Prise en Charge Chirurgicale des Tumeurs Cérébrales

Prise en Charge Chirurgicale des Tumeurs Cérébrales

Informations sur le document

Auteur

Mohammed Chahbouni

École

Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech

Spécialité Médecine
Lieu Marrakech
Type de document Thèse
Langue French
Format | PDF
Taille 10.58 MB
  • Chirurgie cérébrale
  • Oncologie
  • Médecine

Résumé

I.Physiopathologie de la Croissance Tumorale Cérébrale

Cette section explore la physiopathologie des tumeurs cérébrales, en se concentrant sur leur mode de croissance. L'augmentation de volume, variable selon le type de tumeur (méningiome, gliome, etc.), est liée au cycle cellulaire. L'hypertension intracrânienne (HIC) résulte d'une combinaison de facteurs : la tumeur elle-même, l'œdème péritumoral, et potentiellement une hydrocéphalie. L'augmentation de la perméabilité capillaire, influencée par des médiateurs chimiques comme le VEGF, contribue à l'œdème. Des hémorragies intratumorales peuvent aggraver la situation.

1. Mode de Croissance Tumorale

L'évolution naturelle des tumeurs cérébrales se caractérise par une augmentation progressive de volume, quel que soit leur type histologique. Cette croissance dépend du cycle de multiplication cellulaire, propre à chaque tumeur. Cependant, cette croissance n'est pas toujours régulière. Certaines tumeurs, comme les méningiomes, peuvent rester stables pendant de nombreuses années. D'autres peuvent connaître des aggravations brutales, causées par des hémorragies intratumorales ou la formation de kystes. L'augmentation de la perméabilité capillaire, due au développement tumoral, provoque le passage d'un filtrat plasmatique riche en protéines dans l'espace extracellulaire. Cette rétention est à l'origine de l'œdème vasogénique. A cet aspect purement mécanique s'ajoute l'action de médiateurs chimiques produits par la tumeur, tels que le VEGF, les produits de dégradation des phospholipides membranaires, et des enzymes protéolytiques sécrétées par les gliomes, qui modifient la perméabilité capillaire. La compréhension de ces mécanismes est fondamentale pour l'approche thérapeutique des tumeurs cérébrales.

2. Hypertension Intracrânienne HIC

Le contenu intracrânien (parenchyme cérébral, volume sanguin, liquide céphalorachidien) est impliqué dans le développement de l'hypertension intracrânienne (HIC). Trois mécanismes contribuent à la HIC lors du développement tumoral : la tumeur elle-même, l'œdème péritumoral, et l'éventuelle hydrocéphalie due à un blocage des voies d'écoulement du LCR. Une hémorragie intratumorale peut aggraver ces phénomènes. La gestion de l'HIC est un aspect crucial du traitement des tumeurs cérébrales, car elle peut entraîner des troubles neurologiques importants, incluant des troubles de la conscience allant de l'obnubilation à un coma profond, ainsi que des signes ophtalmologiques tels qu'un flou papillaire ou une dilatation veineuse. La reconnaissance des signes cliniques précoces de l'HIC est donc essentielle pour un diagnostic et une prise en charge rapide et efficace des tumeurs cérébrales.

II.Tumeurs des Phacomatoses et Syndromes Héréditaires

Certaines tumeurs cérébrales sont liées à des facteurs génétiques, notamment les phacomatoses. La neurofibromatose de type 1 est associée à une augmentation du risque d'astrocytomes pilocytiques. La neurofibromatose de type 2 et la maladie de Von Hippel-Lindau présentent des risques élevés de neurinomes, méningiomes, et hémangioblastomes. L'ataxie télangiectasie (syndrome de Louis Bar) augmente considérablement le risque de lymphomes, médulloblastomes, et astrocytomes. L'influence de facteurs environnementaux et de la carcinogénèse transplacentaire est également discutée, ainsi que le rôle modeste de l'histoire familiale.

