
Thèse sur les Surdités chez l'Enfant
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Langue | French |
Format | |
Taille | 1.56 MB |
- Surdité
- Pédiatrie
- Médecine
Résumé
I.L ampleur du problème de la surdité chez l enfant au Maroc
Cette étude, menée sur 5 ans auprès de 78 enfants déficients auditifs à l'hôpital de jour de pédiatrie (1,12% des consultations), souligne l'importance de la surdité infantile au Maroc. Bien que le pourcentage ne soit pas représentatif de la prévalence nationale (un nombre important d'enfants étant suivis en ORL adulte), il met en évidence un besoin crucial de diagnostic et de prise en charge précoce. L'étude révèle une prédominance masculine (65,4% vs 34,6% filles), similaire aux observations en Grèce et en Turquie. La consanguinité est un facteur de risque significatif, observée dans 48,7% des cas, proche des données d'une étude marocaine de 2006 sur les mutations génétiques liées à la surdité non syndromique.
1. Prévalence et données de l étude
L'étude porte sur 78 enfants déficients auditifs suivis sur 5 ans à l'hôpital de jour de pédiatrie, représentant 1,12% des consultations. Ce chiffre, bien que ne reflétant pas la prévalence exacte au niveau national (un nombre significatif d'enfants sourds étant suivis dans des services d'ORL ou de neurologie pour adultes), met en lumière l'importance du problème de la surdité infantile au Maroc. L'étude sert de point de référence et souligne la nécessité d'une meilleure collecte de données épidémiologiques pour obtenir des chiffres plus précis sur l'incidence et la prévalence de la surdité chez les enfants marocains. Malgré les limites de l'échantillon, l'étude fournit une indication précieuse de la réalité du terrain.
2. Proportion filles garçons et facteur de consanguinité
Une analyse des données révèle une prédominance significative de garçons (65,4%) par rapport aux filles (34,6%) parmi les enfants atteints de surdité inclus dans l'étude. Cette observation est cohérente avec les résultats d'études similaires menées en Grèce et en Turquie, où un ratio similaire entre les sexes a été constaté. Les raisons de cette différence restent inconnues et ne semblent pas être liées aux facteurs étiologiques de la surdité. De plus, l'étude souligne le rôle important de la consanguinité comme facteur de risque. Un taux de consanguinité de 48,7% a été observé, se rapprochant des 56% rapportés dans une étude marocaine de 2006 menée par le département de génétique médicale de Rabat sur la mutation 35delG dans les surdités non syndromiques autosomiques récessives. Ces observations mettent en évidence la complexité des facteurs génétiques et environnementaux impliqués dans la surdité infantile au Maroc.
3. Conséquences de la surdité et besoins de dépistage précoce
La surdité, qu'elle soit congénitale ou prélinguale, entraîne des conséquences importantes et durables sur le développement sensoriel, langagier, cognitif, affectif et social de l'enfant. L'absence d'acquisition des bases d'une langue avant l'adolescence est fréquente, conduisant à des difficultés d'organisation de la pensée, de développement du langage intérieur, et d'interaction sociale. Ces enfants peuvent se sentir marginalisés, souffrir de frustration et d'infériorité, impactant leur réussite scolaire et professionnelle. L'étude met l'accent sur l'urgence du dépistage précoce et d'une prise en charge rapide, soulignant le lien entre la perception auditive du langage durant les six premiers mois de vie et le développement ultérieur du langage, comme démontré par Kuhl et al. La supériorité d'une prise en charge avant 6 mois par rapport à une prise en charge tardive est également mentionnée (Yoshinga et Itano). Le retard de langage observé dans 10,3% des cas de l'étude pourrait être imputable à l'absence de dépistage systématique et à un manque de sensibilisation des parents aux signes précoces de la surdité.
4. Difficultés d accès aux soins et facteurs socio géographiques
L'étude évoque les difficultés d'accès aux soins spécialisés pour une partie de la population marocaine, notamment en raison de la dispersion géographique et des facteurs socio-économiques. Le retard de consultation, souvent dû à un manque de sensibilisation des parents aux signes précoces de surdité, contribue à un diagnostic et une prise en charge tardifs. L'étude note que 21,8% des parents ont consulté pour une absence de réaction de l'enfant aux bruits, signalant l'importance de l'éducation des parents sur les premiers signes de surdité. La comparaison avec d'autres études, notamment celle de Mbou, souligne des différences dans la prévalence de certains troubles associés à la surdité, comme la régression du langage (2,6% dans cette étude vs 0% chez Mbou), le retard scolaire (2,6% vs 2%), les troubles de comportement et d'attention. Ces variations soulignent l'influence de facteurs socio-culturels et la nécessité d'adapter les stratégies de dépistage et de prise en charge au contexte marocain.
