Thèse sur l'Épidémiologie du Goitre Endémique dans les Régions de Marrakech-Tensift Al Haouz et Tadla Azilal

Thèse sur l'Épidémiologie du Goitre Endémique dans les Régions de Marrakech-Tensift Al Haouz et Tadla Azilal

Informations sur le document

Auteur

Mme. Hasna Araba

École

Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech

Spécialité Médecine
Lieu Marrakech
Type de document Thèse
Langue French
Format | PDF
Taille 3.03 MB
  • Épidémiologie
  • Goitre endémique
  • Médecine

Résumé

I.Prévalence et Sévérité du Goitre Endémique au Maroc

Cette étude épidémiologique a évalué la prévalence et la sévérité du goitre endémique dans les régions de Marrakech Tensift Alhaouz et Tadla Azilal au Maroc, 13 ans après l'introduction du sel iodé. Alhaouz présentait une endémie goitreuse modérée, tandis qu'Azilal était une zone d'endémie sévère. L'étude a porté sur 657 enfants à Alhaouz (caravane médicale, août 2005) et 700 enfants à Azilal (échantillon aléatoire, octobre-décembre 2008). Le goitre nodulaire était présent chez 1,67% à Alhaouz et 1,7% à Azilal. Des cas d'hypothyroïdie et d'hyperthyroïdie ont également été observés.

1. Méthodologie de l étude et zones d étude

L'étude sur la prévalence et la sévérité du goitre endémique a été menée dans deux régions du Maroc : Marrakech Tensift Alhaouz et Tadla Azilal. A Alhaouz, une caravane médicale a examiné 657 enfants entre le 22 et le 26 août 2005. La province d'Alhaouz couvre une superficie de 6612 km² et comptait 484 312 habitants en 2004, son économie reposant sur l'agriculture et le tourisme. A Azilal, une enquête a été réalisée auprès d'un échantillon accidentel de 700 écoliers entre le 27 octobre et le 2 décembre 2008. L'objectif principal était d'évaluer la prévalence et la sévérité du goitre 13 ans après l'introduction du sel iodé sur le marché marocain. La méthode d'évaluation du goitre comprenait la palpation, avec des limitations en termes de sensibilité et de spécificité, notamment pour les goitres de grade I. Pour le sel iodé, les enfants étaient interrogés sur son utilisation et le symbole du soleil sur l'emballage. La consommation de poisson de mer était également étudiée, définie comme au moins deux repas par semaine.

2. Résultats Prévalence et Sévérité du Goitre

Les résultats ont montré que Alhaouz présentait une endémie goitreuse modérée, tandis qu'Azilal était une zone d'endémie sévère. La prévalence du goitre nodulaire était faible, à 1,67% à Alhaouz et 1,7% à Azilal. La classification du goitre selon les grades de l'OMS (I, II, III) a été utilisée. A Alhaouz, le goitre de grade I représentait 20%, le grade II présentait une prévalence similaire à Azilal, et aucun cas de grade III n'a été observé. À Azilal, le goitre de grade I représentait 30%. L'étude a également noté une régression significative de la prévalence du goitre de grade II à Azilal (de 8,67% à 6%) par rapport à une enquête antérieure de 1990, illustrant un impact potentiel de l'introduction du sel iodé. Cependant, la prévalence du goitre visible restait plus élevée que celle observée dans l'enquête nationale de 1993 (1,7%). L'hypertrophie thyroïdienne était proportionnelle à la sévérité de la carence iodée. La prévalence du goitre observée dans cette étude est comparée aux données d'enquêtes nationales précédentes ainsi qu'à des études réalisées dans d'autres régions du Maroc et à l'international.

3. Résultats Aspects Cliniques et Fonctionnels

L'étude clinique de la fonction thyroïdienne a révélé une hypothyroïdie clinique chez 9,92% de la population goitreuse à Azilal. Des signes d'hyperthyroïdie ont été observés chez 6,3% des goitreux à Alhaouz et 5,15% à Azilal. Dans les deux provinces, 38,5% des enfants goitreux à Alhaouz et seulement 6,32% à Azilal ont présenté des signes cliniques de compression thyroïdienne (principalement respiratoire et digestive). Ces résultats suggèrent une différence dans la sévérité de la compression thyroïdienne entre les deux régions. Une analyse supplémentaire porte sur la prévalence du goitre en fonction du sexe, révélant une prédominance féminine, plus marquée à Azilal (différence significative, X²= 4,674, p=0,02). L'augmentation progressive de la prévalence du goitre en fonction de l'âge a également été observée, notamment à Azilal. A Alhaouz, bien qu’une augmentation de la prévalence avec l’âge soit observée, l’analyse en fonction de l’âge n’a pas été effectuée en raison de la composition de l'échantillon (caravane destinée principalement aux enfants).