1. Phacomatoses et Risque de Tumeurs Cérébrales

Cette section souligne le lien entre certaines phacomatoses et le développement de tumeurs cérébrales. Une détermination génétique est clairement établie pour plusieurs types de tumeurs, notamment les rétinoblastomes. La neurofibromatose de type 1 (NF1), se caractérise par la présence de neurofibromes, et augmente significativement le risque d'astrocytomes pilocytiques, en particulier au niveau des voies optiques (quatre fois plus fréquent que dans la population générale). La neurofibromatose de type 2 (NF2), identifiable par un neurinome du nerf auditif (VIII) bilatéral, est fréquemment associée à d'autres tumeurs cérébrales comme des neurinomes, neurofibromes, méningiomes, et gliomes. La sclérose tubéreuse de Bourneville est quant à elle liée aux astrocytomes sous-épendymaires à cellules géantes. Enfin, la maladie de Von Hippel-Lindau est fortement corrélée à la présence d'hémangioblastomes encéphaliques et intrarachidiens. L'étude de ces syndromes héréditaires est essentielle pour la compréhension et la prévention des tumeurs cérébrales.

2. Syndromes Héréditaires et Risque accru de Cancer

Au-delà des phacomatoses, d'autres syndromes héréditaires augmentent le risque de développer des tumeurs cérébrales. L'exemple cité est celui de l'ataxie télangiectasie (syndrome de Louis Bar), un syndrome autosomique récessif. Ce syndrome associe une ataxie cérébelleuse, des signes extrapyramidaux, des télangiectasies cutanées et oculaires, et des perturbations immunitaires. Ces perturbations immunitaires contribuent à l'apparition de lymphomes, médulloblastomes, et astrocytomes. Les individus homozygotes pour cette affection présentent un risque de cancer 100 fois supérieur à la population générale. L'étude mentionne également la possibilité de facteurs carcinogènes environnementaux et de carcinogénèse transplacentaire. Bien que l'histoire familiale puisse légèrement augmenter le risque chez les enfants dont les familles maternelles présentent des anomalies congénitales, les antécédents familiaux de tumeurs ne semblent pas être un facteur significatif d'augmentation du risque de tumeurs cérébrales pédiatriques. L'identification des gènes responsables et des facteurs environnementaux est crucial pour améliorer le dépistage et la prévention des tumeurs cérébrales dans ces contextes.

III.Classifications Histologiques des Tumeurs Cérébrales

Le chapitre aborde les différentes classifications histologiques des tumeurs cérébrales, en commençant par la classification de Bailey et Cushing (1926) basée sur la théorie des restes embryonnaires. La classification de Kernohan (1949), axée sur la théorie de l'anaplasie et le grading tumoral (I à IV), est également mentionnée. L'OMS fournit actuellement une nomenclature plus universellement acceptée pour une meilleure classification histologique et pronostique.

1. Classification de Bailey et Cushing 1926

La section détaille l'historique des classifications histologiques des tumeurs cérébrales, en commençant par l'ouvrage fondamental de Bailey et Cushing (1926). Cette classification, encore largement utilisée, repose sur la théorie des restes embryonnaires de Conheim. L'hypothèse est que le développement des tumeurs se fait à partir de cellules embryonnaires arrêtées à différents stades de leur développement. Cette approche permet une classification histogénétique des tumeurs du système nerveux, en corrélation avec les étapes du développement cellulaire. Bailey et Cushing ont également introduit la notion d'histopronostic, liant les caractéristiques histologiques au pronostic de la maladie. La compréhension de cette classification historique est essentielle pour appréhender l'évolution des méthodes de classification des tumeurs cérébrales.

2. Classification de Kernohan 1949 et le concept d Anaplasie

Parallèlement à la classification de Bailey et Cushing, une approche différente a été proposée par Kernohan en 1949. Cette classification se base sur la théorie de l'anaplasie, postulant que les cellules tumorales ne proviennent pas de cellules embryonnaires, mais résultent d'une dédifférenciation (anaplasie) de cellules normales. Chaque type tumoral est alors divisé en grades de malignité croissante (I, II, III, IV) selon le degré d'anaplasie. Le grading repose sur des critères observables : nombre de mitoses, pourcentage de cellules indifférenciées, étendue de la nécrose, prolifération vasculaire, et degré de polymorphisme. Le grading est un outil important pour l'évaluation pronostique, la comparaison de patients ayant des pathologies similaires, et la prise de décision thérapeutique. Cette approche du grading est complémentaire à la classification de Bailey et Cushing.