II. Épidémiologie de la surdité de l enfant et facteurs de risque
Plusieurs études internationales sur l'épidémiologie de la surdité chez l'enfant montrent des variations de prévalence selon les pays et les méthodes de recueil de données. L'étude marocaine souligne l'importance du dépistage universel, car le dépistage ciblé ne détecte que 50% des cas. Des facteurs de risque comme les infections ORL récidivantes, les malformations (fente palatine, trisomie 21), et la prématurité sont identifiés. Les enfants de parents sourds présentent un meilleur développement que ceux de parents entendants, soulignant l'importance de la communication parent-enfant. Le retard de langage est fréquent (10,3% dans cette étude), potentiellement lié à un manque de dépistage systématique et de sensibilisation des parents.
1. Variations de la prévalence et comparaisons internationales
La littérature scientifique montre des variations significatives de la prévalence de la surdité infantile selon les pays et les méthodes d'étude utilisées. Ces différences sont attribuées à la variabilité des méthodes de recrutement des patients et des critères diagnostiques appliqués. Il est donc difficile d'établir une prévalence universelle précise pour la surdité chez les enfants. L'étude souligne la complexité de comparer les résultats de différentes études épidémiologiques en raison de ces variations méthodologiques. Le manque d'harmonisation des protocoles de recherche rend difficile une synthèse globale sur l'épidémiologie de la surdité infantile à l'échelle internationale. Une meilleure standardisation des méthodes de collecte de données est nécessaire pour améliorer la comparabilité des résultats et l'établissement de chiffres plus robustes sur la prévalence de la surdité infantile à l'échelle mondiale.
2. Facteurs de risque et recommandations de dépistage
Plusieurs facteurs de risque de surdité infantile sont identifiés dans le document, notamment les infections rhinopharyngées récidivantes ou chroniques menant à des otites, les malformations congénitales comme la fente palatine et la trisomie 21, et des facteurs néonatals comme la prématurité, l'anoxie, les infections et l'hyperbilirubinémie. La consanguinité est également mise en avant comme un facteur important, avec un taux de 48,7% observé dans l'étude, proche des résultats d'une étude marocaine de 2006 (56%). Le document souligne l'insuffisance du dépistage ciblé des enfants à haut risque, qui ne détecte que 50% des cas de surdité, plaidant pour la mise en place de programmes de dépistage universel. Ces programmes, déjà implémentés avec succès aux États-Unis et en Angleterre, permettent un diagnostic et une prise en charge précoces, améliorant significativement le pronostic et le développement langagier de l'enfant. La nécessité d'un dépistage systématique, incluant les enfants sans facteurs de risque, est donc mise en avant comme une étape essentielle pour la prévention et la prise en charge optimale de la surdité infantile.
3. Influence de l environnement familial et développement de l enfant
Des études comparatives ont été menées sur le développement d'enfants déficients auditifs issus de parents malentendants et de parents entendants. Ces recherches montrent que les enfants sourds issus de parents sourds ont un développement émotionnel et cognitif meilleur, ainsi que des niveaux scolaires plus élevés que les enfants sourds issus de parents entendants. Ceci met en évidence l'importance du système de communication familial et l'impact de l'environnement sur le développement de l'enfant sourd. Une communication verbale mère-enfant plus riche et variée a été observée chez les mères sourdes par rapport aux mères entendantes. Le traumatisme lié à l'annonce du diagnostic est également considéré comme moindre chez les parents sourds (Meadow-Orlans et al.). L'étude souligne l'impact crucial de la communication précoce parent-enfant et l'influence de l'environnement familial sur le développement global de l'enfant sourd. La qualité de la communication, l'accompagnement parental et le soutien familial sont donc des éléments essentiels de la prise en charge globale.
4. Troubles associés et impact sur le développement
L'étude a relevé la présence de plusieurs troubles associés à la surdité chez les enfants suivis, soulignant les conséquences multifactorielles de la déficience auditive. Un handicap moteur, principalement lié à l'IMC (infirmité motrice cérébrale), a été constaté chez 39% des enfants. Chez 21,8% des enfants, un trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (THADA) a été diagnostiqué. La littérature scientifique suggère que les enfants sourds ont des niveaux d'impulsivité plus élevés que les enfants entendants, en lien avec des distorsions de la communication précoce. Cependant, l'étude précise que la surdité héréditaire n'augmente pas le risque de THADA, contrairement à la surdité acquise. Une neuropathie axonale héréditaire a été observée chez 4,3% des enfants. L'étude met en lumière l'importance d'une évaluation globale de l'enfant sourd, incluant la recherche de troubles associés pour une prise en charge adaptée et une meilleure compréhension de la complexité du développement des enfants atteints de déficience auditive.
