
Thèse sur les Tumeurs Superficielles de la Vessie
Informations sur le document
Auteur | Mr. Salk Ed-Dafi |
instructor/editor | Mr. D. Touiti (Professeur agrégé d’Urologie) |
École | Université Cadi Ayyad, Faculté de Médecine et de Pharmacie, Marrakech |
Spécialité | Médecine |
Type de document | thèse |
Lieu | Marrakech |
Langue | French |
Format | |
Taille | 2.25 MB |
- Tumeurs de la vessie
- Cystoscopie
- Prise en charge médicale
Résumé
I.Anatomie et Pathologie du Cancer de la Vessie
Ce document détaille l'anatomopathologie du cancer de la vessie, distinguant les tumeurs superficielles (Ta, T1, CIS) des tumeurs infiltrantes (T2, T3, T4). L'épaisseur du chorion (environ 1,4 mm selon Cheng [4]) et la présence ou l'absence de muscularis mucosae sont des éléments clés de la classification. Une étude de Chinaud [13] en Île-de-France sur 971 patients indique un âge moyen de 67 ans (25-93 ans). Le tabagisme et les infections urinaires chroniques sont identifiés comme facteurs de risque importants. La classification OMS 1973 et 2004 pour le grading des tumeurs est expliquée, soulignant l'importance du carcinome in situ et du carcinome haut grade pour la détermination du risque de progression.
1. Structure de la Vessie et Définition des Tumeurs
Cette section aborde l'anatomie microscopique de la vessie, en se concentrant sur le chorion ou lamina propria. Le document précise que le chorion, une lame de tissu conjonctif sous-jacente à l'urothélium, a une épaisseur d'environ 1,4 mm selon Cheng [4]. Sa structure est décrite comme comportant deux parties séparées par la muscularis mucosae, une mince couche de cellules musculaires lisses, décrite en 1983 par Dixon et Gosling [5]. L'épaisseur du chorion varie, étant particulièrement mince au niveau du trigone. La distinction fondamentale entre les tumeurs de la vessie superficielles (non infiltrantes) et les tumeurs infiltrantes le muscle vésical est soulignée. Les tumeurs superficielles sont classées en Ta, T1, et CIS, tandis que les tumeurs infiltrantes sont classées en T2, T3 et T4. Cette classification est cruciale pour déterminer le traitement approprié. Le document cite une étude de Chinaud [13] en Île-de-France portant sur 971 patients atteints d'une tumeur vésicale, révélant un âge moyen de 67 ans, avec une rareté de la maladie chez les moins de 40 ans (0,1 à 4% des cas selon d'autres études [14]).
2. Facteurs de Risque du Cancer de la Vessie
Une forte corrélation entre le tabagisme et le développement du cancer de la vessie est mise en évidence, avec une relation dose-réponse prouvée. Le risque relatif est estimé entre 2 et 10 selon les études, lié au nombre de cigarettes fumées et à la durée de la consommation [21]. La présence de carcinogènes vésicaux dans la fumée (hydrocarbures aromatiques polycycliques, N-nitrosamines, amines aromatiques polycycliques, amines hétérocycliques et composés inorganiques) est avancée comme explication. Par ailleurs, les infections urinaires chroniques sont identifiées comme un autre facteur de risque important, notamment chez les femmes et les personnes atteintes de lésions médullaires avec vessie neurologique (rétention chronique d'urine, sonde à demeure) [26]. Le mécanisme cancérigène impliqué fait intervenir les nitrosamines urinaires (produites par la flore bactérienne), responsables d'un processus inflammatoire chronique, d'hyperplasie régénérative et de métaplasie épidermoïde.
3. Classification et Stadification des Tumeurs Vésicales
La terminologie utilisée par les urologues pour qualifier les tumeurs de la vessie est expliquée, notamment la distinction entre tumeurs superficielles (non infiltrantes: Ta, T1, CIS) et tumeurs infiltrantes le muscle vésical (T2, T3, T4) [34]. Les tumeurs de stade pTa sont les plus fréquentes (40% de l'ensemble des tumeurs, y compris les infiltrantes), suivies des tumeurs pT1 (30%) et des carcinomes in situ (CIS, 1,5%) [38]. Une étude américaine de Droller [39] rapporte des proportions légèrement différentes: 50% de pTa (70% des superficielles), 20% de pT1 (30% des superficielles) et 3 à 5% de CIS. La classification OMS 1973 et 2004 pour le grading tumoral (G1, G2, G3) est abordée, soulignant les difficultés de distinction entre G1 et G2 et la recommandation d'utiliser les deux classifications. Le risque de progression est évalué globalement à 54%, variant significativement selon le nombre de foyers tumoraux (pTis unifocal: 8% à 16 ans; pTis multifocal: jusqu'à 78% à 16 ans) [51]. Des données de Wolf [52] confirment ces observations sur un échantillon de 31 patients.
