Une étude italienne préalable mentionne une prévalence de l'alexithymie de 22,4% chez les patients atteints de dermatose. L'alexithymie est également liée à des pathologies psychiatriques, notamment la dépression, avec une forte corrélation observée entre ces deux états. La définition étymologique de l'alexithymie, dérivée du grec, est «absence de mots pour exprimer les émotions». Sifneos définit l'alexithymie selon quatre dimensions, notamment l'incapacité à identifier les émotions et à les distinguer des sensations corporelles. Cette étude transversale vise donc à combler ce manque de données en évaluant la prévalence de l'alexithymie et de la dépression chez les patients dermatologiques. Elle s'est déroulée entre mai 2006 et janvier 2007 à l'hôpital Ibn Tofail, impliquant 150 patients, avec une collecte de données effectuée par des internes, des médecins résidents et des enseignants.

2. Méthodologie de l étude

L’étude a été réalisée par le biais d’entretiens avec les patients, complétés par des données de l'examen clinique. L'échelle de Hamilton (HAMD) a été utilisée pour l'évaluation de la symptomatologie dépressive. Cet outil, validé depuis plus de 40 ans, est utilisé dans de nombreuses études épidémiologiques pour le dépistage de la dépression. Un score élevé à l'échelle de Hamilton indique une tendance à se focaliser sur le monde extérieur plutôt que sur le monde interne, avec une faible implication dans la vie émotionnelle. Les dermatoses ont été classées en groupes (allergiques, inflammatoires, etc.) par les dermatologues. Les dermatoses les plus fréquentes étaient les dermatoses allergiques (22%, dont 8.7% d'eczéma), suivies des dermatoses inflammatoires (18.7%, avec l'acné comme forme la plus courante à 10%). D'autres outils de mesure de l'alexithymie sont mentionnés, tels que le TAS-20 et le BIQ (Bermond Vorst Alexithymia Questionnaire), ainsi que leurs utilisations dans des études précédentes concernant l'hypertension artérielle et d'autres affections psychosomatiques.

3. Résultats de l étude et comparaisons avec d autres recherches

L'analyse des données a permis de déterminer que 62% des patients présentaient une alexithymie et 55,3% une dépression. La relation entre ces deux états était statistiquement significative (P=0.000). Les taux d'alexithymie étaient plus importants dans les maladies du cuir chevelu et les troubles de la pigmentation (corrélations significatives, P<0.05). Les résultats sont comparés à d'autres études utilisant le TAS-20, notamment l'étude de Picardi et al. (2007) en Italie, qui a rapporté une prévalence d'alexithymie de 22,4% chez les patients atteints de dermatose. L'étude examine également l'influence de l'âge, du sexe et de la comorbidité sur la prévalence de l'alexithymie et de la dépression, en comparant les résultats avec des études antérieures de Cohen et al., Gupta et Gupta, Fried et al., Legendre et al., Richards et al., et Yazici et al., mettant en évidence des variations dans les résultats selon les populations étudiées et les types de dermatoses. L’étude mentionne aussi un lien entre l'acné sévère et un risque suicidaire plus élevé.

II.Prévalence de l Alexithymie dans les Dermatoses

Les résultats de l'étude révèlent une prévalence de l'alexithymie de 62% et de la dépression de 55,3% chez les patients atteints de dermatoses. Une étude italienne (Picardi et al., 2007) a rapporté une prévalence similaire de l'alexithymie (22,4%) dans une population de 491 patients atteints de dermatoses. La prévalence de l'alexithymie semble plus élevée dans les maladies du cuir chevelu et les troubles de la pigmentation (corrélations significatives, P<0.05). L’étude souligne également l'importance de dépister ces deux états psychologiques (alexithymie et dépression) chez les patients souffrant de dermatoses, afin d'adapter la prise en charge thérapeutique.

1. Prévalence de l alexithymie et de la dépression dans l étude.

L'étude principale, menée auprès de 150 patients dermatologiques, révèle une prévalence significative de l'alexithymie (62%) et de la dépression (55.3%). La relation entre ces deux états est statistiquement très significative (P=0.000), soulignant un lien étroit entre l'alexithymie et la dépression chez les patients atteints de dermatoses. Ces résultats soulignent l'importance de considérer ces facteurs psychologiques dans la prise en charge globale des patients dermatologiques. La nécessité d'un dépistage systématique de l'alexithymie et de la dépression à l'aide d'outils validés comme le TAS-20 et l'échelle de Hamilton est mise en avant pour identifier les patients nécessitant une intervention psychiatrique adjuvante aux traitements dermatologiques. L'étude précise que la prévalence de l'alexithymie était plus élevée dans les maladies du cuir chevelu et les troubles de la pigmentation, avec des corrélations significatives (P<0.05).

