
Thèse sur l'Épidémiologie de l'Épilepsie à l'Hôpital de Jour Pédiatrique
Informations sur le document
Langue | French |
Format | |
Taille | 1.33 MB |
- Épidémiologie
- Épilepsie
- Pédiatrie
Résumé
I.Épidémiologie de l épilepsie de l enfant à Marrakech
Cette étude rétrospective, menée au service de Pédiatrie A du CHU Mohammed VI de Marrakech entre août 2003 et décembre 2007, a analysé l'épidémiologie de l'épilepsie de l'enfant sur un échantillon de 592 patients. L'objectif était de déterminer la prévalence et l'incidence de la maladie, d'identifier les principaux facteurs de risque, et d'évaluer l'impact sur la scolarité. La fréquence globale de l'épilepsie était de 8,5%. Des variations significatives dans l'incidence (50-70 cas/100 000 enfants/an dans la littérature, contre des chiffres différents à Marrakech) et la prévalence (3,6 à 6,8 pour 1000 enfants/an dans les pays industrialisés, comparés aux données de Marrakech) ont été observées. L'étude met en lumière la nécessité d'analyses épidémiologiques plus approfondies au niveau régional.
1. Contexte de l étude et méthodologie
L'étude, menée au service de Pédiatrie A du CHU Mohammed VI de Marrakech entre août 2003 et décembre 2007, est une étude rétrospective portant sur 592 enfants suivis pour épilepsie. Elle vise à décrire les caractéristiques épidémiologiques de l'épilepsie de l'enfant à Marrakech, à analyser ses facteurs de risque et à évaluer son impact sur la scolarité. La classification des syndromes épileptiques suit celle de la Ligue Internationale Contre l'Épilepsie (LICE) de 1989. L'étude a constaté une fréquence globale de l'épilepsie de 8,5% chez les enfants suivis. Il est important de noter que le nombre important d'enfants suivis en consultation de ville ou de neurologie adulte, ainsi que les cas d'état de mal épileptique hospitalisés en pédiatrie B avant la création du service de réanimation pédiatrique, limitent la précision des données sur l'incidence et la prévalence.
2. Enquêtes d incidence de l épilepsie
Le taux annuel moyen de nouveaux cas d'épilepsie (incidence) est estimé entre 50 et 70 cas pour 100 000 enfants par an selon la littérature [18]. Des études rétrospectives en France rapportent des taux d'incidence de 40,3 (Oise) et 42,7 (Haute-Normandie) [15]. Une étude américaine souligne une incidence trois fois plus élevée durant la première année de vie (150/100 000), diminuant ensuite progressivement. Une étude espagnole (Navarre) mentionne une incidence annuelle de 62,6 cas/100 000 enfants, avec un pic à 95,3/100 000 durant la première année de vie [20]. D'autres études rapportent des taux plus faibles (41-45/100 000 habitants/an) [15], tandis que les pays en développement montrent des valeurs plus élevées [24-26]. L'étude de Marrakech ne permet pas d'établir une incidence aussi précise en raison des limitations méthodologiques mentionnées précédemment.
3. Enquêtes de prévalence de l épilepsie
Des études dans les pays industrialisés rapportent une prévalence moyenne de 3,6 à 6,8 pour 1000 enfants par an [15]. Dans les pays en développement, les chiffres sont similaires ou plus élevés, allant de 3,4 à 10 pour 1000 [25, 31, 33], avec des cas exceptionnels atteignant 17 pour 1000 [26]. L'âge moyen de début des crises est variable selon les études: 4 ans (Sidenvall, Sillanpaa) [34, 36], 6,3 ans (Beilmann) [28], et 3,6 ans dans la série de Marrakech. Un retard de consultation considérable (2 ans et demi en moyenne) est observé à Marrakech, potentiellement dû à l'ignorance des parents et à des croyances spirituelles conduisant à consulter des « Fkih » au lieu de médecins. La prévalence précise à Marrakech nécessite une enquête épidémiologique plus approfondie compte tenu des limitations méthodologiques de l'étude.
4. Données démographiques et facteurs associés
La majorité des études montrent une prédominance masculine dans l’épilepsie [18], bien que Sidenvall ait observé une légère prédominance féminine en Suède [34, 41]. L'étude de Marrakech révèle une prédominance masculine (55,7%) avec un sex-ratio de 1,26, concordant avec la majorité des études [38-40, 43, 44]. La prédominance des enfants d'origine urbaine (67,4%) n'a pas de valeur épidémiologique, probablement due à un accès aux soins moindre en milieu rural. Plusieurs études discutent l'impact de facteurs comme les complications péri et néonatales (risque multiplié par 3,2 selon Daoud [50]), la consanguinité parentale, et des antécédents familiaux. L'étude de Marrakech note 21,1% de souffrance néonatale et 11,6% d'antécédents familiaux d'épilepsie, des chiffres à comparer aux données internationales.
