
Thèse sur les Manifestations Systémiques du Lupus Érythémateux Disséminé
Informations sur le document
Auteur | Mlle Amal Bouchhab |
École | Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie Marrakech |
Spécialité | Médecine |
Lieu | Marrakech |
Type de document | thèse |
Langue | French |
Format | |
Taille | 1.08 MB |
- Lupus érythémateux disséminé
- Médecine interne
- Dermatologie
Résumé
I.Manifestations Cliniques du Lupus Erythémateux Systémique LES
Cette étude rétrospective, menée au CHU Mohammed VI de Marrakech entre juin 2003 et décembre 2007, a analysé 28 cas de Lupus Erythémateux Systémique (LES) (26 femmes, 2 hommes, âge moyen au diagnostic : 35,5 ans). Les manifestations cliniques les plus fréquentes étaient les arthrites (82%), la photosensibilité (67,8%), l'érythème malaire (46,4%) et la néphropathie lupique (39,3%). Une atteinte neuropsychiatrique a été observée chez 25% des patients, ainsi que des thromboses (25%) et des séritis (21,4%). Des anomalies hématologiques, notamment la lymphopénie (67,8%), la thrombopénie (35,7%) et l'anémie hémolytique (17,8%), ont également été notées. La positivité des anticorps antinucléaires, anti-DNA et anticardiolipines a été observée respectivement chez 56%, 50% et 93,7% des patients. L'étude met en évidence la grande polymorphisme clinique du LES à Marrakech.
1. Fréquence et Types de Manifestations Cliniques
L'étude rétrospective menée au CHU Mohammed VI de Marrakech entre juin 2003 et décembre 2007 a porté sur 28 patients atteints de Lupus Erythémateux Systémique (LES). L'analyse des données a permis d'identifier les manifestations cliniques les plus courantes du LES au sein de cette population. L'atteinte articulaire était prédominante, observée chez 82% des patients, soulignant la fréquence des arthrites dans cette cohorte. La photosensibilité, un critère diagnostique important du LES, était présente chez 67,8% des patients, indiquant une forte sensibilité à la lumière solaire. Un érythème malaire, caractéristique du lupus, a été observé chez 46,4% des individus. La néphropathie lupique, une complication rénale grave du LES, a été diagnostiquée chez 39,3% des patients. Ces résultats confirment la présence significative des manifestations articulaires, cutanées et rénales du LES dans la population étudiée à Marrakech. Il est important de souligner que ces fréquences peuvent varier selon les populations et les contextes géographiques.
2. Manifestations Hématologiques et Sérologiques
Outre les manifestations cliniques classiques du LES, l'étude a exploré les anomalies hématologiques et sérologiques associées à la maladie. Une lymphopénie, caractérisée par une diminution du nombre de lymphocytes dans le sang, a été observée chez un pourcentage significatif de 67,8% des patients. La thrombopénie, une diminution du nombre de plaquettes, était présente chez 35,7% des patients. Enfin, une anémie hémolytique, impliquant la destruction accélérée des globules rouges, a été diagnostiquée chez 17,8% des participants. Concernant les marqueurs sérologiques, les anticorps antinucléaires (ANAs) étaient positifs chez 56% des patients, confirmant l'auto-immunité. De plus, les anticorps anti-ADN natif, spécifiques du lupus, étaient positifs chez 50% des patients et les anticorps anticardiolipines (aCL), impliqués dans la survenue de phénomènes thrombotiques, étaient positifs chez un pourcentage élevé de 93,7% des patients. Ces données confirment la complexité du LES et soulignent l'importance d'une évaluation hématologique et sérologique complète pour le diagnostic et la prise en charge de la maladie.