2. Comparaison avec les résultats d autres études.

Les résultats de l'étude sont mis en perspective avec ceux d'autres recherches, notamment une étude italienne (Picardi et al., 2007) qui a rapporté une prévalence de l'alexithymie de 22,4% dans un échantillon de 491 patients atteints de dermatoses. Cette comparaison permet de contextualiser les résultats obtenus et de souligner la variabilité des prévalences de l'alexithymie selon les populations étudiées et les méthodes utilisées. Le document fait également référence à d'autres études concernant la prévalence de l'alexithymie dans d'autres affections psychosomatiques, telles que l'hypertension artérielle (prévalence variant de 53 à 55% selon deux études, contre 13 à 16% dans les groupes contrôles) et le syndrome du côlon irritable (prévalence de 36% contre un groupe contrôle apparié). Ces données mettent en évidence le lien entre l'alexithymie et différentes pathologies somatiques, confirmant l'importance de la composante psychosomatique dans certaines maladies.

III.Facteurs Associés à l Alexithymie et à la Dépression dans les Dermatoses

L'étude a exploré plusieurs facteurs potentiellement associés à l'alexithymie et à la dépression, notamment l'âge, le sexe, le type de dermatose et la présence de comorbidités. Bien que certaines tendances aient été observées (prédominance chez les hommes âgés de 26 à 35 ans, association avec des dermatoses visibles ou chroniques de plus de 6 mois), les résultats concernant l'influence du sexe et de l'âge ne sont pas statistiquement significatifs. Des études antérieures, mentionnées dans le document (Cohen et al., Gupta et Gupta, Fried et al., Legendre et al.), ont fourni des données contrastées sur la relation entre la dépression, le type de dermatose (psoriasis, acné, etc.) et la sévérité de la maladie.

1. Âge et Dépression dans les Dermatoses

L'étude observe une prédominance non significative de la dépression chez les patients âgés de 26 à 55 ans (61,5%). Cependant, d'autres études présentent des résultats différents. Cohen et al. rapportent une prédominance de la dépression entre 40 et 59 ans (plus de 77% dans une population de 20 à 65 ans), avec des taux particulièrement élevés dans les cas de tumeurs bénignes (94,1%) et de psoriasis (93,3%). Gupta et Gupta constatent des scores de dépression plus élevés pour les dermatoses inflammatoires (psoriasis et acné) que pour l'alopécie et la dermatite atopique, mentionnant également un risque suicidaire de 7,2% pour le psoriasis et 5,6% pour l'acné. Concernant les tumeurs malignes, la dépression est observée dans les deux tiers des cas dans cette étude, un résultat non significatif mais concordant avec celui de Servando et al. en Espagne qui rapportent des scores de dépression très élevés pour ce type de dermatose. Fried et al. au Canada observent une prévalence élevée de dépression dans les dermatoses inflammatoires, suivies des dermatoses allergiques et des maladies du cuir chevelu. Enfin, Legendre et al. n'ont trouvé aucune différence significative pour la sclérodermie.

2. Sexe et Alexithymie dans les Dermatoses

L'étude ne trouve pas d'influence significative du sexe sur la prévalence de l'alexithymie (66,7% chez les hommes), un résultat non significatif. Cette observation est en accord avec les résultats de Richards et al. pour le psoriasis et de Yazici et al. pour la pelade, qui ne montrent pas de différence significative entre les sexes. Richards et al. notent également que les scores TAS-20 ne sont pas influencés par la surface corporelle atteinte par le psoriasis. Concernant la comorbidité, l'étude ne démontre pas de différence significative dans la prévalence de l'alexithymie entre les dermatoses avec et sans autres pathologies somatiques (respectivement 60,5% et 62,5%). Des études sur des sujets sains par Lane et al. montrent des résultats contradictoires sur l'influence du sexe sur le degré d'alexithymie, certaines études indiquant une plus forte prévalence chez les femmes, d'autres chez les hommes, tandis que la majorité ne trouvent pas de différence.