II.Diagnostic du Cancer de la Vessie Symptômes et Examens
Les principaux symptômes du cancer de la vessie sont l'hématurie (présente dans 75-80% des cas) et les signes d'irritation vésicale (pollakiurie, brûlures mictionnelles, environ 20% des cas). Le diagnostic repose sur la cystoscopie, complétée par des examens d'imagerie tels que l'échographie, l'urographie intraveineuse (UIV) et l'IRM. L'uroscanner est utilisé pour les tumeurs infiltrantes ou T1 complexes. La cytologie urinaire permet la détection des cellules tumorales. De nouveaux tests de biologie moléculaire, comme ImmunoCyt™/uCyt+™ et le test NMP22, sont évoqués pour améliorer le dépistage et la surveillance, mais leur sensibilité et spécificité varient.
1. Symptômes du Cancer de la Vessie
Le diagnostic du cancer de la vessie commence souvent par l'identification de symptômes. L'hématurie, ou présence de sang dans les urines, est le symptôme le plus courant, signalé dans 75 à 80% des cas. En plus de l'hématurie, des signes d'irritation vésicale peuvent être présents dans environ 20% des cas. Ces signes incluent la pollakiurie (augmentation de la fréquence des mictions) et des brûlures mictionnelles. L'apparition de ces symptômes, en particulier en l'absence d'infection urinaire, de lithiase ou d'autre cause évidente, doit faire suspecter la possibilité d'un carcinome in situ vésical [53]. La présence simultanée de signes irritatifs et d'hématurie renforce cette suspicion.
2. Examens d Imagerie pour le Diagnostic
Une fois les symptômes suspectés, plusieurs examens d'imagerie sont utilisés pour confirmer le diagnostic de cancer de la vessie et déterminer son stade. L'échographie est un examen fréquemment utilisé pour la surveillance des tumeurs vésicales, Vallancien [53] rapportant une spécificité de 90% et une sensibilité de 74% pour détecter les récidives tumorales après résection transurétrale de tumeur vésicale (RTUV). L'urographie intraveineuse (UIV), un examen peu coûteux, peut révéler une lacune polycyclique caractéristique d'une tumeur, mais nécessite une préparation du patient et présente des contre-indications (insuffisance rénale, allergies à l'iode) [58]. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est particulièrement utile pour détecter une infiltration pariétale vésicale et évaluer le stade locorégional de la tumeur [64]. Barentsz et Roy [65] estiment sa fiabilité globale entre 73 et 96%, jugée supérieure au scanner. L'uroscanner est utilisé pour les tumeurs suspectées d'être infiltrantes à l'endoscopie ou les grosses tumeurs T1 où une sous-stadification est possible.
3. Cystoscopie et Cytologie Urinaire
La cystoscopie est un examen essentiel dans le diagnostic du cancer de la vessie. Cependant, sa sensibilité à la détection des tumeurs intradiverticulaires est limitée (60% des cas) en raison de la difficulté d'explorer toutes les parois des diverticules, en particulier ceux de grande taille et à collet étroit [67]. La cytologie urinaire, un examen simple, non invasif, rapide et peu coûteux, permet la détection des cellules tumorales desquamées dans les urines [69]. L'urine mictionnelle (après un léger exercice physique et en évitant la première miction matinale) est le matériel idéal. Le liquide de lavage vésical peut aussi être analysé. Malgré son utilité, la cytologie urinaire ne détecte pas les petites récidives, planes ou situées sur le dôme vésical [55], limitant sa sensibilité et la rendant peu recommandée pour la surveillance.
4. Nouveaux Tests de Biologie Moléculaire
Des tests de biologie moléculaire émergent pour compléter les méthodes traditionnelles de diagnostic et de surveillance du cancer de la vessie (cystoscopie, cytologie urinaire) [71]. Parmi ceux-ci, ImmunoCyt™/uCyt+™, un test d'immunocytofluorescence détectant les marqueurs de cellules exfoliées, présente une sensibilité globale de 90% et une spécificité variable (78-98%) [72]. Son intérêt réside dans la détection des tumeurs de bas grade. Le test uCyt+, combiné à la cytologie urinaire, permet de sélectionner les patients à risque accru de récidive et d'espacer les cystoscopies en cas de résultat négatif. Le test NMP22 (Nuclear Matrix Protein), une protéine de la matrice nucléaire, présente une sensibilité variable selon le volume tumoral, le stade et le grade de la tumeur (de 24,4% à 98,8%) [69], mais reste supérieur à la cytologie urinaire en terme de faux positifs (25%). L'utilisation de l'acide 5-aminolévulinique (5-ALA) en cystoscopie avec fluorescence est explorée, montrant une amélioration visuelle mais sans impact significatif sur la survie sans récidive [77].