3. Autres Manifestations Systémiques du LES
Au-delà des manifestations les plus fréquentes, l'étude a également documenté d'autres manifestations systémiques du LES chez les patients Marrakchis. Une atteinte neuropsychiatrique, incluant des troubles cognitifs, des céphalées, des convulsions, etc., a été observée chez 25% des individus. Les thromboses, liées souvent à des anticorps anticardiolipines, étaient présentes chez un quart (25%) des participants. Des séritis, des inflammations des séreuses, ont été notées chez 21,4% des patients. Deux patients (7%) ont présenté une ascite, un épanchement de liquide dans la cavité abdominale, en lien avec un syndrome œdémateux secondaire à une atteinte rénale. Un cas d'hépatite auto-immune présumée a été observé, survenant deux ans après le diagnostic de lupus. L'analyse de ces manifestations moins fréquentes mais potentiellement graves souligne la nécessité d'une surveillance médicale rigoureuse chez les patients atteints de LES pour un dépistage et une prise en charge précoces.
II.Atteinte Rénale et Thrombotique dans le LES
L'étude souligne la forte prévalence de la néphropathie lupique (LN), un facteur de risque important dans le LES. Deux cas de syndrome néphrotique ont été rapportés. Une corrélation significative a été trouvée entre les thromboses et la présence d'anticorps anticardiolipines (aCL) positifs (86% des patients avec thrombose présentaient des aCL positifs), confirmant le rôle de ces anticorps dans le développement de complications thromboemboliques. Ces résultats suggèrent un risque thrombotique accru chez les patients présentant des aCL, une LN et/ou le syndrome de Raynaud.
1. Néphropathie Lupique NL Fréquence et Caractéristiques
L'étude met en évidence une forte prévalence de la néphropathie lupique (NL) parmi les patients atteints de lupus érythémateux systémique (LES). Dans cette cohorte, la fréquence de la NL était de 39,3%, un chiffre significatif qui souligne l'importance de cette complication rénale dans le LES. L'analyse plus approfondie révèle que 100% des patients présentant une protéinurie supérieure à 0,5g/24h souffraient d'une atteinte rénale, avec deux cas de syndrome néphrotique. Cette observation met en lumière la gravité potentielle de l'atteinte rénale dans le LES et la nécessité d'une surveillance étroite de la fonction rénale chez ces patients. Il est à noter qu'aucune corrélation n'a été observée entre les manifestations initiales de l'atteinte rénale et le degré de l'atteinte histologique, suggérant une complexité dans l'évolution de la maladie. Des études antérieures, comme celle de Lê Thi Huong (80) ont montré une relation inverse entre les taux initiaux de protéinurie et le degré d'atteinte histologique. La classification OMS de 1995 a été utilisée pour la classification histologique des lésions rénales dans cette étude.
2. Thromboses et Anticorps Anticardiolipines aCL
L'étude a également exploré le lien entre les événements thrombotiques et la présence d'anticorps anticardiolipines (aCL) chez les patients atteints de LES. Une analyse bivariée a révélé une association significative entre les accidents thrombotiques et la positivité des aCL, avec 86% des patients ayant présenté des accidents thrombotiques présentant également des anticorps aCL positifs. Ce taux est proche de celui rapporté par Louzir (53), soit 71,4%, confirmant le rôle crucial des aCL dans la survenue de phénomènes thrombotiques dans le contexte du LES. Ces résultats renforcent l'hypothèse selon laquelle les aCL, particulièrement les aCL, sont des facteurs de risque importants pour le développement de thromboses chez les patients lupiques. Des études récentes, telle que celle de Choojitarom (143), ont montré que la néphropathie lupique (NL) et le syndrome de Raynaud étaient fortement prédictifs de la survenue d'une thrombose chez les patients aCL positifs, soulignant le risque thrombotique accru dans ces cas et justifiant une surveillance rapprochée ainsi qu'un traitement anticoagulant prophylactique.
III.Manifestations Cardiovasculaires et Pulmonaires du LES
L'étude a révélé une atteinte myocardique chez 7% des patients, un taux comparable à celui rapporté dans d'autres études. L'importance de l'échocardiographie systématique est soulignée pour un dépistage précoce des complications cardiaques. Concernant les manifestations pulmonaires, aucune pneumonie lupique aiguë n'a été observée dans cette cohorte, mais l'étude rappelle la gravité potentielle de l'hémorragie intra-alvéolaire (HIA).