3. Comorbidité et Impact sur la Dépression

L'étude révèle une exposition accrue à la dépression lorsque les dermatoses sont associées à d'autres maladies (prévalence de 68,4%). Gupta et Gupta mettent en avant l'impact de l'acné sur l'image de soi comme facteur majeur de dépression, notamment en cas d'acné sévère, liée à un risque suicidaire plus élevé que pour les acnés modérées. L'étude de Mattilaa et al. en Finlande montre une corrélation significative entre l'âge et l'alexithymie, avec des scores augmentant avec l'âge (plus faibles entre 30 et 44 ans, plus élevés au-delà de 85 ans). La relation entre l’alexithymie et la dépression dans les dermatoses est soulignée, l'alexithymie étant considérée comme un facteur prédisposant à la dépression qui peut résulter des conséquences somatiques de la dermatose ou de l’altération de la qualité de vie. La nécessité d'une évaluation systématique de l'alexithymie et de la dépression est réaffirmée pour une prise en charge plus appropriée des patients.

IV.Définition et Approches de l Alexithymie

L’alexithymie, étymologiquement «absence de mots pour exprimer les émotions», est définie par Sifneos par quatre dimensions, notamment l'incapacité à identifier et à différencier les émotions des sensations corporelles. Le document explore différentes approches conceptuelles de l’alexithymie: psychodynamique (défense contre la douleur morale), cognitive (adaptation cognitive à une situation pénible) et neurophysiologique (dysfonctionnement des connexions entre le système limbique et le néocortex). Différents outils de mesure de l’alexithymie sont mentionnés, tels que le TAS-20 et le BVAQ (Bermond Vorst Alexithymia Questionnaire).

1. Définition de l Alexithymie

L'alexithymie, dérivant du grec et signifiant «absence de mots pour exprimer les émotions», est un concept multidimensionnel. Sifneos en définit quatre dimensions principales : l'incapacité à identifier les émotions ou les sentiments et à les distinguer des sensations corporelles; une vie fantasmatique pauvre, une forme de pensée utilitaire, une tendance à l'action pour éviter les conflits, une restriction marquée dans l'expérience des émotions et une difficulté à décrire les sentiments; un déficit de l'affect, une inhabilité à faire des connexions entre les émotions et les pensées; une tendance à l'agir, à l'impulsivité et à l'évitement dans la gestion des conflits, ainsi que des plaintes de symptômes somatiques sans cause organique. La prévalence de l'alexithymie dans la population générale varie selon les échelles utilisées, entre 17 et 23% avec le TAS-20. Le document souligne la difficulté à distinguer clairement entre alexithymie primaire et secondaire, et que l'alexithymie n'est pas actuellement reconnue comme une maladie.

2. Approches conceptuelles de l Alexithymie

Plusieurs approches tentent d'expliquer l'alexithymie. L'approche psychodynamique la voit comme une défense contre des douleurs morales intolérables et des angoisses (Lane et al., 1998). L'approche cognitive la présente comme une adaptation du système cognitif à une situation pénible, avec une redistribution de l'attention vers des préoccupations matérielles (Wehmer et Lakey, 1996). Une hypothèse neurophysiologique suggère soit une absence de connexions entre le système limbique et le néocortex (Nemiah et Sifneos, 1970), soit un hypofonctionnement de l'hémisphère droit et un hyperfonctionnement de l'hémisphère gauche affectant le transfert inter-hémisphérique d'informations émotionnelles (Tenhouten et al., 1987). L'alexithymie est liée aux troubles psychosomatiques, mais le lien n'est pas exclusif. L'alexithymie secondaire est évoquée comme un mécanisme de défense face au stress, une stratégie d'ajustement. Des outils de mesure comme le TAS-20 et le BVAQ (Bermond Vorst Alexithymia Questionnaire) sont mentionnés. Le BIQ, créé par Sifneos, est un outil d'évaluation externe basé sur un entretien semi-structuré.

3. Outils de mesure de l Alexithymie

Le document mentionne plusieurs instruments de mesure de l’alexithymie. Le TAS-20 est utilisé dans de nombreuses études pour préciser le lien entre l'alexithymie et les affections psychosomatiques. Sa traduction et validation en français ont été réalisées par Loas (1995). Le BVAQ (Bermond Vorst Alexithymia Questionnaire) est un autre instrument évaluant cinq dimensions, incluant la difficulté à décrire ses sentiments et la pensée opératoire. Le BIQ (questionnaire coté par l'investigateur après un entretien semi-structuré), développé par Sifneos en même temps que le concept d'alexithymie, est aussi mentionné, bien que ses paramètres métrologiques, notamment la fidélité inter-juges, ne soient pas entièrement publiés. Ces échelles permettent de catégoriser les sujets et d'étudier comparativement les fréquences d'alexithymie entre différents groupes (sains ou malades). Le document souligne que les scores de ces échelles sont peu corrélés à l'âge, le niveau d'instruction, la désirabilité sociale et le statut socio-économique.