II.Facteurs de Risque de l Épilepsie Infantile
L'analyse des facteurs de risque a révélé l'importance de la souffrance périnatale (21,1% des cas), des traumatismes crâniens (6,6%), des infections du SNC, et des convulsions fébriles. Ces facteurs semblent plus fréquents à Marrakech que dans les pays développés. La consanguinité parentale et l’origine géographique (prédominance urbaine) ont également été étudiées. L’impact de ces facteurs de risque sur l'incidence et la prévalence de l'épilepsie à Marrakech nécessite des recherches ultérieures.
1. Facteurs périnataux et néonataux
L'étude a identifié la souffrance périnatale comme un facteur de risque majeur de l'épilepsie infantile. Dans la série étudiée, 21,1% des enfants présentaient des antécédents de souffrance néonatale, un chiffre proche des 18% rapportés par une étude au CHU Ibn Rochd de Casablanca [17]. Daoud (2003) a démontré que les complications péri et néonatales multipliaient le risque d'épilepsie par 3,2 [50]. Une revue de la littérature sur l'épilepsie en Afrique subsaharienne estime que les causes périnatales sont majeures (1 à 36% des cas), en raison notamment de la fréquence des traumatismes obstétricaux et des naissances à domicile sans assistance qualifiée [51]. Cependant, Greenwood et al. (1998) ont montré que les conditions périnatales n'influençaient pas le développement des épilepsies idiopathiques dans une étude britannique [52]. La disparité des résultats souligne la complexité des interactions entre facteurs génétiques et environnementaux dans le développement de l'épilepsie.
2. Traumatismes crâniens
Les traumatismes crâniens constituent un autre facteur de risque significatif d'épilepsie. Dans la présente étude, 6,6% des enfants avaient des antécédents de traumatisme crânien. La littérature indique que le pourcentage d'épilepsies attribuables aux traumatismes crâniens varie entre 4 et 10% [18]. Une étude cas-témoin en Jordanie a montré qu'un enfant ayant subi un traumatisme crânien présentait un risque 4,6 fois plus élevé de développer une épilepsie [50]. Annegers et al. (2000) ont démontré que le risque diminuait après la première année, mais pouvait persister jusqu'à dix ans après le traumatisme [61]. Bonnier (2006) souligne que l'épilepsie post-traumatique suite à des accidents est souvent réfractaire au traitement (5 à 15% des cas) [62]. La prévention des traumatismes crâniens, notamment par des mesures éducatives et le respect du code de la route, est essentielle.
3. Infections du système nerveux central SNC
Les infections du SNC sont identifiées comme des facteurs épileptogènes. Le risque d'épilepsie séquellaire après une infection du SNC est estimé entre 1,6 et 6,3% dans des études africaines et asiatiques [18]. Les méningites et les encéphalites bactériennes, notamment celles à méningocoques, sont souvent associées à des crises d'épilepsie. M'bonda et al. (1995) ont observé 18% d'épilepsies séquellaires chez des enfants hospitalisés pour méningite bactérienne au Cameroun [63]. La méningite tuberculeuse peut également entraîner une épilepsie séquellaire dans 8 à 14% des cas [51]. La prévention et le traitement rapide des infections du SNC sont donc cruciaux pour réduire le risque d'épilepsie.
4. Facteurs génétiques et antécédents familiaux
La génétique joue un rôle important dans l'épileptogenèse. L'étude rapporte 11,6% de cas avec une histoire familiale de crises épileptiques, un chiffre comparable à celui d'une étude allemande (10%) [66], mais inférieur à d'autres études (19% à 49,6%) [65, 57, 30]. Une étude en Inde a montré une histoire familiale d'épilepsie chez 22,2% des sujets épileptiques contre 8,24% dans la population témoin [67]. La consanguinité parentale, bien que ne présentant pas de différence significative avec le groupe témoin dans une étude turque [57], est un facteur à considérer dans les pays où elle est fréquente. La compréhension des mécanismes génétiques est essentielle pour une meilleure prévention et une prise en charge plus personnalisée de l'épilepsie.
III.Profil Clinique et Types de Crises
L'étude a caractérisé le profil clinique des enfants épileptiques, notamment le type de crises. Une prédominance des crises généralisées (70,5%) a été observée, principalement de type tonico-clonique (64%), contrairement aux études dans les pays industrialisés qui rapportent plus de crises partielles. L'âge moyen de début des crises était de 3,6 ans. Des différences significatives avec les données de la littérature (âge de début des crises, type de crises) ont été constatées, soulignant la nécessité de prendre en compte le contexte socio-économique de Marrakech.