II.Facteurs Socio épidémiologiques du Goitre Endémique

L'analyse socio-épidémiologique a révélé une légère prédominance féminine parmi les enfants atteints de goitre, ainsi qu'une augmentation de la prévalence avec l'âge. À Azilal, la prévalence du goitre était significativement plus élevée en milieu rural (39,74%) qu'en milieu urbain (24,72%). Seulement 54,57% des enfants à Azilal consommaient du sel iodé, loin des recommandations de l'OMS (>90%). La consommation régulière de poisson marin était également faible (42,47%). Ces données suggèrent un lien entre la consommation de sel iodé, l'apport en iode, et la prévalence du goitre.

1. Prédominance Sexuelle et Facteur Âge

L'étude a révélé une légère prédominance féminine parmi les enfants atteints de goitre. A Azilal, cette différence était statistiquement significative (X²= 4.674, p=0.02), avec 39.48% de filles touchées contre 31.6% de garçons. La prévalence du goitre de stade II était également plus élevée chez les filles (8.20% vs 3.22%). À Alhaouz, bien que les données ne permettent pas une analyse statistique formelle du facteur sexe, une prédominance féminine a été observée au sein de la population goitreuse. Une corrélation positive entre l'âge et la prévalence du goitre a été mise en évidence. A Azilal, la prévalence a augmenté de manière progressive avec l'âge : 28.5% chez les 6-8 ans, 35.5% chez les 8-10 ans, et 43.93% chez les 10-12 ans. A Alhaouz, sans analyse statistique formelle selon l'âge, une augmentation du pourcentage avec l'âge a été observée, même si le faible nombre de sujets de plus de 16 ans (5.8%) dans l'échantillon est un facteur limitant l'interprétation. Ces observations concordent généralement avec les données de la littérature qui rapportent une augmentation de la prévalence du goitre avec l’âge et une légère prédominance féminine, notamment chez les populations en âge de puberté.

2. Milieu de Résidence Rural vs Urbain

L'analyse de la prévalence du goitre en fonction du milieu de résidence a montré une différence significative à Azilal (X²=12.805, p=0.001). La prévalence était plus importante en milieu rural (39.74%) qu'en milieu urbain (24.72%), où seulement six cas de goitre visible ont été observés. À Alhaouz, cette comparaison n'a pu être effectuée car toute la population étudiée vivait en milieu rural. Ces résultats contrastent avec ceux de l'enquête nationale sur les TDCI de 1993, qui montrait une prévalence plus élevée en milieu urbain (24.5%) qu'en milieu rural (19.4%). Cette différence a été expliquée par l'exode rural de familles ayant auparavant vécu dans des régions carencées. Ces données suggèrent un lien entre le milieu de résidence et l'accès aux apports en iode.

3. Consommation de Sel Iodé et de Poisson

L'étude a exploré le rôle de l'alimentation dans l'épidémiologie du goitre endémique, en se concentrant sur la consommation de sel iodé et de poisson marin. A Azilal, seulement 54,57% des enfants utilisaient du sel iodé à domicile, un taux inférieur aux recommandations de l'OMS (>90%). L'analyse statistique a démontré une corrélation significative entre la non-consommation de sel iodé et une prévalence du goitre plus élevée de 43% (X²=12.68, p<0.001, RP=1.43). Concernant la consommation de poisson marin, seulement 42.47% des enfants à Azilal en consommaient régulièrement. La prévalence du goitre était inférieure de 31% chez les consommateurs réguliers de poisson (X²=7.036, p<0.01, RP=1.31), confirmant le rôle de l'apport en iode dans la prévention du goitre. La province d’Azilal, étant une zone montagneuse éloignée de l'océan, explique la faible consommation de poisson. La consommation de sel iodé est donc un facteur crucial à prendre en compte dans la prévention de cette pathologie.

III.Conséquences et Traitement du Goitre Endémique et des Troubles dus à la Carence Iodée TDCI

Les conséquences de la carence en iode incluent le goitre et les TDCI. Dans cette étude, 38,5% des enfants goitreux à Alhaouz et 6,74% à Azilal présentaient des signes cliniques de compression (respiratoire et digestive). Le traitement individuel du goitre ne diffère pas de celui d'un goitre sporadique. Cependant, la prévention par l'iodation universelle du sel est la stratégie la plus efficace pour contrôler les TDCI et réduire la prévalence du goitre. Malgré l'introduction du sel iodé au Maroc, des défis persistent, notamment une faible couverture de la consommation du sel iodé et un accès limité à des aliments riches en iode dans les régions rurales.

1. Signes Cliniques de Compression Thyroïdienne

Une proportion significative d'enfants goitreux présentaient des signes cliniques de compression thyroïdienne. À Alhaouz, 38,5% des enfants goitreux ont présenté des symptômes de compression, contre seulement 6,32% à Azilal. Cette différence importante entre les deux régions pourrait s'expliquer par la méthodologie utilisée, basée principalement sur l'interrogatoire et susceptible de présenter des biais. La symptomatologie était principalement respiratoire et digestive. L'écart significatif entre les deux prévalences souligne la nécessité d'investigations plus approfondies pour comprendre les facteurs contribuant à cette variation géographique des manifestations cliniques de la compression thyroïdienne liée au goitre.