1. Atteinte Myocardique
L'étude a révélé une atteinte myocardique chez 7% des patients. Ce taux est similaire à celui observé en Tunisie (53), mais significativement inférieur à celui rapporté par Chibane (125) en Algérie (31,3%), en Arabie Saoudite (33%) et au Danemark (20%). Cette différence est attribuée à l'utilisation d'une échocardiographie systématique dans l'étude de Chibane, suggérant que la fréquence réelle de la myocardite lupique pourrait être sous-estimée en l'absence d'un dépistage systématique. La myocardite lupique est souvent asymptomatique, détectée uniquement par échocardiographie. Elle peut se manifester par des troubles du rythme ou de la conduction, ou par une insuffisance cardiaque congestive. Les facteurs de risque classiques de l'athérosclérose ne suffisent pas à expliquer l'augmentation du risque cardiovasculaire chez les patients lupiques; d'autres facteurs propres au lupus, tels que le syndrome inflammatoire (CRP) et les anticorps antiphospholipides (aPL), notamment les anti-β2GP1, jouent un rôle significatif dans le développement de l'athérosclérose.
2. Manifestations Pulmonaires Pneumonie Lupique Aiguë et Hémorragie Intra alvéolaire
Concernant les manifestations pulmonaires, aucun cas de pneumonie lupique aiguë n'a été observé dans cette étude, alors que sa fréquence est estimée entre 2 et 10% dans la littérature (58). La pneumonie lupique aiguë se caractérise par un début brutal avec dyspnée, toux, fièvre, douleur pleurétique et parfois hémoptysies. L'hypoxémie est fréquente, et l'examen radiologique montre des infiltrats acinaires. L'histologie pulmonaire est non spécifique, incluant une inflammation, des hémorragies et nécroses alvéolaires. En revanche, l'hémorragie intra-alvéolaire (HIA), une complication rare (1 à 5,4%) mais grave du LES avec un taux de mortalité d'environ 40% (145), est mentionnée. Elle touche principalement les femmes (60 à 85% des cas) âgées de 25 à 35 ans (146). La HIA peut se présenter sous forme aiguë avec hémoptysie massive et détresse respiratoire, ou sous des formes plus mineures, chroniques ou infracliniques. La néphropathie lupique est une atteinte viscérale fréquemment associée à la HIA.
IV.Traitement et Pronostic du LES
Tous les patients ont reçu une corticothérapie systémique, et 35,7% ont été traités par cyclophosphamide. Après un suivi moyen de 14 mois, 44,44% des patients étaient en rémission complète, 33,33% en rémission partielle, et 2 décès (7,4%) ont été enregistrés (un d'origine infectieuse, un lié à une poussée rénale sévère). Le mycophénolate mofétil (MMF) est présenté comme une alternative au cyclophosphamide pour le traitement d'entretien de la néphropathie lupique sévère, avec une meilleure tolérance.
1. Traitement du LES dans l étude
Tous les patients inclus dans cette étude rétrospective menée au CHU Mohammed VI de Marrakech ont reçu une corticothérapie systémique. De plus, 35,7% des patients ont été traités avec du cyclophosphamide. L'utilisation du cyclophosphamide, bien que classique dans certains schémas thérapeutiques pour le lupus érythémateux systémique (LES), est associée à des effets secondaires indésirables, ce qui incite à minimiser les doses cumulées. Le mycophénolate mofétil (MMF) est présenté comme une alternative thérapeutique, notamment en traitement d'entretien, en raison de sa meilleure tolérance. Une méta-analyse récente (Zhun, 272) a démontré la supériorité du MMF sur le cyclophosphamide dans l'induction de la rémission en cas de néphropathie lupique sévère, avec moins d'effets secondaires. La prévention de la toxicité vésicale liée au cyclophosphamide a été assurée par une hyperhydratation parentérale et l'utilisation de protecteurs de la muqueuse vésicale (mesna) chez les patients de cette étude. L’utilisation du rituximab est mentionnée, mais avec une mise en garde sur le risque de leucoencéphalite multifocale progressive (LMP), nécessitant une information précise des patients et une surveillance attentive.