III.Traitement du Cancer de la Vessie Options Thérapeutiques
Le traitement du cancer de la vessie dépend du stade et du grade de la tumeur. La résection endoscopique est une intervention chirurgicale essentielle pour le diagnostic et le traitement des tumeurs superficielles. L'immunothérapie endovésicale au BCG est une thérapie première intention pour de nombreux cas, avec des protocoles variés d'instillation (doses, fréquence). La chimiothérapie endovésicale (mitomycine C, épirubicine, doxorubicine) est une alternative. La cystectomie (totale ou partielle) est envisagée pour les cancers infiltrants. La thérapie photodynamique est également mentionnée. L'étude de Herr [144] et Thalmann [145] sur la cystectomie immédiate vs. différée après BCG est discutée, soulignant la complexité de la prise de décision thérapeutique.
1. Résection Endoscopique Traitement de Référence
La résection endoscopique est présentée comme le traitement opératoire de référence pour les tumeurs de la vessie. Cette procédure permet à la fois de préciser le diagnostic en obtenant une biopsie et de retirer la tumeur. La technique implique l'utilisation d'un résecteur endoscopique avec une anse électrique pour l'ablation et la coagulation du site tumoral. L'exploration complète de la muqueuse vésicale est essentielle pour identifier toutes les anomalies (tumeurs, zones érythémateuses). Une résection profonde est privilégiée pour une stadification précise et une coagulation de la base d'implantation pour détruire les cellules tumorales restantes, réduisant ainsi le risque de tumeur résiduelle. Des résections supplémentaires de la muqueuse prostatique ou de l'urètre prostatique peuvent être nécessaires, comme illustré par une série de cas où 17 patients (16,2%) ont subi une résection de l'urètre prostatique, révélant une tumeur chez 3 patients (17,6%) dont 2 carcinomes in situ et une tumeur papillaire TaG1 [90]. Le document mentionne également la possibilité de complications telles que la résorption du liquide d'irrigation, plus rare qu'après résection prostatique et souvent associée à une perforation vésicale intra-péritonéale [98].
2. Immunothérapie Endovésicale au BCG
L'immunothérapie endovésicale utilisant le Bacille de Calmette-Guérin (BCG) est décrite comme un traitement très efficace contre les récidives du cancer de la vessie, bien que son impact à long terme sur la progression nécessite des études supplémentaires. Le document explique les protocoles d'instillation du BCG, ainsi que les examens complémentaires nécessaires avant le traitement (bilan sanguin complet, ionogramme, ECBU, radio pulmonaire, IDR à la tuberculine, dosage du PSA chez l'homme) [122]. Des règles de bonne pratique pour les instillations sont détaillées pour minimiser les effets indésirables: respect des contre-indications (immunodéficience, tuberculose active, etc.), recueil des effets secondaires précédents, vérification de la stérilité urinaire, délai de trois semaines après résection, et hydratation après chaque instillation [122]. Des études comparant le BCG à la chimiothérapie endovésicale sont mentionnées, Lund-holm [134] montrant un taux de survie sans récidive supérieur avec le BCG (49% vs 34% avec mitomycine C) sur une période de 39 mois [134]. L'utilisation de faibles doses de BCG est également discutée, montrant une meilleure tolérance sans impact significatif sur l'efficacité [114].
3. Chimiothérapie Endovésicale et Autres Traitements
La chimiothérapie endovésicale, utilisant des agents comme la mitomycine C, l'épirubicine ou la doxorubicine, est une option thérapeutique, notamment pour les tumeurs à risque intermédiaire et élevé (4 à 8 instillations suivies d'une instillation mensuelle) [133]. L'utilité d'une chimiothérapie d'entretien au-delà de 6 mois n'est pas clairement établie. Le document mentionne la mitomycine C, un agent alkylant instable à pH acide ou basique, dont l'efficacité varie pour le traitement du carcinome in situ et dont l'instillation de BCG reste souvent préférée [106]. La cystectomie (totale ou partielle) est décrite comme une intervention chirurgicale pour les cancers infiltrants le muscle vésical, avec des techniques et complications associées. Les résultats de la cystectomie et différentes dérivation urinaire sont mentionnés. Des études comparatives sur la cystectomie immédiate versus différée après échec de la BCG-thérapie sont présentées, avec des résultats variables selon les études de Herr [144], Thalmann [145] et Denzinger [143].
4. Thérapie Photodynamique
La thérapie photodynamique est présentée comme une autre option thérapeutique pour le cancer de la vessie. Son principe repose sur la sensibilisation photochimique des cellules tumorales, nécessitant un photosensibilisateur (photofrin II), de la lumière (laser) et de l'oxygène [146]. Le document note que le traitement des carcinomes in situ donne de meilleurs résultats (66,6%) que celui des tumeurs papillaires (51%), probablement en raison de la faible épaisseur des CIS permettant une destruction complète par le rayonnement [146].
