
Thèse sur les Manifestations Dermatologiques du Lupus
Informations sur le document
Auteur | Khalid Jebhi |
instructor/editor | S. El Hassani, Professeur de Rhumatologie |
École | Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech |
Spécialité | Médecine |
Type de document | thèse |
Lieu | Marrakech |
Langue | French |
Format | |
Taille | 2.04 MB |
- Lupus
- Dermatologie
- Médecine
Résumé
I.Épidémiologie et Profil des Patients Atteints de Lupus Érythémateux
Une étude rétrospective de 44 cas de lupus érythémateux (LE) au CHU Mohammed VI de Marrakech (Maroc) sur 5 ans (mai 2002 - mai 2007) a révélé une prédominance féminine marquée (89%). L'âge moyen des patients était de 38,64 ans. Les formes de lupus cutané étaient dominantes: lupus érythémateux chronique (LEC) (68%), lupus érythémateux subaigu (LESA) (16%), lupus érythémateux aigu (LEA) (11%), et lupus bulleux (5%). Le lupus systémique était présent dans 30% des cas. Ces résultats soulignent la fréquence du LEC au Maroc et la nécessité de recherches complémentaires sur la prévalence du LE dans cette région.
1. Cadre de l étude et population étudiée
Cette étude rétrospective, menée au service de dermatologie du CHU Mohammed VI de Marrakech, a porté sur 44 cas de lupus érythémateux colligés sur une période de cinq ans, de mai 2002 à mai 2007. L'âge des patients variait de 5 à 80 ans, avec une moyenne d'âge de 38,64 ans. Une nette prédominance féminine a été observée, avec 89% de femmes. Il est important de noter que l'étude se concentre sur le CHU Mohammed VI à Marrakech, et ne reflète donc pas nécessairement la prévalence nationale du lupus érythémateux au Maroc. L'absence d'études épidémiologiques préalables concernant la prévalence du lupus érythémateux chronique (LEC) au Maroc est soulignée, rendant cette étude particulièrement pertinente pour combler ce manque de données. Une autre étude mentionnée, celle du service de dermatologie du CHU Ibn Rochd, avait rapporté une prévalence du LEC de 84%, suggérant une forte prévalence de cette forme de lupus dans les services de dermatologie marocains. La comparaison entre les résultats de ces deux études permettrait une meilleure compréhension de la répartition géographique et des facteurs contributifs de cette maladie au Maroc. La taille relativement importante de l'échantillon (44 patients) apporte une certaine robustesse à l'étude, bien qu'une étude à plus grande échelle serait souhaitable pour une généralisation plus fiable des résultats.
2. Types de Lupus Érythémateux Diagnostiqués
L'étude a mis en évidence une diversité de types de lupus érythémateux. La forme la plus fréquente était le lupus érythémateux chronique (LEC), représentant 68% des cas. Le lupus érythémateux subaigu (LESA) a été diagnostiqué chez 16% des patients, suivi du lupus érythémateux aigu (LEA) à 11%, et enfin le lupus bulleux à 5%. Cette distribution des différents types de lupus érythémateux souligne la complexité de la maladie et l'importance de distinguer ces formes cliniques pour adapter le traitement. L'étude précise que le lupus systémique était associé à ces différentes manifestations cutanées dans 30% des cas. Il est important de noter que les formes de lupus tumidus, profond et à type d'engelures, rarement rapportées dans la littérature, n'ont pas été largement représentées dans cette étude. Cela pourrait être lié à une sous-représentation de ces formes spécifiques au sein de la population étudiée, ou à des difficultés diagnostiques. Des études complémentaires seraient nécessaires pour mieux comprendre l'incidence de ces formes plus rares de lupus érythémateux au Maroc. La prévalence de chacun de ces sous-types fournit des données précieuses pour la planification des soins de santé et la sensibilisation à cette pathologie.
3. Analyse des données et perte de suivi
Sur les 30 patients initialement inclus dans une partie de l’étude, 8 ont été perdus de vue, soit 27% des cas. Les 22 patients restants ont été suivis en consultation pendant une durée moyenne de 10 mois. Parmi ces 22 patients, 10 (45%) ont présenté une rémission complète suite au traitement, tandis que 8 (36%) ont montré une rémission incomplète, avec une persistance de lésions. Parmi ces derniers, 7 étaient atteints de lupus discoïde et 1 de lupus tumidus. Quatre patients ont connu une rechute, tous atteints de lupus discoïde. Ce taux de perte de suivi significatif (27%) souligne une limitation méthodologique de l'étude et met en perspective la fiabilité des conclusions. La différence entre les patients perdus de vue et ceux suivis régulièrement pourrait refléter des différences en termes de gravité de la maladie, d'accès aux soins, ou de facteurs socio-économiques, des points qui mériteraient une analyse plus approfondie. L'analyse des résultats se base donc sur un échantillon réduit et peut ne pas représenter fidèlement la réalité de l'évolution de la maladie chez tous les patients initialement diagnostiqués. L’information concernant la rémission complète ou incomplète et les rechutes offre des données précieuses sur l’efficacité des traitements et sur l’évolution naturelle de la maladie.