2. Troubles dus à la Carence Iodée TDCI Hypothyroïdie et Hyperthyroïdie

L'étude a révélé la présence de troubles dus à la carence iodée (TDCI), notamment l'hypothyroïdie et l'hyperthyroïdie. Une hypothyroïdie clinique a été diagnostiquée chez 9,92% des individus goitreux à Azilal. Des signes d'hyperthyroïdie ont été observés chez 6,3% des goitreux à Alhaouz et 5,15% à Azilal. La présence d'hyperthyroïdie dans une zone de carence iodée peut être liée à l'évolution naturelle du goitre vers la formation de nodules toxiques, processus accéléré en zone de déficience iodée. L'hyperthyroïdie induite par l'iode, suite à un apport soudain et important d'iode, est également mentionnée comme une possibilité, ainsi que l'hypothyroïdie induite par l'iode, favorisée par un apport journalier élevé. L'étude souligne la complexité des manifestations cliniques liées à la carence iodée et l'importance de considérer ces différents aspects dans l'approche diagnostique et thérapeutique.

3. Traitement et Prévention du Goitre Endémique

Le traitement du goitre dans une zone d'endémie ne diffère pas de celui d'un goitre sporadique au niveau individuel. Cependant, la prévention de la carence en iode au niveau communautaire est nettement préférable au traitement individuel de chaque cas. La suppléance iodée, par l'enrichissement en iode d'un vecteur alimentaire (comme le sel iodé), est la meilleure stratégie de lutte contre le goitre endémique et les TDCI. Dans certaines régions isolées ou avec une production de sel décentralisée, l'huile iodée peut être une solution alternative, administrée par voie orale ou intramusculaire. L'efficacité de la suppléance iodée est soutenue par plusieurs études, notamment en Côte d'Ivoire où l'iodation universelle du sel a réduit la prévalence du goitre. Le document souligne l'importance d'une approche préventive à large échelle pour lutter efficacement contre le goitre endémique.

IV.Statut du Programme d Iodation du Sel au Maroc

Le Maroc a adopté l'iodation universelle du sel en 1995 (décret n° 2-95-709), amendé en 2008. Cependant, en 2005, seulement 60% des ménages utilisaient du sel iodé, et ce chiffre est descendu à 54,57% lors de la présente étude. Le faible taux d'utilisation est attribuable à une communication insuffisante et à un prix du sel iodé supérieur à celui du sel ordinaire. L'étude met en évidence la nécessité d'améliorer la sensibilisation de la population à l'importance de l'iode et de garantir l'accessibilité du sel iodé.

1. Adoption et Amendements du Programme d Iodation Universelle du Sel

Le Maroc a officiellement adopté le programme d'iodation universelle du sel par décret royal n° 2-95-709 du 12 décembre 1995. Ce décret visait à lutter contre la carence en iode et les troubles qui en résultent. En 2008, une modification de ce décret a été mise en place pour supprimer le sel non iodé du marché et pour harmoniser les normes nationales avec les normes régionales, fixant le taux d'iode à 30 mg/kg de sel. Ces mesures montrent une volonté politique de combattre la carence iodée à travers une approche de santé publique basée sur l'enrichissement du sel de table. L'efficacité de cette mesure à grande échelle reste cependant à évaluer, étant donné la persistance de la prévalence du goitre dans certaines régions.

2. Taux d Utilisation du Sel Iodé et Facteurs Limitants

Malgré l'adoption du programme d'iodation universelle du sel, le taux d'utilisation du sel iodé reste inférieur aux objectifs fixés par l'OMS. Un sondage de 2005 indiquait que 60% des ménages utilisaient du sel iodé. Cette étude actuelle révèle un taux de 54,57%, un chiffre loin de l'objectif de l'OMS (>90%). Plusieurs facteurs contribuent à cette faible adoption : une insuffisance de communication et d'éducation sanitaire auprès de la population concernant l'importance de l'iode; le prix plus élevé du sel iodé par rapport au sel ordinaire, toujours disponible sur le marché, constitue un obstacle majeur pour certaines populations, notamment les plus défavorisées. La persistance de foyers de production traditionnelle du sel contribue également à cette situation, car le sel non iodé demeure une alternative facilement accessible.

3. Comparaison Internationale des Taux d Utilisation du Sel Iodé

Le document compare le taux d'utilisation du sel iodé au Maroc avec celui d'autres pays. Au Danemark, 55% des ménages utilisaient du sel iodé selon une étude de Wiersinga (22). Au Lesotho, 94,4% des enfants utilisaient du sel iodé (Sebosta, 25). En Tanzanie, ce taux était de 30% (47), et en Ouganda, de 63,8% (40). Ces données soulignent la grande variabilité des taux d'utilisation du sel iodé à travers le monde et mettent en perspective les efforts du Maroc dans la lutte contre la carence en iode. Les différences observées entre ces pays peuvent être attribuées à plusieurs facteurs, tels que les politiques sanitaires mises en œuvre, les niveaux de sensibilisation de la population, l'accessibilité du sel iodé, et les infrastructures de distribution.