3. Nomenclature Histologique de l OMS et la Nécessité d une Classification Universelle

La section souligne le besoin actuel d'une nomenclature histologique universellement acceptée pour la classification des tumeurs cérébrales. Bien que plusieurs classifications aient été développées depuis Bailey et Cushing, aucune ne diffère fondamentalement de leurs travaux. Le but est de créer un système de classement hiérarchisé, un répertoire permettant à tous les neuropathologistes de nommer de manière identique les tumeurs phénotypiquement reconnaissables, ayant un patron d'évolution clinique prévisible (même pronostic histologique). La classification de l'OMS répond à ce besoin en proposant une nomenclature plus universelle et plus précise pour le diagnostic et le pronostic des tumeurs cérébrales. Cette unification terminologique est essentielle pour la recherche et la comparaison des résultats cliniques à travers le monde. La classification OMS est ainsi la référence actuelle pour une description précise et unifiée des tumeurs.

IV.Diagnostic des Tumeurs Cérébrales Imagerie et Histopathologie

Le diagnostic repose sur l'imagerie et l'examen histopathologique. La tomodensitométrie cérébrale (TDM) est souvent le premier examen, révélant l'existence de la tumeur, son effet de masse, et l'œdème. L'imagerie par résonance magnétique (IRM), incluant l'IRM fonctionnelle et l'IRM de diffusion, offre une analyse plus précise du volume tumoral, de son extension, et de son impact sur le parenchyme cérébral. L'IRM fonctionnelle permet de préserver les zones cérébrales essentielles pendant la chirurgie. L'IRM de diffusion localise les faisceaux de fibres de la substance blanche. L'examen histopathologique, incluant des techniques immunocytochimiques et la microscopie électronique, reste indispensable pour le diagnostic et le pronostic.

1. La Tomodensitométrie Cérébrale TDM

Le diagnostic des tumeurs cérébrales commence souvent par la tomodensitométrie cérébrale (TDM). C'est généralement le premier examen d'imagerie réalisé en cas de suspicion de pathologie tumorale intracrânienne. La TDM révèle la présence de la tumeur sous forme d'une anomalie de densité. Des signes indirects comme l'effet de masse et l'œdème péritumoral sont également visibles. L'injection d'un produit de contraste iodé peut améliorer la précision du diagnostic en rehaussant la densité de la tumeur. L'utilisation de fenêtres osseuses permet de visualiser les déformations de la voûte crânienne, indiquant une évolution lente de la tumeur. Avant l'injection du produit de contraste, la lésion apparaît le plus souvent hyperdense (60-75% des cas) ou isodense (25% des cas). Des calcifications intratumorales (20-25%) et un œdème associé (environ 60%) peuvent être observés. La nécrose hémorragique intratumorale est rare. La TDM fournit des informations essentielles sur le volume, l'extension, et l'œdème cérébral associé à la tumeur, guidant ainsi les étapes suivantes du diagnostic et du traitement des tumeurs cérébrales.

2. L Imagerie par Résonance Magnétique IRM

L'IRM est souvent l'examen de seconde intention après la TDM, offrant une analyse plus précise du volume tumoral et de son impact sur le parenchyme cérébral adjacent. Les séquences en T1, T2 (avec et sans injection de Gadolinium) et FLAIR sont couramment utilisées. Une prise de contraste après injection de Gadolinium indique une tumeur hypervascularisée (bas ou haut grade), une prolifération microcapillaire (haut grade), ou une rupture de la barrière hémato-encéphalique (principalement dans les tumeurs de haut grade, mais aussi certaines de bas grade). L'IRM fonctionnelle, non invasive et répétable, analyse dynamiquement le parenchyme cérébral normal et pathologique. Elle permet d'épargner les zones cérébrales essentielles lors de la résection chirurgicale. L'IRM de diffusion est une autre méthode d'imagerie fonctionnelle par IRM qui permet de localiser les faisceaux de fibres de la substance blanche, utile pour la planification pré-chirurgicale. Ces techniques d'imagerie cérébrale sont complémentaires et essentielles pour un diagnostic précis et une prise en charge optimale des tumeurs cérébrales.

3. L Étude Anatomo pathologique

L'examen histopathologique reste indispensable au diagnostic et à l'évaluation pronostique des tumeurs du système nerveux. Des techniques de microscopie optique de routine (colorations HE et trichrome de Masson) sont souvent suffisantes. Cependant, des techniques plus avancées, comme des colorations spéciales, des techniques immunocytochimiques (marqueurs de différenciation et de prolifération), et la microscopie électronique, peuvent être nécessaires pour une analyse plus approfondie. L'analyse histologique permet d'identifier le type de tumeur (méningiome, gliome, médulloblastome, etc.) et son degré de malignité. Cette analyse est donc critique pour établir le diagnostic définitif et guider les choix thérapeutiques, notamment la nécessité d'une intervention chirurgicale, la prescription d'une radiothérapie, et l'administration d'une chimiothérapie. L'étude anatomo-pathologique complète le diagnostic par l'imagerie médicale.