2. Pronostic et Résultats du Suivi
Après un suivi moyen de 14 mois, l'étude a montré des résultats encourageants concernant le pronostic du LES chez les patients suivis à Marrakech. 44,44% des patients étaient en rémission complète, et 33,33% en rémission partielle. Malgré ces résultats positifs, il est important de noter que deux décès (7,4%) ont été enregistrés durant la période d'étude. Un décès était d'origine infectieuse, tandis que l'autre était directement lié à l'activité de la maladie, plus précisément une poussée rénale sévère. Ces données soulignent la nécessité d'une surveillance médicale continue et d'une adaptation du traitement en fonction de l'évolution de la maladie. La gestion des formes graves de LES nécessite une corticothérapie précoce à forte dose, parfois précédée de bolus intraveineux de méthylprednisolone. Dans les cas d'atteinte rénale proliférative active, un schéma thérapeutique associant corticoïdes et cyclophosphamide intraveineux est souvent utilisé, mais le MMF ou l'AZA peuvent le remplacer en traitement d'entretien, voire en traitement d'attaque pour le MMF, en raison des effets secondaires du cyclophosphamide. La grossesse chez les patientes lupiques est abordée; une surveillance accrue est nécessaire, même en cas de lupus stabilisé, et la poursuite d'un traitement adapté est souvent préconisée.
V.Grossesse et Lupus
L'étude a suivi deux grossesses non programmées. Elle souligne l'importance de la surveillance des patientes enceintes atteintes de LES, notamment en cas de néphropathie active. L'hydroxychloroquine et la corticothérapie ont été systématiquement prescrites durant la grossesse dans cette série.
1. Grossesses Suivie et Complications
L'étude a suivi deux grossesses non programmées chez des patientes atteintes de lupus érythémateux systémique (LES). Une patiente, suivie pour un lupus cutanéo-articulaire, a présenté à 18 semaines d'aménorrhée (SA) une poussée lupique rénale sévère (syndrome néphrotique, polysérite, néphropathie classe IV), nécessitant un traitement intensif avec trois bolus de méthylprednisolone suivis de prednisone orale. Un retard de croissance intra-utérin a été observé chez le fœtus. À 27 SA, la patiente a développé un érysipèle, traité avec de l'amoxicilline. L'accouchement a eu lieu à 33 SA par voie basse, en présentation du siège, d'un bébé pesant 1,1 kg avec un score d'Apgar de 10/10. Cette observation souligne les risques importants de poussées lupiques et de complications obstétricales pendant la grossesse, notamment l'atteinte rénale sévère et le retard de croissance intra-utérin. Le cas met en lumière le besoin d'une surveillance médicale étroite et d'une prise en charge thérapeutique adaptée chez les femmes enceintes atteintes de LES.
2. Lupus et Grossesse Risques et Recommandations
L'étude souligne la corrélation entre l'activité du lupus au moment de la conception et la fréquence des poussées pendant la grossesse (195, 198). Pour les femmes ayant un lupus bien contrôlé et une période de rémission d'au moins trois mois avant la conception, le risque d'exacerbation de l'atteinte rénale est faible. Cependant, si la néphropathie lupique reste active, ce risque peut dépasser 50% (200). En cas de détérioration de la fonction rénale ou d'anomalies urinaires significatives, une biopsie rénale peut être envisagée pendant la grossesse (201). Dans cette étude, l'approche thérapeutique était différente de la pratique habituelle, avec une prescription systématique d'hydroxychloroquine et de corticoïdes à forte dose (20mg/kg/j de prednisone) pendant la grossesse, en plus d'une surveillance renforcée. La gestion des complications potentielles, comme un bloc auriculo-ventriculaire congénital (BAVC), implique un dépistage échographique dès la 16e-18e semaine de grossesse et un traitement adapté de la mère avec de la bétaméthasone en cas de BAVC incomplet.