III.Diagnostic et bilan audiologique chez l enfant
Le diagnostic de la surdité infantile repose sur des tests objectifs et subjectifs. Chez le nouveau-né, l'observation des réflexes auditifs (réflexe de Moro, clignement des paupières) et l'utilisation de jouets sonores sont essentiels. Les otoémissions acoustiques (OEA) permettent un dépistage rapide et non invasif des surdités supérieures à 40 dB. Pour les surdités plus profondes, des examens plus poussés comme le potentiels évoqués auditifs (PEA) et la tomodensitométrie (TDM) ou l'IRM peuvent être nécessaires. Un bilan orthophonique et un examen psychologique complètent le bilan afin d'évaluer les répercussions sur le langage et le développement cognitif. Les tests génétiques sont de plus en plus importants pour déterminer l'origine génétique de la surdité et proposer un conseil génétique aux familles.
1. Tests objectifs et subjectifs du nouveau né
Le diagnostic précoce de la surdité chez le nourrisson repose sur une combinaison de tests objectifs et subjectifs. Les tests subjectifs, utilisés dans les premières semaines de vie, consistent à observer les réactions de l'enfant à des stimulations sonores de forte intensité (70 à 100 dB) en champ libre. On observe des réactions telles que le réflexe de Moro, le clignement des paupières (réflexe cochléopalpébral), les réactions oculaires ou le réveil. L'utilisation de jouets sonores permet également de tester la réponse auditive du nourrisson en variant les fréquences et intensités des sons. Le réflexe acouotrope, ou réflexe d'orientation investigation (rotation de la tête et du tronc), ainsi que les réactions d'attention (mimique de surprise, arrêt de la motricité spontanée) sont également des indicateurs précieux. Le test au babymètre est mentionné comme une méthode utile pour obtenir un profil auditif du nouveau-né. Ces observations doivent être différenciées des réactions aléatoires de l'enfant, soulignant la nécessité d'une interprétation experte de ces données.
2. Otoémissions acoustiques OEA et autres examens
Les otoémissions acoustiques (OEA) constituent un test objectif rapide, non invasif et ne nécessitant pas de sédation. Il permet de dépister les surdités de plus de 40 dB en fournissant une réponse binaire : présence d'OEA (audition normale ou surdité légère) ou absence d'OEA (surdité moyenne, sévère ou profonde). Chaque oreille est testée séparément pour identifier une éventuelle surdité unilatérale. Malgré leur utilité, les OEA sont encore sous-utilisées en pratique clinique. Pour les investigations plus approfondies, la tomodensitométrie (TDM) est l'examen indiqué pour étudier l'oreille externe et moyenne, notamment en cas de surdité de transmission persistante ou de suspicion de malformation ossiculaire et cochléaire. En cas de surdité de perception bilatérale ou unilatérale, le scanner est souvent réalisé en première intention, seul ou avant une IRM. Le document souligne ainsi l'importance d'un ensemble d'examens complémentaires pour une évaluation complète de l'audition de l'enfant.
3. Bilan complémentaire et consultation génétique
Un bilan orthophonique et un examen psychologique avec détermination du quotient intellectuel sont indispensables pour compléter le bilan audiologique, quel que soit le degré et la latéralité de la surdité. Ce bilan permet d'évaluer les répercussions de la surdité sur la parole, le langage oral et écrit, et de déterminer la nécessité d'une rééducation. Même en cas de surdité légère ou unilatérale, le bilan orthophonique peut identifier des troubles perceptifs discrets pouvant entraîner des difficultés scolaires. Une consultation génétique est fortement recommandée, car la plupart des déficits auditifs sont d'origine génétique. De nombreux tests génétiques sont disponibles pour identifier la cause de la surdité et adapter la prise en charge. La recherche de l'origine génétique est cruciale car elle influence le dépistage, le suivi et le traitement des pathologies associées. Cependant, il est préférable d'attendre le démarrage de la prise en charge de l'enfant et de sa famille avant de réaliser ce bilan génétique.