V.Traitement des Tumeurs Cérébrales Approches Chirurgicales Radiothérapiques et Chimiothérapiques

Le traitement des tumeurs cérébrales implique souvent une combinaison de chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie. La chirurgie, assistée par la neuronavigation, vise l'exérèse complète de la tumeur, mais comporte des risques de complications (hémorragie, infection). La radiothérapie, incluant la radiochirurgie, est utilisée pour détruire les cellules tumorales, avec une attention particulière à la gestion des effets secondaires. La chimiothérapie, avec des agents comme le PCV, le témozolomide, et la fotemustine, est employée selon le type de tumeur et son stade. La thérapie génique, bien que prometteuse, reste à un stade de développement précoce. L'évaluation du risque et du bénéfice de chaque approche est cruciale pour chaque patient.

1. La Chirurgie des Tumeurs Cérébrales

Le traitement chirurgical des tumeurs cérébrales vise l'exérèse complète et carcinologique de la tumeur, influençant directement la survie du patient, surtout pour les méningiomes, neurinomes, métastases solitaires, et tumeurs gliales. La chirurgie est souvent combinée à la radiothérapie et à la chimiothérapie. L'évaluation du bénéfice par rapport aux risques est cruciale. Pour les tumeurs sensibles à des traitements non chirurgicaux (germinomes, lymphomes), une biopsie suffit pour le diagnostic et guider le traitement. La neuronavigation, un outil interactif, assiste le chirurgien en indiquant la position de ses instruments par rapport à l'IRM préopératoire. Les risques opératoires, notamment les risques hémorragiques (pour les tumeurs richement vascularisées) et infectieux (infection superficielle, méningite, abcès), doivent être soigneusement évalués et des stratégies préventives mises en place. La taille, la localisation, la vascularisation, l'œdème, et l'effet de masse de la tumeur guident le choix de la stratégie chirurgicale et anesthésique. Pour les lésions profondes et de petite taille, la radiochirurgie peut être une alternative.

2. La Radiothérapie des Tumeurs Cérébrales

La radiothérapie joue un rôle majeur dans le traitement des tumeurs cérébrales malignes, bien que son efficacité varie selon le type de tumeur. L'efficacité de la radiothérapie dépend de la dose délivrée, du nombre de séances, et de l'étalement du traitement. Après chaque séance, quatre mécanismes interviennent : réparation des lésions subléthales, redistribution des cellules tumorales, réoxygénation des cellules hypoxiques, et repopulation cellulaire. L'intérêt de l'irradiation prophylactique encéphalique (cancer du poumon) ou craniospinale (tumeurs pinéales, épendymomes malins) reste à clarifier, nécessitant davantage d'études prospectives et randomisées. Des études rétrospectives, comme celle de Kreth (105) sur les glioblastomes, montrent une médiane de survie plus longue avec une chirurgie associée à la radiothérapie qu'avec la radiothérapie seule, mais sans différence significative pour le score de Karnofsky. Chandler (26) met en avant l'importance d'une résection tumorale large couplée à la radiothérapie et à la chimiothérapie pour améliorer le pronostic à long terme des glioblastomes.

3. La Chimiothérapie et la Thérapie Génique

La chimiothérapie est souvent utilisée en complément de la chirurgie et de la radiothérapie. Pour les tumeurs gliales de haut grade, la médiane de survie est d'environ 52 semaines, avec un taux de survie à 18 mois autour de 20%. La chimiothérapie peut être néo-adjuvante (avant d'autres traitements), adjuvante (après chirurgie ou radiothérapie), ou utilisée en cas de récidive. Les agents alkylants et méthylants sont les plus utilisés, mais le bénéfice de la polychimiothérapie par rapport à la monochimiothérapie n'est pas encore clairement établi. Des améliorations significatives de la survie ont été observées avec le PCV pour les oligodendrogliomes et les astrocytomes anaplasiques, et avec l'association fotemustine-cisplatine-étoposide pour les gliomes de haut grade non opérables. Le témozolomide et la fotemustine sont utilisés pour les récidives de glioblastomes. La thérapie génique, une approche plus récente, vise à introduire un transgène dans les cellules tumorales pour les détruire ou restaurer leur comportement normal. Bien que la faisabilité et la sécurité soient démontrées, son efficacité reste à prouver.