1. Type de crises et comparaison avec la littérature
L'étude a analysé le type de crises épileptiques chez les enfants. Une prédominance significative de crises généralisées (70,5%) a été observée, contrairement aux études menées dans les pays industrialisés qui rapportent généralement une prédominance de crises partielles. Parmi les crises généralisées, la forme tonico-clonique était la plus fréquente (64%), ce qui pourrait être expliqué par le caractère spectaculaire de ces crises facilitant leur identification par l'entourage. Ce résultat diffère de certaines études africaines qui rapportent des pourcentages plus élevés de crises tonico-cloniques (53% au Cameroun, 62% au Nigeria) [63, 71], et contraste avec les études occidentales, notamment une étude canadienne montrant une fréquence presque égale de crises partielles et généralisées [69]. La variabilité des résultats entre études est expliquée par les différences méthodologiques et les difficultés liées à l'application des classifications, ainsi que par les contextes socio-économiques différents. L'étude souligne la nécessité de prendre en compte ces nuances lors de l'interprétation des données.
2. Âge de début des crises et délais de consultation
L'âge moyen de début des crises dans cette étude était de 3,6 ans, un chiffre inférieur à celui rapporté par d'autres études. Sidenvall et Sillanpaa ont trouvé un âge moyen de 4 ans [34, 36], tandis que Beilmann a rapporté un âge plus élevé de 6,3 ans [28]. La concordance avec les résultats d'une étude chinoise (Kwong, 2001) est observée, mais des différences significatives apparaissent au niveau des tranches d'âge. Un retard de consultation considérable de 2 ans et demi en moyenne a été constaté, imputable notamment à l'ignorance des parents et à leurs croyances spirituelles, les conduisant à consulter des « Fkih » au lieu de professionnels de santé. Ce constat souligne l'impact des facteurs socioculturels sur l'accès aux soins et la prise en charge précoce de l'épilepsie.
3. Sexe et origine géographique
L'étude révèle une prédominance masculine (55,7%) avec un sex-ratio de 1,26, ce qui est en accord avec la majorité des études épidémiologiques [38-40, 43, 44]. Cependant, certaines études, notamment en Suède, ont observé une légère prédominance féminine [34, 41]. Gissler (1999) a démontré une prédominance masculine dans de nombreux problèmes de santé infantile, y compris les troubles neurologiques [42]. Une prédominance d'enfants d'origine urbaine (67,4%) a été constatée, mais cette donnée n'a pas de valeur épidémiologique significative, probablement en raison d'un moindre recours aux soins en milieu rural du fait de l'inaccessibilité géographique aux structures sanitaires et des différences socioculturelles. Une enquête épidémiologique plus approfondie est proposée pour mieux évaluer l'influence de l'origine géographique.
4. Pathologies associées
L'étude a examiné la présence de pathologies associées à l'épilepsie. 38,4% des enfants présentaient une pathologie supplémentaire, un taux comparable à celui trouvé par Beilmann et al. (47,6%) [28]. L'incidence de l'épilepsie chez les enfants atteints d'infirmité motrice cérébrale (IMC) a été étudiée, montrant une fréquence variable selon les études : 36,9% au Nigeria [83], 39,5% dans une étude précédente à Marrakech [84], et 18,6% dans la présente étude. La littérature rapporte des pourcentages allant de 16,2% à 21,2% [38, 34, 28]. L'analyse des problèmes de santé associés à l'épilepsie est essentielle pour une prise en charge globale de l'enfant, comprenant son éducation spécialisée et son intégration sociale.
IV.Traitement et Pharmaco résistance
L'acide valproïque (VPA) était l'antiépileptique le plus utilisé (82%), souvent en polythérapie. Le phénobarbital représentait une alternative plus abordable. Le taux de pharmacorésistance était de 10,3%, un chiffre à comparer aux données de la littérature (13 à 17%). La gestion de l'état de mal épileptique et l'importance de la psychothérapie dans la prise en charge globale ont également été abordées. Les stratégies de traitement, incluant la monothérapie, la polythérapie et l'optimisation du traitement, ont été discutées en relation avec la pharmacorésistance.
1. Médicaments antiépileptiques utilisés
L'acide valproïque (VPA) était l'antiépileptique le plus utilisé dans cette étude (82%), administré en monothérapie, bithérapie ou trithérapie. Ce choix est cohérent avec les données de la littérature. Le phénobarbital constituait une alternative importante, notamment en raison de son coût plus accessible que le VPA, ce qui est pertinent dans le contexte socio-économique de la région. Son utilisation était fréquente (14,3%) en mono, bi et trithérapie, particulièrement dans les cas d'état de mal épileptique ou d'épilepsie associée à une infirmité motrice cérébrale (IMC). La phénytoïne, bien que toujours utilisée dans certaines situations d'urgence, n'est plus commercialisée au Maroc. D'autres benzodiazépines, comme le clobazam, sont utilisées, surtout en association, dans les épilepsies résistantes au traitement. Le choix des antiépileptiques reflète les contraintes économiques et la disponibilité des médicaments dans le milieu étudié.