II.Manifestations Cliniques du Lupus Cutané
Les manifestations dermatologiques étaient variées, incluant des plaques érythémato-squameuses (lupus discoïde), des lésions annulaires, une photosensibilité, et des atteintes unguéales. Des manifestations muqueuses (buccales principalement) étaient présentes dans 15% des cas. Une évolution vers un carcinome spinocellulaire est une complication potentielle, soulignant l'importance d'un suivi régulier. La présence de Raynaud (11%) et de livedo (2%) était notée, majoritairement associé au lupus cutané.
1. Lésions cutanées et photosensibilité
L'étude rapporte une variété de manifestations cutanées liées au lupus érythémateux. La photosensibilité, un symptôme clé, est mentionnée comme étant présente chez de nombreux patients, bien que sa fréquence exacte soit difficile à évaluer en raison de la fiabilité variable des données d'interrogatoire. Le lupus discoïde, une forme caractéristique de lésions cutanées rondes et érythémato-squameuses, est fréquemment cité. L'évolution de ces lésions est décrite comme une extension progressive à la périphérie, avec une atrophie centrale. Les lésions initiales sont décrites comme érythémato-papuleuses, parfois purpuriques ou œdémateuses, recouvertes de squames adhérentes. La bordure des plaques est souvent hyperpigmentée, tandis que leur centre est hypochromique. L'atteinte du cuir chevelu peut laisser des cicatrices définitives. L'atteinte unguéale, source de dystrophies pseudolichéniennes, est moins courante. La description précise de ces lésions est essentielle à la reconnaissance du lupus érythémateux et au diagnostic différentiel avec d'autres affections dermatologiques. L'importance de la description des lésions est soulignée par le rappel historique de Cazenave et l'introduction de la terminologie «lupus érythémateux» en 1851. Cette précision terminologique reflète l'évolution de la compréhension de la maladie et sa classification.
2. Atteintes muqueuses et complications
Des lésions muqueuses, principalement buccales, ont été observées chez 15% des patients de la série. Ces lésions sont décrites comme érythémateuses ou érosives, parfois comparées à des «rayons de miel». Les lèvres, l'intérieur des joues et le palais sont les zones les plus touchées, avec une chéilite érosive notée dans 15% des cas. L'atteinte de la langue est plus rare, de même que l'atteinte d'autres muqueuses (conjonctivales, nasale ou génitale). L'étude souligne le risque important de développement d'un carcinome spinocellulaire à partir de lésions de lupus érythémateux chronique (LEC), une complication grave mentionnée par de nombreux auteurs depuis des descriptions initiales en 1886. Le premier cas marocain de cette association morbide a été décrit en 1989, soulignant la pertinence de ce risque au Maroc. Une étude sénégalaise rapportant 7,5% de cancer cutané sur lésions de LEC renforce l'importance de la surveillance de ces patients pour la détection précoce de cette complication cancéreuse. La surveillance régulière pour prévenir cette complication cancéreuse est essentielle, justifiant un suivi dermatologique attentif et prolongé des patients atteints de lupus érythémateux chronique.
3. Manifestations vasculaires et autres lésions
L'étude a également relevé des manifestations vasculaires chez certains patients. Le syndrome de Raynaud était présent dans 11% des cas (5 patients), souvent associé à un lupus cutané. Un livedo a été observé dans un seul cas (2%). Le lien significatif entre le livedo et la présence d'anticorps antiphospholipides est mentionné. D'autres manifestations dermatologiques moins fréquentes sont citées, telles que les ulcères de jambes (3% des cas de lupus systémique), souvent liés à une vasculite ou une thrombose cutanée. L’alopécie, une chute de cheveux diffuse, est décrite comme une manifestation fréquente, tandis que d'autres lésions comme le lupus bulleux, la mucinose ou la pustulose amicrobienne sont mentionnées comme étant plus rares. La présence de ces manifestations vasculaires souligne la complexité du lupus érythémateux, nécessitant une approche diagnostique multidisciplinaire pour identifier et traiter efficacement l’ensemble des manifestations de la maladie. Le diagnostic différentiel avec d'autres affections dermatologiques est important et nécessite une attention clinique particulière afin d'éviter des erreurs de diagnostic.
III.Manifestations Biologiques et Histologiques du Lupus
Des anomalies hématologiques (59% des cas), une vitesse de sédimentation accélérée (77%), et une atteinte rénale (9%) ont été observées. Les anticorps antinucléaires étaient positifs chez 40% des patients. L'étude histologique, concluante dans 64% des cas, a révélé des anomalies telles que la kératine orthokératosique, la parakératose, et l'atrophie épidermique, des éléments importants dans le diagnostic différentiel du LE.