IV.Prise en charge et rééducation de la surdité chez l enfant
La prise en charge de la surdité infantile est multidisciplinaire et doit être précoce. Elle inclut l'appareillage auditif (prothèses auditives, implant cochléaire), la rééducation orthophonique, et le soutien psychologique. Les prothèses auditives conventionnelles, les prothèses BAHA (conduction osseuse), et l'implant cochléaire sont les principales options thérapeutiques. L'implantation cochléaire est indiquée pour les surdités sévères et profondes, idéalement avant l'âge de 5 ans. La rééducation doit commencer tôt pour favoriser l'acquisition du langage et l'intégration scolaire. L'étude mentionne des difficultés liées à la prise en charge d'enfants atteints à la fois de surdité et de handicap moteur (IMC), nécessitant une approche multidisciplinaire et une rééducation précoce. Des troubles comme le THADA (trouble d’hyperactivité avec déficit de l'attention) sont également abordés, soulignant la complexité des interactions entre surdité et autres troubles du développement.
1. Appareillage auditif Prothèses et implants
La prise en charge de la surdité infantile implique souvent l'appareillage auditif. Plusieurs options sont disponibles, notamment les prothèses auditives conventionnelles, qui amplifient le son grâce à un microphone, un amplificateur et un transducteur. Le choix de la prothèse dépend de l'âge de l'enfant, de son audiogramme et de son anatomie. Des prothèses utilisant la conduction vibratoire, comme la prothèse Tactaid, sont également mentionnées, apportant des informations vibratoires au dos ou au torse. Pour les cas de surdité plus sévère, l'implant cochléaire est envisagé, après un bilan complet. Son implantation doit être la plus précoce possible pour optimiser le développement du langage, généralement entre 18 mois et 5 ans, voire plus tôt dans certains cas (États-Unis : autorisation dès 12 mois). L’implant d’oreille moyenne n’est pas encore utilisé chez les enfants, mais son développement futur est envisagé. Enfin, la prothèse BAHA (Bone Anchored Hearing Aid), prothèse semi-implantable utilisant la conduction osseuse directe, est une alternative pour les atteintes de transmission sans conduit appareillable ou les atteintes perceptionnelles ou mixtes.
2. Rééducation orthophonique et accompagnement
La rééducation orthophonique est essentielle, à débuter idéalement avant l'âge de 3 ans. Elle vise à préparer l'enfant à acquérir le langage et à intégrer le système éducatif classique. La collaboration étroite entre les parents, l'orthophoniste, et les autres professionnels de santé est primordiale. L'intégration scolaire est possible pour les surdités modérées, tandis que les surdités sévères et profondes nécessitent un suivi en établissement spécialisé. Les appareils auditifs sont généralement bien tolérés par les enfants, qui s'adaptent plus rapidement que les adultes grâce à la plasticité cérébrale. Le retrait systématique des prothèses peut avoir plusieurs causes : amplification inadéquate, otite, troubles psychoéducatifs ou manque de conviction des parents quant au diagnostic. Les prothèses auditives pour enfants sont généralement des contours d'oreille, avec des embouts souples renouvelés fréquemment en fonction de la croissance du conduit auditif externe.
3. Résultats de l implantation cochléaire et dépistage universel
Concernant l’implantation cochléaire, les résultats concernent principalement les acquisitions perceptives et la production de la parole. Après quelques mois, l’enfant reconnaît les éléments suprasegmentaux de la parole (rythme, durée, intensité). Après 1 à 2 ans, la reconnaissance de mots et de phrases connus est possible, avec un développement progressif de la capacité à identifier des mots et phrases hors contexte. Les scores de reconnaissance de mots augmentent significativement au cours des années suivant l’implantation. L'efficacité des programmes de dépistage universel des troubles auditifs, initiés aux États-Unis en 1992 et en Angleterre en 1993, est mise en évidence. Sur plus de 40 000 enfants dépistés, l’âge moyen d’appareillage est passé de 13,3 à 5,7 mois, démontrant l’impact positif de ces programmes sur le développement du langage. L’étude souligne ainsi l'importance de la précocité de la prise en charge pour optimiser les résultats à long terme.
4. Prise en charge spécifique et considérations particulières
La prise en charge des enfants atteints de surdité associée à un handicap moteur, comme dans 39% des cas de l'étude avec une atteinte de l'audition liée à l'IMC (infirmité motrice cérébrale), nécessite une approche multidisciplinaire et une rééducation précoce. Les difficultés d'apprentissage ne s'additionnent pas, mais se potentialisent. La rééducation doit intégrer des techniques de rééducation motrice et différentes méthodes d'aide à la communication. L'étude mentionne également le THADA (trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention) comme trouble associé dans 21,8% des cas. Les enfants sourds peuvent présenter des niveaux d'impulsivité plus élevés, potentiellement liés à des distorsions de la communication précoce. Cependant, selon Kelly et al., la surdité héréditaire n'augmente pas le risque de THADA, contrairement à la surdité acquise. La prise en charge doit donc être individualisée et adaptée à la complexité de chaque situation.