2. Stratégies de traitement et pharmaco résistance
En cas d'échec de la monothérapie initiale, trois stratégies sont envisagées : la monothérapie de substitution (arrêt du traitement précédent au profit d'une nouvelle molécule), la polythérapie (association d'au moins deux antiépileptiques), et l'optimisation du traitement en cours (ajustement de la posologie ou arrêt d'un médicament). La pharmaco-résistance, définie comme un échec répété à plusieurs monothérapies ou associations après élimination d'une pseudo-résistance, est un problème significatif. Le taux de pharmaco-résistance dans cette étude était de 10,3%, un chiffre comparable à celui de la littérature (13 à 17%) [18], mais inférieur au taux élevé rapporté par Waaler (40,4%) [38]. Les causes de la pseudo-résistance sont liées à la pathologie (erreur diagnostique, complexité du syndrome) ou au traitement (mauvais choix du médicament, dose insuffisante, interactions médicamenteuses, intolérance, inobservance). La gestion de la pharmaco-résistance nécessite une évaluation minutieuse et une adaptation du traitement.
3. Etat de mal épileptique et psychothérapie
L'état de mal épileptique, une urgence neurologique, est observé chez 6,7% des enfants de la série, un taux inférieur aux estimations de la littérature (1,3 à 16%) [18], mais supérieur à celui de l'étude de Kwong (12%) [40]. La prise en charge psychologique et sociale est essentielle pour le patient et sa famille. Les conséquences sociales de l'épilepsie varient selon les cultures, mais sont souvent plus difficiles à gérer que les crises elles-mêmes. La psychothérapie aide les patients à s'adapter à leur maladie et à leur place dans une société parfois peu indulgente, contribuant à prévenir l'isolement et la dévalorisation. Cette dimension psychosociale est un élément crucial de la prise en charge globale de l'épilepsie infantile.
V.Conclusion et Implications pour la Prévention
L'étude souligne l'importance des facteurs de risque spécifiques au contexte de Marrakech dans le développement de l'épilepsie de l'enfant. Les résultats suggèrent des axes prioritaires pour la prévention, notamment la réduction de la souffrance périnatale, la prévention des traumatismes crâniens, et l’amélioration de l'accès aux soins. Cette recherche contribue à une meilleure compréhension de l'épidémiologie de l'épilepsie chez l’enfant au Maroc et informe les stratégies de prévention et de prise en charge.
1. Synthèse des résultats et comparaison avec la littérature
L'étude conclut que l'épilepsie infantile, une maladie fréquente, présente des caractéristiques épidémiologiques spécifiques au contexte marocain, notamment à Marrakech. Les résultats, bien que limités par certaines contraintes méthodologiques, mettent en lumière des taux d'incidence et de prévalence qui diffèrent de ceux observés dans les pays développés. La prédominance des crises généralisées, l'âge moyen de début des crises et la fréquence de certains facteurs de risque (souffrance périnatale, traumatismes crâniens, etc.) nécessitent une analyse comparative approfondie avec les données internationales. Le taux de pharmaco-résistance observé (10,3%) est comparable à la fourchette rapportée dans la littérature, soulignant la complexité de la prise en charge thérapeutique. Les différences observées entre les résultats de Marrakech et les données internationales soulignent l'importance de la prise en compte du contexte socio-économique et culturel dans l'étude de l'épilepsie infantile.
2. Implications pour la prévention et les recherches futures
Les résultats de cette étude ont des implications importantes pour la prévention de l'épilepsie infantile au Maroc, notamment à Marrakech. L'identification de facteurs de risque spécifiques à ce contexte, tels que la souffrance périnatale, les traumatismes crâniens et les infections du système nerveux central (SNC), met en évidence les axes prioritaires d'intervention. La réduction de la souffrance périnatale par une surveillance adéquate des grossesses et des accouchements dans des structures médicalisées est essentielle. La prévention des traumatismes crâniens par des mesures éducatives (respect du code de la route, sécurisation des environnements domestiques) est également cruciale. Enfin, une meilleure prévention et un traitement rapide des infections du SNC sont nécessaires. Cette étude appelle à de futures recherches pour affiner l'analyse épidémiologique et comprendre davantage les interactions complexes entre les facteurs génétiques et environnementaux dans le développement de l'épilepsie infantile au Maroc. Ces recherches contribueront à développer des stratégies de prévention et de prise en charge plus efficaces.