1. Anomalies biologiques et immunologiques
L'étude a révélé des anomalies biologiques significatives chez une proportion importante des patients. Des complications hématologiques ont été observées chez 59% des patients, soulignant l'impact du lupus érythémateux sur le système hématopoïétique. Une vitesse de sédimentation accélérée a été constatée chez 77% des patients, un marqueur inflammatoire non spécifique mais souvent présent dans les maladies auto-immunes. L'atteinte rénale, une complication grave du lupus, a été notée chez 9% des patients. De plus, les anticorps antinucléaires (ANA), marqueurs importants du lupus érythémateux, se sont avérés positifs dans 40% des cas. Ces données biologiques mettent en évidence la systématisation potentielle du lupus, même en présence de manifestations cutanées prédominantes. La présence d'anomalies hématologiques et la positivité des ANA apportent un support au diagnostic de lupus et aident à évaluer l'activité de la maladie. L'identification d'une atteinte rénale nécessite une prise en charge spécialisée et un suivi régulier pour prévenir l'évolution vers une insuffisance rénale. La variation dans les taux de positivité des ANA suggère une hétérogénéité dans la présentation de la maladie, nécessitant une approche diagnostique personnalisée.
2. Résultats de l étude histologique
Des biopsies cutanées ont été réalisées chez 6 patients, se révélant concluantes dans tous les cas. L'étude histologique a révélé plusieurs anomalies fréquentes dans le lupus érythémateux. Une kératose orthokératosique et une parakératose ont été observées dans 33% des cas chacune. Un épiderme atrophique était présent dans 50% des cas, témoignant d'une destruction progressive de l'épiderme. Des bouchons cornés ont été observés dans 67% des cas, ainsi qu'un infiltrat inflammatoire périvasculaire dans la même proportion. Une vacuolisation de la couche basale a été constatée dans 100% des cas. Ces résultats histologiques contribuent au diagnostic et à la caractérisation des lésions de lupus érythémateux. La présence de ces anomalies histologiques corrobore le diagnostic clinique, et permet une évaluation plus précise de la nature et de la sévérité des lésions. L'étude histologique joue un rôle crucial dans le diagnostic différentiel avec d'autres dermatoses inflammatoires. Dans un cas, un diagnostic clinico-immunologique a été établi sur la base de lésions annulaires et la présence d'anticorps anti-SSA, illustrant la complémentarité de l'examen clinique et des analyses immunologiques dans la caractérisation du lupus.
IV.Traitement et Évolution du Lupus Érythémateux
Les antipaludéens de synthèse (comme l'hydroxychloroquine) constituaient le traitement de première intention. Une rémission complète a été obtenue dans 53% des cas. La corticothérapie était utilisée pour les formes viscérales plus graves. D'autres traitements, tels que la dapsone et la salazopyrine, ont été mentionnés, mais avec des effets secondaires potentiels importants. L'évolution du LE est imprévisible, avec un suivi régulier nécessaire pour la détection précoce des poussées et des complications potentiellement graves, incluant les infections. L'hypertension artérielle pulmonaire, l'hépatite auto-immune et les atteintes neurologiques compromettaient le pronostic.
1. Traitement du Lupus Érythémateux
Le traitement du lupus érythémateux varie selon la sévérité et la localisation des lésions. Dans cette étude, les antipaludéens de synthèse, notamment l'hydroxychloroquine, constituaient le traitement de première intention pour les formes cutanées. Une rémission complète des lésions cutanées a été observée chez 53% des patients. Pour les formes viscérales plus graves, une corticothérapie générale était mise en place, parfois sous forme de bolus de méthylprednisolone par voie intraveineuse lors de poussées sévères. La prednisone était le corticoïde oral de référence. La durée et le dosage de la corticothérapie variaient en fonction de la gravité de la maladie et des éventuelles rechutes. D'autres traitements, tels que le thalidomide (sous conditions strictes en raison de sa tératogénicité), la dapsone, et la salazopyrine (avec surveillance attentive des effets secondaires) ont été mentionnés, mais semblent avoir été utilisés de manière moins systématique. L'arrêt d'un traitement par hydroxychloroquine dans le lupus systémique est associé à un risque accru de poussée dans les six mois suivant l'arrêt, soulignant l'importance du traitement d'entretien.
2. Évolution et pronostic
L'évolution du lupus érythémateux est imprévisible, justifiant une surveillance clinique et biologique à long terme. La maladie évolue par poussées spontanément régressives. Dans cette étude, 11% des patients ont connu des poussées cutanées sans gravité majeure, et aucune évolution vers une forme systémique n'a été observée pendant la période d'étude. Le pronostic vital dépend fortement de l'apparition d'une insuffisance rénale chronique (prévisible et parfois évitable grâce à la biopsie rénale) et de complications neurologiques ou cardiaques imprévisibles. Cependant, la thrombopénie, les sérites spécifiques, ou une comitialité isolée ont un pronostic généralement favorable sous traitement. Les infections constituent la principale cause de décès et le deuxième motif d'hospitalisation, souvent liées à un traitement immunosuppresseur. Le pronostic est particulièrement compromis par l’hypertension artérielle pulmonaire, l’hépatite auto-immune et les atteintes neurologiques, soulignant l'importance d'un suivi multidisciplinaire pour une meilleure prise en charge.