IV.Surveillance du Cancer de la Vessie après Traitement
Le programme de surveillance du cancer de la vessie après traitement varie en fonction du risque de récidive et de progression tumorale. Les recommandations du Comité de Cancérologie de l'Association Française d'Urologie (CCAFU) sont évoquées. La fréquence des cystoscopies, des analyses de cytologie urinaire et des examens d'imagerie (échographie, UIV) sont déterminées par le système de score EORTC qui prend en compte plusieurs facteurs de risque (nombre de tumeurs, taille, grade, etc.). L'utilisation d'un calculateur de risque en ligne (http://www.eortc.be/tools/bladdercalculator/default.htm) est suggérée. L'importance d'une deuxième résection endoscopique dans certains cas, selon Mersdorf [87], est soulignée.
1. Fréquence et Méthodes de Surveillance
Le programme de surveillance après traitement du cancer de la vessie dépend fortement de la probabilité de récidive et de progression de la tumeur. Le document souligne l'importance des recommandations du Comité de Cancérologie de l'Association Française d'Urologie (CCAFU) qui prennent en compte le risque évolutif de la tumeur traitée [156]. Pour les tumeurs à faible risque, une cystoscopie annuelle est recommandée pendant 5 ans, suivie d'une échographie vésicale annuelle pendant 5 ans supplémentaires. Pour les tumeurs à risque intermédiaire, un suivi plus intensif est proposé, avec des cystoscopies et cytologies urinaires à 3, 6 et 12 mois, puis annuellement pendant au moins 15 ans. Une urographie intraveineuse est conseillée tous les deux ans ou en cas de récidive. La nécessité d'une surveillance prolongée est donc mise en avant, avec une adaptation du protocole en fonction de l'évaluation initiale du risque.
2. Système de Score EORTC pour l Évaluation du Risque
Le document mentionne l'utilisation du système de scores EORTC pour déterminer la probabilité de récidive et de progression tumorale après traitement du cancer de la vessie. Ce système, basé sur 7 essais cliniques, prend en compte six facteurs cliniques et anatomo-pathologiques: le nombre de tumeurs, leur taille, le nombre de récidives, la présence de CIS, le stade et le grade [157]. Chaque paramètre reçoit un coefficient permettant un calcul du risque, accessible via un site internet (http://www.eortc.be/tools/bladdercalculator/default.htm). Ce calculateur permet de personnaliser la surveillance en fonction du profil de risque de chaque patient. L'utilisation de ce système d'évaluation objective permet d'optimiser la stratégie de surveillance et d'adapter la fréquence des examens de suivi en fonction du risque individuel.
3. Importance de la Deuxième Résection Endoscopique
Une partie du document aborde l'intérêt d'une deuxième résection endoscopique dans les 4 à 8 semaines suivant la résection initiale, particulièrement en cas de doute sur la précision du stade tumoral [89]. Cette recommandation concerne principalement les tumeurs de haut grade (G3) et de stade pT1, ainsi que les tumeurs pT1 dont les biopsies ne montrent pas d'invasion musculaire. Une étude de Mersdorf [87] sur 102 patients présentant des tumeurs superficielles de haut grade a montré une tumeur résiduelle dans 45% des cas initialement classés pTa et 58% des cas initialement classés pT1 après une deuxième résection. Cette deuxième intervention permet de mieux définir le stade et le grade, et de corriger les sous-stadifications initiales. Pour les tumeurs multifocales ou de grande taille, certains auteurs recommandent également une deuxième résection [76]. La variabilité dans l'interprétation du stade et du grade tumoral par les anatomopathologistes souligne l'importance d'une telle approche.
4. Nouveaux Tests de Biologie Moléculaire et Limitations des Méthodes
Le document évoque l'utilisation de nouveaux tests de biologie moléculaire pour la surveillance du cancer de la vessie, afin d'améliorer la détection des récidives et potentiellement espacer les cystoscopies [71]. Cependant, il est souligné que l'efficacité de ces tests est variable et qu'aucun n'est actuellement parfait (sensibilité et spécificité de 100%). L'échographie est également abordée comme méthode de surveillance, mais ses limitations sont mentionnées, notamment l'impossibilité de détecter les petites récidives planes ou situées sur le dôme de la vessie [55]. Une étude de Davies [154] comparant l'échographie couplée (sus-pubienne et endorectale) à la fibroscopie souple a montré des résultats similaires, mais l'échographie couplée est plus invasive et nécessite un radiologue expérimenté. Les auteurs concluent à l'insuffisance de sensibilité de l'échographie pour le diagnostic et la surveillance des tumeurs vésicales.